Commission, 5 mars 2021, n° M.10088
COMMISSION EUROPÉENNE
Décision
PAI PARTNERS / EURO ETHNIC FOODS
Objet: Affaire M.10088 – PAI PARTNERS/EURO ETHNIC FOOD
Décision de la Commission en application de l’article 6(1)(b) du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil1 et de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen2
Madame, Monsieur,
(1) Le 29 janvier 2021, la Commission européenne (la « Commission ») a reçu notification, conformément à l’article 4 du règlement sur les concentrations, d’un projet de concentration par lequel PAI Partners SAS (« PAI Partners » ou la « Partie notifiante », France) acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle exclusif de l'ensemble d’Euro Ethnic Foods S.A. (« EEF » ou la « Cible », Luxembourg).3 PAI Partners et EEF sont ci- après dénommés conjointement les « Parties ».
1. LES PARTIES ET LA CONCENTRATION
(2) PAI Partners est une société de capital-investissement dont les principaux secteurs d’investissement sont les biens de consommation, les biens de l’industrie, la distribution, la santé et les services aux entreprises. PAI Partners est aussi la société mère de, entre autres entités: (i) Refresco, active dans la production et l’embouteillement de boissons non alcoolisées, notamment des boissons gazeuses, des jus de fruits et des boissons rafraichissantes; (ii) Ecotone, active dans la fourniture de produits alimentaires biologiques; (iii) Froneri, active dans la production et la vente de glaces; et (iv) Labeyrie, active dans la production et la vente de produits alimentaires gourmet. Les activités de PAI Partners s’étendent sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne et de l’EEE.
(3) EEF est le seul opérateur de la section Épicerie & Boissons des magasins Grand Frais dont son activité principale consiste à vendre en détail des produits alimentaires. EEF est aussi la société mère de La Compagnie des Pruneaux, active dans la production et la vente aux tiers de la matière première composée de pruneaux et en particulier du jus de pruneaux. Bien que l’EEF soit active dans six États membres4 et au Royaume-Uni, ses activités sont presque exclusivement concentrées en France.5
(4) Suite à un contrat de cession signé le 19 novembre 2020, PAI Partners acquerra l’intégralité du capital et des droits de vote d’EEF (« l’Opération »). Par conséquent, la Cible sera entièrement contrôlée par PAI Partners.
2. LA DIMENSION DE L’OPÉRATION S’ENTEND À L’UNION
(5) Les entreprises concernées ont réalisé un chiffre d’affaires mondial consolidé de plus de 5 milliards d’euros6 en 2019 (PAI Partners: EUR […] million; EEF: EUR […] million). Chacune d’entre elles a réalisé un chiffre d’affaires dans l’Union de plus de 250 millions d’euros en 2019 (PAI Partners: EUR […] million; EEF: EUR […] million), mais aucune d’entre elles ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans un seul et même État membre. La dimension de l’Opération s’entend donc à l’Union.
3. MARCHÉS EN CAUSE
3.1. Vente en gros de biens de consommation courante (en amont)
(6) PAI Partners est active dans la vente en gros des biens de consommation courante suivants :
(a) Par l’intermédiaire de sa filiale Refresco, des boissons sans alcool ;
(b) Par l’intermédiaire de sa filiale Froneri, des glaces ;
(c) Par l’intermédiaire de sa filiale Labeyrie, des produits alimentaires gourmet, comprenant le saumon fumé, le foie gras, la charcuterie fine et la viande de canard ;
(d) Par l’intermédiaire de sa filiale Ecotone, une variété de produits alimentaires biologiques, comprenant boissons et yaourts à base de plantes, boissons chaudes, repas et pâtes à tartiner végétariens, biscuits, barres de céréales, chocolats, céréales et pain sans gluten.
(7) PAI Partners est en cours d’acquérir également le contrôle des entreprises suivantes : (i) Angulas Aguiaga, active dans la commercialisation de produits de mer frais et surgelés ; (ii) Addo Food Group, active dans la production de produits de pâtisserie fraîche ; et (iii) CompIEAT Group Food, active dans le secteur de la charcuterie, olives et entrées.
3.1.1. Précédents de la Commission
(8) En ce qui concerne le marché de produits, dans sa pratique décisionnelle, la Commission a identifié un marché distinct pour la distribution en gros de biens de consommation courante comprenant les ventes aux tiers (y compris certains groupes de détaillants, les hôtels, les restaurants et d’autres grands clients) par les fabricants, les grossistes traditionnels et les cash & carry.7
(9) Du point de vue de l’étendue géographique du marché, la Commission a considéré que ce marché avait une dimension nationale.8
3.1.2. Arguments de la Partie notifiante
(10) La Partie notifiante considère qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition de marché.
3.1.3. Analyse de la Commission
(11) Aucun élément de l’enquête sur le marché n’a pas remis en cause la pratique décisionnelle antérieure de la Commission s’agissant de la délimitation du marché pertinent.
(12) Tenant compte des activités des Parties décrites ci-dessus, la Commission examinera, aux fins de la présente décision, le marché pour la distribution en gros de biens de consommation courante en France.9
3.2. Approvisionnement en biens de consommation courante (en aval)
(13) EEF opère directement la section Épicerie & Boissons des magasins Grand Frais. L’activité principale d’EEF consiste donc à la vente au détail de biens de consommation courante, comprenant des boissons sans ou avec alcool, confiseries, produits apéritifs, desserts, biscuits ou des viennoiseries et panifications.
3.2.1. Précédents de la Commission
(14) En ce qui concerne le marché de produits, dans des décisions antérieures, la Commission a envisagé un marché distinct pour l’approvisionnement en biens de consommation courante, comprenant l’achat de biens de consommation courante par des clients tels que des grossistes, des détaillants et d’autres entreprises auprès de producteurs et de fournisseurs en amont.10
(15) Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a retenu une segmentation de ce marché en 23 catégories de produits.11 La Commission a également examiné précédemment, mais a finalement laissé ouverte, une distinction supplémentaire entre les différents circuits de vente, tels que la vente au détail de produits alimentaires, commerce spécialisé, épiceries fines, magasins de vente en libre- service et autres grossistes, pharmacies et commerce à l’exportation.12
(16) Du point de vue de l’étendue géographique du marché, la Commission a considéré que le marché pour l’approvisionnement en biens de consommation courante était national.13
3.2.2. Arguments de la Partie notifiante
(17) La Partie notifiante considère que, bien que la définition du marché puisse être laissée ouverte, le marché pertinent est celui de l’approvisionnement en biens de consommation courante, sans distinguer des circuits de vente. La Partie notifiante retient aussi une segmentation de ce marché en 20 catégories de produits.14
(18) En ce qui concerne le marché géographique, la Partie notifiante ne conteste pas la délimitation nationale du marché.
3.2.3. Analyse de la Commission
(19) Aucun élément de l’enquête sur le marché n’a pas remis en cause la pratique décisionnelle antérieure de la Commission s’agissant de la délimitation du marché pertinent.
(20) En tout état de cause, la Commission considère que, aux fins de la présente décision, la définition exacte du marché peut être laissée ouverte, car l’Opération ne poserait aucun problème de concurrence quelle que soit la définition du marché retenue.
(21) Aux fins de la présente décision, la Commission examinera le marché de l’approvisionnement en biens de consommation courante en France, segmenté par catégorie de produits.15
3.3. Production et vente de jus de fruits (en amont)
(22) EEF est active dans la production et vente de jus de fruits par l’intermédiaire de sa filiale La Compagnie des Pruneaux. En particulier, EEF est active dans la production et vente de jus de pruneaux, ainsi que de purée de pruneaux. Le jus de pruneaux produit par EEF est utilisé comme matière première pour la production des jus de pruneaux pour l'industrie agroalimentaire.
3.3.1. Précédents de la Commission
(23) En ce qui concerne le marché de produits, la Commission a précédemment envisagé un marché de la vente de jus de fruits comme distinct du marché plus large de la vente de boissons non alcoolisées. Or, la définition exacte a été laissée ouverte.16 Dans des décisions antérieures, la Commission a également conclu que le jus d’orange et le jus de pomme constituaient des marchés distincts en raison de la faible substituabilité des jus de ces fruits par rapport à d’autres goûts.17
(24) S’agissant de la délimitation géographique, la Commission a considéré que le marché de la vente de boissons non alcooliques était national,18 tandis que pour le jus d’orange et le jus de pomme, elle a estimé que ces marchés s’étendaient à l’ensemble de l’EEE,19 voire ils avaient une dimension mondiale.20
3.3.2. Arguments de la Partie notifiante
(25) Dans ce contexte, les Parties concèdent que le jus d’orange et le jus de pomme font partie des jus de fruits « incontournables » d’un point de vue des consommateurs. Or, cela n’est pas le cas du jus de pruneaux. Selon les Parties, le jus de pruneaux ne représente que 0.4% du marché des jus de fruits en France. La demande pour le jus de pruneaux est si faible que les producteurs ne peuvent pas prévoir les volumes de production au-delà d’une période de 12 mois.
(26) Compte tenu de ce qui précède, les Parties considèrent que le marché pertinent en l’espèce est le marché de la production et vente en gros de jus de fruits pris dans son ensemble.
(27) Les Parties considèrent également que, bien que la délimitation géographique exacte du marché puisse rester ouverte, le marché de la production et vente en gros de jus de fruits pris dans son ensemble est au moins européen, voire mondial.
3.3.3. Analyse de la Commission
(28) En ce qui concerne la définition du marché de produits, certains éléments de l’enquête sur le marché soutiennent une définition du marché plus étroite que celle retenue par les décisions antérieures de la Commission.
(29) En particulier, les résultats de l’enquête sur le marché suggèrent l’existence d’un marché de produit séparé pour le jus de pruneaux. Tout d’abord, on n’observe pas de substituabilité du côté de la demande. En fait, la plupart des répondants aux demandes de renseignements envoyées pendant l’enquête sur le marché a indiqué que les consommateurs de jus de pruneaux étaient très fidèles à ce goût, malgré son prix relativement élevé par rapport à d’autres goûts.21 En plus, les consommateurs de jus de pruneaux ne sont pas susceptibles de se tourner vers d’autres goûts compte tenu des avantages du jus de pruneaux pour la santé.22
(30) Certains répondants à l’enquête sur le marché ont même attiré l’attention sur d’éventuelles sous-distinctions dans le marché du jus de pruneaux. La plupart des répondants aux demandes de renseignements envoyées pendant l’enquête sur le marché a fait valoir que, du point de vue des consommateurs français et, dans une moindre mesure également des consommateurs européens, le jus de pruneaux fabriqué à base de pruneaux français, et plus précisément pruneaux IGP d’Agen, n’était pas substituable au jus de pruneaux fabriqué avec des pruneaux d’autres origines. La raison en est la meilleure qualité et le meilleur goût des pruneaux français.23
(31) Parallèlement, certains acteurs sur le marché ont également suggéré une segmentation possible du marché relative à l’utilisation des pruneaux issus de l’agriculture biologique. Selon eux, les consommateurs français et, dans une moindre mesure également les consommateurs européens, de jus de pruneaux produit avec des pruneaux issus de l’agriculture biologique sont normalement disposés à payer des frais supplémentaires pour garantir l’origine biologique de la matière première.24
(32) En revanche, certains éléments de l’enquête sur le marché suggèrent l’existence d’un marché de produit plus large. En ce qui concerne l’origine française des pruneaux, un concurrent important de PAI Partners a indiqué que 80-85% du jus de pruneaux vendu en France est produit avec des pruneaux étrangers.25
(33) Quant à la deuxième sous-segmentation évoque ci-dessus, certains acteurs sur le marché ont indiqué que les pruneaux issues de l’agriculture biologique représentaient seulement 3% de la production totale de jus de pruneaux en France en 2019 et ainsi que cette segmentation n’était pertinente que dans certains pays.26
(34) Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que les segmentations du marché potentielles en fonction de l’origine et la nature biologique des pruneaux, suggérées par les acteurs du marché, délimiteraient des marchés excessivement étroits, sans compter l’absence de l’unanimité des acteurs du marché en faveur d’une telle approche.
(35) En tout état de cause, la Commission considère que la définition exacte du marché de produit, i.e. sa limitation au jus de pruneaux ou sa délimitation plus large, peut être laissée ouverte, car l’Opération ne poserait aucun problème de concurrence et ce même en retenant la définition du marché plausible la plus étroite (le marché de la production et la vente du jus de pruneaux d’origine IGP d’Agen dans le contexte d’un marché de produits différencié).
(36) D’un point de vue géographique, les résultats de l’enquête sur le marché n’ont pas été concluants. Certains concurrents de PAI Partners établis en France ont indiqué qu’ils n’achetaient des pruneaux qu’auprès des producteurs locaux, et notamment ces établis dans la région d’Agen.27 Par contre, d’autres ont répondu qu’ils seraient en mesure de satisfaire leurs besoins en matière première avec des pruneaux importés de l’extérieur de l’EEE.28 Comme indiqué ci-dessus, un concurrent important de PAI Partners a indiqué que 80-85% du jus de pruneaux vendu en France est produit avec des pruneaux étrangers29 et qu‘EEF est en concurrence directe avec des fournisseurs étrangers.30
(37) Pour tout ce qui précède, la définition exacte du marché géographique, limité à la totalité ou une partie de la France, à l’EEE ou supérieur à l’EEE, peut être laissée ouverte car l’Opération ne poserait aucun problème de concurrence et ce même en retenant la définition du marché plausible la plus étroite (la France).31
3.4. Production et embouteillement de boissons rafraichissantes sans alcool (en aval)
(38) Par l’intermédiaire de sa filiale Refresco, PAI Partners est active dans la production et l’embouteillement de boissons sans alcool, notamment des boissons gazeuses, des jus de fruits ou encore des boissons rafraichissantes pour des détaillants et pour de grandes marques vendues sous marque de distributeur ou vendues sous ses propres marques. En ce qui concerne le jus de pruneaux, PAI Partners produit et embouteille le jus de pruneaux pour […]. À cet effet, PAI Partners s’approvisionne en jus de pruneaux comme matière première et y ajoute du sucre et d’autres ingrédients assaisonnant, conformément aux exigences de […]. Ensuite, ce jus de pruneaux est pasteurisé, embouteillé et livré au client.
(39) Pour le jus de pruneaux, les activités de PAI Partners sont limitées à la production et à l’embouteillement du jus de pruneaux aseptisé et à température ambiante, en emballage carton, en MDD à destination des détaillants.
3.4.1. Précédents de la Commission
(40) En ce qui concerne le marché de produits, la Commission a précédemment considéré que la production et la mise en bouteille de boissons rafraîchissantes gazeuses et non gazeuses constituaient deux marchés de produits distincts. Au sein du marché des boissons rafraîchissantes non gazeuses, la Commission a envisagé une segmentation supplémentaire pour les jus de fruits, mais elle a finalement laissé ouverte la définition exacte de ce marché.32 En plus, la Commission a distingué dans le passé des marchés de produits en fonction du : (i) type d’emballage (carton et PET); et (ii) le processus de production (aseptique et non aseptique, ainsi qu’ambiant et réfrigéré).33 La Commission a également examiné une segmentation potentielle du marché entre la production et l’embouteillement des boissons sans alcool biologiques et non biologiques.34 En outre, la Commission a précédemment considéré que la production et l’embouteillement de boissons sans alcool sous marque de distributeur appartenaient à un marché de produits distinct.35
(41) En ce qui concerne la dimension géographique du marché, la Commission a précédemment considéré que le marché de l’embouteillement des boissons rafraîchissantes non gazeuses avait une portée nationale, avec les importations exerçant une contrainte concurrentielle.36
3.4.2. Arguments de la Partie notifiante
(42) La Partie notifiante considère que le marché pertinent à retenir en l’espèce est le marché des boissons rafraichissantes sans alcool (excluant les thés prêt-à-boire et les eaux), et en particulier celui du jus, sur le segment des boissons aseptisées et ambiantes (PAI Partners ne produisant que des jus en processus ambiant et aseptisé), pour les détaillants. La Partie notifiante considère qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause la définition du marché géographique.
3.4.3. Analyse de la Commission
(43) En ce qui concerne la définition du marché de produits, certains éléments de l’enquête sur le marché soutiennent une définition plus étroite du marché que celle retenue dans les décisions antérieures de la Commission.
(44) Plusieurs répondants à l’enquête sur le marché ont indiqué l’existence d’un marché distinct pour la production de jus de fruits séchés. Selon eux, la production des jus de fruits séchés nécessite un équipement spécialisé. Contrairement à la production du jus à la base de fruits frais, la production du jus à la base de fruits séchés nécessite l’ajout de l’eau.37 Par contre, en ce que concerne l’embouteillement, presque tous les répondants à l’enquête sur le marché ont indiqué l’existence d’un marché commun pour tous les jus de fruits.38
(45) Du côté de la demande, comme indiqué ci-dessus, les répondants à l’enquête sur le marché ont signalé l’existence d’un marché plausible pour le jus de pruneaux, compte tenu du fait que les consommateurs de jus de pruneaux sont très fidèles à ce goût.39
(46) Aux fins de la présente décision, la définition exacte du marché, i.e. sa limitation au jus de fruits séchés, et plus précisément au jus de pruneaux, ou sa délimitation plus large, peut être laissée ouverte, car l’Opération ne poserait aucun problème de concurrence et ce même en retenant la définition du marché d’activité de PAI Partners la plus étroite possible (la production et l’embouteillement du jus de pruneaux aseptisé et ambiant, en emballage carton, en MDD et pour les détaillants).
(47) En ce qui concerne la dimension géographique du marché, les résultats de l’enquête sur le marché n’ont pas été concluants. Bien qu’un acteur sur le marché ait indiqué qu’il ne vendait son jus de pruneaux qu’au niveau national, un autre a évoqué les ventes en dehors de l’EEE.40
(48) Aux fins de la présente décision, la Commission considère que la définition exacte du marché géographique, i.e. sa dimension nationale, l’EEE ou supérieure à l’EEE, peut être laissée ouverte, car l’Opération ne poserait aucun problème de concurrence et ce même en retenant la définition du marché la plus étroite possible (le marché de la production et de l’embouteillement de jus de pruneaux en France).41
4. APPRÉCIATION SOUS L’ANGLE DE LA CONCURRENCE
(49) Au vu des définitions de marché exposées ci-dessus, l’Opération ne donne lieu qu’aux liens verticaux. En particulier, les activités des Parties se chevauchent verticalement sur les marchés suivants :
(a) la vente en gros de biens de consommation courante (en amont) par PAI Partners et l’approvisionnement en biens de consommation courante (en aval) par EEF ; et
(b) la production et la vente de jus de fruits (en amont) par EEF et la production et l’embouteillement de boissons rafraichissantes sans-alcool (en aval) par PAI Partners.
(50) Conformément aux Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales,42 une concentration verticale peut entraver la concurrence de manière significative en produisant des effets non-coordonnés, principalement lorsqu’elle entraine un verrouillage du marché. La notion de « verrouillage du marché » désigne tous les cas où la concentration entrave ou ferme l’accès des entreprises rivales aux sources d’approvisionnement (i.e. verrouillage du marché des intrants) ou aux débouchés (i.e. verrouillage de l’accès à la clientèle).43
(51) Dans le cadre de l’évaluation de la probabilité d’un scénario de verrouillage anticoncurrentiel du marché des intrants ou de la clientèle, la Commission examine, premièrement, si l'entité issue de la concentration aurait, à l’issue de l’opération de concentration, la capacité de verrouiller l’accès au marché concerné de manière significative,44 deuxièmement, si elle aurait intérêt à le faire et, troisièmement, si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence en amont ou en aval. 45
(59) Au cours de l’enquête sur le marché, un répondant aux demandes de renseignements a fait part de ses préoccupations quant à la position importante de PAI Partners sur le marché de la production et l’embouteillement de jus de pruneaux.48 Le même acteur sur le marché a également indiqué qu’EEF avait une position importante sur le marché de la production et la vente de jus de pruneaux produit avec des pruneaux originaires de la région française d’Agen et issus de l’agriculture biologiques, les deux catégories de pruneaux préférées par les consommateurs français de jus de pruneaux.49 Plusieurs répondants à l’enquête sur le marché ont aussi signalé que PAI Partners avait la capacité d’absorber la totalité de la production de jus de pruneaux comme matière première d’EEF.50
4.1.2.1. Risque de verrouillage des intrants
(A) Capacité
(60) En ce qui concerne la production et la vente en France de jus de pruneaux d’Agen, et le jus produit avec des pruneaux d’Agen non-biologiques en particulier, même si la part de marché d’EEF est non négligeable ([35-45]% et [45-55]% respectivement), la Commission considère que l’entité issue de l’Opération n’aura pas la capacité de s’engager dans un verrouillage des intrants après l’Opération.
(61) D’après la Partie notifiante, il existe plusieurs producteurs de jus de pruneaux d’Agen et d’autres origines comme matière première actifs en France qui exercent une pression concurrentielle sur PAI Partners.
(62) Ce constat a été confirmé par les acteurs du marché, qui ont évoqué plusieurs concurrents importants actifs dans l’EEE et en France51, ainsi que dans des pays hors EEE tels que la Turquie, la Moldavie ou la Serbie.52
(63) En outre, les participants du marché ont indiqué qu’il n’existait pas de barrières réglementaires, administratives, logistiques ou commerciales à l’entrée dans le marché en amont.53 En fait, au cours des cinq dernières années, deux nouvelles entreprises sont entrées sur ce marché.54
(B) Incitation
(64) La Commission considère que les Parties n’ont aucune incitation à verrouiller l’accès aux intrants. Étant donné qu’EEF couvre déjà […] de la demande de jus de pruneaux comme matière première de PAI Partners et que les profits réalisés par EEF en amont (avec le taux de marge de […]% par litre) dépassent largement ceux réalisés par PAI Partners en aval (avec le taux de marge de […]% par litre), tout comportement de verrouillage ne serait pas économiquement viable.
(65) Cette analyse a été confirmée par la majorité des acteurs du marché qui ont indiqué qu’il ne serait ni économiquement viable ni rentable pour PAI Partners de verrouiller ses clients.55
(C) Effets
(66) Au vu des résultats de l’enquête sur le marché et en se basant sur les résultats de l’enquête sur le marché, la Commission considère que l’Opération n’est pas de nature à entraver significativement la concurrence effective sur le marché en aval. En effet, la plupart des participants du marché interrogés dans le cadre de l’enquête sur le marché ont indiqué qu’ils n’anticipaient aucun problème de concurrence s’agissant de la fourniture de jus de pruneaux.56
4.1.2.2. Risque de verrouillage de l’accès à la clientèle
(A) Capacité
(67) Malgré les parts de marché non négligeables de PAI Partners en aval ([55-65]%), la Commission considère qu’à l’issue de l’Opération, les Parties n’auront pas la capacité de verrouiller l’accès des concurrents en amont à une clientèle suffisante. Tout d’abord, les besoins de PAI Partners en jus de pruneaux comme matière première sont déjà […] satisfaits par EEF.57
(68) En plus, les fournisseurs en amont de jus de fruits en tant que matière première auront toujours suffisamment de demande pour leurs produits. En effet, [35-45]% de la demande en aval restera à la disposition des concurrents d’EEF après l’Opération envisagée. En outre, il existe un certain nombre d’entreprises actives dans la production et l’embouteillement de jus de pruneaux dans des emballages autres que le carton. Par exemple, les Parties ont identifié trois sociétés actives dans la production et l’embouteillement en France de jus de pruneaux aseptisés et à température ambiante, en emballage en verre, en MDD à destination des détaillants.58 Bien que ces sociétés n’utilisent pas d’emballage carton pour l’embouteillement du jus de pruneaux, la matière première utilisée par toutes ces sociétés est la même que celle utilisée par PAI Partners.
(69) Par conséquent, les concurrents d’EEF disposeraient de suffisamment d’options supplémentaires même si les Parties décidaient de verrouiller l’accès à la clientèle après l’Opération.
(B) Incitation
(70) Concernant la possible incitation des Parties à verrouiller l’accès au segment de marché en aval, il découle de ce qui précède, et notamment du fait que PAI Partners s’approvisionne déjà […] auprès d’EEF, que l’Opération ne donne lieu à aucune incitation à la mise-en-œuvre d’une telle stratégie.
(C) Effets
(71) Au vu des résultats de l’enquête sur le marché, la Commission considère que l’Opération n’est pas de nature à entraver significativement la concurrence effective sur le marché en amont. Aucun répondant à l’étude de marche n’a soulevé des problèmes de concurrence relatifs au verrouillage de l’accès à la clientèle.
4.1.2.3. Conclusions quant aux risques de verrouillage en aval et en amont
(72) Au vu de ce qui précède et en se basant sur les résultats de l’enquête sur le marché, la Commission conclut que le risque de verrouillage du marché des intrants et de l’accès à la clientèle peut être écarté de sorte que l’Opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur.
5. CONCLUSION
(73) La Commission a décidé, pour les raisons exposées ci-dessus, de ne pas s’opposer à l’opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché intérieur et avec l’accord EEE. La présente décision est prise sur la base de l’article 6, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations et de l'article 57 de l'accord EEE.
1 Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JO L 24 du 29.1.2004, p. 1 (le « règlement sur les concentrations »). Applicable à compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») a introduit divers changements, parmi lesquels le remplacement des termes «Communauté» par «Union» et
«marché commun» par «marché intérieur». Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.
2 JO L 1 du 3.1.1994, p. 3 (l'«accord EEE»).
3 Publication au Journal officiel de l’Union européenne n° C 46 du 09.02.2021, p. 8.
4 À savoir : Belgique, République tchèque, Allemagne, Espagne, France et Luxembourg.
5 Les activités d’EEF sont presque exclusivement concentrées en France, où elle réalise […]% de son chiffre d’affaires. Les activités d’EEF dans d’autres États membres sont négligeables et n’ont représenté que […] millions d’euros en 2019.
6 Chiffre d’affaires calculé conformément à l’article 5 du règlement sur les concentrations.
7 Voir les Affaires M.2161 – Ahold/Superdiplo, point 21; . Par souci d’exhaustivité, dans l’Affaire M.784 — Kesko/Tuko, la Commission a conclu que le marché «cash & carry» constituait un marché distinct des autres marchés de vente en gros de biens de consommation courante.
8 Voir les Affaires M.2161 – Ahold/Superdiplo, point 22; et M.9142 – Rewe/Lekkerland, point 22.
9 Bien que PAI Partners et EEF sont également actives dans cinq autres États membres et au Royaume- Uni, comme indiqué à la note de bas de page numéro 5, la position de marché d’EEF hors de France est insignifiante. Par conséquent, l’Opération ne donne lieu qu’à des marchés affectés en France et, donc, les effets de l’Opération sur ce marché ne seront analysés qu’en ce qui concerne le marché français.
10 Voir les Affaires M.8468 – Norgesgruppen/Axfood/Eurocash, point 22; M.7920 – Netto/J Sainsbury/Dansk Supermarked/New Edlington/Hedon/Roundhay Road, point 19; M.7224 – Koninklijke Ahold/Spar CZ, point 10; M.1221 – Rewe/Meinl, point 81.
11 Voir l’Affaire M.7933 — Carrefour/Billa Romania and Billa Invest Construct, point 17 et note de bas de page 14. Les catégories de produits considérées sont les suivantes: (1) Liquides (y compris les boissons alcoolisées et non alcoolisées); (2) Produits de stockage de matériel informatique;
(3) Parfums/produits d’hygiène; (4) Épiceries sèches; (5) Produits parapharmaceutiques; (6) Les biens périssables vendus en libre-service; (7) Delicatessen; (8) Poissons; (9) Fruits et légumes; (10) Pain et gâteaux frais; (11) Viandes; (12) Le bricolage; (13) Décorations; (14) Culture;
(15) Jouets/loisirs/relaxation; (16) Jardinage; (17) Accessoires automobiles; (18) Gros appareils électroménagers; (19) Petits appareils électroménagers; (20) Photographie/fabrication de films;
(21) Hi-fi/audio; (22) Télévision/vidéo; et (23) Textiles.
12 Voir les Affaires M.7920 – Netto/J Sansbury/Danks Supermarked/New Edlington/Hedon/Roundhay Road, point 19; M.7933 – Carrefour/Billa Romania and Billa Invest Construct, point 16; et M.1221 – REWE/Meinl, point 81.
13 Voir les Affaires M.7933 – Carrefour/Billa Romania and Billa Invest Construct, point 19; M.7224 –
Koninklijke Ahold/Spar CZ, point 12; et M.5112 – Rewe/Plus Discount, point 22-23.
14 Notamment : (i) Viande et saucisses ; (ii) Volaille et œufs ; (iii) Pain et pâtisserie ; (iv) Produits laitiers ; (v) Fruits et légumes frais ; (vi) Bière ; (vii) Vin et spiritueux ; (viii) Boissons sans alcool ; (ix) Boissons chaudes ; (x) Confiserie ; (xi) Produits alimentaires de base ; (xii) Conserves ; (xiii) Produits surgelés ; (xiv) Aliments pour bébés ; (xv) Aliments pour animaux de compagnie ; (xvi) Articles de soins corporels (ex. crèmes, lotions) et cosmétiques (maquillage et parfums) ; (xvii) Détergents et agents de nettoyage ; (xviii) Autres produits de pharmacie ; (xix) Autres produits non alimentaires que l’on trouve habituellement dans les supermarchés (e.g., journaux, magazines, divertissements) ; et (xx) Poisson.
15 Bien que PAI Partners et EEF sont également actives dans cinq autres États membres et au Royaume- Uni, comme indiqué à la note de bas de page numéro 5, la position de marché d’EEF hors de France est insignifiante. Par conséquent, l’Opération ne donne lieu qu’à des marchés affectés en France et, donc, les effets de l’Opération sur ce marché ne seront analysés qu’en ce qui concerne le marché français.
16 Voir l’Affaire M.9369 – PAI Partners/Wessanen, points 116-117.
17 Voir l’Affaire M.6439 – Agrana/RWA/JV, points 43-69.
18 Voir l’Affaire M.9369 – PAI Partners/Wessanen, point 118.
19 Voir l’Affaire M.5907 – Votorantim/Fischer/JV, points 134-140.
20 Voir l’Affaire M.6439 – Agrana/RWA/JV, point 80.
21 Compte rendu des appels téléphoniques avec des compétiteurs établis dans l’EEE le 19 janvier 2021, 14 décembre 2020 et 25 janvier 2021; questionnaire aux concurrents de Refresco, questions B.B.6 et B.B.8.1.
22 Compte rendu de l’appel téléphonique avec un compétiteur établi dans l’EEE le 25 janvier 2021 ; Présentation «Prune Health Research Report» lors du Congrès IPA, octobre 2019.
23 Questionnaire aux concurrents de Refresco, questions B.A.2, B.B.6.1 et B.B.7.1 ; Compte rendu des appels téléphoniques avec des compétiteurs établis dans l’EEE le 19 janvier 2021, 14 décembre 2020 et 25 janvier 2021.
24 Questionnaire aux concurrents de Refresco, questions B.B.9, B.B.7.1, B.B.7.2 ; Compte rendu des appels téléphoniques avec des compétiteurs établis dans l’EEE le 28 janvier 2021 et 14 décembre 2020.
25 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question B.A.3.
26 Compte rendu de l’appel téléphonique avec un compétiteur établi dans l’EEE le 28 janvier 2021 ; et e-mail d’un compétiteur établi dans l’EEE le 5 février 2021 sur la base de l’information présentée dans le Congrès IPA de 2019 et du IHS Markit.
27 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question B.A.1.
28 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question B.A.1.
29 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question B.A.3.
30 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question C.1.3. et C.2.3.
31 Bien que PAI Partners et EEF sont également actives dans cinq autres États membres et au Royaume- Uni, comme indiqué à la note de bas de page numéro 5, la position de marché d’EEF hors de France est insignifiante. Par conséquent, l’Opération ne donne lieu qu’à des marchés affectés en France et, donc, les effets de l’Opération sur ce marché ne seront analysés qu’en ce qui concerne le marché français.
32 Voir l’Affaire M.9369 – PAI Partners/Wessanen, points 103-105.
33 Voir l’Affaire M.9369 – PAI Partners/Wessanen, point 105.
34 Voir l’Affaire M.9369 – PAI Partners/Wessanen, point 110.
35 Voir les Affaires M.6924 – Refresco Group/Pride Foods, points 41-45 ; M.9369 – PAI Partners/Wessanen, point 106.
36 Voir l’Affaire M.9369 – PAI Partners/Wessanen, point 107.
37 Compte rendu de l'appel téléphonique avec un compétiteur établi dans l’EEE le 28 janvier 2021.
38 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question B.B.5.
39 Compte rendu des appels téléphoniques avec des compétiteurs établis dans l’EEE le 19 janvier 2021, 14 décembre 2020 et 25 janvier 2021; questionnaire aux concurrents de Refresco, questions B.B.6 et B.B.8.1.
40 Questionnaire aux concurrents de Refresco, questions B.B.3 et B.B.3.1.
41 Bien que PAI Partners et EEF sont également actives dans cinq autres États membres et au Royaume- Uni, comme indiqué à la note de bas de page numéro 5, la position de marché d’EEF hors de France est insignifiante. Par conséquent, l’Opération ne donne lieu qu’à des marchés affectés en France et, donc, les effets de l’Opération sur ce marché ne seront analysés qu’en ce qui concerne le marché français.
42 Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations non-horizontales au regard du dèglement sur les concentrations (OJ C 265 du 18/10/2008, p. 6–25) (« Lignes directrices non horizontales »).
43 Lignes directrices non horizontales, paras. 18 et 29-30.
44 Dans l’hypothèse d’’un verrouillage du marché des intrants, la Commission examine si l’entité issue de la concentration aurait la capacité de verrouiller l’accès aux intrants pour les concurrents situés en aval, tandis que dans l’hypothèse d’un verrouillage de la clientèle, la Commission examine si l’entité issue de la concentration aurait la capacité de verrouiller l’accès aux marchés situés en aval en réduisant ses achats à ses concurrents situés en amont.
45 Lignes directrices non horizontales, paras. 32 et 59.
46 Form CO, points 219 et 250 à 254.
47 Form CO, point 176.
48 Compte rendu de l’appel téléphonique avec un concurrent établi dans l’EEE le 14 décembre 2020.
49 Compte rendu des appels téléphoniques avec des concurrents établis dans l’EEE le 14 décembre 2020 ; Questionnaire aux concurrents de Refresco, questions C.1.2 et C.2.2.
50 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question D.3.
51 Questionnaire aux concurrents de Refresco, questions C.1, C.1.1, C.1.3, C.2, C.2.1, C.2.2, D.2.2 et D.2.2.1.
52 Compte rendus des appels téléphoniques avec des concurrents établis dans l’EEE le 14 décembre 2020.
53 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question D.6.
54 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question D.5.1.
55 Questionnaire aux concurrents de Refresco, question D.4 ; Compte rendu de l’appel téléphonique avec un concurrent établi dans l’EEE le 19 janvier 2021.
56 Compte rendu des appels téléphoniques avec des concurrents établis dans l’EEE le 19 janvier 2021, 25 janvier 2021 et 28 janvier 2021 ; Questionnaire aux concurrents de Refresco, questions D.1 et D.8.
57 Form CO, point 176.
58 Form CO, point 253.