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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 17 mars 2021, n° 20/00928

ROUEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Conseillers :

M. Michel, M. Mellet

TI Havre, du 8 nov. 2018

8 novembre 2018

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 29 octobre 2017, Mme Aurélie Le F. a vendu à Mme Carine G.-G. un chien de race « bulldog anglais », prénommé « Naughty Girl », pour un prix de 2 000 euros.

Expliquant que le chien avait souffert, dans les jours suivant la vente, d'une insuffisance rénale aigue associée à un ictère flamboyant, Mme G.-G. a fait assigner sa venderesse devant le tribunal d'instance du Havre notamment aux fins d'être remboursée du prix de vente de l'animal et des soins entrepris pour le soigner, sur le fondement de la garantie légale de conformité prévue à l'article L.217-1 du code de la consommation.

Par jugement réputé contradictoire en date du 8 novembre 2018, le tribunal d'instance du Havre a statué ainsi qu'il suit :

- rejette la demande formulée par Mme Carine G.-G. au titre du remboursement du prix de vente de l'animal « Naughty girl » ;

- condamne Mme Aurélie Le F. à verser à Mme Carine G.-G. la somme de 1 320,72 euros au titre du coût des soins ;

- condamne Mme Aurélie Le F. à verser à Mme Carine G.-G. la somme de 200 euros au titre de son préjudice moral ;

- condamne Mme Aurélie Le F. à verser à Mme Carine G.-G. la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne Mme Aurélie Le F. aux dépens d'instance et d'exécution ;

- ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 5 décembre 2018, Mme Le F. a interjeté appel de la décision.

Par dernières conclusions notifiées le 19 février 2020, l'appelante demande à la cour d'appel, au visa des articles L.213-1 et suivants du code rural et L.217-4 du code de la consommation, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance le 8 novembre 2018 en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme G.-G. les sommes de 1 320,72 euros pour le coût des soins, 200 euros pour le préjudice moral, 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile sur le fondement d'un défaut de conformité,

Statuant de nouveau,

- juger que le bien vendu était conforme à sa destination d'animal de compagnie à usage exclusivement domestique,

- débouter Mme G. G. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la même aux entiers dépens.

Elle soutient que l'animal était conforme à sa destination d'animal de compagnie, que l'affection qu'il a contractée ne constitue pas un vice rédhibitoire au sens des articles L.213-1 et suivants du code rural, auquel les conditions de vente font expressément référence, et qui proscrivent en outre la prise en charge de frais vétérinaires avancés sans accord préalable du vendeur.

Par dernières conclusions notifiées le 29 mai 2019, Mme G.-G. demande à la cour d'appel, au visa des articles L.213-1 du code rural et de la pêche maritime, L. 214-8 et D.214-32-2 du code rural et de la pêche maritime, l'ordonnance du 17 février 2005, codifiée par la loi 2006-406 du 5 avril 2006, les articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation, l'article liminaire du code de la consommation, les articles 699 et 700 du code de procédure civile de :

- débouter Mme Le F. de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement du tribunal d'instance du Havre du 8 novembre 2018 en ce qu'il a condamné Mme Le F. à verser à Mme G.-G. la somme de 1 320,72 euros au titre des soins, condamné Mme Le F. aux dépens d'instance et d'exécution,

- recevoir Mme G. G. en son appel incident,

- infirmer le jugement du tribunal d'instance du Havre du 8 novembre 2018 en ce qu'il a rejeté la demande présentée au titre du prix de vente,

Statuant à nouveau,

- condamner Mme Le F. au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de la réduction du prix de vente,

- réformer le jugement du tribunal d'instance du Havre du 8 novembre 2018 en ce qu'il n'a condamné Mme Le F. à verser à Mme G. G. que la somme de 200 euros au titre de son préjudice moral,

Statuant à nouveau,

- condamner Mme Le F. au paiement de la somme de 2 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,

- confirmer le jugement du tribunal d'instance du Havre du 8 novembre 2018 en ce qu'il a condamné Mme Le F. au paiement de la somme de 500 euros au titre des frais engagés en première instance,

- condamner en outre Mme Le F. à verser la somme de 1 500 euros à Mme G.-G. au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- condamner en outre Mme Le F. aux dépens de première instance et d'appel.

Se fondant sur l'obligation de délivrance conforme régie par l'article L.217-4 du code de la consommation, applicable selon elle s'agissant en l'espèce d'une vente conclue entre un vendeur, éleveur professionnel et un consommateur, elle soutient que l'achat d'un animal en bonne santé était entré dans le champ contractuel, que le défaut de conformité constaté dans les 24 mois qui suivent la délivrance du bien est présumé exister au moment de celle-ci, et que l'attachement d'une personne à son animal de compagnie rend impossible son remplacement au sens de l'article L.211-9 du code de la consommation, si bien qu'elle pourrait choisir entre garder son chiot et se faire rembourser une partie du prix d'achat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2020, et l'affaire, plaidée à l'audience du 18 janvier 2021, a été mise en délibéré au 17 mars 2021.

MOTIFS :

En application de l'article L.241-5 du code de la consommation, les conventions qui écartent ou limitent directement ou indirectement les droits résultant des articles L.217-1 à L.217-20 entre le vendeur et l'acheteur sont réputées non écrites.

Il résulte de l'application combinée de cet article, et des dispositions de l'article L.211-4 du même code, que la garantie légale de conformité est applicable aux ventes d'animaux conclues entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle ou commerciale et un acheteur agissant en qualité de consommateur.

C'est donc par des motifs propres que le premier juge a retenu que la vente litigieuse était régie par les articles L.217-1 et suivants du code de la consommation, dans leur version applicable au litige, en écartant les dispositions du code rural auxquelles les dispositions contractuelles font renvoi, dont l'appelante se prévaut, mais qui sont réputées non-écrites.

Le juge a rappelé les dispositions des articles L.217-4, 5 du même code, dont il résulte que le vendeur répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance, et rappelé que la notion de défaut de conformité d'un bien englobe les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur.

Il y a lieu d'ajouter qu'en application de l'article L.217-1 de ce code, les défauts de conformité apparus dans les deux ans de la délivrance sont présumés lui préexister.

Le premier juge s'est référé au certificat médical du docteur M. établi deux jours après la vente selon lequel l'animal souffrait, le 2 novembre 2017, d 'une insuffisance rénale aigüe associée à un ictère flamboyant, et a relevé que l'admission en soins intensifs avait été rendue nécessaire du 5 au 11 novembre 2017 afin d'éviter le décès. Il a relevé, incidemment, l'absence de certificat vaccinal à jour au moment de la délivrance, et rappelé que le rétablissement avait nécessité 13 consultations vétérinaires en l'espace de 3 mois.

Il ne peut donc être soutenu par l'appelante, dans ces conditions, que ce chiot était conforme, au moment de la vente, à sa destination d'animal de compagnie.

C'est à cette dernière qu'il revient d'établir, en application de l'article L.271-1 ci-dessus, que le défaut de conformité serait apparu postérieurement à la délivrance. Or, Mme Le F. ne procède pas à cette démonstration et, en toute hypothèse, l'apparition d'une affection d'une telle gravité seulement deux jours après la délivrance permet sans doute possible de conclure à l'inverse.

C'est donc par des motifs propres que le premier juge a considéré que le défaut de conformité était établi.

En application de l'article L.217-9 du même code, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien. L'article suivant lui permet de se faire restituer tout ou partie du prix, mais uniquement si la réparation ou le remplacement sont impossibles.

La notion de réparation englobe, par analogie, s'agissant d'un animal qualifié juridiquement de bien meuble, l'ensemble des soins nécessaires au retour à une situation de santé normale.

Dès lors que le bon rétablissement de l'animal n'est pas contesté, le juge a, par des motifs propres, considéré qu'il n'avait pas lieu à restitution du prix, et limité le montant de l'indemnisation au montant total des factures versées, soit 1 320,72 euros.

Le montant de l'indemnisation accordée au titre du préjudice moral, inhérente à l'anxiété et à l'affliction ressentie par l'intimée en raison de l'état de son jeune chiot, peut être évalué à la somme de 600 euros.

La décision sera donc confirmée à l'exception de cette majoration indemnitaire, en ce compris les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

L'appelante succombe et sera condamnée aux dépens, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, outre une somme au titre des frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à la somme de 800 euros.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Rouen, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

CONFIRME la décision querellée en toutes ses dispositions à l'exception de l'indemnisation du préjudice moral dont le montant est infirmé ;

Et statuant à nouveau sur ce point,

CONDAMNE Mme Carine G.-G. à payer à Mme Aurélie Le F. la somme de 600 euros au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE Mme Carine G.-G. à payer à Mme Aurélie Le F. la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE Mme Carine G.-G. aux dépens d'appel.