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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mars 2021, n° 19/08679

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dexxon Groupe (SA)

Défendeur :

Cdiscount (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Bordeaux, du 15 févr. 2019

15 février 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La société Dexxon Groupe, anciennement Dexxon Data Media SAS, a pour activité la fabrication et le commerce de matériels consommables informatiques et bureautiques.

La société Cdiscount est une entreprise spécialisée dans la vente en ligne par internet de tous types de produits.

Alors que les sociétés Dexxon Data Media et Cdiscount ont entretenu des relations commerciales en croissance régulière jusqu'en 2008, le fournisseur a déploré une baisse à compter de 2009, devenue très importante en 2012 et encore aggravée en 2013.

Par acte extrajudiciaire du 12 janvier 2015, la société Dexxon Data Media a assigné la société Cdiscount devant le tribunal de commerce de Bordeaux sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Bordeaux, par jugement du 15 février 2019, a :

- Débouté la société Dexxon Data Media SAS de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné la société Dexxon Data Media SAS à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné la société Dexxon Data Media SAS aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la présente Cour le 18 avril 2019, la société Dexxon Data Media a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société Dexxon Groupe, déposées et notifiées le 22 décembre 2020, demandant à la Cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce alors en vigueur,

Vu l'article 1382 du Code civil alors en vigueur ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société Dexxon Groupe de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société Dexxon Groupe à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné la société Dexxon Groupe aux dépens ;

Et statuant à nouveau :

Dire que les sociétés Dexxon Groupe et Cdiscount se trouvaient en relations commerciales établies depuis 2003 et que ce caractère établi n'avait été remis en cause ni en 2006, ni en 2007, ni en 2008, ni en 2011 ;

Dire que la société Cdiscount a rompu brutalement, sans préavis écrit, en 2012, la relation commerciale établie avec la société Dexxon Groupe depuis 2003 ;

Dire que cette rupture brutale de la part de Cdiscount a causé un préjudice direct et certain à la société Dexxon Groupe ;

En conséquence :

Condamner la société Cdiscount à payer à la société Dexxon Groupe la somme de 523 167,76 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 janvier 2015, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre elles ;

En tout état de cause :

Débouter la société Cdiscount de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société Cdiscount à payer à la société Dexxon Groupe, la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Cdiscount déposées et notifiées le 4 janvier 2021, demandant à la Cour d'appel de :

Vu les dispositions de l'ancien article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

Confirmer le jugement rendu le 15 février 2019 par le Tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire

- Si par extraordinaire la Cour de céans devait considérer la relation commerciale comme établie, rejeter la demande de la société Dexxon Groupe de voir fixer un préavis de douze mois ainsi que sa demande d'indemnisation à ce titre ;

Y ajoutant,

Condamner la société Dexxon Groupe au paiement de la somme de 10 000 euros à la société Cdiscount au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

SUR CE

LA COUR

- Sur l'existence d'une procédure d'appel d'offres

Alors que la société Dexxon Groupe se plaint d'une rupture partielle des relations commerciales établies intervenue en 2012 par la diminution brutale, de près de 85 %, du chiffre d'affaires, encore aggravée en 2013, et alors que la société Cdiscount se prévaut de la mise en place d'une procédure d'appel d'offres en 2011, la société appelante conteste toute notification écrite d'une procédure d'appel d'offres.

Toutefois, à cet égard, il est établi qu'à compter du mois de 2011, Mme V., assistante commerciale de la société Dexxon a retourné en toute connaissance de cause de nombreuses soumissions pour des cartouches d'encre et toner : 21 septembre 2011, 19 octobre 2011, 26 octobre 2011 et 7 décembre 2011. Chacun de ces courriels mentionne de la part de la société Dexxon : « Ci-joint copie de l'appel d'offres de cette semaine ».

Avec ces appels d'offres hebdomadaires, la pratique suivie par les parties a manifestement changé, en toute connaissance de cause pour la société Dexxon, car auparavant il était procédé par appels à cotations par la société Cdiscount, avec en retour une information du fournisseur sur son positionnement au regard des offres de la concurrence. Ainsi, dans un courriel du 3 mars 2011, antérieur à la mise en place des appels d'offres, M. S. de la société Dexxon, en réponse à une courriel l'avertissant du pourcentage de dépassement des prix pour certaines références (Canon, Epson et HP) a écrit à Mme B. de la société Cdiscount : « Nous allons faire le nécessaire pour améliorer nos prix ».

Cependant, à partir du moment où ces appels d'offres hebdomadaires ont été instaurés, la société Dexxon a clairement su que la relation commerciale était devenue précaire.

Et il ne peut être retenu que ce recours à la procédure d'appel d'offres n'a été en l'espèce qu'une apparence de nature à permettre à la société Dexxon de penser légitimement qu'elle continuerait à être privilégiée par rapport à ses concurrents.

A cet égard, la Cour relève en effet que dès le 27 juillet 2012 M. Fabrice C., de la société Cdiscount, a écrit en ces termes à M. Sofiane B., de la société Dexxon, qui l'interrogeait pour savoir si une commande avait suivi une demande de fourniture du 25 juillet 2012 concernant des produits de la marque Brother : « ...malgré les efforts sur les prix, je suis passé ailleurs car j'ai de gros objectifs de CA avec d'autres fournisseurs ».

A partir du moment où il est établi qu'une procédure d'appel d'offres a été instaurée, la Cour n'a pas à apprécier les motifs pour lesquels le choix de la société Cdiscount s'est porté sur des concurrents de la société Dexxon.

Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce que soutient la société Dexxon, à compter de l'instauration de la procédure d'appel d'offres la relation commerciale qui, par le passé, était établie, est devenue précaire.

Si bien que la baisse très importante de chiffre d'affaires observée en 2012 puis en 2013 était devenue prévisible dès l'instauration de la procédure d'appel d'offres en 2011.

Il s'ensuit que le tribunal de commerce doit être approuvé d'avoir débouté la société Dexxon de sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établie.

- Sur les frais

Le jugement, qui a exactement statué, sera confirmé en toutes ses dispositions.

La société Dexxon Groupe, qui succombe, versera à la société Cdiscount une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

La société Dexxon Groupe sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la société Dexxon Groupe à payer à la société Cdiscount une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Dexxon Groupe aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.