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Décisions

CJUE, 4e ch., 18 mars 2021, n° C-440/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pometon SpA

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras

Juges :

M. Piçarra, M. Šváby, M. Rodin, Mme Jürimäe (rapporteure)

Avocat général :

M. Hogan

Avocats :

Me Fabrizi, Me Veneziano, Me Molinaro

CJUE n° C-440/19 P

18 mars 2021

LA COUR (quatrième chambre),

1 Par son pourvoi, Pometon SpA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 mars 2019, Pometon/Commission (T‑433/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:201), par lequel celui-ci a annulé l’article 2 de la décision C(2016) 3121 final de la Commission, du 25 mai 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39792 – Grenaille abrasive métallique, ci-après la « décision litigieuse ») et a fixé le montant de l’amende infligée à Pometon à 3 873 375 euros.

Le cadre juridique

2 L’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose :

« Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. [...] »

3 Aux termes de l’article 23, paragraphes 2 et 3, de ce règlement :

« 2. La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE], ou

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]

3. Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

4 L’article 31 dudit règlement prévoit :

« La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. »

5 Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »), exposent, à leurs points 9 à 35, la méthodologie générale pour la fixation des amendes.

6 Le point 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes énonce :

« Bien que les présentes [l]ignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au point 21. »

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

7 Aux points 1 à 21 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé les antécédents du litige. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

8 Pometon est une entreprise italienne spécialisée dans le traitement des métaux. Elle a exercé une activité sur le marché de la grenaille abrasive métallique (ci-après la « grenaille abrasive ») jusqu’au 16 mai 2007, date à laquelle elle a vendu sa branche d’activité dans ce secteur à une entreprise française concurrente, Winoa SA.

9 La grenaille abrasive se compose de particules d’acier, de forme sphérique ou angulaire, et est principalement utilisée dans les industries sidérurgique, automobile, métallurgique, pétrochimique et pour la découpe de pierres. Elle est produite à partir de résidus de ferraille d’acier.

10 Par la décision litigieuse, la Commission a considéré que, pendant la période allant du 3 octobre 2003 au 16 mai 2007, Pometon avait participé soit directement, soit par l’intermédiaire de ses représentants ou des représentants de deux de ses filiales, Pometon España SA et Pometon Deutschland GmbH, à une entente consistant en des accords ou en des pratiques concertées avec quatre autres entreprises, à savoir le groupe américain Ervin Industries Inc. (ci-après « Ervin »), Winoa ainsi que deux sociétés allemandes, MTS GmbH et Würth GmbH, visant essentiellement à coordonner les prix de la grenaille abrasive dans l’Espace économique européen (EEE).

La phase d’instruction et l’ouverture de la procédure

11 À la suite d’une demande d’immunité d’amende formulée par Ervin au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17) et après avoir accordé à cette entreprise une immunité conditionnelle, la Commission a, du 15 au 17 juin 2010, procédé à des inspections inopinées dans les locaux de différents producteurs de grenaille abrasive parmi lesquels figuraient Pometon et ses filiales. Ultérieurement, elle a adressé plusieurs demandes de renseignements aux entreprises qui étaient, selon elle, parties à l’entente.

12 Le 16 janvier 2013, la Commission a, conformément à l’article 2 de son règlement (CE) n° 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), ouvert la procédure d’instruction prévue à l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, à l’égard d’Ervin, de Winoa, de MTS, de Würth ainsi que de Pometon. Elle leur a imparti un délai pour lui faire savoir par écrit si elles étaient disposées à prendre part à des discussions en vue de parvenir à une transaction, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004.

La procédure et la décision de transaction

13 Les cinq parties à l’entente alléguée ont exprimé leur volonté de prendre part à des discussions en vue de parvenir à une transaction. Du mois de février au mois de décembre 2013, trois cycles de réunions bilatérales ont ainsi eu lieu entre la Commission et les parties à l’entente, au cours desquels la substance des griefs ainsi que les preuves les sous-tendant leur ont été présentées. La Commission a communiqué à chaque partie à l’entente la fourchette des montants de l’amende qui était susceptible de lui être infligée.

14 Au mois de janvier 2014, les entreprises concernées ont présenté leurs propositions de transaction dans le délai imparti, à l’exception de Pometon, qui a décidé de se retirer de cette procédure.

15 Le 13 février 2014, la Commission a adressé une communication des griefs à chacune des quatre autres parties à l’entente alléguée. Le 2 avril 2014, elle a adopté la décision de transaction C(2014) 2074 final à leur égard, sur la base des articles 7 et 23 du règlement n° 1/2003 (ci-après la « décision de transaction »).

La décision litigieuse

16 Le 3 décembre 2014, la Commission a adressé une communication des griefs à Pometon.

17 Le 25 mai 2016, la Commission a adopté, sur la base des articles 7 et 23 du règlement n° 1/2003, la décision litigieuse.

18 Par cette décision, la Commission a, en substance, considéré que Pometon, ainsi que les autres participants à l’entente, avaient introduit, dans le cadre d’un premier volet de l’entente, un mode uniforme de calcul leur permettant de parvenir à une majoration coordonnée du prix de la grenaille abrasive, fondé sur des indices du prix de la ferraille (ci-après la « majoration ferraille »). Dans le cadre d’un second volet de l’entente, ils seraient, parallèlement, convenus de coordonner leur comportement en ce qui concerne les prix de vente de la grenaille abrasive pratiqués à l’égard de clients individuels, en s’engageant en particulier à ne pas se concurrencer par des baisses de prix (considérants 32, 33, 37 et 57 de la décision litigieuse).

19 La Commission a estimé que cette infraction constituait une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. En effet, non seulement les arrangements anticoncurrentiels des participants auraient tous porté sur la coordination des prix et concerné les mêmes produits, mais ils auraient eu lieu selon les mêmes modalités durant toute la période d’infraction, allant du 3 octobre 2003 jusqu’au 16 mai 2007. Enfin, les entreprises participant à l’infraction ainsi que les personnes agissant pour leur compte auraient été essentiellement les mêmes (considérants 107 et 166 de la décision litigieuse).

20 Par conséquent, selon la Commission, une telle entente avait pour objet de restreindre le jeu de la concurrence et produisait des effets importants sur les échanges du produit en cause entre les États membres et les parties à l’accord EEE (considérants 142 et 154 de la décision litigieuse).

21 La Commission a estimé que Pometon avait participé à l’entente à compter du 3 octobre 2003 et, se fondant sur le fait que Pometon ne s’était pas formellement dissociée de ladite entente, a considéré que cette participation s’était poursuivie jusqu’au 16 mai 2007, date à laquelle Pometon a vendu son activité dans le secteur de la grenaille abrasive à Winoa (considérants 160 et 166 de la décision litigieuse).

22 Sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission a fixé le montant de base de l’amende de Pometon à une somme correspondant à 16 % de la valeur des ventes réalisées par Pometon sur les marchés des pays de l’EEE au cours de l’année 2006, dernière année complète de la participation de cette entreprise à l’infraction en cause.

23 Ce taux a été obtenu en retenant un taux de base de 15 %, qui a été augmenté de 1 % pour tenir compte de l’extension géographique de l’infraction à l’ensemble de l’EEE (considérants 214 à 216 de la décision litigieuse). La partie variable du montant de base de l’amende a été, ensuite, augmentée d’une somme additionnelle fixe de 16 %, appliquée dans le but de dissuader les entreprises de conclure des accords de coordination des prix (considérant 220 de cette décision).

24 Le montant de base de l’amende ainsi calculé n’a fait l’objet d’aucune augmentation pour circonstances aggravantes. Au contraire, Pometon a bénéficié d’une réduction de ce montant de 10 % au titre de circonstances atténuantes, pour avoir participé, dans une moindre mesure que les autres entreprises, au second volet de l’entente (considérant 225 de la décision litigieuse).

25 Enfin, en application du point 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission a procédé à une adaptation du montant de base ajusté de l’amende (considérants 228 à 231 de la décision litigieuse), consistant en une réduction de 60 %.

26 Au vu de ces éléments, la Commission a constaté, à l’article 1er de la décision litigieuse, que Pometon avait enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE en participant, entre le 3 octobre 2003 et le 16 mai 2007, à une infraction unique et continue couvrant l’ensemble de l’EEE, concernant la coordination des prix dans le secteur de la grenaille abrasive.

27 À l’article 2 de cette décision, la Commission a infligé à Pometon pour cette infraction une amende d’un montant s’élevant à 6 197 000 euros.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2016, Pometon a introduit un recours tendant, pour l’essentiel, à l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende.

29 Pometon a soulevé cinq moyens devant le Tribunal.

30 Le premier moyen était tiré d’une violation du principe d’impartialité de la procédure, du principe de la présomption d’innocence ainsi que des droits de la défense, en ce que, dans la décision de transaction, la Commission lui aurait attribué des comportements spécifiques, conditionnant ainsi les accusations émises ensuite à son égard dans la décision litigieuse.

31 Le deuxième moyen était tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, du caractère insuffisant et contradictoire de la motivation ainsi que de la violation des droits de la défense et des règles relatives à la charge de la preuve, en ce que la Commission lui aurait imputé, en l’absence de preuves, la participation à une entente à laquelle elle n’aurait en réalité jamais pris part.

32 Le troisième moyen était tiré d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, en ce que la Commission aurait considéré que l’entente constituait une restriction de la concurrence par objet.

33 Par son quatrième moyen, Pometon contestait la durée de sa participation à l’entente et invoquait la prescription.

34 Enfin, par son cinquième moyen soulevé à l’appui de sa demande d’annulation ou de réduction du montant de l’amende, Pometon invoquait la violation de l’obligation de motivation ainsi que des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, en ce qui concerne l’adaptation exceptionnelle du montant de base de l’amende que la Commission avait effectuée en application du point 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

35 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les quatre premiers moyens et a accueilli le cinquième moyen.

36 Le Tribunal a, partant, annulé l’article 2 de la décision litigieuse et fixé le montant de l’amende infligée à Pometon à 3 873 375 euros, tout en rejetant le recours pour le surplus.

Les conclusions des parties au pourvoi

37 Pometon demande à la Cour :

– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse ;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal n’a pas considéré que Pometon avait cessé toute participation à l’entente litigieuse entre le 18 novembre 2005 et le 20 mars 2007 et de réduire, par voie de conséquence, le montant de l’amende qui lui a été infligée, et, en tout état de cause, de réduire ce montant, et

– de condamner la Commission aux dépens de la procédure en première instance et de la procédure de pourvoi.

38 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé et

– de condamner Pometon aux dépens.

Sur le pourvoi

39 À l’appui de son pourvoi, Pometon invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit du Tribunal en ce qu’il n’a pas estimé que la Commission avait violé le principe d’impartialité et la présomption d’innocence. Les deuxième et troisième moyens sont relatifs, d’une part, à l’application erronée des règles en matière de charge de la preuve et de présomption d’innocence et, d’autre part, à la motivation contradictoire ou insuffisante de l’arrêt attaqué en ce qui concerne, respectivement, la participation de cette entreprise au premier volet de l’entente et la durée de sa participation à l’entente. Le quatrième moyen porte sur la violation du principe d’égalité de traitement et la motivation prétendument contradictoire ou insuffisante de l’arrêt attaqué quant à la fixation du montant de l’amende qui a été infligée à Pometon.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

40 Par son premier moyen, Pometon soutient, en substance, que le Tribunal a commis, aux points 63 à 103 de l’arrêt attaqué, des erreurs de droit en estimant que la Commission n’avait pas méconnu, en adoptant la décision litigieuse, le principe d’impartialité et la présomption d’innocence, tels qu’interprétés par la jurisprudence issue, en particulier, de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») du 27 février 2014, Karaman c. Allemagne (CE:ECHR:2014:0227JUD001710310) et de l’arrêt du Tribunal du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795).

41 Selon Pometon, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 103 de l’arrêt attaqué, la décision litigieuse est entachée d’illégalité au motif que, dès l’adoption de la décision de transaction et ainsi que cela ressort des considérants 26, 28, 29, 31 et 36 à 38 de cette dernière, la Commission lui a imputé un comportement infractionnel précis. Elle estime que, dans ces conditions, cette institution n’a pu effectuer une appréciation impartiale lors de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse.

42 En premier lieu, la circonstance, qui serait erronée, relevée aux points 65 et 76 de l’arrêt attaqué, que la Commission, dans la note 4 de bas de page de la décision de transaction, aurait exclu expressément la culpabilité de Pometon, ne serait pas susceptible d’éviter des malentendus quant à la responsabilité de Pometon. En outre, sur ce point, la présente affaire se distinguerait de celle ayant conduit à l’arrêt du Tribunal du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795).

43 En second lieu, Pometon estime que le Tribunal, en ayant considéré, aux points 79, 81 et 83 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait agi conformément à l’arrêt de la Cour EDH du 27 février 2014, Karaman c. Allemagne (CE:ECHR:2014:0227JUD001710310), a méconnu les critères énoncés au point 64 de cet arrêt. Selon ces critères, aux fins de respecter la présomption d’innocence, les références faites à Pometon auraient dû être nécessaires ou indispensables pour apprécier la culpabilité des destinataires de la décision de transaction. Or, tel n’aurait pas été le cas en l’espèce et le Tribunal aurait accepté de tenir compte de références qui pouvaient « se révéler objectivement utiles » ou qui étaient « destinées à établir la seule responsabilité » des parties ayant transigé.

44 Plus particulièrement, premièrement, le constat, effectué au point 31 de la décision de transaction par la Commission, selon lequel les contacts se sont poursuivis avec Pometon jusqu’au 16 mai 2007, ne concernerait qu’un élément de responsabilité imputable à Pometon et serait sans pertinence pour apprécier la culpabilité des autres participants à l’entente. Pometon allègue que la mention de ce constat n’était pas indispensable, dès lors que, ainsi que le Tribunal l’a estimé, au point 89 de l’arrêt attaqué, par ledit constat, la Commission s’était bornée à préciser l’évolution dans le temps de l’entente et dès lors que les entreprises ayant transigé auraient admis avoir participé à l’entente jusqu’en 2010. En outre, si la Commission voulait faire état du transfert de l’activité de Pometon à Winoa, la mention de ce transfert aurait été suffisante.

45 De surcroît, au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait également constaté que la référence faite à Pometon au point 31 de la décision de transaction n’avait « pas pour objet de conclure à la responsabilité de [Pometon] dans l’infraction ». À cet égard, Pometon soutient qu’il résulte des points 41 et 65 de l’arrêt de la Cour EDH du 27 février 2014, Karaman c. Allemagne (CE:ECHR:2014:0227JUD001710310), que la présomption d’innocence est violée dès lors que la motivation d’une décision donne à penser que la Commission a considéré l’intéressé comme étant coupable ou qu’une telle référence a fait naître des doutes quant à un éventuel pré-jugement sur la culpabilité.

46 Pour ce même motif, deuxièmement, l’affirmation figurant au point 81 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les références à Pometon, qui sont mentionnées exclusivement au point 4 de la décision de transaction, intitulé « Description des événements », « ne comportent aucune qualification juridique à l’égard du comportement de cette entreprise », serait également non pertinente. De surcroît, elle serait erronée dès lors que la Commission ne se serait pas bornée à faire référence à certains faits imputables à Pometon, mais aurait qualifié son comportement d’« accord » ou d’entente au point 29 de cette décision. Par ailleurs, Pometon rappelle que, dans l’arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), le Tribunal a considéré que la Commission avait violé la présomption d’innocence en raison des mentions d’un tiers dans une décision relative à la transaction, malgré le fait que les passages contestés figuraient dans la partie de cette décision relative au rappel des faits et qu’ils ne comportaient pas de qualification juridique au regard de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

47 Troisièmement, au point 83 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait accordé une importance indue au fait que les références à Pometon étaient fondées sur les éléments de fait reconnus par les quatre entreprises ayant accepté de transiger. Le Tribunal aurait ainsi tenté de justifier le contenu de la décision de transaction en affirmant que celui-ci reproduisait le contenu des propositions de transaction signées par les parties ayant accepté de conclure une transaction. Or, Pometon soutient que ces propositions émanaient en réalité de la Commission. De surcroît, le pré-jugement de la Commission à son égard ressortirait clairement du libellé même desdites propositions, qui qualifierait des comportements attribués à Pometon d’« entente » et de « contacts anticoncurrentiels ».

48 À cet égard, Pometon précise, dans son mémoire en réplique, que son argumentation relative aux propositions de transaction est nécessaire compte tenu des appréciations du Tribunal et ne saurait donc être considérée comme étant irrecevable.

49 En défense, la Commission soutient que ce moyen est irrecevable, en tant qu’il tend à contester des appréciations factuelles relatives à la procédure administrative, qu’il vise à obtenir une nouvelle appréciation par la Cour du fond d’un moyen sur lequel le Tribunal a déjà statué et qu’il introduit de nouveaux griefs non avancés en première instance. En tout état de cause, ledit moyen serait non fondé.

Appréciation de la Cour

–  Sur la recevabilité

50 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission, C‑411/15 P, EU:C:2017:11, point 153).

51 En outre, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant le Tribunal. Dès lors, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour des moyens ou des arguments qu’elle n’a pas invoqués devant celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 43, et du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 26).

52 Enfin, si un pourvoi est irrecevable dans la mesure où il se limite à répéter les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, en revanche, dès lors que le requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission, C‑411/15 P, EU:C:2017:11, points 154 et 155 ainsi que jurisprudence citée).

53 En l’occurrence, par son premier moyen, Pometon estime que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit lorsqu’il a jugé, sur le fondement de critères erronés, le moyen pris d’une violation du principe d’impartialité et de la présomption d’innocence.

54 Contrairement aux allégations de la Commission, un tel moyen porte sur des questions de droit qui sont susceptibles de faire l’objet d’un examen au stade du pourvoi.

55 Toutefois, ainsi que le fait observer à juste titre la Commission, Pometon soulève, à l’appui du premier moyen, un argument nouveau au stade du pourvoi, tiré de la préparation, par la Commission, des propositions de transaction et de leurs effets, alors qu’elle aurait pu s’en prévaloir devant le Tribunal. Or, en application de la jurisprudence rappelée au point 51 du présent arrêt, cet argument n’est pas recevable.

56 Par conséquent, le premier moyen est recevable en tant qu’il ne porte pas sur ledit argument.

–  Sur le fond

57 Par son premier moyen, Pometon soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit en ayant jugé, au point 103 de l’arrêt attaqué, que, tant par les précautions rédactionnelles prises par la Commission dans la décision de transaction que par leur contenu substantiel, les mentions relatives à Pometon figurant dans cette décision ne sauraient être considérées comme l’indice d’un manque d’impartialité de cette institution à l’égard de Pometon et d’un non-respect de la présomption d’innocence dans la décision litigieuse.

58 À cet égard, il convient de rappeler que la Commission est tenue de respecter, au cours de la procédure administrative, les droits fondamentaux des entreprises concernées. Parmi ceux-ci figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), aux termes duquel toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 154 et 155).

59 Le principe d’impartialité, qui relève du droit à une bonne administration, doit être distingué du principe de la présomption d’innocence, lequel s’applique, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (arrêts du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 150, et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 73).

60 La présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union, qui est énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte (arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 72).

61 L’article 48 de la Charte correspond à l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi qu’il ressort des explications afférentes à cette disposition de la Charte. Il s’ensuit que, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, il convient de prendre en considération l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la CEDH aux fins de l’interprétation de l’article 48 de la Charte, en tant que seuil de protection minimale [arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 41].

62 Dans ces conditions, il importe de rappeler que le principe de la présomption d’innocence se trouve méconnu lorsqu’une décision judiciaire ou une déclaration officielle concernant un prévenu contient une déclaration claire, faite en l’absence de condamnation définitive, selon laquelle la personne concernée a commis l’infraction en question. Dans ce contexte, il convient de souligner l’importance du choix des termes employés par les autorités judiciaires ainsi que des circonstances particulières dans lesquelles ceux-ci ont été formulés et de la nature et du contexte de la procédure en question [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 43 ; voir également, en ce sens, Cour EDH, 27 février 2014, Karaman c. Allemagne, CE:ECHR:20140227JUD001710310, § 63].

63 Ainsi, dans les procédures pénales complexes où sont mis en cause plusieurs suspects ne pouvant être jugés ensemble, il arrive que la juridiction compétente doive impérativement, pour apprécier la culpabilité des prévenus, faire mention de la participation de tiers qui seront peut-être jugés séparément par la suite. Toutefois, si des faits relatifs à l’implication de tiers doivent être introduits, la juridiction concernée devrait éviter de communiquer plus d’informations qu’il n’est nécessaire à l’analyse de la responsabilité juridique des personnes passant en jugement devant elle. En outre, la motivation de décisions judiciaires doit être formulée en des termes qui sont de nature à éviter un jugement prématuré potentiel relatif à la culpabilité des personnes tierces concernées, susceptible de compromettre l’examen équitable des charges retenues contre celles-ci dans le cadre d’une procédure distincte [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 44 ; voir également, en ce sens, Cour EDH, 27 février 2014, Karaman c. Allemagne, CE:ECHR:20140227JUD001710310, §§ 64 et 65].

64 Compte tenu des points 59 à 61 du présent arrêt, la jurisprudence relative à la présomption d’innocence, exposée aux points 62 et 63 du présent arrêt, est pertinente, mutatis mutandis, lorsque la Commission adopte, au sujet d’une seule et même entente, successivement deux décisions ayant des destinataires différents à la suite de deux procédures distinctes, à savoir, d’une part, une décision prise à l’issue d’une procédure de transaction et destinée aux entreprises ayant transigé et, d’autre part, une décision prise au terme d’une procédure ordinaire et adressée aux autres entreprises ayant participé à l’entente.

65 Dans un tel cas, qualifié de procédure « hybride », qui conduit à l’adoption de décisions successives, il peut, en effet, être objectivement nécessaire que la Commission aborde, dans la décision mettant fin à la procédure de transaction, certains faits et comportements concernant des participants à l’entente alléguée qui font l’objet de la procédure ordinaire. À la lumière de la jurisprudence citée aux points 62 et 63 du présent arrêt, il incombe toutefois à la Commission de veiller, dans la décision mettant un terme à la procédure de transaction, à préserver la présomption d’innocence des entreprises qui ont refusé de transiger et qui font l’objet d’une procédure ordinaire.

66 Afin de contrôler le respect de la présomption d’innocence par la Commission, il appartient au juge de l’Union d’analyser une décision mettant un terme à la procédure de transaction et sa motivation dans son ensemble et à la lumière des circonstances particulières dans lesquelles celle-ci a été adoptée. En effet, toute référence explicite, dans certains passages de cette décision, à l’absence de responsabilité des autres participants à l’entente alléguée serait vidée de son sens si d’autres passages de ladite décision étaient susceptibles d’être compris comme une expression prématurée de leur responsabilité [voir, par analogie, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 46].

67 C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il y a lieu de vérifier si, comme l’allègue Pometon, le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’appréciation du premier moyen soulevé devant lui et tiré d’une violation, par la Commission, du principe d’impartialité et de la présomption d’innocence.

68 À cet égard, il convient d’observer que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a vérifié, en substance, d’une part, si la Commission a pris les précautions rédactionnelles suffisantes dans la décision de transaction afin d’éviter un jugement prématuré quant à la participation de Pometon à l’entente et, d’autre part, si les références à cette dernière figurant dans la décision de transaction étaient nécessaires.

69 En effet, en premier lieu, s’agissant des précautions rédactionnelles, le Tribunal a estimé, aux points 65 et 76 de l’arrêt attaqué, que la Commission, notamment dans la note 4 de bas de page de la décision de transaction, avait exclu expressément, à ce stade de la procédure, la culpabilité de Pometon, en soulignant que cette décision était exclusivement destinée aux quatre entreprises ayant accepté de transiger, et que le dossier concernant Pometon serait traité ultérieurement, dans une procédure distincte et contradictoire.

70 Le Tribunal a encore relevé, aux points 67, 81 et 82 de cet arrêt, que les motifs de la décision de transaction ne comportaient aucune qualification juridique des faits visant Pometon, laquelle était mentionnée uniquement au point 4, intitulé « Description des événements », de cette décision, et que cette décision désignait Pometon, à son point 2.25, non pas en tant que partie à la procédure de transaction et destinataire de ladite décision, mais en tant qu’entreprise faisant l’objet de la procédure d’instruction ouverte à l’égard des participants à l’entente alléguée.

71 Les arguments de Pometon ne sont pas de nature à établir que ces appréciations sont entachées d’une erreur de droit.

72 Premièrement, s’agissant de l’argumentation de Pometon résumée au point 42 du présent arrêt, il y a lieu de relever que, à supposer que Pometon entendait invoquer une lecture erronée, par le Tribunal, de la note 4 de bas de page de la décision de transaction et, partant, une dénaturation de cette décision, un tel argument ne saurait prospérer.

73 S’il est vrai que cette note de bas de page n’indique pas de manière expresse que la responsabilité de Pometon dans l’entente alléguée est exclue, il n’en demeure pas moins qu’elle indique sans équivoque que Pometon n’est pas destinataire de la décision de transaction, qu’elle fait l’objet d’une procédure distincte et que les références à Pometon figurant dans ladite décision sont utilisées exclusivement pour établir la responsabilité des autres participants à l’entente. Dès lors, le Tribunal n’a pas effectué une lecture erronée de ladite note de bas de page lorsqu’il a affirmé, au point 65 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait exclu la culpabilité de Pometon dans la même note de bas de page, étant rappelé que le Tribunal a pris soin de préciser que cette exclusion n’avait été opérée qu’« à ce stade de la procédure ».

74 Dans ces conditions, ne saurait non plus prospérer l’argument de Pometon, selon lequel, en substance, le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a retenu que l’exclusion de la culpabilité de Pometon à la note 4 de bas de page de la décision de transaction permettait d’éviter des malentendus quant à la responsabilité de cette entreprise pour l’infraction.

75 Deuxièmement, dans la mesure où Pometon allègue que, notamment au point 29 de la décision de transaction, la Commission a fait mention d’un « accord » (agreement) conclu entre les parties à la procédure de transaction et Pometon et qu’elle a qualifié le comportement attribué à cette dernière, il convient d’observer que, ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit aux points 67, 81 et 82 de l’arrêt attaqué, la Commission n’a aucunement, dans la décision de transaction, qualifié le comportement de Pometon de comportement anticoncurrentiel. Cette institution s’est, au contraire, limitée à faire état du comportement de cette entreprise dans le cadre de la description des éléments de fait. D’ailleurs, contrairement aux allégations de Pometon, la Commission a évité d’employer le terme « entente » dans ce cadre.

76 Au regard de ces éléments, le Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur de droit, considérer, notamment au point 103 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait pris des précautions rédactionnelles suffisantes. En effet, cette institution a fait preuve de la prudence rédactionnelle requise en mettant en évidence le fait qu’elle n’était pas appelée à statuer sur la participation de Pometon à l’entente alléguée afin non seulement d’éviter, comme le Tribunal l’a relevé aux points 76 et 84 de l’arrêt attaqué, tout préjugé délibéré, voire définitif, de la responsabilité de cette dernière, mais encore, conformément à la jurisprudence citée au point 63 du présent arrêt, tout préjugé, fût-il potentiel, de cette responsabilité.

77 En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation du caractère nécessaire des références faites à Pometon dans la décision de transaction, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure hybride conduisant à l’adoption de décisions successives, la Commission doit, sous le contrôle du Tribunal, éviter de communiquer plus d’informations quant à l’implication d’un tiers à une telle décision, tel que Pometon, qu’il n’est nécessaire à la qualification de la responsabilité des destinataires de cette décision [voir, par analogie, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 44].

78 En l’occurrence, le Tribunal a indiqué, au point 77 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu d’apprécier si les références à Pometon figurant dans la décision de transaction pouvaient être effectivement considérées comme étant nécessaires à une description aussi complète que possible des faits à l’origine de l’entente en cause.

79 Dans ce contexte, il a relevé, au point 79 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant d’une procédure hybride ayant conduit à l’adoption successive de deux décisions, les références à certains comportements de Pometon figurant dans la décision de transaction pouvaient « se révéler objectivement utiles à la description de l’origine de l’entente dans son ensemble ». Aux points 81 à 83 de cet arrêt, il a notamment estimé que les motifs comportant ces références n’énonçaient aucune qualification juridique du comportement de cette entreprise compte tenu des précautions rédactionnelles prises par la Commission. Aux points 88 et 89 dudit arrêt, il a écarté les arguments de Pometon selon lesquels les références faites à cette entreprise aux considérants 31 et 37 de cette décision n’étaient pas nécessaires.

80 Les arguments avancés par Pometon au stade du pourvoi ne sont pas de nature à remettre en cause ces appréciations.

81 En effet, premièrement, si le Tribunal a indiqué, au point 79 de l’arrêt attaqué, que les références faites à Pometon pouvaient être objectivement utiles à la description de l’origine de l’entente dans son ensemble, énonçant ce faisant un critère plus souple que celui de la nécessité requis par la jurisprudence rappelée au point 77 du présent arrêt, il ressort toutefois clairement d’une lecture conjointe des points 79 et 80 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a tiré aucune conclusion de l’appréciation de l’utilité objective de ces références et qu’il a, au contraire, notamment aux points 85 et 88 de l’arrêt attaqué, examiné, à la lumière de l’arrêt de la Cour EDH du 27 février 2014, Karaman c. Allemagne (CE:ECHR:20140227JUD001710310, § 63), le caractère nécessaire ou non desdites références.

82 Deuxièmement, dans la mesure où Pometon conteste l’appréciation de la nécessité des références la visant, il convient de préciser que cette partie critique uniquement l’appréciation, figurant au point 89 de l’arrêt attaqué, de la référence faite à elle au considérant 31 de la décision de transaction.

83 À ce considérant, la Commission a constaté que « [l]es contacts se sont poursuivis avec Pometon jusqu’au 16 mai 2007, date à laquelle Pometon a vendu son activité de grenaille abrasive [...] à Winoa et a quitté le marché ». Ledit considérant s’insère dans le quatrième chapitre de la décision de transaction, intitulé « Description des événements » et, plus particulièrement, dans la première partie de ce chapitre intitulée « Nature et envergure du comportement », laquelle débute, au considérant 26 de cette décision, par une référence aux contacts fréquents entre Erwin, Winoa, MTS, Würth et Pometon. Selon le considérant 32 de ladite décision, c’est au cours de l’été 2007, à savoir après le 16 mai 2007, que les autres participants à l’entente ont révisé la majoration ferraille. La mention de Pometon au considérant 31 de la même décision permettait ainsi d’expliquer une évolution du comportement reproché aux autres participants à l’entente, visés par ladite décision.

84 C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a estimé que cette mention tendait uniquement à préciser l’évolution dans le temps de l’entente à laquelle ont admis avoir participé les quatre entreprises parties à la procédure de transaction et a, en substance, considéré qu’elle était nécessaire.

85 Troisièmement, en tant que Pometon allègue que la Commission a procédé, dans les motifs de la décision de transaction, à une qualification juridique de ses comportements, son argumentation doit être écartée pour le motif exposé au point 75 du présent arrêt.

86 En dernier lieu, s’agissant des arguments de Pometon, tirés de la comparaison de la présente affaire avec celle ayant conduit à l’arrêt du Tribunal du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 66 du présent arrêt, la question de savoir si la Commission a méconnu la présomption d’innocence dépend des décisions de transaction propres à chaque affaire, y compris de leur motivation, ainsi que des circonstances particulières dans lesquelles celles-ci ont été adoptées.

87 Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

88 Par son deuxième moyen, Pometon fait valoir, en substance, que le Tribunal a, aux points 129 à 160 de l’arrêt attaqué, commis des erreurs de droit en ayant appliqué de manière erronée les principes en matière de charge de la preuve et en ayant omis d’appliquer le principe de la présomption d’innocence. Elle soutient également que cet arrêt est, à cet égard, motivé de manière contradictoire ou insuffisante.

89 En premier lieu, aux points 129 à 147 de cet arrêt, le Tribunal aurait indiqué comme non contestés des faits et une responsabilité que Pometon aurait contestés dans sa requête en première instance. Pometon renvoie, à ce dernier titre, à certains points spécifiques de cette requête.

90 En second lieu, Pometon soutient que le Tribunal a constaté, aux points 142, 144 et 145 dudit arrêt, sa participation à l’entente sur la base de suppositions ou d’évaluations fondées sur le caractère raisonnable ou la vraisemblance de certains événements. Ce faisant, il aurait méconnu la jurisprudence selon laquelle, premièrement, la participation d’une entreprise à une entente ne saurait être inférée de spéculations opérées sur le fondement d’éléments imprécis, deuxièmement, les éléments de preuve devraient être suffisamment crédibles, précis et concordants pour fonder la ferme conviction que la requérante a participé à l’entente et devraient permettre de conclure au-delà de tout doute raisonnable à l’existence d’une infraction et, troisièmement, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge devrait profiter à l’entreprise concernée.

91 La Commission soutient que le deuxième moyen est irrecevable, en tant qu’il vise des appréciations de fait, qu’il est dirigé contre la décision litigieuse et qu’il est en partie une réitération des arguments avancés au soutien du deuxième moyen du recours en première instance. En tout état de cause, ce moyen serait non fondé.

Appréciation de la Cour

92 À titre liminaire, il convient de constater que, par le deuxième moyen, Pometon fait valoir, pour l’essentiel, que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’application des principes régissant la charge de la preuve des infractions en matière de droit de la concurrence et a violé l’obligation de motivation lui incombant. Dès lors que ce moyen soulève des questions de droit susceptibles d’être examinées par la Cour au stade d’un pourvoi, il est recevable.

93 Il convient de relever que, aux points 129 à 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié les arguments de Pometon tendant à contester la preuve de sa participation au premier volet de l’entente, relatif au mode de calcul de la majoration ferraille.

94 À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 129 de l’arrêt attaqué, que Pometon ne remettait pas en cause sa « responsabilité initiale » dans ce volet de l’entente, en raison de son implication dans la conclusion d’un accord sur le mode de calcul de la majoration ferraille et la préparation de cet accord. Il a considéré, aux points 132 à 147 de cet arrêt, que la Commission avait établi à suffisance de droit que la majoration ferraille était automatiquement applicable entre les participants à l’entente. Eu égard à cette automaticité et aux éléments du dossier, le Tribunal a écarté, aux points 148 à 159 dudit arrêt, l’argumentation de Pometon selon laquelle la participation à des réunions et à d’autres contacts était nécessaire à la mise en œuvre du premier volet de l’entente à partir de 2004. Au vu de ces éléments, le Tribunal a jugé, au point 160 du même arrêt, que la participation de Pometon à ce volet était pleinement établie.

95 En premier lieu, il convient de considérer que, ce faisant, le Tribunal a motivé à suffisance de droit son appréciation des arguments avancés devant lui par Pometon. Il s’ensuit que l’argumentation de Pometon tirée d’une insuffisance ou d’une contradiction de la motivation, qui n’est d’ailleurs guère étayée, doit être écartée comme étant non fondée.

96 En second lieu, s’agissant des allégations d’erreurs de droit quant à l’application des règles de preuve en matière de droit de la concurrence, il y a lieu de relever, premièrement, que l’argumentation de Pometon, selon laquelle le Tribunal aurait erronément tenu certains faits et « une responsabilité » pour non contestés procède d’une lecture partielle et erronée de l’arrêt attaqué.

97 Certes, au point 129 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que Pometon « ne met[ait] pas en doute sa responsabilité initiale dans le premier volet de l’entente », ce qui, hors contexte, pourrait être compris en ce sens que, selon le Tribunal, Pometon ne contestait pas sa responsabilité et, ainsi, sa participation à l’entente. Il ressort cependant clairement d’une lecture d’ensemble des points 129 à 160 de cet arrêt que, à ce point 129, le Tribunal a entendu constater que Pometon ne contestait pas, en tant que tel, le fait qu’elle avait contribué à la mise en place du système de majoration ferraille et non pas qu’elle ne contestait pas sa participation à l’entente.

98 En outre, à supposer même que Pometon cherche à reprocher au Tribunal d’avoir ainsi dénaturé sa requête en première instance, il y a lieu d’observer que, dans les passages de cette requête visés dans le cadre du présent moyen, Pometon a contesté, en des termes généraux, sa participation à l’entente sans toutefois remettre en cause sa présence à la rencontre du 3 octobre 2003, lors de laquelle le mode de calcul de la majoration ferraille a été instauré. D’ailleurs, Pometon a même confirmé sa présence à cette rencontre dans sa réplique déposée devant la Cour.

99 Deuxièmement, dans la mesure où Pometon reproche au Tribunal d’avoir méconnu, en particulier aux points 142, 144 et 145 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence relative à la charge de la preuve en matière de droit de la concurrence, il convient d’observer que, aux points 132 à 147 de cet arrêt, le Tribunal a dûment examiné les éléments de preuve produits par la Commission. Il a déduit de l’ensemble de ces éléments que la Commission avait établi à suffisance de droit l’application automatique de la majoration ferraille.

100 Cette appréciation ne saurait être remise en cause par le fait que, aux points 142, 144 et 145 de l’arrêt attaqué, spécifiquement visés par Pometon, le Tribunal a employé des formulations nuancées, en recourant à des termes tels que la « vraisemblance » ou la « supposition ».

101 En effet, ces points de l’arrêt attaqué s’intègrent dans une appréciation des éléments de preuve documentaires du dossier de la Commission, par laquelle le Tribunal a, en substance, validé le faisceau d’indices apportés par la Commission, conformément à la jurisprudence relative à la preuve des infractions en matière de droit de la concurrence. Selon cette jurisprudence, cette preuve peut, en effet, être rapportée, par la Commission, au moyen d’un faisceau d’indices objectifs et concordants qui, appréciés dans leur ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une telle infraction et ce quand bien même l’un ou l’autre de ces indices ne serait, pris à lui seul, pas suffisant à ce titre (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, points 50 à 52).

102 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

103 Par son troisième moyen, Pometon soutient que, aux points 289 à 316 et 373 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, d’une part, violé les règles en matière de charge de la preuve et de présomption d’innocence ainsi que, d’autre part, méconnu l’obligation de motivation qui lui incombe dans son analyse de la durée de la prétendue participation à l’infraction.

104 En premier lieu, le Tribunal aurait renversé la charge de la preuve en jugeant, aux points 308 et 309 de l’arrêt attaqué, que l’absence de contacts collusoires entre Pometon et les autres parties à l’entente ne permettait pas de considérer que Pometon avait interrompu sa participation à l’entente et que Pometon n’invoquait aucun élément permettant de supposer que des contacts collusoires étaient indispensables pour poursuivre sa participation à l’entente. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu sa propre jurisprudence, selon laquelle la constatation qu’il n’existe pas de preuves ni d’indices pouvant laisser penser que l’infraction s’était interrompue en ce qui concerne un requérant ne peut devenir pertinente avant que la Commission n’ait satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en présentant des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon à ce qu’il puisse être raisonnablement admis qu’une infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.

105 En second lieu, Pometon estime que, à la lumière des caractéristiques de l’entente, qui, selon la Commission, a été mise en place au moyen de contacts fréquents, continus et récurrents, la circonstance qu’elle n’a pas participé aux douze réunions qui ont eu lieu, entre les années 2005 et 2007, entre les autres parties à l’entente devrait conduire à constater qu’elle a interrompu sa participation à cette entente.

106 Une telle constatation s’imposerait d’autant plus que, dans d’autres affaires, le Tribunal aurait reconnu qu’une participation à une entente a été interrompue en cas d’absence de contacts ou de manifestations collusoires pendant une période inférieure à un an ou une période de seize mois.

107 La Commission soutient que le troisième moyen est irrecevable, au motif que la question de l’interruption de la participation de Pometon à l’entente relève d’une appréciation factuelle, et qu’il est, en tout état de cause, non fondé.

Appréciation de la Cour

108 À titre liminaire, s’agissant de la recevabilité du troisième moyen, d’une part, il convient de rappeler que la question de la répartition de la charge de la preuve, bien qu’elle puisse avoir une incidence sur les constatations de fait opérées par le Tribunal, constitue une question de droit (arrêt du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, EU:C:2004:2, point 61). Il s’ensuit que, dans la mesure où Pometon reproche, en substance, au Tribunal d’avoir opéré un renversement de la charge de la preuve quant à la durée de sa participation à l’infraction, ce moyen est recevable.

109 D’autre part, en faisant valoir que sa participation à l’infraction a été interrompue, Pometon cherche à obtenir une nouvelle appréciation des faits qui échappe, conformément à la jurisprudence rappelée au point 50 du présent arrêt, à la compétence de la Cour sur pourvoi. Il s’ensuit que, dans cette mesure, le troisième moyen est irrecevable.

110 À titre principal, s’agissant du bien-fondé de ce moyen, dans la mesure où il a été jugé recevable, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 70 et jurisprudence citée).

111 De tels indices et coïncidences permettent, lorsqu’ils sont évalués globalement, de révéler non seulement l’existence de comportements ou d’accords anticoncurrentiels, mais également la durée d’un comportement anticoncurrentiel continu et la période d’application d’un accord conclu en violation des règles de concurrence (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 71 et jurisprudence citée).

112 S’agissant de l’absence de preuve de l’existence d’un accord au cours de certaines périodes déterminées ou, tout au moins, de sa mise en œuvre par une entreprise au cours d’une période donnée, il convient de rappeler que le fait qu’une telle preuve n’a pas été rapportée pour certaines périodes déterminées ne fait pas obstacle à ce que l’infraction soit regardée comme constituée durant une période globale plus étendue que celles-ci, dès lors qu’une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants. Dans le cadre d’une infraction s’étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l’entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l’existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s’inscrivent dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 72 et jurisprudence citée).

113 Il résulte également de la jurisprudence que l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans distanciation publique de son contenu ni dénonciation aux autorités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte. Cette complicité constitue un mode passif de participation à l’infraction qui est de nature à engager la responsabilité de l’entreprise concernée (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 73 et jurisprudence citée).

114 Il découle de cette jurisprudence que la Commission peut considérer que l’infraction, ou la participation d’une entreprise à l’infraction, ne s’est pas interrompue, même si elle ne détient pas de preuves de l’infraction pour certaines périodes déterminées, lorsque les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et sont susceptibles de s’inscrire dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu et lorsque l’entreprise concernée n’a pas invoqué d’indices ou d’éléments de preuve établissant que, au contraire, l’infraction, ou sa participation à celle-ci, ne s’est pas poursuivie pendant ces périodes.

115 En l’occurrence, il convient de relever que, aux points 266 et 267 de l’arrêt attaqué, qui ne sont pas contestés dans le cadre du présent pourvoi, le Tribunal a, au terme de l’examen du deuxième moyen soulevé devant lui, constaté que la Commission avait établi la responsabilité de Pometon dans l’infraction unique et continue faisant l’objet de la décision litigieuse, sans avoir examiné, à ce stade, la durée de sa participation à cette infraction.

116 À ce dernier égard, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation souveraine des faits et sans que cela soit contesté au stade du pourvoi, le Tribunal a constaté, au point 304 de cet arrêt, que la Commission a établi que Pometon avait été directement impliquée dans des contacts collusoires relatifs aux deux volets de l’entente entre le 3 octobre 2003 et le 18 novembre 2005 ainsi qu’au cours des deux mois précédant sa sortie du marché le 16 mai 2007, mais que cette institution ne disposait d’aucun élément de preuve de contacts anticoncurrentiels impliquant Pometon au cours de la période comprise entre le 18 novembre 2005 et le mois de mars 2007 (ci-après la « période en cause »).

117 Le Tribunal a néanmoins jugé, au point 308 de l’arrêt attaqué, que, eu égard aux caractéristiques de l’entente, à savoir l’application automatique de la majoration ferraille et l’absence d’organisation structurée des contacts entre les participants pour mettre en œuvre la coordination relative aux clients individuels, des contacts ponctuels intervenant uniquement en cas de désaccord, l’absence de contacts collusoires entre Pometon et les autres parties à cette entente au cours de la période en cause ne permettait pas de considérer que Pometon avait interrompu sa participation à ladite entente. Au point 309 de cet arrêt, le Tribunal a ajouté que Pometon n’avait invoqué aucun élément permettant de supposer que des contacts collusoires étaient néanmoins indispensables pour poursuivre, sans interruption, sa participation à l’entente.

118 Il ressort de ce qui précède que le Tribunal a clairement exposé les motifs pour lesquels il a considéré que la participation de Pometon à l’infraction unique et continue n’avait pas été interrompue au cours de la période en cause. Il convient donc d’écarter les arguments de Pometon pris d’une violation de l’obligation de motivation.

119 Il ressort également de l’arrêt attaqué que le Tribunal a fondé son appréciation de la durée de la participation de Pometon à l’infraction sur la considération, non contestée dans le cadre du présent pourvoi, premièrement, que la Commission avait prouvé à suffisance de droit les contacts collusoires impliquant Pometon avant et après la période en cause, deuxièmement, que l’application de la majoration ferraille était automatique et ne requérait pas de contacts et, troisièmement, que les deux volets de l’entente entretenaient des liens étroits. Le Tribunal en a, en substance, déduit de ces éléments que la Commission pouvait considérer que Pometon avait participé sans interruption à l’infraction unique et continue au cours de la période en cause, sans préjudice de la possibilité pour cette dernière de démontrer que cette participation a été interrompue, Pometon n’ayant invoqué aucun élément ou argument susceptible de démontrer que cette participation a été interrompue.

120 C’est, dès lors, sans méconnaître les règles en matière de charge de la preuve que le Tribunal a, sur le fondement de la jurisprudence rappelée aux points 110 à 114 du présent arrêt, estimé que Pometon avait participé de manière continue au comportement infractionnel qui lui était reproché.

121 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le troisième moyen doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

122 Par le quatrième moyen, Pometon soutient que le Tribunal a, aux points 365 à 396 de l’arrêt attaqué, méconnu le principe d’égalité de traitement et l’obligation de motivation lorsqu’il a réformé le montant de l’amende qui lui a été infligée.

123 Pometon fait observer que le Tribunal a fixé le montant de cette amende en s’écartant de la méthode appliquée par la Commission pour déterminer le taux de réduction supplémentaire au titre du point 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Il découlerait de l’analyse des trois facteurs annoncés au point 376 de l’arrêt attaqué, et notamment des points 379 à 383, 386, 387 et 390 de cet arrêt, que, alors que l’infraction imputable à Pometon était moins grave que celle commise par Winoa, le Tribunal aurait accordé à Pometon le même taux de réduction de 75 % que celui que la Commission avait accordé à Winoa.

124 Le Tribunal aurait donc traité de la même manière deux situations distinctes, sans justifier objectivement ce traitement différencié, en violation du principe d’égalité de traitement.

125 Pometon ajoute que le Tribunal a admis, aux points 382 et 386 de l’arrêt attaqué, que sa situation est similaire à celle de MTS, qui a bénéficié d’une réduction de 90 %. Le seul élément différenciant les deux entreprises serait leur taille, laquelle ne saurait toutefois justifier, à elle seule, l’importante différence des taux de réduction qui leur ont été appliqués.

126 Dès lors, le taux de réduction accordé à Pometon devrait être compris entre 75 % et 90 %.

127 La Commission fait valoir que le quatrième moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

128 Selon la Commission, ce moyen est irrecevable, car, en réalité, il conduit la Cour à procéder à une révision au fond de l’amende fixée par le Tribunal, ce qui excéderait les compétences attribuées à la Cour. En effet, celle-ci ne saurait substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation du droit de l’Union. Il en irait d’autant plus ainsi lorsque le Tribunal a exercé sa compétence de pleine juridiction pour garantir lui-même le respect du principe d’égalité de traitement.

129 Quant au fond, la Commission fait observer que, à la suite de l’annulation de la décision litigieuse, il appartenait au Tribunal, ainsi que celui-ci le rappelle au point 369 de l’arrêt attaqué, de déterminer le montant approprié de l’adaptation exceptionnelle du montant de base de l’amende, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

130 Dans ce contexte, il découlerait du point 376 de l’arrêt attaqué que, pour chacun des différents facteurs analysés, le Tribunal a effectivement comparé la responsabilité et la situation individuelles de Pometon à celles des autres parties à l’entente. La Commission considère que le Tribunal a utilisé les critères relatifs à la gravité et à la durée de la participation de Pometon à l’infraction pour s’assurer de la proportionnalité de l’amende.

131 Le fait que Pometon a bénéficié d’un pourcentage de réduction inférieur à celui accordé à MTS ne suffirait pas pour démontrer l’illégalité de traitement et l’incohérence des motifs de l’arrêt attaqué. Il ressortirait en effet du point 390 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé à cet égard sur le chiffre d’affaires de Pometon, qui excède considérablement celui de MTS, de telle sorte que les deux entreprises n’étaient pas dans des situations comparables eu égard à leur taille et, partant, à la gravité de leurs participations respectives à l’infraction. La Commission expose ainsi qu’il est de jurisprudence constante que le chiffre d’affaires global de l’entreprise constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique.

132 Selon la Commission, le respect du principe d’égalité de traitement exige de tenir compte de l’ensemble des éléments qui caractérisent une entreprise par rapport à une autre, tandis que la comparaison directe et exemplative entre deux sanctions n’est pas pertinente. Le Tribunal n’aurait donc pas violé le principe d’égalité de traitement en accordant à Pometon le même taux de réduction du montant de base de l’amende que celui appliqué à Winoa.

133 L’application du même taux à ces deux entreprises s’expliquerait d’ailleurs par le degré supérieur de concentration des ventes de Winoa par rapport à celles de Pometon. La Commission produit, à cet égard, en annexe B/2 de son mémoire en défense un tableau récapitulant le calcul effectué.

134 Enfin, la Commission soutient que le Tribunal a motivé à suffisance de droit sa décision quant à la fixation du montant de l’amende.

Appréciation de la Cour

–  Observations liminaires

135 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement n° 1/2003, le Tribunal dispose d’une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les amendes fixées par la Commission.

136 Le Tribunal est dès lors habilité, au-delà du simple contrôle de légalité de ces amendes, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 124 et jurisprudence citée).

137 En revanche, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union. Ainsi, ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (arrêts du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, points 125 et 126 ainsi que jurisprudence citée, et du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 115).

138 En outre, il est de jurisprudence constante que le Tribunal est tenu, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, par certaines obligations, parmi lesquelles figurent l’obligation de motivation, qui s’impose à lui en vertu de l’article 36 du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que le principe d’égalité de traitement. L’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait en effet entraîner, lors de la détermination du montant des amendes qui leur sont infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une infraction aux règles de concurrence (arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 77 ainsi que jurisprudence citée).

–  Sur la recevabilité du quatrième moyen

139 La Commission excipe de l’irrecevabilité du quatrième moyen en ce qu’il inviterait la Cour à procéder à une révision au fond du montant de l’amende fixé par le Tribunal.

140 Cette argumentation procède d’une compréhension erronée de ce moyen.

141 En effet, il résulte de l’argumentation de Pometon développée au soutien de ce moyen, que celle-ci ne tend pas à remettre en cause, pour des motifs tirés de l’absence d’équité ou de son caractère inapproprié, le montant de l’amende qui lui a été infligée par le Tribunal dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, ce qui, eu égard à la jurisprudence citée au point 137 du présent arrêt, échapperait à la compétence de la Cour statuant sur pourvoi. Au contraire, ledit moyen est clairement tiré d’une violation, par le Tribunal, du principe d’égalité de traitement et de son obligation de motivation.

142 Or, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 138 du présent arrêt, un tel moyen de pourvoi est recevable, y compris, contrairement aux arguments de la Commission, lorsque le Tribunal a lui-même, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, déterminé le montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, points 77, 81, 85 et 86).

143 Il convient encore d’ajouter que ce n’est que dans l’hypothèse où la Cour ferait droit au présent moyen que Pometon invite cette dernière à exercer elle-même son pouvoir de pleine juridiction. À cet égard, il convient de préciser que la Cour ne peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée qu’en statuant elle-même définitivement sur le litige devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 88 ainsi que jurisprudence citée).

144 Il découle de ce qui précède que le quatrième moyen est recevable.

–  Sur le fond

145 Ainsi qu’il a été rappelé au point 138 du présent arrêt, le Tribunal est tenu, lors de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de respecter l’obligation de motivation de ses décisions ainsi que le principe d’égalité de traitement.

146 Ces exigences s’imposent également au Tribunal lorsque celui-ci s’écarte des règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes, lesquelles ne sauraient lier les juridictions de l’Union mais sont susceptibles de les guider lorsqu’elles exercent leur compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90 ainsi que jurisprudence citée).

147 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, aux fins de calculer le montant de l’amende infligée à Pometon, fait siennes les appréciations de la Commission qui ont servi de base au calcul des amendes infligées aux entreprises ayant participé à l’entente, à l’exception de celles concernant l’application du point 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, en vertu duquel la Commission peut, en raison des particularités d’une affaire donnée ou de la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif d’amende dans une affaire particulière, s’écarter de la méthodologie générale exposée dans ces lignes directrices.

148 À cet égard, le Tribunal a, aux points 376 et 377 de l’arrêt attaqué, estimé approprié de tenir compte de trois facteurs, qui, tout en recoupant partiellement ceux pris en considération par la Commission, permettaient, selon lui, de mieux cerner la gravité de l’infraction imputable à chacune des parties. Ainsi, tout en comparant la situation de Pometon avec celle des autres participants à l’entente, le Tribunal a examiné d’abord, aux points 378 à 382 de cet arrêt, la responsabilité individuelle de Pometon dans la participation à l’entente, ensuite, aux points 383 à 387 dudit arrêt, l’incidence concrète de son comportement infractionnel sur la concurrence par les prix et, enfin, aux points 388 à 390 du même arrêt, la dimension de cette entreprise qui découle de son chiffre d’affaires total.

149 Après avoir, aux points 391 et 392 de l’arrêt attaqué, mis en balance ces facteurs, le Tribunal a considéré, au point 393 de cet arrêt, qu’il y avait lieu d’accorder à Pometon une réduction exceptionnelle de 75 % sur le montant de base de l’amende. Le taux de cette réduction est, comme le fait valoir Pometon, identique à celui que la Commission avait accordé à Winoa dans la décision de transaction.

150 Or, selon les constatations factuelles effectuées par le Tribunal, qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler au stade du pourvoi, il y a lieu de relever que Pometon et Winoa se trouvaient dans des situations différentes au regard des facteurs examinés par cette juridiction. En effet, il découle des appréciations figurant aux points 382 à 384 et 390 de l’arrêt attaqué, que Pometon avait « globalement joué un rôle plus limité dans l’entente » que Winoa, que son poids dans l’infraction était substantiellement moins important que celui de Winoa et que son chiffre d’affaires n’atteignait pas le tiers de celui de Winoa.

151 Au vu de ces éléments, il appartenait au Tribunal d’exposer les motifs pour lesquels, malgré cette différence de situation, il était conforme au principe d’égalité de traitement d’accorder à Pometon un taux de réduction identique à celui dont avait bénéficié Winoa.

152 Ces motifs ne ressortent toutefois pas de l’arrêt attaqué. En effet, si le Tribunal a, aux points 391 et 392 de l’arrêt attaqué, considéré que les différents taux de réduction accordés par la Commission aux entreprises destinataires de la décision de transaction n’étaient pas pertinents en l’espèce aux fins de fixer le taux de réduction applicable à Pometon, au motif qu’ils résultaient d’une méthode de calcul dont il s’est écarté, il n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il a estimé que le taux de 75 % qu’il a retenu était conforme au principe d’égalité de traitement.

153 Partant, il convient d’accueillir le quatrième moyen.

154 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a fixé le montant de l’amende infligée à Pometon à 3 873 375 euros, et le point 4 de son dispositif, par lequel le Tribunal s’est prononcé sur les dépens, et de rejeter le pourvoi pour le surplus.

Sur le recours devant le Tribunal

155 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

156 Tel est le cas de la présente affaire, la Cour disposant de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le recours.

157 Il convient néanmoins de préciser l’étendue du contrôle de la Cour. À cet égard, il importe de constater que, eu égard au point 154 du présent arrêt, l’arrêt attaqué a été annulé en tant que, au point 2 de son dispositif, le Tribunal a fixé le montant de l’amende infligée à Pometon à 3 873 375 euros. Dès lors, il appartient à la Cour d’examiner le litige en tant seulement qu’il porte sur la demande tendant à la réduction du montant de l’amende.

158 Partant, il y a lieu de statuer, en application de la compétence de pleine juridiction reconnue à la Cour par l’article 261 TFUE et l’article 31 du règlement n° 1/2003, sur le montant de l’amende qui doit être mise à la charge de Pometon (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 73 ainsi que jurisprudence citée, et du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 87).

159 À cet égard, il doit être rappelé que la Cour, statuant elle-même définitivement sur le litige en application de l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, de son statut, est habilitée, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 88 ainsi que jurisprudence citée).

160 Afin de déterminer le montant de l’amende infligée, il lui appartient d’apprécier elle-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause. Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que la Cour soit liée par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes, même si ces dernières peuvent guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent leur compétence de pleine juridiction (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, points 89 et 90 ainsi que jurisprudence citée).

161 En l’espèce, aux fins de la fixation du montant de l’amende à infliger à Pometon, en premier lieu, la Cour entend faire siennes les appréciations effectuées par la Commission quant à la détermination du montant de base de l’amende, évalué à 15 493 500 euros eu égard à la durée et à la gravité de l’infraction commise par Pometon, avant application du point 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. En effet, outre le fait que cette évaluation n’a fait l’objet d’aucune contestation, il y a lieu de considérer que, afin de respecter l’égalité de traitement de Pometon à l’égard des autres participants à l’entente, il n’est pas approprié de la modifier.

162 En second lieu, eu égard à l’ensemble des éléments du dossier et en l’absence de contestation spécifique par les parties, la Cour entend également faire siennes les appréciations du Tribunal quant aux facteurs pris en compte aux fins de l’évaluation du taux de réduction additionnelle, tels qu’exposés au point 376 de l’arrêt attaqué, et des appréciations comparatives effectuées, à cet égard, par le Tribunal aux points 378 à 390 de cet arrêt.

163 D’une part, il découle de ces appréciations que, eu égard à ces facteurs et comme l’a également relevé M. l’avocat général aux points 123, 124 et 129 de ses conclusions, la situation de Pometon est globalement comparable à celle de MTS, en tant que ces deux entreprises ont joué un rôle relativement limité dans l’entente et en tant que leur poids global dans celle-ci était également proportionnellement faible eu égard à la valeur de leurs ventes spécifiques dans l’EEE. Leurs situations divergent toutefois, en tant que le chiffre d’affaires total de Pometon pour l’année 2006 (99 890 000 euros) est largement supérieur à celui de MTS pour l’année 2009 (25 082 293 euros), étant précisé que ces années correspondent à la dernière année de leur participation respective à l’entente.

164 À ce titre, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 125 de ses conclusions et ainsi que l’allègue Pometon, s’il est loisible, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 257, ainsi que du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 54), il convient de ne pas attribuer audit chiffre une importance disproportionnée par rapport à d’autres éléments d’appréciation (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 257).

165 D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 150 du présent arrêt, Pometon et Winoa se trouvent dans des situations différentes au regard de l’ensemble des facteurs examinés par le Tribunal.

166 Dans ces conditions, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il y a lieu de considérer qu’il sera fait une juste appréciation de ces circonstances en appliquant au montant de base calculé par la Commission une réduction supplémentaire de 83 %. En conséquence, le montant de l’amende infligée à Pometon est fixé à la somme de 2 633 895 euros.

Sur les dépens

167 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

168 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement prévoit toutefois que la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

169 En l’occurrence, premièrement, Pometon ayant obtenu partiellement satisfaction dans la procédure de pourvoi, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens afférents à cette procédure.

170 Deuxièmement, chaque partie ayant succombé partiellement en ses conclusions lors de la procédure devant le Tribunal, il y a lieu de les condamner à supporter chacune ses propres dépens afférents à cette procédure.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1) Les points 2 et 4 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 mars 2019, Pometon/Commission (T‑433/16, EU:T:2019:201), sont annulés.

2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3) Le montant de l’amende infligée à Pometon SpA à l’article 2 de la décision C(2016) 3121 final de la Commission, du 25 mai 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39792 – Grenaille abrasive métallique), est fixé à 2 633 895 euros.

4) Pometon SpA et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens afférents tant à la procédure de pourvoi qu’à la procédure de première instance.