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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 mars 2021, n° 18/19209

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Editions Beaumarchais (SARL)

Défendeur :

Association Nationale de Tir de la Police

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

TGI Paris, du 26 juin 2018

26 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Éditions Beaumarchais a pour activité l'initiation au tir sportif, sous l'enseigne « Tir Initiation ».

L'Association Nationale de Tir de la Police (ci-après « l'ANTP ») est un club de tir, qui permet à ses membres la pratique du tir sportif, de loisir ou de compétition.

Monsieur Frédéric B. est gérant de la société Éditions Beaumarchais.

Le 17 juin 2009, la société Éditions Beaumarchais s'est rapprochée de l'ANTP, par l'intermédiaire de son gérant, et a obtenu la mise à disposition gratuite par l'ANTP de ses installations et équipements, et en contrepartie, s'engageait à faire la promotion de l'ANTP auprès de ses clients en leur proposant d'y adhérer à l'issue de chaque séance d'initiation.

Par lettre du 1er décembre 2015, l'ANTP a mis fin à ce partenariat avec effet au 2 décembre 2015, se fondant notamment sur les informations diffusées sur les chaînes de télévision et les articles de presse évoquant le fait que l'un des auteurs des attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan s'était entraîné dans un club de tir de l'ANTP.

Par courrier du 4 décembre 2015, la société Éditions Beaumarchais, par l'intermédiaire de son gérant et de son conseil, a contesté cette décision. L'ANTP a toutefois confirmé sa décision par courrier du 18 décembre 2015.

Par acte d'huissier de justice du 6 avril 2016, la société Éditions Beaumarchais et Monsieur B. ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris l'ANTP afin d'obtenir, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du code de commerce, 1134 et 1147 du code civil, l'indemnisation des préjudices subis suite à la rupture abusive des relations les liant à l'ANTP.

Par jugement du 26 juin 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. à payer à l'Association Nationale de Tir de la Police (ANTP) la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 30 juillet 2018, la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. ont interjeté appel de ce jugement.

Par jugement 19 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Évry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Éditions Beaumarchais et a désigné Maître Pascale Huille-E. en qualité de liquidateur.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 14 octobre 2020, Maître Pascale Huille-E., en sa qualité de liquidateur de la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. demandent à la cour de :

- infirmer la décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris en date du 26 juin 2018,

Et par conséquent,

Sur la brutalité de la rupture des relations,

A titre principal, au visa de l'article L.442-6 5° du code de commerce,

- constater que les relations liant la société Éditions Beaumarchais et l'Association nationale de tir de la Police constituent des relations commerciales,

- constater que lesdites relations commerciales perdurent depuis mars 2009 sont établies,

- constater la rupture des relations commerciales par l'Association nationale de tir de la Police n'a été assortie d'aucun préavis suffisant,

- constater que ni les conditions de la force majeure ni l'inexécution par la société Éditions Beaumarchais de ses obligations pouvant justifier une absence de préavis ne sont réunies en l'espèce,

- dire et juger que la durée de préavis aurait dû être de six mois,

- constater la brutalité de la rupture par l'Association nationale de tir de la Police, des relations commerciales établies,

A titre subsidiaire, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil,

- constater que les relations liant la société Éditions Beaumarchais et l'Association nationale de tir de la Police constituent des relations commerciales,

- constater que lesdites relations commerciales perdurent depuis mars 2009 sont établies,

- constater la rupture des relations contractuelles par l'Association nationale de tir de la Police n'a été assortie d'aucun préavis suffisant,

- constater qu'aucun élément ne justifie une absence de préavis,

- dire et juger que la durée de préavis aurait dû être de six mois,

-constater la brutalité de la rupture par l'Association nationale de tir de la Police, des relations contractuelles,

Sur le caractère abusif de la rupture des relations,

-constater que dans ses correspondances en date des 1er et 18 décembre 2015, l'Association nationale de tir de la Police invoque les motifs de sa décision de rupture des relations,

- constater que les motifs invoqués sont dépourvus de pertinence et mensongers,

- constater que les motifs invoqués par l'Association nationale de tir de la Police pour justifier la rupture caractérisent sa mauvaise foi,

Sur les demandes indemnitaires,

- condamner l'Association nationale de tir de la Police à régler à la société Éditions Beaumarchais la somme de 149 512,74 euros correspondant à la perte de marge sur coût variable durant six mois,

- condamner l'Association nationale de tir de la Police à régler à Monsieur B. la somme de 50 000 euros au titre du préjudice financier subi,

- condamner l'Association nationale de tir de la Police à régler à Monsieur B. la somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner l'Association nationale de tir de la Police à régler à la société Éditions Beaumarchais la somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner l'Association nationale de tir de la Police à régler à la société Éditions Beaumarchais la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Association nationale de tir de la Police à régler à la société Monsieur B. la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Association nationale de tir de la Police aux entiers dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 21 octobre 2020, l'ANTP demande à la cour de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu l'article L.442-6-I-5° du code de commerce,

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

Vu l'article 202 du code de procédure civile,

Vu les présentes conclusions, les moyens de droit et de fait qui y sont développés et les pièces versées au débat,

confirmer la décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 26 Juin 2018,

Par conséquent, à titre principal,

- déclarer inapplicables au cas d'espèce les dispositions de l'article L.442-6-I-5è du code de commerce,

- déclarer par suite mal fondées les demandes de Monsieur Frédéric B. et de maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais formée sur le fondement des dispositions de l'article L.442-6-I-5è du code de commerce,

- débouter par conséquent Monsieur Frédéric B. et de maître Pascale Huille-E. es qualité pour la société Éditions Beaumarchais de l'intégralité de leurs demandes sur ce fondement,

- débouter également Monsieur Frédéric B. et de Maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais de l'intégralité de leurs demandes sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

A titre subsidiaire, si les dispositions de l'article L.442-6-I-5è du Code de commerce devaient être applicables au cas d'espèce,

- juger que l'accès donné à ses installations par l'ANTP à la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. ne constitue pas pour autant une relation commerciale établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce et que la cessation de l'accès donné à ses installations par l'ANTP à la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. n'a donc pas le caractère d'une rupture brutale des relations commerciales établie ouvrant droit à la réparation d'un préjudice au profit de maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B.,

-juger de manière plus générale que Monsieur Frédéric B. et maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais ne justifient pas, ni dans son principe, ni dans son montant, ni encore dans son imputabilité les dommages et préjudices qu'ils prétendent avoir subi du fait de l'ANTP,

-débouter par conséquent Monsieur Frédéric B. et maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais de l'intégralité de leurs demandes sur ce fondement,

A titre plus subsidiaire encore, si les dispositions des articles 1134 et 1147 anciens du code civil devaient trouver à s'appliquer au cas d'espèce,

- juger que Monsieur Frédéric B. et maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais ne justifient pas sur ces fondements non plus, ni du principe, ni du montant, ni encore de l'imputabilité des dommages et préjudices qu'ils prétendent avoir subi du fait de l'ANTP,

- débouter aussi en toutes hypothèses Monsieur Frédéric B. et maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais de l'intégralité de leurs demandes sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

En toutes hypothèses,

- juger que Monsieur Frédéric B. et maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais ne sont pas fondées dans leurs demandes, fins et conclusions et débouter Monsieur Frédéric B. et de maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais de l'intégralité de leurs demandes,

- débouter Monsieur Frédéric B. et maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais de leur demande de voir l'ANTP condamnée à verser à la société Éditions Beaumarchais la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner solidairement la société Éditions Beaumarchais et maître Pascale Huille-E. ès-qualités pour la société Éditions Beaumarchais au paiement chacun de la somme de 7 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes sur le fondement de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce

Les appelants font valoir que :

-la rupture brutale appréhende une réalité économique et s'applique indifféremment à toutes les « relations commerciales », que celles-ci soient formalisées ou non par un contrat,

-la jurisprudence subordonne l'applicabilité de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce à une association régie par la loi de 1901 à la caractérisation d'une activité commerciale exercée par ladite association,

-la clientèle de Tir Initiation constituait le seul moyen pour l'ANTP, d'accroître le nombre de ses adhérents,

-pour une année donnée, grâce à la société Tir Initiation, l'ANTP abonnait entre 200 et 300 nouveaux adhérents,

- il est ainsi fait la démonstration de l'exercice par l'ANTP, d'une activité commerciale parallèlement à l'activité purement associative,

L'ANTP réplique que :

-il n'est pas démontré en quoi l'activité du club de l'ANTP, qui est une association sportive régie par la loi du 1er juillet 1901, serait une soi-disant « activité de service » opérée sur le secteur concurrentiel,

-une association peut être victime mais non l'auteur d'une rupture brutale dans ses relations avec une société commerciale,

-l'ANTP est une association sportive régie par la loi du 1er juillet 1901, assujettie ni à l'impôt sur les sociétés, ni à la taxe sur la valeur ajoutée comme cela aurait été le cas si elle avait exploité une activité commerciale ou assimilée, et dont il n'est pas allégué, et encore moins prouvé, et pour cause, qu'elle exerçât une activité de commerçant, d'industriel ou de prestation de service, ou qu'elle fût immatriculée au répertoire des métiers,

-Monsieur Frédéric B. et la société Editions Beaumarchais ne rapportent aucunement la preuve qu'ils entretenaient avec le club de l'ANTP une « relation commerciale », et encore moins qu'elle fusse « établie »,

L'article L.442-6-I-5° du code de commerce dans sa version applicable au litige énonce que :

I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Monsieur Frédéric B. est le fondateur et le gérant de la société a associé unique « Editions Beaumarchais » qu'il a créé en 2009 et dont le siège social est situé [...] dans le 11ème arrondissement de Paris. Cette société a pour objet social :

-la gestion d'un ou plusieurs sites internet,

-la diffusion de presse de manière électronique ou papier,

-la vente d'emplacements publicitaires sur son site internet ou sur tous supports,

-la commercialisation de produits par le biais de son site internet ou par tous truchements commerciaux,

-la prestation de service en création graphique, imprimerie et dans les tous les domaines annexes et connexes de la communication et du marketing,

-la vente et la diffusion de petites annonces, stages de formation et d'initiation au tir sportif, organisation d'évènements.

La société Editions Beaumarchais, dont l'activité essentielle est la commercialisation et l'organisation de stages d'initiation au tir, fait la promotion de son activité via un site internet qu'elle anime et par lequel, en ligne ou par téléphone, on peut à distance réserver et payer un stage.

Le club de l'ANTP, association sportive sans but lucratif a accordé à son membre, gratuitement l'accès aux installations sportives du club pour lancer ses activités, Monsieur Frédéric B. s'engageant à faire la promotion du club auprès des personnes qu'il initierait.

Il résulte du procès-verbal de la réunion de l'ANTP du 17 juin 2009 que « à la demande de Monsieur Frédéric B. et après étude, le Bureau donne son accord pour le prêt des installations AQU et CHA. Monsieur Frédéric B. s'engage à faire la promotion de l'ANTP auprès des personnes qu'il initiera... »

Dès sa création en 2009, la société Editions Beaumarchais a eu besoin pour organiser des stages, des locaux mis à sa disposition par l'ANTP qui existait antérieurement à l'année 2009 et qui a poursuivi son activité postérieurement au mois décembre 2015.

L'ANTP justifie que ses comptes arrêtés au 31août 2015 étaient les suivants :

Ressources : 749 287 euros

Résultat net comptable : 65 971 euros

Pour l'exercice arrêté au 31août 2016, les chiffres sont les suivants :

Ressources : 806 862 euros

Résultat net comptable : 59 980 euros

L'ANTP n'a donc pas subi de diminution de ses ressources liée au départ de la société Editions Beaumarchais de ses locaux ce qui s'explique par le fait qu'elle ne tirait pas ses ressources de l'activité de la société contrairement à ce que celle-ci indique.

Le tribunal a retenu à juste titre l'absence d'activité commerciale et d'accomplissement d'actes de commerce sur un marché concurrentiel de l'ANTP en rappelant qu'elle n'était soumise ni à l'impôt sur les sociétés ni assujettie à la TVA, contrairement aux associations qui se livrent à une activité commerciale, soit celles dont la gestion est intéressée et dont l'activité concurrence celle d'une entreprise.

L'association accueille des adhérents qui lui règlent une adhésion et des frais liés à l'activité de l'exercice de tir et la société Editions Beaumarchais organisait des stages d'initiation au tir payés par ses clients sans que cela induise des relations économiques entre les deux parties.

La mise à disposition gratuitement de locaux pour exercer l'activité en faveur de la société Editions Beaumarchais en contrepartie de la promotion réalisée par celle-ci pour l'association ne constitue pas une relation d'affaires impliquant des échanges économiques entre les deux parties qui exercent leur propre activité de manière autonome.

S'il n'est pas contesté que la société Editions Beaumarchais, de par son activité, a favorisé en partie l'adhésion de membres auprès de l'ANTP, il n'est pas démontré l'existence d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, condition essentielle pour caractériser l'existence d'une relation commerciale.

En conséquence, l'absence de relations commerciales entre les deux parties exclut l'application de l'article L.442 ' 6,1, 5° du code de commerce.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a débouté les appelants de leur demande de ce chef.

Sur la rupture de la relation contractuelle sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil

Les appelants font valoir que la résiliation du contrat de partenariat a pris effet dès le lendemain du courrier de dénonciation, sans que cela soit justifié par un motif pertinent, que les parrainages n'étaient nullement systématiques, que l'ANTP sollicitait elle-même l'avis de la société Editions Beaumarchais et son parrainage pour chaque personne candidatant à l'ANTP, ni l'ANTP ni la société Editions Beaumarchais, ni même aucun club de tir sportif ne peut mettre en place un contrôle comparable à un contrôle policier, que la société Editions Beaumarchais avait mis en place un contrôle assez rigoureux dans les limites de ses possibilités, que la confusion entre l'ANTP et la société Editions Beaumarchais résulte du partenariat.

L'intimée répond que le motif principal pour lesquels le club s'est trouvé contraint de décider l'arrêt sans préavis de l'accès donné à ses installations par le club à la société Editions Beaumarchais et Monsieur Frédéric B. tient dans les révélations qui vont lui parvenir dans les jours qui suivront les attentats du 13 novembre 2015, que dès les jours qui suivirent les attaques s'amoncelèrent sur le bureau du Président du club de l'ANTP des coupures de presse par dizaine reprenant toutes en titre qu'un des terroristes des commandos ayant perpétré l'attaque dans la nuit du 13 novembre 2015, s'était entraîné dans un club de tir de la police dénommé ANTP, que le club a été pris au dépourvu face à ce harcèlement médiatique qui la mettait seule en cause dans cette affaire comme le souligne le titre des articles de presse, que le motif principal de la rupture tenant à des considérations de sécurité intérieure ne permettant pas le moindre préavis ou délai de mise en oeuvre au regard des défaillances de Monsieur Frédéric B. dans l'exercice de son activité et l'attribution des parrainages, illustré notamment par le fait qu'un individu tel que celui décrit, et que d'autres comme lui le puissent encore dans le futur, être initié de ses mains au maniement des armes au sein des murs du club, constituait un motif légitime de cessation immédiate et sans le moindre préavis de l'accès donné à ses installations par le club aux co-appelants.

L'ANTP oppose également aux appelants pour justifier la résiliation sans préavis d'un grief de sollicitation déloyale de personnel, de privatisations du club non autorisées, de l'utilisation abusive du logo de l'ANTP, de parrainages systématiques ce qui est contesté par les appelants.

Par lettre recommandée du 1er décembre 2015 avec avis de réception, et courriel du même jour adressés à M.B., l'ANTP mettait fin à son partenariat avec la société Editions Beaumarchais dans les termes suivants :

Suite aux informations diffusées le 30 novembre 2015 sur I- Télé-Canal+ et des contacts pris par plusieurs chaînes TV nationales et internationales auprès de notre secrétariat, et les articles parus dans la presse nationale, à vos parrainages, je vous informe, par la présente, de mon intention de mettre un terme à notre partenariat, que les membres du bureau avaient voté, lors de la réunion du 17 juin 2009.

La rupture de notre accord tacite que nous avions sera effective à compter du 2 décembre 2015 dès réception de ce courrier par courriel, confirmé par une lettre recommandée avec AR posté ce jour. Ce qui a pour conséquence la cessation de votre activité dans nos installations du stand de La Chapelle. Je vous rappelle que la résolution de cet accord se fera sans pénalité ni versement de dommages et intérêts.

En vous remerciant pour ces années de collaboration mais devant les faits évoqués dans la presse écrite et télévisuelle pour notre association qui me sont rapportés, je me dois de préserver l'ANTP.

Le courrier est signé du secrétaire général de l'ANTP par délégation du président.

Le motif de la résiliation du partenariat est clairement et expressément exposé dans ce courrier.

Il résulte d'une diffusion sur Europe1.fr en date du 01 décembre 2015 et des articles de journaux suivants : Le Monde et le Parisien en date du 30 novembre 2015, que l'un des kamikazes dont le nom était cité, s'était initié dans un club de tir parisien.

Il ressort des articles de presse suivants : Huffington Post en date du 30 novembre 2015, Vosges Matin en date du 30 novembre 2015, l'Express en date du 01 décembre 2015, The Independant du 1er décembre 2015, que l'un des terroristes du Bataclan s'était entraîné dans un stand de tir au sein d'une association proche de la police.

Dans chacun de ces articles, l'ANTP est nommée en gros titre et dans l'un des articles, il est mentionné que l'information a été révélée par i-TELE.

Il n'est pas contesté que cette personne a pu accéder aux locaux de l'ANTP par l'intermédiaire de Monsieur Frédéric B. lors d'un stage d'initiation et que, sur parrainage de la société Editions Beaumarchais et 'avis positif' de Monsieur Frédéric B., il avait pu prendre une licence, non renouvelée depuis.

Il sera rappelé que M.B. bénéficiait pour sa société de la mise à disposition des locaux de l'ANTP en contrepartie de la promotion qu'il effectuait pour celle-ci et devait donc contribuer à la diffusion d'une image positive de l'association.

La société animée par M.B. de nature commerciale a pour objet d'organiser une initiation au tir dans le cadre de stages et avait donc un but différent de celui de l'ANTP qui est de permettre à ses membres la pratique contrôlée du tir sportif, de loisir ou de compétition dans les disciplines régies par la fédération française de tir. Bien que M.B. explique qu'il prenait des précautions dans le recrutement des candidats aux stages, le nombre de ceux-ci et leur courte durée ne permettaient pas un contrôle rigoureux des candidats qui a abouti aux faits qui ont justifié la résiliation de la mise à disposition des locaux. L'ANTP, si elle admet en son sein, de droit, les fonctionnaires de police, de gendarmerie et de l'administration des douanes exigent des autres, compte-tenu de la nature particulière de l'activité, qu'ils soient présentés par un membre actif ainsi que le prévoient ses statuts, ce qui permet un contrôle effectif des adhérents.

Les appelants, eux-mêmes, exposent, que durant l'année 2012, la Fédération française du tir avait alerté l'ensemble des associations de tir en ce compris l'ANTP, sur les risques inhérents au fait de laisser certaines personnes manipuler des armes.

Quoi que soutiennent les appelants, le kamikaze a pu accéder aux locaux de l'ANTP dans le cadre d'un stage organisé par la société Editions Beaumarchais et les retombées médiatiques négatives n'ont touché que l'ANTP. Le fait que la diffusion médiatique n'ait duré que deux jours, ce qui n'est pas démontré, est indifférent en ce qu'elle a été nationale, voire internationale et a révélé les failles sur le plan de la sécurité de cette mise à disposition des locaux.

Il n'est pas contesté que les relations entre d'une part l'ANTP et d'autre part la société Editions Beaumarchais et Monsieur B. était fondées sur un fort intuitu personae et le recrutement pour un stage de tir d'une personne qui s'est révélée ultérieurement animée d'intentions meurtrières a contribué à rompre le lien de confiance existant entre les parties au partenariat, lequel avait permis la mise à disposition gratuite des locaux et du matériel de l'association au service de l'activité commerciale de la société Editions Beaumarchais.

Il sera ajouté que l'organisation de stages d'initiation de courte durée favorise l'exercice du tir dans un but détourné de celui préconisé par l'ANTP ce qui est incompatible avec l'objet de l'association, et la révélation de ce fait dans le cadre d'un attentat terroriste de grande ampleur, justifiait que l'ANTP prenne une mesure autoritaire et immédiate vis à vis de la société Editions Beaumarchais.

En conséquence, la résiliation par l'ANTP de la mise à disposition de ses locaux à la société Editions Beaumarchais, sans l'octroi d'un préavis, en raison du motif grave invoqué n'est pas abusive, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres motifs allégués.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a débouté les appelants de leurs demandes d'indemnisation ce titre.

Sur les demandes annexes

La société Éditions Beaumarchais, représentée par Maître Pascale Huille-E. en sa qualité de liquidateur judiciaire sera condamnée à payer à l'Association Nationale de Tir de la Police la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel. Les autres demandes au titre des frais irrépétibles sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société Éditions Beaumarchais, représentée par Maître Pascale Huille-E. en sa qualité de liquidateur judiciaire, à payer à l'Association Nationale de Tir de la Police la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société Éditions Beaumarchais, représentée par Maître Pascale Huille-E. en sa qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens de l'instance d'appel.