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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 17 mars 2021, n° 19/01836

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Grand Garage Du Velay (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, M. Kheitmi

TI Puy-En-Velay, du 5 juin 2019

5 juin 2019

EXPOSE DU LITIGE

Le 7 juillet 2016, M. Gaëtan O. P. a acquis auprès de la SAS GRAND GARAGE DU VELAY un véhicule Renault Laguna 2.0 DCI, avec une garantie OR de 12 mois, pour la somme de 13 006,76 euros.

Par courrier en date du 26 janvier 2017, M. O. P. a écrit à la SAS GRAND GARAGE DU VELAY pour signaler plusieurs anomalies d'ores et déjà constatées lors de ses passages au garage. Par courrier du 6 décembre 2017, il a fait part de tous les points signalés n'ayant pas été améliorés.

Une expertise amiable contradictoire est intervenue le 7 mars 2018, et un rapport établi le 20 avril 2018.

A défaut de trouver une solution amiable, M. Gaëtan O. P. a, par acte d'huissier du 26 octobre 2018, fait assigner la SAS GRAND GARAGE DU VELAY devant le tribunal d'instance du Puy-en-Velay aux fins de voir condamner le garage à lui restituer une partie du prix de vente, à savoir 9 500 euros sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.

Par jugement du 5 juin 2019, le tribunal a :

- déclaré l'action de M. O. P. à l'encontre de la SAS GRAND GARAGE DU VELAY recevable ;

- condamné la SAS GRAND GARAGE DU VELAY à payer à M. O. P. la somme de 6 349,04 euros, correspondant à la réduction du prix et la réparation du vice relatif à la direction, somme qui serait augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné la SAS GRAND GARAGE DU VELAY à payer à M. O. P. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande de la SAS GRAND GARAGE DU VELAY au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS GRAND GARAGE DU VELAY aux dépens.

Le tribunal a considéré que le point de départ de la découverte des vices, et notamment sur la direction, était la date du rapport d'expertise, soit le 20 avril 2018 ; que dès lors l'action en garantie des vices cachés n'était pas prescrite.

Sur le fond, il a estimé que le défaut de garniture de la porte, la direction et les bruyances constituaient des vices inhérents au véhicule ; que seul le problème de direction et les bruyances étaient antérieurs à la vente ; que les bruyances n'étaient toutefois pas cachées et ne présentaient pas un caractère de gravité suffisante contrairement au vice affectant la direction.

Il a alors considéré que ce vice justifiait une diminution du prix. Il a constaté que l'expert chiffrait le coût de la réparation de la direction et le réglage du train avant à la somme de 1949,04 euros et a fixé l'indemnisation au tiers du prix d'achat du véhicule, soit 4 400 euros outre 1949,04 euros au titre de la réparation de la direction.

La SAS GRAND GARAGE DU VELAY a interjeté appel du jugement suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 20 septembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 20 décembre 2019, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- débouter M. O. P. de l'ensemble de ses demandes car prescrites et subsidiairement non fondées ;

- le condamner au paiement des dépens, ainsi qu'à celui d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient au préalable que les pièces de M. O. P. permettent d'établir qu'il avait connaissance des « vices » qu'il invoque bien avant le dépôt du rapport d'expertise, le 26 octobre 2016 au plus tard, et en réalité dès le jour de la vente. Le rapport d'expertise ne peut constituer le point de départ du délai de prescription que lorsqu'il apporte de façon certaine à l'acquéreur la connaissance de l'existence d'un vice caché. L'action a été introduite par l'intimé plus de deux années après la connaissance qu'il avait de l'existence des « vices » qu'il invoque.

Elle constate que le tribunal a écarté la majeure partie des griefs invoqués par M. O. P., pour n'en retenir qu'un pour fonder sa condamnation, celui du problème dans la direction. Or, elle considère que ce problème était connu lors de l'acquisition du véhicule : il n'était pas caché et connu depuis plus de deux ans. La preuve de la connaissance de ce problème résulte notamment du contrôle technique remis à l'acquéreur en 2016 et duquel il résulte l'existence d'une usure irrégulière des pneumatiques. Elle estime que quiconque est en capacité de savoir qu'une usure irrégulière des pneumatiques est la manifestation d'un défaut.

Enfin, elle soutient que le tribunal ne pouvait la condamner cumulativement en paiement d'une restitution d'une partie du prix et du coût des réparations : cela reviendrait pour l'acquéreur à un prix diminué d'un tiers alors même que le vice serait expurgé puisque indemnisé avec le coût de la réparation pour le faire cesser.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 11 février 2020, M. Gaëtan O. P. demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions au visa des articles 1641, 1644 et 1648 du code civil, et il sollicite la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens.

Il expose que si le 26 janvier 2017, il a adressé un courrier à la SAS GRAND GARAGE DU VELAY pour confirmer les anomalies constatées déjà signalées lors de passages au garage, passages au demeurant non datés dans la lettre, il était sur la problématique d'anomalies ré solvables dans le cadre du contrat de garantie OR de RENAULT. Devant la carence du garage, il a sollicité son assurance laquelle a commandité une expertise et la réalité des vices rédhibitoires a été effectivement constatée et attestée par l'effet de ce rapport qui constitue le point de départ du délai de deux ans.

Il explique que dans le cadre de l'expertise, les parties ont pu constater les défauts signalés à plusieurs reprises depuis l'acquisition :

- des vibrations et des bruits anormaux au niveau de la planche de bord ;

- un « grincement » anormal de l'accoudoir de console centrale ;

- un bruit lors des braquages et un jeu au niveau de la roue avant droite ;

- une usure accentuée des pneumatiques avant sur l'extérieur.

Il a en outre été constaté que le véhicule présentait des défauts consécutifs à des malfaçons du garage suite à une remise en état de carrosserie réalisée en septembre 2017. Les malfaçons sont les suivantes : le dégivrage du rétroviseur gauche ne fonctionne pas, la garniture de la porte avant gauche est mal positionnée, un défaut de fixation du pare boue droit avec le bouclier avant.

Il fait valoir que le tribunal a estimé que les bruyances ne constituent pas un vice grave, ni caché, et en prend acte. Par contre, il relève que le tribunal a constaté que la direction est un problème grave justifiant une diminution du prix ; qu'il résulte de l'échange de mails que la SAS GRAND GARAGE DU VELAY a proposé de reprendre le véhicule au prix de 6 000 euros ; que l'expert a chiffré le coût de la réparation de la direction et du réglage du train avant à la somme de 1 949,04 euros. Le tribunal a pris en compte ces 1 949,04 euros auxquels s'ajoute une indemnisation fixée au tiers du prix d'achat, soit 4 400 euros. Il ne forme pas appel incident malgré une demande supérieure en termes d'indemnité à ce qui a été accordée.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2020.

MOTIFS

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a écarté les désordres autres que ceux visant la direction du véhicule car ne répondant pas à la définition de vice caché, seul fondement invoqué par M. O. P..

Par ailleurs, ce dernier sollicite la confirmation du jugement, prenant acte dans ses conclusions que le tribunal n'avait retenu que le vice affectant la direction pour faire droit partiellement à ses demandes.

Ainsi, il convient d'examiner les moyens soulevés par l'appelante concernant précisément ce désordre.

- Sur la prescription de l'action

L'article 1648 du code civil énonce que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Dans son courrier du 26 janvier 2017, M. O. P. s'est plaint à la SAS GRAND GARAGE DU VELAY de plusieurs désordres affectant son véhicule, et notamment que « mon véhicule faisait du bruit au niveau de la direction ». Son courrier débutait avec les termes suivants : « Depuis l'achat de mon véhicule Renault Laguna le 07 juillet 2016 et mes différents passages à votre garage pour signaler les différents problèmes constatés... ».

Par ailleurs, il ressort de l'expertise que sur le procès-verbal de contrôle technique réalisé le 14 juin 2016, soit quelques jours avant la vente du véhicule à M. O. P., une usure irrégulière des pneumatiques était signalée (pièce non versée aux débats). Toutefois, ainsi que l'a retenu le tribunal, un non professionnel ne pouvait pas déduire de cette mention sur le procès-verbal de contrôle technique qu'il s'agissait d'un problème de direction pouvant constituer un vice rédhibitoire.

En outre, le courrier du 26 janvier 2017 ne permet pas précisément de dater la connaissance par M. O. P. du désordre affectant la direction du véhicule : les « passages » au garage sont antérieurs au 26 janvier 2017, mais ne sont pas datés dans le courrier.

L'assignation a été délivrée le 26 octobre 2018. Il ne peut être affirmé avec certitude que l'acquéreur a eu connaissance de ce désordre avant le 26 octobre 2016 comme le soutient la SAS GRAND GARAGE DU VELAY.

Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il a déclaré l'action en vice caché de M. O. P. à l'encontre de la SAS GRAND GARAGE DU VELAY recevable, comme étant non prescrite.

- Sur l'existence d'un vice caché

En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel. On la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1642 du code civil énonce que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Il résulte de ces dispositions que le vendeur n'est pas tenu à garantie lorsque l'acheteur a eu connaissance, au moment de la vente, du vice dont la chose vendue était affectée.

La SAS GRAND GARAGE DU VELAY ne conteste pas l'existence même du désordre affectant la direction du véhicule, mais soutient qu'il ne peut s'agir d'un vice caché car il était connu de l'acquéreur au moment de la vente.

Il convient d'adopter les motifs du tribunal sur ce point, à savoir que la mention de l'usure irrégulière des pneumatiques ne pouvait suffire à conclure à la connaissance du vice par un profane ; que l'expert avait relevé que plusieurs contrôles et réglages de la géométrie du train avaient été réalisés de sorte que les parties avaient essayé de résoudre le problème avant de se rendre compte que cette anomalie était persistante et qu'il s'agissait d'un vice caché.

Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché concernant le désordre affectant la direction du véhicule.

- Sur la demande en restitution d'une partie du prix

En application de l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

M. O. P. a opté pour l'action estimatoire.

La cour, tout comme le tribunal, retient l'existence d'un vice caché, le désordre affectant la direction.

Aussi, la réduction du prix sera égale au montant des réparations affectant ce désordre particulier, dont le coût a été fixé par M. O. P. par le biais de son expertise amiable à 1 949,04 euros.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a retenu la condamnation de la SAS GRAND GARAGE DU VELAY au paiement de la somme de « 6 349,04 euros, correspondant à la réduction du prix et la réparation du vice relatif à la direction », le montant de la condamnation étant ramené à 1 949,04 euros.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement à l'instance, la SAS GRAND GARAGE DU VELAY sera condamnée aux dépens d'appel, et l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il condamné la SAS GRAND GARAGE DU VELAY à payer à M. Gaëtan O. P. la somme de 6 349,04 euros correspondant à la réduction du prix et la réparation du vice relatif à la direction ;

Infirme le jugement sur ce point et statuant à nouveau,

Dit que le montant de la condamnation sera limité à la somme de 1 949,04 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SAS GRAND GARAGE DU VELAY aux dépens d'appel.