ADLC, 24 mars 2021, n° 21-D-09
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous marque de distributeur
L’Autorité de la concurrence (section III),
Vu la demande de la société Ebro Foods SA et de ses filiales, les sociétés Panzani SAS, Les Traiteurs Lyonnais et Roland Monterrat, formulée auprès du rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence les 10 et 25 mai 2016, enregistrée sous le n° 16/0041 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu la décision n° 16-SO-05 du 13 juillet 2016, enregistrée sous le n° 16/0064 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs à destination des enseignes de la grande surface alimentaire ;
Vu l’avis de clémence n° 16-AC-01 du 20 juillet 2016 concernant les sociétés Ebro Foods SA, Panzani SAS, Les Traiteurs Lyonnais et Roland Monterrat ;
Vu la demande des sociétés LDC Traiteur et La Toque Angevine, formulée auprès du rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence les 19 septembre et 7 novembre 2016, enregistrée sous le n° 16/0093 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu la demande des sociétés Norac, Daunat, Daunat Bretagne, Daunat Bourgogne, Daunat Picardie, Daunat Nord et Snacking Services, formulée auprès du rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence les 21 septembre et 18 novembre 2016, enregistrée sous le n° 16/0100 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu l’avis de clémence n° 18-AC-03 du 21 février 2018 concernant les sociétés La Toque Angevine et LDC Traiteur ;
Vu l’avis de clémence n° 18-AC-04 du 15 mai 2018 concernant les sociétés Norac, Daunat, Daunat Bretagne, Daunat Bourgogne, Daunat Picardie, Daunat Nord et Snacking Services ;
Vu l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 420-1 ;
Vu les décisions de secret des affaires, n° 18-DSA-211 du 11 juillet 2018, n° 18-DSA-232 du 18 juillet 2018, n° 18-DSA-253 du 2 août 2018, n° 19-DSA-053 du 7 février 2019, n° 19-DSA-055 du 8 février 2019, n° 19-DSA-381 du 27 août 2019, n° 19-DSA-439 du 6 septembre 2019, n° 19-DSA-440 du 6 septembre 2019, n° 19-DSA-544 du 2 octobre 2019, n° 19-DSA-687 du 25 novembre 2019, n° 19-DSA-688 du 25 novembre 2019, n° 19-DSA-691 du 26 novembre 2019, n° 19-DEC-719 du 20 décembre 2019, n° 19-DEC-721 du 26 décembre 2019, n° 19-DEC-722 du 26 décembre 2019, n° 20-DEC-145 du 24 février 2020, n° 20-DSA-159 du 2 mars 2020, n° 20-DSA-188 du 31 mars 2020, n° 20-DSA-194 du 7 avril 2020, n° 20-DSA-462 du 21 septembre 2020, n° 20-DSA-465 du 22 septembre 2020, n° 20-DSA-467 du 22 septembre 2020, n° 20-DSA-468 du 22 septembre 2020, n° 20-DSA-508 du 19 octobre 2020 ;
Vu les observations présentées par les sociétés Ebro Foods SA, Panzani SAS, Les Traiteurs Lyonnais, Roland Monterrat, La Toque Angevine, LDC Traiteur, LDC SA, Norac, Daunat, et Snacking Services, et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, les représentants des sociétés Roland Monterrat, Les Traiteurs Lyonnais, Panzani SAS, Ebro Foods SA, La Toque Angevine, LDC Traiteur et LDC SA, Norac, Daunat et Snacking Services, et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 1er décembre 2020 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a sanctionné, pour un montant global de 24 574 000 euros, trois entreprises actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels froids vendus sous marque de distributeur (dits « MDD »), pour des pratiques d’entente anticoncurrentielle.
Ces entreprises ont mis en œuvre, entre les mois de septembre 2010 et septembre 2016, des pratiques ayant consisté, dans le cadre des appels d’offres lancés par les grandes et moyennes surfaces alimentaires (ci-après « GSA »), et dans une moindre mesure, par les stations-service, à définir une stratégie commune visant à désigner par avance l’entreprise qui remporterait les marchés. Les entreprises mises en cause ont également décidé de coordonner leurs négociations tarifaires bilatérales avec les enseignes de la GSA dans le but d’obtenir des hausses de prix au cours de l’exécution des marchés. Ces pratiques ont ainsi visé à mettre en œuvre un plan de répartition des volumes et des clients et à s’accorder sur le niveau des prix à proposer à ces clients.
L’Autorité a considéré que, eu égard à leur nature et à leur finalité, ces pratiques constituaient par leur objet même un accord anticoncurrentiel.
Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à la procédure de clémence, qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire.
En effet, la société Roland Monterrat, qui a pris part aux pratiques, a demandé la première en mai 2016 le bénéfice de cette procédure. Les opérations de visite et saisie réalisées en septembre 2016 ont permis de réunir des preuves qui ont complété celles apportées par ses soins. Par ailleurs, à la suite de ces opérations, les entreprises La Toque Angevine et Daunat, qui ont également pris part aux pratiques, ont elles aussi sollicité le bénéfice de la procédure de clémence.
La société Roland Monterrat a bénéficié, en sa qualité de premier demandeur de clémence, d’une exonération totale de sanction. La Toque Angevine et Daunat, en leur qualité de demandeurs de clémence de deuxième rang, ont bénéficié d’une exonération partielle de sanction. Par ailleurs, s’agissant de Daunat, l’Autorité a fait application de la possibilité, dite « clémence Plus »2, prévue au point 22 du communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français, d’accorder une exonération supplémentaire à l’entreprise qui fournit la première des preuves incontestables permettant à l’Autorité d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente. Ainsi, pour déterminer le montant de la sanction infligée à cette entreprise, l’Autorité n’a pas tenu compte, d’une part, de la durée correspondant à la période des pratiques que seuls les éléments fournis par cette entreprise ont permis de révéler. D’autre part, elle n’a pas tenu compte de la valeur des ventes aux stations-service, dès lors que Daunat a, la première, fourni les preuves incontestables permettant d’établir l’existence de pratiques visant cette catégorie de clients.
Au total, l’Autorité a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
I. Les constatations
A. RAPPEL DE LA PROCEDURE
1. Par procès-verbaux des 10 et 25 mai 2016, le rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a accusé réception d’une demande de mise en œuvre de la procédure de clémence présentée pour le compte des sociétés Ebro Foods SA, Panzani SAS, Les Traiteurs Lyonnais et Roland Monterrat. Cette demande portait sur des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous marque de distributeur (ci-après « MDD »).
2. Par décision n° 16-SO-05 du 13 juillet 2016, l’Autorité s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs à destination des enseignes de la grande surface alimentaire.
3. Le 20 juillet 2016, l’Autorité a rendu l’avis de clémence n° 16-AC-01 accordant aux sociétés Ebro Foods SA, Panzani SAS, Les Traiteurs Lyonnais et Roland Monterrat le bénéfice conditionnel d’une exonération totale des sanctions éventuellement encourues pour les pratiques dénoncées dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous MDD sur le territoire français.
4. Par ordonnance du 31 août 2016, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d’Angers a autorisé les services d’instruction de l’Autorité à procéder à des opérations de visite et saisie dans les locaux de la société Roland Monterrat, de la société La Toque Angevine, de la société Daunat Bretagne, et des sociétés appartenant aux mêmes groupes que ces trois sociétés et établies à la même adresse que ces dernières.
5. Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 15 septembre 2016 et n’ont pas fait l’objet de recours.
6. La société LTA et sa société mère, la société LDC Traiteur, ont présenté une demande de clémence, dont le rapporteur général adjoint de l’Autorité a accusé réception par procès- verbaux des 19 septembre et 7 novembre 2016.
7. Les sociétés Norac, Daunat, Daunat Bretagne, Daunat Bourgogne, Daunat Picardie, Daunat Nord et Snacking Services (ci-après « Daunat ») ont, de même, présenté une demande tendant au bénéfice de la procédure de clémence, dont le rapporteur général adjoint de l’Autorité a accusé réception par procès-verbaux des 21 septembre et 18 novembre 2016.
8. Le 21 février 2018, l’Autorité a rendu l’avis de clémence n° 18-AC-03 accordant aux sociétés LTA et LDC Traiteur le bénéfice conditionnel d’une exonération partielle de sanction qui pourrait être comprise entre 25 % et 35 % des sanctions éventuellement encourues.
9. Le 15 mai 2018, l’Autorité a rendu l’avis de clémence n° 18-AC-04 accordant aux sociétés Norac, Daunat, Daunat Bretagne, Daunat Bourgogne, Daunat Picardie, Daunat Nord et Snacking Services le bénéfice conditionnel d’une exonération partielle de sanction qui pourrait être comprise entre 15 % et 30 % des sanctions éventuellement encourues.
10. Les services d’instruction ont adressé aux entreprises mises en cause une notification de griefs le 5 mars 2020.
11. L’ensemble des entreprises mises en cause ayant demandé le bénéfice de la procédure de clémence, les services d’instruction n’ont pas établi de rapport, en faisant application des dispositions de la dernière phrase du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce3.
B. LE SECTEUR D’ACTIVITE
1. LES PRODUITS CONCERNES
12. Les sandwichs industriels, commercialisés par un acteur de la distribution dans un lieu distinct de leur fabrication, se distinguent des sandwichs frais, préparés et vendus sur place, par exemple dans des boulangeries ou dans des restaurants. Leur date limite de consommation est de plusieurs jours (généralement deux à dix jours, selon les ingrédients).
13. Ils sont proposés en recettes chaudes ou froides. Les sandwichs froids sont déclinés en différentes gammes, parmi lesquelles figurent les sandwichs « baguettes », les sandwichs dits « clubs » ou « triangles simples », les sandwichs « triples », les sandwichs « wraps » ou encore les sandwichs « mini » ou « petits formats ».
14. Les sandwichs industriels sont vendus sous marque de fabricant (ci-après « MDF ») ou sous MDD.
15. Les pratiques en litige portent sur la fabrication et la commercialisation des sandwichs industriels vendus sous MDD.
2. LES CANAUX DE DISTRIBUTION
16. La commercialisation des sandwichs industriels s’effectue au travers de plusieurs canaux de distribution : la grande distribution, en particulier les grandes et moyennes surfaces alimentaires (ci-après « GSA »), les stations-service et la restauration hors foyer, qui comprend notamment la restauration collective, les hôtels et restaurants, les hôpitaux et autres établissements d’hébergement.
17. Les pratiques en litige concernent la commercialisation des sandwichs industriels sous MDD vendus aux stations-service et aux enseignes de la GSA.
18. Les enseignes de la GSA constituent le principal débouché pour les fabricants de sandwichs vendus sous MDD. Ainsi, selon Daunat, elles représenteraient environ 80 % des ventes au détail de sandwichs sous MDD4.
19. S’agissant des stations-service, certaines d’entre elles commercialisent des sandwichs industriels, le plus souvent sous MDF.
3. LA FIXATION DU PRIX DES SANDWICHS DANS LE CADRE DES APPELS D’OFFRES
20. Les enseignes de la GSA, de même que les stations-service, recourent généralement à des procédures d’appels d’offres pour s’approvisionner en sandwichs industriels destinés à être vendus sous MDD5. Les distributeurs définissent librement les modalités d’organisation des appels d’offres, en ce qui concerne notamment la fréquence des consultations, ou encore la nature des produits concernés ; l’appel d’offres précisera ainsi le grammage et les éléments entrant dans la composition du sandwich6. Lors d’un appel d’offres, les distributeurs procèdent à des demandes de cotation portant sur les produits concernés par celui-ci.
21. Les fabricants qui souhaitent soumissionner indiquent le prix à l’unité qu’ils proposent pour chaque référence de sandwich, qui correspond à une recette et à un grammage précis. À l’issue de l’appel d’offres, les acheteurs peuvent décider de retenir un ou plusieurs fournisseurs pour des références différentes7.
22. Les prix fixés dans le cadre des appels d’offres sont susceptibles de faire l’objet de discussions et de révisions au cours de l’exécution du marché. Les fabricants peuvent notamment être amenés à demander à renégocier leurs prix à la hausse afin de tenir compte de l’évolution de certains coûts de production, liés par exemple à l’augmentation du prix de certains ingrédients.
C. LES ACTEURS CONCERNES
23. Les principaux fabricants de sandwichs industriels vendus sous MDF sont Sodebo et Daunat. S’agissant des sandwichs vendus sous MDD, les principaux fabricants sont Daunat, LTA, et Roland Monterrat. Ces deux dernières entreprises ne commercialisent pas de sandwichs sous MDF. Selon les estimations de Daunat, les parts de marché en volume de LTA, Roland Monterrat et Daunat sur le segment de la MDD s’élevaient, en 2017, respectivement, à 43 %, 23 % et 23 %8.
1. ROLAND MONTERRAT
24. La société Roland Monterrat, créée en 1984, fabrique et commercialise des pâtés en croute, des produits traiteurs et des sandwichs.
25. Entre 2009 et 2013, la société était détenue à 99,97 % par la Compagnie européenne de charcuterie et de pâtisserie, elle-même détenue à 73,4 % par M. M… et d’autres membres de la famille Monterrat, et à 25,5 % par la société Unigrains.
26. En 2013, M. M… a cédé la majeure partie de ses titres au fonds d’investissement MBO Capital 3, qui est devenu actionnaire majoritaire de la société Roland Monterrat par l’intermédiaire de la société holding RM Expansion, créée à cette occasion9.
27. Le 30 septembre 2015, la société Les Traiteurs Lyonnais a fait l’acquisition de la société Roland Monterrat en devenant unique actionnaire de la société RM Expansion, qui a ensuite été dissoute en décembre 201510.
28. La société Les Traiteurs Lyonnais est détenue à 99,82 % par la société Panzani SAS, elle- même détenue à 100 % par la société espagnole Ebro Foods SA11.
29. La société Roland Monterrat a réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de 59,1 millions d’euros12. Le chiffre d’affaires consolidé du groupe Ebro Foods s’est élevé la même année à 2,507 milliards d’euros13.
2. LA TOQUE ANGEVINE (LTA)
30. La société LTA, créée en 1982, produit et commercialise des gammes de sandwichs et de pizzas, principalement sous MDD. Elle est intégralement détenue par la société LDC traiteur, elle-même filiale à 100 % de la société LDC SA, société mère du groupe LDC, par ailleurs actif dans le secteur de la volaille14.
31. En 2017, la société LTA a réalisé un chiffre d’affaires de 92,7 millions d’euros15. Le chiffre d’affaires consolidé du groupe LDC s’est élevé au cours de la même année à 3,8 milliards d’euros16.
3. SNACKING SERVICES
32. La société Snacking Services est détenue à 100 % par les quatre sociétés de production Daunat Bretagne, Daunat Bourgogne, Daunat Picardie, et Daunat Nord. Elle a pour activité la commercialisation des produits de ses sociétés mères. Ces quatre sociétés sont elles- mêmes détenues à 100 % par la société Daunat, qui est une filiale à 100 % de la société Norac, société mère du groupe du même nom17, actif notamment dans le secteur de la boulangerie, de la pâtisserie et de la fabrication de produits traiteurs.
33. Pour ce qui est de la fabrication de sandwichs, le groupe est majoritairement actif sur le segment de la MDF. En termes de volumes, la part des sandwichs qu’il vend sous MDF est évaluée à 70 %, contre 30 % pour les sandwichs vendus sous MDD18.
34. En 2017, le chiffre d’affaires de la société Snackings Services s’est élevé à [200-300] millions d’euros19. Le groupe Norac a réalisé au cours du même exercice un chiffre d’affaires de [800-900] millions d’euros20.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
1. UN CONTEXTE MARQUE PAR UN EPISODE DE GUERRE DES PRIX
35. Dans le cadre des appels d’offres lancés par les enseignes de la GSA pour leur approvisionnement en sandwichs sous MDD, les trois entreprises mises en cause se sont livrées, selon les termes de Daunat, à une « guerre des prix sans merci »21 en 2009 et 2010. De même, la société Roland Monterrat fait état, dans sa demande de clémence, d’une « guerre des prix menée (…) en 2009 et 2010 »22. LTA mentionne de façon identique dans sa demande de clémence « une véritable guerre des prix entre les trois acteurs »23.
36. Cet épisode de guerre des prix trouve son origine dans la volonté des trois entreprises de gagner des parts de marché auprès des enseignes de la grande distribution en adoptant une « politique tarifaire agressive »24.
37. Au cours de cette période, la stratégie offensive déployée par les mis en cause a été de nature à déstabiliser les positions qu’ils détenaient auprès de leurs clients historiques. La société LTA expose ainsi avoir dû, « pour ne pas perdre le marché », consentir des baisses de prix importantes au cours de l’année 2009 à son client Scamark25, qui lui a demandé un « alignement sur la concurrence »26. En juin 2010, du fait de l’offre présentée par LTA, la société Roland Monterrat dit avoir été contrainte par Leader Price de consentir des baisses de prix importantes afin de conserver sa position sur plusieurs références auprès de ce client. Elle indique ainsi, à titre d’exemple, que sur la référence de sandwich « jambon emmental », le prix a diminué « de 0,70 € à 0,58 € entre la première réponse formulée à l’appel d’offres et celle finalement retenue »27. De même, Daunat indique avoir perdu l’appel d’offres lancé par Carrefour en juillet 2010 sur plusieurs références, en dépit des baisses de prix significatives consenties à l’acheteur, de l’ordre de 31 % sur les sandwichs « clubs » et de 16 % sur les sandwichs « maxi »28.
38. Les entreprises en cause font valoir que cette stratégie a eu des répercussions importantes, notamment sur leur pouvoir de négociation concernant l’évolution des prix en cours de marché. Selon la société Roland Monterrat, les fabricants étaient « dans l’incapacité de passer une hausse de prix en cours de marché, sauf à voir leurs marchés remis en cause par voie d’appel d’offres »29.
39. Par ailleurs, les entreprises estiment que ce contexte a fortement affecté leur situation financière. La société LTA a connu entre 2008 et 2011 une baisse de son chiffre d’affaires qu’elle attribue à la guerre des prix qui l’a opposée à ses concurrents30. Dans le même sens, Daunat expose que le « contexte de guerre des prix entre les différents opérateurs (…) a mis à mal leur santé financière »31. De même, dans un support de présentation de la société Roland Monterrat daté du 4 novembre 2015, intitulé « budget 2016 », figure, sur une diapositive visant à illustrer la « performance économique irrégulière » de la société, la mention « 2009 guerre des prix »32.
40. C’est dans ce contexte particulier de guerre des prix que les trois entreprises sont convenues d’un « pacte de non-agression » à la fin de l’année 2010.
2. LA MISE EN ŒUVRE D’UN « PACTE DE NON-AGRESSION »
41. Les premiers contacts entre les entreprises mises en cause ont eu lieu au mois de septembre 2010. Il résulte en effet d’un document intitulé « suivi relation »33, établi par le gérant de la société Snacking Services et retraçant de façon chronologique les échanges entre les mis en cause, qu’une réunion a été organisée à l’occasion d’un déjeuner le 20 septembre 2010 entre ce dernier et le président de la société LTA. La rencontre avait pour objet les « prix Leclerc ». Au cours de son audition, le gérant de la société Snacking Services a déclaré que lors de cette rencontre, le président de la société LTA lui a expliqué « les usages de la profession, notamment le fonctionnement en bonne intelligence avec Roland Monterrat »34 et l’a interrogé sur les prix proposés à Leclerc.
42. À la suite de ces premiers contacts, le gérant de la société Snacking Services, le président de la société LTA et le président de la société Roland Monterrat se sont réunis à l’occasion d’un déjeuner le 6 octobre 2010. Le document « suivi relation » précité fait apparaître en commentaire la mention « affectation » à propos de ce rendez-vous. Dans un document produit dans le cadre de sa demande de clémence, Daunat indique qu’au cours de cette réunion, les représentants des trois entreprises se sont entendus afin « d’affecter les marchés, de cristalliser leurs positions auprès des différents acteurs de la grande distribution et de désigner un chef de file afin de piloter l’entente »35.
43. La réunion du 6 octobre 2010 a conduit à la mise en œuvre d’un« pacte de non-agression », selon les termes employés par Daunat36. De même, d’après l’ancien directeur général de la société Roland Monterrat, le « pacte de non-agression aboutira à la répartition des marchés telle qu’existant fin 2010 et à la neutralisation de la concurrence par les prix »37.
44. Le maintien des parts de marché des fabricants de sandwichs sous MDD auprès des opérateurs de la grande distribution apparaît ainsi comme l’objectif principal poursuivi par les trois mis en cause. Selon Daunat, ces derniers souhaitaient en effet « cristalliser les positions des opérateurs et, à tout le moins, maintenir les marges en échangeant des informations stratégiques et confidentielles sur les principaux paramètres des négociations sandwichs MDD avec la grande distribution »38. De même, d’après le directeur général de la société Roland Monterrat « par principe, la paix convenue suppose le maintien du périmètre détenu par chaque industriel auprès de chaque distributeur, tel que constaté fin 2010 dans chaque marché »39. Dans le même sens, la société LTA indique, à l’appui de sa demande de clémence, que les trois entreprises étaient convenues de « se coordonner pour répondre aux demandes de cotations des clients afin que chaque fabricant conserve ses références et que des hausses de prix soient obtenues auprès des clients »40.
45. Selon Daunat, la réunion du 6 octobre 2010 a également permis de définir les modalités pratiques des échanges entre les trois entreprises à l’occasion des appels d’offres lancés par les acheteurs. Le gérant de la société Snacking Services a en effet précisé qu’au cours de cette réunion, le principe de la désignation, parmi les représentants des trois entreprises, d’un « animateur » pour chacune des principales enseignes de la GSA a été acté. Dans le cadre des appels d’offres lancés par celles-ci, le rôle de l’animateur consistait à « consulter ses deux autres interlocuteurs selon la forme qui lui convient »41.
46. Il résulte de ce qui précède que la réunion du 6 octobre 2010 apparaît comme l’acte fondateur par lequel les trois entreprises se sont accordées sur le principe d’une répartition des marchés entre elles. Les échanges décrits ci-dessous procèdent de cet acte fondateur et ont été mis en œuvre conformément aux principes définis en commun par les trois entreprises.
3. LES ECHANGES INTERVENUS DANS LE CADRE DES APPELS D’OFFRES
47. En vue de répondre à l’objectif consistant à « cristalliser » leurs positions auprès de leurs clients respectifs, les trois fabricants de sandwichs sous MDD ont cherché, selon la société Roland Monterrat, à « coordonner [leur] comportement (…) dans le cadre des appels d’offres, afin que chacune des sociétés participantes ait l’assurance que ses prix soient plus compétitifs que ceux proposés par ses concurrents sur les références devant lui revenir conformément à la répartition des marchés convenue »42.
48. Dans le cadre des appels d’offres lancés par leurs clients, les entreprises mises en cause ont ainsi régulièrement échangé des informations relatives aux tarifs qu’elles pouvaient envisager de proposer sur les différentes références concernées par ces appels d’offres. Selon la société Roland Monterrat, « en pratique, chacun envoie ses projets de prix par mail à ses concurrents, puis les parties s’appellent pour en discuter, évoquer la cohérence des prix d’une référence par rapport à une autre et, le cas échéant, réajuster leurs offres (…). Chaque société rédige finalement son offre à destination du distributeur concerné en considération des choix opérés ensemble »43.
49. Afin de ne pas éveiller les soupçons des acheteurs, des offres de couverture étaient déposées par les parties prenantes sur les références pour lesquelles il avait été convenu qu’elles ne devaient pas remporter l’appel d’offres44. Le cas échéant, elles pouvaient également indiquer à l’acheteur qu’elles refusaient de participer à l’appel d’offres sous le prétexte de difficultés techniques ou pour des raisons économiques45. Enfin, les parties pouvaient être amenées à différencier leurs offres sur des paramètres autres que le prix, afin de rendre plus complexe la détection des échanges46.
50. Les échanges ont, pour l’essentiel, fait intervenir les trois mêmes participants pendant toute la durée des pratiques. Il s’agissait, pour la société Roland Monterrat, du fondateur et président de la société puis, à compter de septembre 2013, de son successeur. La société LTA était représentée par son président, et, plus ponctuellement, par un salarié responsable des « clients nationaux MDD »47. Enfin, Daunat était représenté par le gérant de la société Snacking Services et, dans une moindre mesure, par le directeur commercial de cette société.
51. Ces échanges sont intervenus dans le cadre de rencontres « secrètes et informelles »48 (déjeuners, dîners, réunions) et, de façon plus régulière, lors d’appels téléphoniques ou par l’envoi de SMS ou de courriers électroniques, parfois envoyés vers et depuis des adresses de messageries non professionnelles49.
52. Par ailleurs, les documents de travail utilisés en interne se rapportant aux échanges entre les trois entreprises comportaient des mentions destinées à « maquiller au mieux la terminologie utilisée pour éviter tout risque de découverte des pratiques ». À titre d’exemple, les termes « Daunat O » et « Daunat S » désignaient, respectivement, les sociétés LTA et Roland Monterrat50, en référence, selon Daunat, à la localisation du siège de ces sociétés, situé à l’ouest et au sud du siège de Daunat.
53. Les échanges relatifs aux appels d’offres intervenus entre 2010 et 2016 se sont déroulés selon les modalités décrites ci-dessus. Ils sont présentés ci-après année par année.
a) En ce qui concerne les appels d’offres lancés en 2010
54. LTA et Daunat ont, au cours d’un déjeuner organisé le 20 septembre 2010 à Rennes, échangé des informations portant sur les prix proposés dans le cadre d’un appel d’offres émis par Leclerc51. Des informations relatives à cet appel d’offres ont également été échangées entre les deux entreprises lors d’un déjeuner organisé le 31 décembre 2010 à Sablé-sur-Sarthe52.
55. Des échanges entre Daunat et Roland Monterrat ont eu lieu lors d’une rencontre qui s’est tenue le 24 septembre 2010 à Sainte-Hermine au sujet d’un appel d’offres lancé par Lidl. Il a été convenu que Daunat ne se positionnerait pas sur la référence des sandwichs « triples », laissée à Roland Monterrat53.
56. Lors du déjeuner du 31 décembre 2010 mentionné ci-dessus, LTA et Daunat ont également évoqué un appel d’offres lancé par le groupe Casino le 17 novembre 2010. Le compte rendu de cette rencontre, établi par LTA, fait mention des prix proposés pour plusieurs références de sandwichs54.
57. L’appel d’offres lancé par Système U à la fin de l’année 2010 a également donné lieu à des échanges entre Daunat et LTA lors du déjeuner du 31 décembre 2010. Les deux sociétés ont échangé sur les prix qu’elles envisageaient de proposer55. Les sociétés LTA, Roland Monterrat et Daunat se sont ensuite réunies le 5 janvier 2011 et se sont alors entendues sur la répartition entre elles des références faisant l’objet de l’appel d’offres56.
58. Enfin, une conférence téléphonique a été organisée le 7 février 2011 au sujet d’un appel d’offres lancé par Carrefour en 2010. Les échanges ont concerné les prix proposés sur plusieurs références dans le cadre de cet appel d’offres57. Cet appel d’offres a de nouveau été évoqué le 25 août 2011, lors d’un déjeuner auquel participaient les représentants des trois entreprises, qui ont échangé des informations au sujet de leurs rendez-vous respectifs avec Carrefour58.
b) En ce qui concerne les appels d’offres lancés en 2011
59. En ce qui concerne un appel d’offres lancé par l’enseigne Intermarché, LTA a communiqué à Daunat par courrier électronique le prix proposé sur plusieurs références le 4 janvier 201159.
60. Des échanges ont également eu lieu à plusieurs reprises au cours de l’année 2011 au sujet d’un appel d’offres émis par Leclerc. Au cours d’une conversation téléphonique le 28 février 2011, les trois concurrents ont évoqué les contacts qu’ils ont eus avec ce client60. Les 8 et 14 juin 2011, Daunat et LTA ont échangé à propos des tarifs qu’ils pouvaient envisager de proposer dans le cadre cet appel d’offres61. Les données relatives à ces tarifs ont été envoyées par Daunat à LTA les 11 juillet et 5 octobre 201162.
61. Des échanges concernant Lidl ont eu lieu au cours de l’année 2011. Le compte rendu d’un échange du 7 février 2011 mentionne les prix que les sociétés LTA et Roland Monterrat envisageaient de proposer dans le cadre d’un appel d’offres lancé par cette enseigne63. Le 31 mars 2011, Roland Monterrat a demandé à Daunat, s’agissant d’une référence particulière, de ne pas proposer un prix inférieur à un certain montant64. Au mois d’avril 2011, la société Roland Monterrat a informé Daunat qu’elle avait été consultée dans le cadre d’un appel d’offres portant sur les sandwichs « baguette ». Le représentant de Daunat a alors informé ses homologues du prix de réponse minimum à proposer65. Enfin, lors d’une rencontre organisée le 4 octobre 2011 à Paris, les représentants des trois entreprises ont convenu de la répartition des références pour un autre appel d’offres lancé par Lidl66.
62. Lors d’une conférence téléphonique du 30 mai 2011, les sociétés ont échangé à propos d’un futur appel d’offres lancé par Casino, auquel Daunat a indiqué ne pas vouloir participer67.
63. Au cours de la conférence téléphonique du 30 mai 2011, les mis en cause ont évoqué un appel d’offres lancé par la société Argédis, filiale de Total, portant sur un volume de onze millions de sandwichs destinés à être vendus sous la marque « Pause village ». Au cours du mois de juin 2011, les sociétés LTA et Roland Monterrat ont informé Daunat qu’elles avaient été consultées sur cet appel d’offres68. Le représentant de Daunat a adressé le 29 juin 2011 à ses homologues un document comportant les tarifs que les sociétés LTA et Roland Monterrat devaient proposer afin que Daunat puisse remporter ce marché69. Le marché n’a finalement pas été attribué, Total ayant décidé de ne pas donner suite à cet appel d’offres70.
64. Au cours de l’année 2011, les parties ont également échangé au sujet d’un appel d’offres lancé par Aldi. Le 7 juin 2011, la société Roland Monterrat a informé Daunat de sa volonté de ne pas répondre à cet appel d’offres. Le même jour, la société LTA a fait part à Daunat de son accord pour lui laisser l’attribution de ce marché. En conséquence, le représentant de Daunat a indiqué le 24 juin 2011 à ses homologues les tarifs que ces derniers devaient présenter dans le cadre de l’appel d’offres71.
65. Lors d’une conférence téléphonique du 14 juin 2011, la société Roland Monterrat a informé Daunat qu’elle n’avait pas répondu à un appel d’offres lancé par Métro72.
66. S’agissant, enfin, de l’enseigne Auchan, les trois entreprises ont échangé des informations relatives à deux appels d’offres. Lors d’un premier déjeuner du 25 août 2011, les sociétés LTA et Roland Monterrat ont indiqué à Daunat avoir reçu un appel d’offres portant sur une gamme de produits dénommée « Pouce »73. Lors d’un second déjeuner, le 4 octobre 2011, la société Roland Monterrat a informé ses deux concurrents qu’elle entendait se positionner sur un appel d’offres à venir concernant la gamme « Self Discount ». Le compte rendu de cette rencontre, établi par LTA, indique à ce titre : « AO [appel d’offres] à venir sur Self Discount. M[onterrat] est en place. Coordination »74.
c) En ce qui concerne les appels d’offres lancés en 2012
67. Dans le cadre d’un appel d’offres lancé par Intermarché, la société LTA a informé le 3 janvier 2012 la société Roland Monterrat de ses cotations pour quatre références de sandwichs MDD75.
68. S’agissant d’Auchan, des échanges ont eu lieu au sujet d’un appel d’offres lancé au début de l’année 2012. Les sociétés ont évoqué le 3 mars 2012 le périmètre de la consultation. Daunat a transmis le 8 mars 2012 une proposition de prix qui a fait l’objet d’une discussion au cours d’une conférence téléphonique organisée le même jour76. À la suite d’échanges téléphoniques entre les trois entreprises le 10 mars 2012, Daunat a établi un tableau sur lequel figurent les prix proposés par les trois concurrents pour les références concernées par l’appel d’offres77. Le 25 juin 2012, la société Roland Monterrat a transmis à la société LTA son offre tarifaire finale78. La société Roland Monterrat a obtenu le 23 août 2012 sur plusieurs références des prix correspondant à ceux proposés en concertation avec ses concurrents79.
69. S’agissant d’un appel d’offres lancé par Lidl, il résulte d’un courrier électronique du 5 juillet 2012 que Daunat a renoncé à déposer une offre afin que la société Roland Monterrat puisse remporter le marché80.
70. Les trois entreprises ont échangé des informations concernant les prix proposés sur un nombre important de références dans le cadre d’un appel d’offres lancé par les enseignes du groupe Casino. Un tableau manuscrit mentionnant les prix des trois entreprises a ainsi été établi par le représentant de la société LTA à l’issue d’une conférence téléphonique du 7 septembre 201281. La société Roland Monterrat a également indiqué avoir retranscrit dans un tableau daté du 30 octobre 2012 les informations obtenues de ses concurrents concernant les prix proposés dans le cadre de cet appel d’offres82. De même, les représentants de Daunat ont indiqué en audition que les prix proposés dans le cadre de cet appel d’offres étaient supérieurs à ceux des autres concurrents car il était prévu que Daunat ne remporte pas le marché83.
71. S’agissant d’un appel d’offres lancé par Aldi, la société Roland Monterrat a sollicité le 17 septembre 2012 par courrier électronique l’avis de ses concurrents concernant ses propositions de tarifs. Le courrier électronique mentionnait notamment : « n’étant pas en place sur ces marchés, faites nous part de vos remarques si vous jugez nos propositions trop faibles »84. En réponse à ce message, Daunat a fait savoir le 19 septembre 2012 à la société Roland Monterrat que les prix proposés étaient trop bas85.
72. Les sociétés LTA et Roland Monterrat ont évoqué ensemble les 21 et 24 décembre 2012 un appel d’offres lancé par Leclerc86. Les deux sociétés se sont mutuellement informées de leurs propositions de prix le 29 décembre 201287. Un courrier électronique interne à Daunat du 28 décembre 2012 fait état de tarifs supérieurs à ceux proposés par LTA dans le but de laisser cette société « prendre le marché »88.
73. Concernant, enfin, un appel d’offres lancé par Métro, la société LTA a indiqué le 21 décembre 2012 à la société Roland Monterrat être en attente de ses consignes pour répondre. Par courrier électronique du 3 janvier 2013, la société Roland Monterrat a transmis ses consignes par l’intermédiaire d’un tableau faisant apparaître les prix minimum à proposer. La version imprimée de ce message produite par la société LTA comporte la mention suivante : « Monterrat nous adresse les consignes à respecter »89.
d) En ce qui concerne les appels d’offres lancés en 2013
74. S’agissant d’un appel d’offres lancé par Système U au printemps 2013, Daunat et LTA se sont informés des prix proposés pour les sandwichs « wraps » et ont échangé des consignes de prix à respecter90. À la suite d’un appel d’offres lancé par la même enseigne à l’automne 2013, LTA et Daunat ont réciproquement communiqué leurs prix sur les sandwichs « campagne », ainsi qu’il résulte d’un courrier électronique interne à Daunat, accompagné d’un tableau sur lequel figurent les prix proposés par les deux entreprises91.
75. Des échanges ont également eu lieu entre les trois entreprises dans le cadre de plusieurs appels d’offres lancés en 2013 par Intermarché. Sur le premier appel d’offres, les fabricants se sont mutuellement informés de leur consultation par l’enseigne, ainsi qu’en atteste un tableau interne à LTA précisant que la société Roland Monterrat n’a pas été consultée, contrairement à Daunat92. À la fin du mois de mai 2013, LTA et Daunat ont échangé sur les prix avant de répondre à l’appel d’offres. Le tableau précité de LTA comporte des références de sandwichs à destination d’Intermarché ainsi que des annotations manuscrites concernant les prix de Daunat, communiqués par SMS le 30 mai 2013. Ledit SMS indique que « on part du principe que c’est une consultation pipo et on répond 10/15 % au-dessus des prix habituels. Ça vous convient ? »93. La société LTA a répondu à ce SMS en communiquant à son tour ses prix94. LTA et Daunat ont de nouveau échangé en juillet 2013 sur leurs propositions de tarifs concernant un appel d’offres lancé sur les sandwichs « triangles », ainsi qu’il résulte d’un courrier électronique interne à Daunat, accompagné d’un tableau sur lequel apparaissent les prix proposés95.
76. S’agissant de Carrefour, la société Roland Monterrat a transmis à Daunat par courriel un tableau de cotation le 13 juin 201396. Daunat a indiqué qu’il avait été décidé, dans le cadre de cet appel d’offres, « de laisser le marché des sandwiches polaires » à la société LTA97. Une conversation téléphonique a par ailleurs eu lieu entre les représentants des trois entreprises au sujet d’un appel d’offres émis en décembre 2013. À la suite de cet échange ont été constitués des tableaux sur lesquels figurent les offres de cotation envisagées. Le tableau fait également apparaître les références de sandwichs que chacune des entreprises entendait conserver dans le cadre de cet appel d’offres98.
77. Dans le cadre d’un appel d’offres lancé par Lidl, la société Roland Monterrat a communiqué le 13 juin 2013 ses consignes de prix99. Des courriers électroniques internes à Daunat, datés des 17 et 18 juin 2013, font état d’une « cotation amicale sur dossier Lidl ». Au sujet des consignes de prix, il est précisé que « 7 % d’écart avec l’ami suffit ». Le tableau annexé à ces courriels comporte les prix communiqués par la société Roland Monterrat, désignée par la mention « nos amis »100.
78. Les trois entreprises mises en cause ont également évoqué au cours de l’année 2013 les appels d’offres lancés par les enseignes du groupe Casino. Au cours d’un dîner organisé le 27 août 2013, les représentants de la société Roland Monterrat et de Daunat ont évoqué « les différents dossiers en cours » ainsi que « les craintes de Roland Monterrat liées à la massification des achats au sein du groupe Casino ». Selon Daunat, des échanges « liés à la répartition des marchés et aux positionnements tarifaires ont eu lieu au cours de ce rendez- vous »101. Par ailleurs, le 17 octobre 2013, après réception d’un appel d’offres lancé par Casino sur les références « mini viennois », la société LTA a informé Daunat par SMS de son intention de ne pas répondre à cet appel d’offres en invoquant le motif suivant : « trop complexe en prod »102.
79. En ce qui concerne un appel d’offres lancé par la centrale d’achat Cora / Provera, la société Roland Monterrat a demandé à la société LTA par courrier électronique du 4 octobre 2013 que ses prix minima lui soient transmis. La société LTA a transmis ses consignes de prix le 6 octobre 2013. Un tableau interne à cette société reprend les prix des deux concurrents pour cet appel d’offres103.
80. S’agissant, enfin, de l’enseigne Aldi, la société LTA a établi en novembre 2013 des tableaux de prix, sur lesquels figurent également les informations tarifaires transmises par Daunat104.
81. S’agissant de l’enseigne Dia, le représentant de la société LTA a demandé par SMS le 11 décembre 2013 à ses homologues à être informé en cas de consultation105.
e) En ce qui concerne les appels d’offres lancés en 2014
82. En ce qui concerne Carrefour, les sociétés Roland Monterrat, LTA et Daunat ont, entre janvier et juin 2014, échangé à plusieurs reprises au sujet d’un appel d’offres lancé en début d’année. Au cours d’une conférence téléphonique du 17 janvier 2014, les fabricants ont défini une stratégie commune à appliquer afin de répondre de façon coordonnée à cet appel d’offres106. De nouveaux échanges ont eu lieu en février 2014 : la société Roland Monterrat a transmis ses propositions tarifaires à Daunat et LTA107, qui a ajusté ses tarifs en fonction des prix qui lui ont été communiqués108. Deux nouvelles conférences téléphoniques ont eu lieu les 11 avril 2014109 et 24 juin 2014110 afin d’évoquer les prix proposés dans le cadre de cet appel d’offres.
83. Des échanges ont également eu lieu à propos des appels d’offres lancés par Système U. Daunat a ainsi informé la société LTA le 27 janvier 2014 qu’elle était intéressée par les références concernées par un appel d’offres lancé par l’enseigne, à l’exception des sandwichs
« polaires ». Daunat a transmis le même jour à la société LTA des consignes de prix pour cet appel d’offres111. Le 1er mars 2014, la société LTA a informé ses deux concurrents qu’elle rencontrerait prochainement l’acheteur pour discuter des prix et proposait de les tenir au courant du résultat de cette discussion112. Un appel d’offres lancé par Système U a également été évoqué par les trois entreprises lors de conférences téléphoniques des 18, 26 mars et 4 avril. Il a notamment été question des grammages proposés par l’acheteur113. La société LTA et Daunat ont communiqué leurs propositions tarifaires au cours des mois de mai et juin 2014114. Enfin, lors d’une conférence téléphonique du 24 juin 2014, Daunat a indiqué à la société LTA ne pas avoir « fait de nouvelles propositions contrairement à l’attente de U qui attendait des efforts »115.
84. S’agissant de l’enseigne Dia, la société LTA a contacté ses concurrents le 6 février 2014 afin de leur communiquer ses prix et consignes, avec la mention « à coter au-dessus »116.
85. S’agissant des enseignes du groupe Casino, les trois entreprises se sont coordonnées sur la réponse à apporter à un appel d’offres émis début 2014 concernant Leader Price. La société LTA a notamment transmis le 7 février 2014 des consignes de prix sur les références de sandwichs « polaires » à la société Roland Monterrat117, qui a établi sa proposition tarifaire en conséquence118.
86. Concernant l’enseigne Leclerc, les mis en cause ont évoqué les tarifs envisagés dans le cadre d’un appel d’offres lors d’une conférence téléphonique du 20 février 2014, ainsi qu’en atteste un tableau de prix établi par LTA à la suite de cette réunion119. Les trois entreprises ont évoqué l’avancée de la procédure d’appel d’offres lors d’une réunion du 11 avril 2014120. De nouveaux échanges sur les prix envisagés ont eu lieu au mois d’août 2014 concernant un appel d’offres portant sur les sandwichs « wraps ». Selon Daunat, il était convenu que LTA « remporterait cette référence chez Leclerc », en conséquence de quoi cette entreprise a proposé un tarif supérieur à celui de LTA121.
87. Dans le cadre d’un appel d’offres lancé par l’enseigne Auchan, les trois entreprises se sont réparties les références et ont établi les prix à proposer au client lors d’une conférence téléphonique du 18 mars 2014122. Au début du mois d’avril de la même année, des informations ont été échangées par courrier électronique au sujet de changements de recettes envisagés par Auchan123. Deux conférences téléphoniques ont en outre été organisées les 11 et 14 avril 2014 afin de se répartir les références et d’échanger sur les prix à proposer124. D’autres contacts ont eu lieu aux mois de juin et juillet 2014 afin d’évoquer la répartition de certaines références entre les concurrents125.
88. S’agissant des appels d’offres émis pas Lidl, des échanges réguliers ont eu lieu au cours de l’année 2014 entre la société Roland Monterrat et Daunat. Il résulte en effet de courriers électroniques internes des 28 avril, 20 mai, 5 et 6 juin que Daunat a défini ses prix en fonction de ceux de son concurrent. Un courrier électronique du 17 juillet fait apparaitre que Daunat a évoqué avec la société Roland Monterrat un appel d’offres lancé par Lidl et a établi un tableau contenant les prix proposés sur les références de cet appel d’offres126.
f) En ce qui concerne les appels d’offres lancés en 2015
89. S’agissant de Lidl, un courrier électronique du 3 février 2015 révèle des échanges concernant un appel d’offres lancé par cette enseigne. Il en résulte que Daunat avait connaissance des tarifs ayant permis à la société Roland Monterrat de remporter le marché127.
90. En ce qui concerne Cora / Provera, la société LTA a informé les deux autres entreprises le 25 juillet 2015 du lancement d’un appel d’offres général128. Une réunion entre LTA et Daunat s’est tenue le 30 novembre 2015. Il résulte des notes manuscrites de LTA que Daunat a indiqué au cours de cette réunion qu’il répondrait à l’appel d’offres129. Des échanges sont par ailleurs intervenus au mois de décembre 2015 : la société Roland Monterrat a accepté de présenter une offre de couverture afin que la société LTA remporte le marché130. Un tableau annexé à un courrier électronique interne à la société LTA du 17 décembre 2015 fait apparaître que les prix de Daunat et Roland Monterrat sont systématiquement plus élevés que ceux proposés par LTA131.
91. S’agissant enfin de l’enseigne Aldi, des courriers électroniques internes à Daunat, notamment celui du 3 février 2015, révèlent des échanges entre les concurrents. Ce courrier électronique mentionne en effet que les sociétés Roland Monterrat et LTA ont décidé de ne pas répondre à un appel d’offres132. Il résulte par ailleurs de courriers électroniques internes à Daunat, datés du 11 décembre 2015, que la société LTA est décidée à remporter un autre appel d’offres portant sur des références de sandwichs jusqu’alors attribuées à Daunat133. Au cours d’une conversation téléphonique du 17 décembre 2015, le représentant de Daunat a indiqué que les prix pratiqués par la société LTA étaient trop bas et le mettaient en difficulté vis-à-vis de l’enseigne Aldi134.
g) En ce qui concerne les appels d’offres lancés en 2016
92. S’agissant d’Auchan, la société LTA a réalisé en janvier 2016 un tableau de cotation des références concernées par un appel d’offres lancé par ce client. Ce tableau a été annoté avec les prix communiqués par Daunat au cours d’une conversation téléphonique135. Daunat a par ailleurs demandé à la société Roland Monterrat le 27 avril 2016 si elle avait été consultée sur les références de sandwichs devant lui être attribuées136.
93. Plusieurs échanges ont eu lieu en 2016 en ce qui concerne Leclerc. La société LTA a proposé une répartition des références concernées par un appel d’offres lancé en janvier 2016. Le SMS adressé par la société LTA mentionne que l’appel d’offres est « ouvert » concernant les sandwichs « triples » car il s’agit d’une nouvelle référence. Il est en outre précisé que le marché doit revenir à LTA en ce qui concerne les références « baguettes campagnes » et « clubs »137. La société LTA et Daunat ont communiqué les prix qu’ils envisageaient de proposer au cours d’une conversation téléphonique du 21 janvier 2016138. Lors d’une réunion du 21 juin 2016, la répartition des références et les prix proposés ont de nouveau été évoqués139. Des informations relatives aux prix ont été échangées le 3 juillet 2016140.
94. S’agissant de Carrefour, Daunat et LTA ont échangé sur les prix proposés dans le cadre d’une demande de cotation, ainsi qu’en atteste un courrier électronique interne à LTA du 6 février 2016 accompagné en pièce jointe d’un tableau relatif aux tarifs envisagés. Il est notamment indiqué que, sur plusieurs références, Daunat devait proposer un prix de trois ou quatre centimes supérieur au prix annoncé par LTA141.
95. Concernant Lidl, les mis en cause ont évoqué ensemble un appel d’offres lancé au mois d’avril 2016142. Selon la société Roland Monterrat, lors d’une conférence téléphonique du 11 mai 2016, les trois sociétés sont convenues, « s’agissant de la partie de l’appel d’offres concernant les gammes déjà existantes, de maintenir, par principe, à l’identique, le périmètre détenu par la société Roland Monterrat, d’une part, et par la société Daunat, d’autre part. A cette fin les trois sociétés échangent sur les prix qu’elles entendent proposer à Lidl dans le cadre de son appel d’offres, en tenant compte, le cas échéant, des évolutions de recette souhaitées par Lidl »143. Des tableaux de prix établis par Daunat144 à la suite de cette conférence téléphonique confirment l’existence de ces échanges, qui se sont poursuivis au cours de l’été 2016. Le 3 juillet 2016, la société LTA a informé Daunat être « hors course » concernant l’appel d’offres de Lidl145. Les 27 juillet et 19 août 2016, la société Roland Monterrat et Daunat ont échangé par SMS au sujet de l’avancée de l’appel d’offres et des négociations avec Lidl146.
96. Des échanges ont eu lieu au sujet de Casino, qui a demandé à ses fournisseurs des baisses de prix en raison de la tendance à la baisse du coût de certaines matières premières. Les trois entreprises ont évoqué au mois de mai 2016 la stratégie à adopter face aux demandes de ce client147. La société Roland Monterrat et Daunat ont indiqué avoir refusé de baisser leurs prix148. À l’été 2016, le groupe Casino a demandé à la société LTA les prix qu’elle était en mesure de proposer sur deux références de sandwichs commercialisées par la société Roland Monterrat. Lors d’un entretien téléphonique du 21 juillet 2016, la société LTA a demandé à cette dernière quelle réponse devait être apportée à Casino. Les deux entreprises avaient pour objectif que la société LTA ne soit pas plus compétitive afin de ne pas provoquer un nouvel appel d’offres sur ces produits149. À la suite d’échanges de SMS au cours des jours qui ont suivi, les deux entreprises se sont accordées sur les prix à proposer à Casino150. Par ailleurs, des échanges ont également eu lieu entre les trois entreprises aux mois d’avril et mai 2016 au sujet d’un nouveau « schéma logistique » mis en place par Leader Price151.
97. S’agissant, enfin, d’Intermarché, la société LTA a informé le 17 mai 2016 par SMS ses concurrents qu’elle a été contactée par l’enseigne pour un appel d’offres152.
h) Conclusion sur les pratiques relatives aux appels d’offres
98. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Roland Monterrat, LTA et Daunat ont, entre les mois de septembre 2010 et septembre 2016, régulièrement échangé entre elles au sujet des appels d’offres lancés par les principales enseignes de la GSA et, de façon plus ponctuelle, par une enseigne de stations-service. Ces entreprises ont communiqué des informations concernant les appels d’offres en cours ou ceux à venir, leur éventuelle consultation dans le cadre de ces appels d’offres, ainsi que les tarifs envisagés et, parfois, l’avancée des négociations avec les distributeurs. Ces échanges s’inscrivaient dans le cadre d’une stratégie commune visant à assurer que l’appel d’offres soit remporté par l’entreprise préalablement désignée parmi les trois mis en cause. À cette fin, des consignes tarifaires étaient transmises par cette entreprise à ses concurrents qui déposaient, le cas échéant, des offres de couverture. Ainsi, l’objectif évoqué lors des premiers contacts intervenus en 2010, en particulier lors de la réunion du 6 octobre 2010, à savoir préserver le « périmètre » des références détenues par chaque fabricant auprès des clients, est demeuré présent tout au long de la période concernée par les pratiques.
4. LES ECHANGES RELATIFS AUX NEGOCIATIONS TARIFAIRES EN COURS DE MARCHE
99. Au-delà des échanges portant sur l’attribution des appels d’offres, les sociétés Roland Monterrat, LTA et Daunat ont également évoqué à plusieurs reprises les négociations menées avec les enseignes de la GSA concernant l’évolution des tarifs dans le cadre des marchés en cours d’exécution.
100. Les discussions ont notamment porté sur la période à laquelle les hausses de tarifs devaient être demandées au client, afin de ne pas interférer avec une négociation en cours entre un concurrent et ce client.
101. Les trois entreprises ont également souhaité se coordonner sur le niveau des hausses tarifaires demandées aux clients. L’objectif poursuivi était de présenter des demandes cohérentes à un même client. Les raisons à mettre en avant auprès des clients pour justifier ces demandes ont également été évoquées entre les entreprises mises en cause.
102. Les échanges relatifs aux négociations tarifaires en cours de marché ont principalement concerné Auchan et Carrefour, et dans une moindre mesure, les autres enseignes de la GSA.
a) En ce qui concerne Auchan
103. Les trois entreprises ont évoqué ensemble la question du moment opportun pour demander une hausse de tarifs à Auchan. Ainsi, lors d’un déjeuner le 31 décembre 2010 (voir le paragraphe 54 ci-dessus), Daunat a accepté d’attendre la fin de la négociation en cours entre Auchan et la société Roland Monterrat pour demander une hausse de prix sur ses produits MDD153. De la même manière, le 30 mai 2011, la société LTA indiquait dans un courriel interne attendre une consigne de Daunat avant de pouvoir présenter elle-même une demande de hausse tarifaire à Auchan154.
104. Par ailleurs, les concurrents se sont mutuellement informés des demandes d’augmentation des prix qu’ils ont présentées à Auchan. Ainsi, lors d’un déjeuner organisé le 25 août 2011, la société LTA a indiqué être parvenue à obtenir une hausse de prix de 6,6 %155. De même, le 4 octobre 2011, la société Roland Monterrat a indiqué avoir obtenu une hausse de 5,07 % sur deux références de sandwichs156.
105. Les informations communiquées entre les trois entreprises ont facilité la coordination de leurs démarches auprès d’Auchan. Ainsi, un courrier électronique du 9 janvier 2012 adressé par le président de la société LTA à un salarié de l’entreprise précise que « D[aunat a] lancé une hausse de +6 % par LRAR. LTA est à +4,88 %. Il n’est pas question de la négocier ni de bouger sans mon accord. D[aunat] doit avancer dans sa négociation »157.
106. Dans un certain nombre de cas, les informations communiquées entre les trois entreprises concernaient des demandes qu’elles s’apprêtaient à transmettre à leurs clients. Ainsi, lors d’une conférence téléphonique du 7 février 2011, Daunat a informé ses concurrents de sa demande d’augmentation des tarifs de 2,5 % et a donné consigne d’attendre le résultat des négociations158. De même, le 30 mai 2011, la société Roland Monterrat a informé les autres mis en cause qu’elle comptait demander une hausse de 10 % sur le prix des sandwichs « rosette » et 5 % sur les autres références159. Elle a confirmé le 14 juin 2011 avoir envoyé cette demande et a informé ses concurrents qu’une rencontre avec Auchan aurait lieu au mois de juillet 2011160.
b) En ce qui concerne Carrefour
107. À l’image des pratiques constatées concernant Auchan, chacune des trois entreprises annonçait à ses deux autres concurrents son intention de demander une hausse tarifaire à Carrefour, puis confirmait par la suite la transmission de cette hausse.
108. Ainsi, lors d’une conférence téléphonique du 30 mai 2011, Daunat a fait part de son intention de demander des hausses de 8 à 10 % selon les références. La société Roland Monterrat a quant à elle annoncé par SMS le 1er juin 2011 qu’elle allait demander une hausse de 8 %161. Le 14 juin 2011, Roland Monterrat a confirmé à Daunat avoir effectivement « envoyé un LRAR de 8 % chez CRF [Carrefour] et [a] un [rendez-vous] le 24 »162.
109. De même, la société LTA a informé Daunat le 5 avril 2011 qu’elle allait demander une augmentation tarifaire auprès de Carrefour163. Cette hausse a effectivement été demandée lors d’un rendez-vous chez Carrefour le 8 avril 2011. La société LTA a souligné la nécessité d’une démarche similaire de la part des concurrents : « Pour appuyer notre démarche il est impératif que RM [Roland Monterrat] et D[aunat] aillent très rapidement formuler les mêmes demandes auprès » du client. « Il faut que RM demande la même chose chez Carrefour pour les refs jambon beurre et poulet cornichons qu’il a pris en Carrefour Discount »164.
110. Ainsi, ces éléments font apparaître des échanges sur les intentions futures des mis en cause en termes de hausse de prix. D’autres échanges similaires sont relevés et répertoriés dans le tableau ci-dessous.
111. En outre, parallèlement à ces démarches unilatérales, les entreprises ont parfois cherché à coordonner leurs démarches en amont. Ainsi, au mois de janvier 2013, la société LTA a proposé à Daunat de demander une nouvelle hausse de prix à Carrefour. Daunat a indiqué en réponse être d’accord sur le principe165. De même, les mis en cause évoquaient ensemble les motifs pouvant selon eux fonder une demande de hausse tarifaire. Par exemple, la circonstance que Carrefour a demandé que le poulet utilisé dans les sandwichs soit désormais « d’origine UE », a été vue par les entreprises comme « une bonne occasion pour s’entendre à nouveau afin de faire passer une hausse des prix », qui a été effective en février 2015166.
112. Par ailleurs, les concurrents s’informaient mutuellement des hausses qui venaient d’être sollicitées chez Carrefour. Lors d’un déjeuner du 25 août 2011, les trois entreprises ont précisé les demandes récemment transmises à ce client. Un tableau faisant apparaître les demandes de hausses tarifaires a ainsi été transmis à Daunat et LTA par la société Roland Monterrat à la suite de cette rencontre167. Des échanges similaires sont relevés et répertoriés dans le tableau ci-dessous.
113. Le résultat des négociations menées par l’une des trois entreprises était par ailleurs pris en compte par les autres mis en cause. Ainsi, Daunat a décidé de présenter une demande de hausse de prix d’au moins 4 % sur plusieurs références après que la société Roland Monterrat a obtenu en mars 2012 un accord de principe de Carrefour pour une augmentation des prix de 4 %168. Dans cette perspective, les sociétés Roland Monterrat, LTA et Daunat ont effectué un suivi des prix afin de suivre l’évolution des tarifs liée aux négociations avec Carrefour, ainsi qu’il résulte d’un tableau établi par la société Roland Monterrat, faisant apparaître l’évolution des prix de Daunat et LTA ainsi que la date à laquelle ces prix ont augmenté169.
c) En ce qui concerne les autres clients
114. Les échanges concernant les hausses tarifaires ont également porté sur les clients Lidl, Metro, Intermarché, Système U et Scamark. En effet, lors du déjeuner du 31 décembre 2010 à Sablé-sur-Sarthe, les sociétés LTA et Daunat ont évoqué les hausses tarifaires pouvant être demandées auprès de ces acheteurs. À titre d’exemple, Daunat a informé la société LTA de son souhait d’obtenir auprès de Système U une augmentation de prix de l’ordre de 20 % sur une référence particulière170. De même, les trois entreprises ont évoqué des hausses de prix adressées à Lidl et Scamark lors d’une conférence téléphonique du 30 mai 2011171.
115. De même, la société Roland Monterrat a informé ses concurrents à la fin de l’année 2011 des négociations en cours avec Intermarché pour le tarif des sandwichs « viennois/baguettes ». Un courrier électronique interne à la société LTA indique que cette société a transmis des données à la société Roland Monterrat « pour que les prix soient cohérents avec notre demande de hausse en cours »172. Par courrier électronique du 5 avril 2011, la société LTA a informé Daunat d’une augmentation auprès de Scamark : « Augmentation chez Scamark, voir fichier jpeg »173. Enfin, la société Roland Monterrat a demandé le 21 juin 2011 à Daunat quels étaient ses tarifs auprès de Métro afin de pouvoir demander une hausse de prix à ce client174.
d) Conclusion sur les pratiques relatives aux négociations tarifaires en cours de marché
116. Il résulte de ce qui précède que les mis en cause ont échangé de façon régulière dans le cadre des négociations tarifaires menées en cours de marché avec les enseignes de la GSA. Ces échanges visaient à assurer une meilleure coordination des démarches engagées par ces entreprises afin d’obtenir des hausses de prix jugées satisfaisantes.
117. Ces pratiques ont plus particulièrement été mises en œuvre au début de la période, et concernaient donc des marchés dont l’attribution était antérieure aux premiers contacts entre les trois entreprises, et dont les prix n’avaient pu être influencés par les échanges entre concurrents.
E. LE GRIEF NOTIFIE
118. Le 5 mars 2020, les services d’instruction ont notifié le grief suivant :
« Il est fait grief aux sociétés ci-après :
- la société Snacking Services S.N.C (RCS 429 449 457), pour la période du 20 septembre 2010 au 15 septembre 2016 en raison de sa participation directe ;
- la société Norac S.AS. (RCS 479 042 285) pour la période du 20 septembre 2010 au 15 septembre 2016 en sa qualité de société mère de la société Snacking Services S.N.C ;
- la société Daunat S.AS. (RCS 344 376 546) pour la période du 20 septembre 2010 au 15 septembre 2016 en sa qualité de société mère de la société Snacking Services S.N.C ;
- la société La Toque Angevine S.AS. (RCS 323 438 028) pour la période du 20 septembre 2010 au 15 septembre 2016 en raison de sa participation directe ;
- la société LDC S.A (RCS 576 850 697) pour la période du 20 septembre 2010 au 15 septembre 2016 en sa qualité de société mère de la société La Toque Angevine S.AS. ;
- la société LDC Traiteur (RCS 379 042 260) pour la période du 20 septembre 2010 au 15 septembre 2016 en sa qualité de société mère de la société La Toque Angevine S.AS. ;
- la société Roland Monterrat S.AS. (RCS 329 010 201) pour la période du 24 septembre 2010 au 15 septembre 2016, pour sa participation directe ;
- la société Les Traiteurs Lyonnais S.AS. (RCS 056 807 191), pour la période du 30 septembre 2015 au 15 septembre 2016, en sa qualité de société mère de la société Roland Monterrat S.AS.;
- la société Panzani S.AS. (RCS 961 503 422), pour la période du 30 septembre 2015 au 15 septembre 2016, en sa qualité de société mère de la société Roland MonterratS.AS. ;
- la société Ebro Foods S.A (Registro Mercantil de Madrid, M-271855), pour la période du 30 septembre 2015 au 15 septembre 2016, en sa qualité de société mère de la société Roland Monterrat S.AS. ;
d'avoir, dans le secteur des sandwichs vendus à la grande distribution et aux stations-service sous marque de distributeur sur le territoire français, conclu un accord et mis en œuvre une entente visant à fixer des prix, à obtenir des hausses tarifaires et à se répartir les clients et les volumes ;
cette pratique a eu pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché des sandwichs froids à destination de la grande distribution et des stations-service sous marque de distributeur et est prohibée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ».
II. Discussion
A. SUR LA PROCEDURE
1. EN CE QUI CONCERNE LA MOTIVATION DE LA NOTIFICATION DE GRIEFS
119. La société LTA soutient que la notification de griefs est insuffisamment motivée, s’agissant en particulier des éléments relatifs à la détermination des sanctions.
120. Comme le Conseil de la concurrence, devenu Autorité de la concurrence, l’a indiqué dans sa décision n° 09-D-06 relative au secteur de la vente de voyages en ligne, « la notification des griefs est un document synthétique qui contient une description précise des faits reprochés, leur date, leur imputabilité et leur qualification, puis reprend, in fine, en les résumant, la rédaction des griefs eux-mêmes dans une formule concise. Elle constitue l’acte d’accusation et doit donc être précise (cour d’appel de Paris, 29 mars 2005, Filmdis Cinésogar), cette exigence n’excluant pas que les juges d’appel et de cassation recherchent, dans le corps même de la notification des griefs, la portée de ces derniers (Cour de cassation, 6 avril 1999, ODA) ».
121. En l’espèce, le grief notifié aux mis en cause est formulé de façon claire et concise. Il identifie ainsi les différentes sociétés, la durée du grief retenu pour chacune d’entre elles, le secteur dans lequel les pratiques se sont déroulées ainsi que leur périmètre géographique et qualifie les pratiques et leurs objectifs (voir ci-dessus, paragraphe 118). En outre, la notification de griefs décrit de façon précise les faits pertinents de l’espèce (paragraphes 11 à 176) et procède ensuite à la qualification des pratiques reprochées aux mis en cause (paragraphes 177 à 272).
122. Par ailleurs, la notification de griefs présente de façon claire les motifs nécessaires à la détermination des sanctions (paragraphes 274 à 366). Contrairement à ce que soutient la société LTA, les services d’instruction ont précisément exposé les éléments qu’ils proposaient de retenir pour apprécier la gravité des pratiques contestées (paragraphes 283 à 300) et pour justifier, dans le cas de deux des trois mis en cause, l’application possible de la majoration du montant de base de la sanction en raison de leur appartenance à un grand groupe (paragraphes 331 à 338).
123. Si la société LTA remet en cause l’analyse présentée dans la notification de griefs sur ces différents points, en soutenant qu’elle est insuffisamment étayée, elle conteste ce faisant le bien-fondé du raisonnement suivi par les services d’instruction, et non la régularité de la procédure.
124. Il en résulte que la société LTA n’est pas fondée à soutenir que la notification de griefs est entachée d’une insuffisance de motivation.
2. EN CE QUI CONCERNE LA PROCEDURE DE TRANSACTION
125. LTA et Daunat contestent le refus d’entrer en transaction qui leur a été opposé par le rapporteur général. Selon elles, cette procédure, qui peut être cumulée avec la procédure de clémence, avait vocation à être appliquée au cas d’espèce, dès lors que l’ensemble des entreprises en cause avaient renoncé à contester le grief notifié. Selon la société LTA, le refus d’entrer en transaction serait en outre contraire au principe de non-discrimination, puisque le cumul du bénéfice des procédures de clémence et de transaction a été accepté par l’Autorité dans des affaires similaires. Enfin, selon les parties, la transaction aurait permis un gain procédural pour l’Autorité, en évitant l’introduction d’un recours contre une éventuelle décision de sanction.
126. Il résulte du III de l’article L. 464-2 du code de commerce que le rapporteur général peut soumettre aux entreprises qui ne contestent pas la réalité des griefs notifiés une proposition de transaction fixant le montant minimal et maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Le communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction rappelle en ses points 17 et 18 que le rapporteur général dispose d’un large pouvoir d’appréciation sur l’opportunité du recours à cette procédure.
127. Ainsi, dans sa décision n° 20-D-05 du 23 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des déménagements des personnels militaires au départ de La Réunion, l’Autorité a rappelé que « le rapporteur général dispose de la faculté de soumettre une proposition de transaction, sans que cela constitue une obligation pour lui » (paragraphe 44).
128. Enfin, la cour d’appel de Paris a jugé, à propos de la procédure de non-contestation des griefs, à laquelle a succédé la procédure de transaction, que la mise en œuvre de cette procédure « relève du pouvoir d’appréciation du rapporteur général, sous réserve du contrôle de l'erreur manifeste par l’Autorité, de sorte que les parties ne disposaient d'aucun droit à la mise en œuvre de cette procédure »175.
129. En l’espèce, le rapporteur général a estimé que la procédure de transaction ne permettait pas d’obtenir de gain procédural pour les services d’instruction, dès lors qu’en application du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’établissement d’un rapport n’était pas requis au cas d’espèce (voir ci-avant, paragraphe 11).
130. Par ailleurs, il convient de relever que la conclusion d’une transaction et l’engagement des parties de ne pas introduire de recours contre la décision de l’Autorité n’offrent pas un gain procédural certain et absolu, dès lors, notamment, que les parties ayant bénéficié de la transaction ont été, en l’état de la jurisprudence, jugées recevables à introduire un recours contre la sanction qui leur a été infligée176.
131. En conséquence, compte tenu des circonstances propres au cas d’espèce, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le rapporteur général a refusé d’entrer en transaction avec les mis en cause.
132. Enfin, dès lors que les entreprises ne disposent d’aucun droit au bénéfice de la procédure de transaction, la société LTA ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer l’existence d’une discrimination résultant du refus de transiger qui lui a été opposé.
B. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION
133. L’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») dispose que « sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (…) ».
134. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE177, trois éléments doivent être établis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union : l’existence d’un courant d’échanges entre les États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
135. La circonstance que les pratiques sanctionnées ne soient commises que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que le commerce entre États membres soit susceptible d’être affecté. À cet égard, la Cour de cassation a jugé que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »178.
136. S’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »179.
137. Par ailleurs, le point 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission européenne, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :
- la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l’accord n’excède pas 5 % ;
- et, dans le cas d’accords horizontaux, le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé dans l’Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l’accord n’excède pas 40 millions d’euros.
138. En l’espèce, les sandwichs industriels vendus sous MDD sont commercialisés sur l’ensemble du territoire français. Les entreprises Daunat, LTA et Roland Monterrat, qui appartiennent, pour plusieurs d’entre elles, à des groupes de dimension internationale, détiennent, sur le marché de la fabrication et de la commercialisation de ces produits, la quasi-totalité des parts de marché en France.
139. Par ailleurs, les pratiques constatées visaient à figer les parts de marché des entreprises mises en cause et affectaient leurs négociations avec les enseignes nationales de la grande distribution, et ce sur l’ensemble du territoire français. Elles étaient, en conséquence, susceptibles d’affecter les échanges intracommunautaires.
140. Enfin, ces pratiques ont été mises en œuvre par des entreprises qui réalisent avec les produits concernés un chiffre d’affaires dépassant 40 millions d’euros.
141. Il en résulte que les pratiques sont susceptibles d’avoir affecté de façon sensible le commerce entre les États membres, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties mises en cause. Ces pratiques doivent, en conséquence, être examinées tant au regard des règles de concurrence de l’Union que des règles internes.
C. SUR LA DEFINITION DES MARCHES PERTINENTS
142. Afin de définir le marché de produits ou de services, il convient de rechercher si les produits ou les services en cause sont considérés par les acheteurs « comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage »180.
143. Dans le même sens, la Commission européenne a rappelé, dans sa communication n° 97/C 372/03 du 9 décembre 1997 sur la définition du marché en cause, que le marché de produits « comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »181.
144. Le marché géographique, quant à lui, comprend : « le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable »182.
145. Lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, comme c’est le cas en l’espèce, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre183.
146. En l’espèce, les pratiques constatées ont été mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels froids sous MDD à destination des enseignes de la GSA et des stations-service.
147. Par ailleurs, ces pratiques ont revêtu une dimension nationale.
148. Il résulte de ce qui précède que le marché concerné par les pratiques constatées est le marché français de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels froids sous MDD à destination des GSA et des stations-service, sans qu’il soit besoin d’en déterminer une segmentation plus fine.
D. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
a) En ce qui concerne l’existence d’un accord anticoncurrentiel
149. L’article 101, paragraphe 1 du TFUE et l’article L. 420-1 du code de commerce prohibent les accords et les pratiques concertées entre entreprises qui ont pour objet ou effet de restreindre la concurrence.
Sur la notion d’accords et de pratiques concertées
150. L’existence d’un accord est établie dès lors que les entreprises ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée184. L’existence d’une pratique concertée peut être démontrée par des éléments convergents prouvant que des contacts ont eu lieu entre un certain nombre d’entreprises et qu’ils poursuivaient le but commun d’éliminer ou de réduire l’incertitude relative à leur comportement futur sur le marché185.
Sur la preuve des accords et des pratiques concertées
151. La Cour de justice a indiqué, dans son arrêt Aalborg Portland c/ Commission, du 6 janvier 2004, que « l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre les opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence »186.
152. La preuve des accords et pratiques concertées peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère suffisamment probant187.
153. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants188. Ainsi, « pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire que [l’Autorité de la concurrence] fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence »189.
154. La pratique décisionnelle et la jurisprudence ont, en outre, reconnu la valeur probante des déclarations des participants à des accords et pratiques concertées y compris dans le cas particulier où les déclarations émanent d’un demandeur de clémence.
155. À cet égard, il ressort de la jurisprudence européenne qu’« une valeur probante particulièrement élevée peut (…) être reconnue [aux déclarations] qui, premièrement, sont fiables (JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210), deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue de l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210). En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, invoquée par les requérantes, que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et de maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l’application de la communication sur la coopération en vue d’obtenir une immunité ou une réduction de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération »190.
Sur la restriction par objet
156. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que « certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (arrêt CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 49 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 50 et jurisprudence citée). Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE [devenu article 101, paragraphe 1, TFUE], de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs »191.
157. Dans le même sens, la Cour de justice considère également que « les accords qui visent la répartition des marchés ont un objet restrictif de la concurrence en eux-mêmes et relèvent d’une catégorie d’accords expressément interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un tel objet ne pouvant être justifié au moyen d’une analyse du contexte économique dans lequel le comportement anticoncurrentiel en cause s’inscrit »192.
158. De même, en droit interne, sont prohibées, en vertu, respectivement des 2° et 4 ° de l’article L. 420-1 du code de commerce, les pratiques qui tendent à « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » et à « répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ».
Sur les concertations mises en œuvre dans le cadre de procédures d’appels d’offres
159. En matière de marchés publics ou privés sur appel d’offres, une concertation entre entreprises concurrentes, contraire à l’article L. 420-1 du code de commerce, est établie dès lors que la preuve est rapportée, soit qu’elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu’elles ont échangé des informations antérieurement à la date à laquelle le résultat de l’appel d’offres est connu ou peut l’être, et ce afin d’échapper au principe de l’indépendance des offres, conduisant ainsi à fausser le jeu d’une libre concurrence193.
160. Des échanges d’informations portant sur l’existence de concurrents, leur intérêt ou leur absence d’intérêt pour le marché considéré, ou les prix qu’ils envisagent de proposer, altèrent en effet le libre jeu de la concurrence en limitant l’autonomie de comportement de chaque entreprise194.
161. L’Autorité a en outre considéré que des pratiques « consistant à échanger des informations en vue de présenter une offre de couverture contreviennent (…), par leur objet même, aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce »195.
b) En ce qui concerne la durée des pratiques
162. Il ressort de la jurisprudence européenne que la durée d’une infraction aux règles de la concurrence est déterminée au regard de la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord et la date à laquelle il y a été mis fin196.
163. Il est ainsi exigé « (…) en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, (…) au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises »197.
164. Une infraction continue peut ainsi être caractérisée sur une période donnée sans que soit démontrée l’existence d’actes matériels tout au long de cette période198. Les juridictions nationales précisent sur ce point « qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu’elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu’elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps »199.
c) En ce qui concerne la participation individuelle des entreprises
165. De manière générale, une entreprise doit rigoureusement s’abstenir de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et notamment sur la politique de prix des biens ou des services qu’elle offre sur le marché.
166. Ces prises de contact peuvent revêtir plusieurs formes. S’agissant de celles formalisées par des réunions, il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité que deux situations doivent être distinguées : celles dans lesquelles la concertation anticoncurrentielle se déroule au cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d’une organisation professionnelle et celles dans lesquelles l’entente est mise au point au cours de réunions informelles, de nature le plus souvent occulte ou secrète, auxquelles participent de leur propre initiative les entreprises concurrentes200.
167. L’Autorité a précisé, à cet égard, dans sa décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais, que « ce type de réunion n’appelle qu’une réponse de la part des entreprises : refuser d’y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions, même si elle est passive, suffit en effet à conforter le mécanisme de l’entente : d’une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d’adopter sur le marché, alors que l’autonomie qu’exige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernières restent dans l’incertitude sur la stratégie de leurs concurrents ; d’autre part, elle permet aux participants plus actifs d’escompter que l’absence d’opposition de l’entreprise en cause ne viendra pas perturber le jeu collusif (décision n° 07-D-48 du Conseil du 18 décembre 2007, précitée, paragraphe 180, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 février 2009, précité, p. 9 ; voir également arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-04529, point 60) »201.
168. La responsabilité d’une entreprise déterminée est ainsi valablement retenue lorsqu’elle a participé à des réunions en ayant connaissance de leur objet anticoncurrentiel. Son assiduité plus ou moins grande à ces réunions, la durée de sa participation à l’entente ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur son étendue et donc sur le niveau de la sanction202.
169. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement de leur contenu, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle souscrit au résultat des réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré comme établi qu’elle participe à l’entente résultant de ces réunions203.
170. Plus particulièrement, dans son arrêt Sarrio, du 16 novembre 2000, la Cour de justice a jugé que « la circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats des réunions n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l’entente à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu »204.
171. Cette position a été confirmée par l’arrêt Dansk Rorindustri du 28 juin 2005 qui précise que « aux fins de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité [devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE], il suffit qu’un accord ait pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d’accords se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d’une entreprise déterminée du chef de l’infraction est valablement retenue lorsqu’elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci. L’assiduité plus ou moins grande de l’entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction »205.
172. S’agissant de la notion de distanciation publique, le Tribunal a jugé que : « (…) il convient de rappeler que la notion de distanciation publique en tant qu’élément d’exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive. Afin de se dissocier effectivement des discussions anticoncurrentielles, il incombe à l’entreprise concernée d’indiquer à ses concurrents qu’elle ne souhaite en aucun cas être considérée comme membre de l’entente et participer à des réunions anticoncurrentielles. En tout état de cause, le silence observé par un opérateur dans une réunion au cours de laquelle une discussion anticoncurrentielle illicite a lieu ne peut être assimilé à l’expression d’une désapprobation ferme et claire. En effet, l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. I-4567, points 103 et 124) »206.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
173. Seront successivement examinées la matérialité des pratiques (a), leur qualification juridique (b), leur durée (c), et la participation individuelle des entreprises (d).
a) En ce qui concerne la matérialité des pratiques
174. L’objet des pratiques est établi en l’espèce par les déclarations des entreprises mises en cause, qui ont toutes demandé la clémence. Ces déclarations sont corroborées par divers éléments matériels, tels que des échanges de courriers électroniques et de SMS, des comptes rendus de réunions ou des notes manuscrites, des documents internes révélant l’existence et la teneur des échanges entre les mis en cause, mais aussi par les déclarations faites en audition par les salariés des trois entreprises.
175. Ces divers éléments, qui présentent une forte valeur probante, permettent de démontrer l’existence d’échanges réguliers s’inscrivant dans l’objectif défini par les mis en cause lors de la rencontre du 6 octobre 2010, consistant à se répartir entre eux les marchés dans le but de neutraliser la concurrence par les prix.
176. Ainsi, les documents figurant au dossier sont pour nombre d’entre eux dépourvus d’ambigüité quant à la nature et à la teneur des échanges entre les mis en cause. Il en va ainsi, à titre d’exemple :
. du compte rendu d’une réunion du 4 octobre 2011 faisant apparaître que, avant même l’issue de la procédure d’appel d’offres lancée par une enseigne de la GSA, l’attribution de certaines références avait été décidée par les trois entreprises au profit de l’une d’entre elles207 ;
. d’un courrier électronique du 31 décembre 2011 faisant apparaître que l’un des mis en cause a transmis des données tarifaires à l’un de ses concurrents afin que les prix proposés par ce dernier à un client commun « soient cohérents avec notre demande de hausse en cours »208 ;
. d’un courrier électronique du 9 janvier 2012 par lequel l’un des mis en cause indique attendre l’issue des négociations tarifaires engagées par un de ses concurrents avec un client commun avant d’entrer lui-même en négociation avec ce client209 ;
. d’un courrier électronique envoyé le 17 septembre 2012 par l’une des trois entreprises à ses deux concurrents et comportant la mention suivante : « N’étant pas en place sur ces marchés, faites nous part de vos remarques si vous jugez nos propositions trop faibles »210 ;
. d’un SMS du 30 mai 2013 par lequel l’une des entreprises informait son concurrent, au sujet d’un appel d’offres en cours, que « c’est une consultation pipo et on répond 10/15 % au-dessus des prix habituels211 ;
. d’un courrier électronique du 5 août 2014 par lequel l’une des entreprises indiquait, au sujet d’un appel d’offres en cours, qu’elle « sortai[t] du dossier » et proposerait en conséquence un prix supérieur à celui de son concurrent212 ;
. de SMS du 19 août 2016 par lesquels une des trois entreprises, interrogée par un autre mis en cause au sujet d’un appel d’offres en cours, a indiqué le prix qu’elle avait proposé pour les sandwichs « baguettes » et a précisé que l’acheteur estimait ce prix trop élevé213.
177. Parmi les documents de nature à établir la réalité des pratiques figure également un support de présentation interne à la société Roland Monterrat, intitulé « budget 2016 » daté du 3 novembre 2015, et donc contemporain de la période infractionnelle. L’une des diapositives214, reproduite ci-dessous, présente l’évolution de l’activité des ventes de sandwichs de la société entre 2009 et 2014. Elle comporte, en rappel des éléments de contexte, les mentions « 2009 guerre des prix » et « 2012 paix ». Ainsi, ce document, qui, sans être public, présente néanmoins le caractère d’un support de présentation officiel, expose sans ambigüité la nature des pratiques auxquelles la société Roland Monterrat a pris part.
178. Au total, les éléments du dossier, pris dans leur ensemble, permettent d’établir la réalité des faits, tant en ce qui concerne les pratiques mises en œuvre dans le cadre des appels d’offres par les enseignes de la GSA et les stations-service que celles relatives aux négociations tarifaires en cours de marché.
179. Il résulte de ce qui précède que la matérialité des pratiques est établie au cas d’espèce, ce que les parties ne contestent pas.
b) En ce qui concerne la qualification des pratiques
S’agissant de l’accord de volontés
180. Il a été constaté que les trois entreprises ont participé à des réunions multilatérales et bilatérales et qu’elles ont été en contact de façon régulière par messagerie électronique ou par téléphone. À travers ces échanges, les entreprises ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée.
181. Il en résulte que l’existence d’un accord de volontés entre les mis en cause est établie en l’espèce, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par ces derniers.
S’agissant de l’objet anticoncurrentiel des pratiques
182. Les pratiques constatées ont consisté en des échanges d’informations sur les prix proposés et en la définition d’une stratégie commune dans le cadre des appels d’offres lancés par les enseignes de la GSA et les stations-service.
183. Elles ont également conduit les mis en cause à échanger des informations et à coordonner leurs négociations tarifaires bilatérales en cours de marché avec leurs clients communs, dans le but de faire obstacle aux stratégies de négociation de ces clients et d’obtenir des hausses de prix.
184. Ces pratiques, qui visaient, d’une part, à désigner à l’avance les entreprises qui remporteraient les appels d’offres et, d’autre part, à définir le niveau des prix adéquat à proposer aux clients, ont conduit à réduire la part d’incertitude inhérente à toute négociation commerciale, afin d’améliorer la position des fabricants de sandwichs vis-à-vis des distributeurs, à l’occasion des réponses aux appels d’offres ou en cours de marché. Les trois entreprises concernées ont ainsi adopté, sur le marché de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels vendus sous MDD, un mode d’organisation substituant une collusion au libre jeu de la concurrence, fondé sur l’autonomie des opérateurs et l’incertitude sur les positions de leurs concurrents. À cet égard, la déclaration de l’entreprise Daunat relative à la réunion du 6 octobre 2010 est éclairante sur les objectifs poursuivis par l’entente : « Lors d’un déjeuner le 6 octobre 2010 à Paris, [les représentants des sociétés LTA, Roland Monterrat et de Daunat] se sont entendus en vue d’affecter les marchés, de cristalliser leurs positions auprès des différents acteurs de la grande distribution et de désigner un chef de file par enseigne afin de piloter l’entente »215.
185. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les prix qu’ils ont l’intention de proposer sur le marché, ou encore sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard des distributeurs.
186. Il en résulte que, à travers leurs échanges, les sociétés Roland Monterrat, LTA et Daunat ont exprimé la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, en participant de façon répétée à des échanges visant à élaborer et mettre en œuvre un plan de répartition des volumes et des clients et à s’accorder de façon générale, sur le niveau des prix à proposer à ces clients. Une telle pratique est constitutive d’un accord au sens des dispositions et principes mentionnés ci-dessus.
187. Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé, l’article 101 du TFUE cite parmi les pratiques contribuant à restreindre le jeu de la concurrence celles consistant à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente. De même, l’article L. 420-1 du code de commerce prohibe expressément les pratiques tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse. En outre, il résulte tant de l’article 101 du TFUE que de l’article L. 420-1 du code de commerce que les accords visant à la répartition des marchés ont en eux-mêmes un objet restrictif de concurrence.
188. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à leur nature et à leur finalité, les pratiques en litige, qui comportent un degré de nocivité réel pour la concurrence, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel.
c) En ce qui concerne la durée des pratiques
189. Selon l’entreprise Daunat, les premiers contacts intervenus dans le cadre de l’entente ont eu lieu le 20 septembre 2010, date à laquelle elle a échangé des informations avec la société LTA portant sur les prix proposés dans le cadre d’un appel d’offres émis par Leclerc, lors d’un déjeuner organisé à Rennes. À cet effet, Daunat a produit à l’appui de sa demande de clémence un tableau de suivi interne élaboré par le gérant de la société Snacking Services et des notes de frais216. En conséquence, les pièces du dossier permettent de considérer que l’accord anticoncurrentiel a commencé le 20 septembre 2010.
190. Des réunions bilatérales ou multilatérales ainsi que des conférences téléphoniques, complétées par de nombreux envois de SMS et de courriers électroniques, ont été organisées à intervalle régulier et de façon ininterrompue jusqu’au deuxième semestre de l’année 2016.
Ces échanges ont visé tout au long de la période le même objet anticoncurrentiel et ont été mises en œuvre selon les mêmes modalités.
191. L’accord a pris fin à la date des opérations de visite et saisie, qui ont eu lieu le 15 septembre 2016.
192. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause ont débuté le 20 septembre 2010 pour s’achever le 15 septembre 2016.
d) En ce qui concerne la participation individuelle de chaque entreprise en cause
Roland Monterrat
193. La participation de la société Roland Monterrat aux pratiques en cause est établie à compter du 24 septembre 2010, date à laquelle cette société a rencontré les représentants de Daunat afin d’évoquer un appel d’offres lancé par Lidl217.
194. Par ailleurs, à travers les échanges réguliers avec les autres mis en cause, la société Roland Monterrat a participé de façon continue à l’accord anticoncurrentiel jusqu’à la date des opérations de visite et saisie du 15 septembre 2016. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société se soit distanciée publiquement durant cette période des principes de l’entente.
195. Toutefois, il doit être relevé que la société Roland Monterrat a été autorisée à continuer à prendre part aux pratiques dans le cadre de sa demande de clémence. L’avis n° 16-AC-01 du 20 juillet 2016 indique à ce titre que, « afin de maintenir la confidentialité de la démarche et préserver l’efficacité des mesures d’enquête, la société Roland Monterrat est autorisée à continuer de participer aux échanges d'informations sensibles entre concurrents, à l'instar de ce qu'elle faisait par le passé, à condition d’en informer les services d'instruction ». L’avis précise que « l’Autorité accorde cette autorisation jusqu’à une éventuelle opération de visite et saisie dans les entreprises impliquées dans l’infraction ».
196. En conséquence, il ne doit pas être tenu compte de la période postérieure au dépôt de la demande de clémence de la société Roland Monterrat pour déterminer la durée de sa participation aux pratiques en litige. Dès lors, cette société doit être regardée comme ayant pris part à l’accord anticoncurrentiel entre le 24 septembre 2010 et le 10 mai 2016.
LTA
197. Ainsi qu’il a été dit au paragraphe 189, la société LTA était représentée lors de la rencontre du 20 septembre 2010, au cours de laquelle des informations ont été échangées avec la société Daunat à propos des prix proposés dans le cadre d’un appel d’offres lancé par Leclerc. Cette date marque en conséquence le début de la participation de la société LTA à l’entente.
198. Par ailleurs, à travers les échanges réguliers avec les autres mis en cause, la société LTA a participé de façon continue à l’accord anticoncurrentiel jusqu’aux opérations de visite et saisie du 15 septembre 2016. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société se soit distanciée publiquement durant cette période des principes de l’entente.
Daunat
199. La présence d’un représentant de Daunat à la rencontre avec la société LTA du 20 septembre 2010 mentionnée ci-dessus marque pour cette entreprise le début de sa participation à l’entente. Cette participation s’est poursuivie de façon ininterrompue jusqu’aux opérations de visite et saisie du 15 septembre 2016. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette entreprise se soit distanciée publiquement durant cette période des principes de l’entente.
E. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
a) Sur l’imputabilité au sein d’un groupe de sociétés
200. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises, comprises comme désignant des entités exerçant une activité économique. Le juge de l’Union a précisé que la notion d’entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.
201. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Ces solutions jurisprudentielles sont fondées sur le fait qu’en l’absence d’autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.
202. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ce cas, l’autorité de concurrence sera en mesure de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale218.
203. Selon la Cour de justice, « cette présomption repose sur le constat selon lequel, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité du capital d’une filiale peut, au vu de cette seule part de capital, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale »219.
204. À cet égard, il n’est pas exigé, pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale, de prouver que la société mère ait été directement impliquée dans les pratiques, ou ait eu connaissance des comportements incriminés. Ainsi que le relève le juge de l’Union, « ce n’est donc pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE [devenu article 101 TFUE] qui permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère »220.
205. En vue de renverser cette présomption, il appartient aux entités concernées « d’apporter tout élément relatif aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la filiale en question à la société mère et qu’elles considéraient comme étant de nature à démontrer qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique ». La Cour souligne en revanche que « s’il suffisait à une partie intéressée de réfuter ladite présomption en avançant de simples affirmations non étayées, celle-ci serait largement privée de son utilité »221.
b) Sur l’imputabilité en cas de transformation des entreprises
206. Il ressort d’une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit en être tenue responsable.
207. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n’en continue pas moins à répondre de l’infraction commise.
208. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a commis les pratiques a cessé d’exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a juridiquement été transmise, c’est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l’infraction, et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle222.
209. Dès lors qu’elle n’a pas cessé d’exister juridiquement, la mise en redressement ou liquidation judiciaire d’une entreprise auteure de pratiques anticoncurrentielles ne la fait pas échapper à la responsabilité des pratiques dont elle doit répondre, même si ses actifs ont été cédés223.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) Roland Monterrat
210. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Roland Monterrat en tant qu’auteur des pratiques.
211. Entre 2009 et 2015, cette société a été successivement détenue par la société Compagnie européenne de charcuterie et de pâtisserie, puis par la société RM Expansion. Ces sociétés ont été respectivement dissoutes en 2013 et 2015.
212. Depuis le 30 septembre 2015, la société Roland Monterrat est détenue par la société Les Traiteurs Lyonnais224, qui est détenue à 99,82 % par la société Panzani SAS, elle-même détenue par la société Ebro Foods SA à 100 %225.
213. Ainsi, ces sociétés détiennent directement ou indirectement la totalité du capital de la société Roland Monterrat et sont dès lors présumées avoir exercé, à compter du 30 septembre 2015, une influence déterminante sur le comportement de leur filiale, auteur des pratiques.
214. La circonstance que la demande de clémence de la société Roland Monterrat a été présentée à l’initiative de la société Ebro Foods SA ne justifie pas en elle-même d’exclure la présomption d’influence déterminante de cette société. Par ailleurs, contrairement à ce que demande la société Ebro Foods SA, aucune circonstance particulière ne justifie en l’espèce de ne pas retenir la responsabilité des sociétés intermédiaires, auxquelles le grief a été notifié.
215. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité des sociétés Les Traiteurs Lyonnais, Panzani SAS et Ebro Foods SA doit être retenue en tant que sociétés mères de la société Roland Monterrat pour la période du 30 septembre 2015 au 15 septembre 2016.
b) LTA
216. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société LTA en tant qu’auteur des pratiques.
217. La société LTA est détenue à 100 % par la société LDC Traiteur, elle-même détenue à 100 % par la société LDC SA. Il est donc présumé que ces sociétés exerçaient pendant la période des pratiques une influence déterminante sur la société LTA, ce qui n’est pas contesté.
218. Au vu de ces éléments, il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité des sociétés LDC SA et LDC Traiteur, en tant que sociétés mères de la société LTA, auteur des pratiques.
c) Daunat
219. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Snacking Services en tant qu’auteur des pratiques.
220. Cette société est détenue indirectement à 100 % par la société Daunat SAS, elle-même détenue à 100 % par la société Norac. Il est donc présumé que ces sociétés exerçaient pendant la période des pratiques une influence déterminante sur la société Snacking Services.
221. Si les sociétés Daunat SAS et Norac soutiennent que, au cours de la période visée par la notification de griefs, elles n’ont pas pris part à la gestion opérationnelle de la société Snacking Services et n’ont donc pas participé aux pratiques, ces simples affirmations non étayées ne sont pas de nature à renverser la présomption d’influence déterminante résultant des liens capitalistiques existant entre ces sociétés et la société Snacking Services.
222. En conséquence, il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité des sociétés Daunat SAS et Norac, en tant que sociétés mères de la société Snacking Services, auteur des pratiques.
F. SUR LES SANCTIONS
223. Seront successivement abordés :
- les principes relatifs à la détermination des sanctions (1) ;
- la détermination du montant de base des sanctions (2) ;
- la prise en compte des circonstances propres aux entreprises concernées (3) ;
- les ajustements finaux (4) ;
- enfin le montant des sanctions infligées (5).
1. SUR LES PRINCIPES APPLICABLES A LA DETERMINATION DES SANCTIONS
224. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.
225. Aux termes du troisième alinéa du I dudit article, « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
226. Par ailleurs, le quatrième alinéa du I du même article prévoit que « Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
227. En l’espèce, l’Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, le « communiqué sanctions »).
2. SUR LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE DES SANCTIONS
a) La valeur des ventes
228. Comme l’Autorité l’a indiqué dans le communiqué sanctions, au point 23, « pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, l’Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l’infraction ou, s’il y a lieu, les infractions en cause. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d’en proportionner au cas par cas l’assiette à l’ampleur économique de l’infraction ou des infractions en cause, d’une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d’autre part ».
229. Par ailleurs, selon le communiqué sanctions, la valeur des ventes est déterminée par référence au dernier exercice comptable complet de mise en œuvre des pratiques, mais si celui-ci « ne constitue manifestement pas une référence représentative, l’Autorité retient un exercice qu’elle estime plus approprié ou une moyenne d’exercices, en motivant ce choix » (point 37).
230. En l’espèce, les pratiques sanctionnées au titre du grief notifié aux mis en cause concernent les ventes de sandwichs industriels froids sous MDD aux enseignes de la GSA – qui comprennent les enseignes dites « conventionnelles » ainsi que les enseignes de hard discount226 – et aux stations-service. Il y a donc lieu de retenir le chiffre d’affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes.
231. Le dernier exercice comptable complet de participation aux pratiques est l’exercice clos le 31 décembre 2015 en ce qui concerne Roland Monterrat, l’exercice clos le 28 février 2016 en ce qui concerne LTA227, et l’exercice clos le 31 décembre 2015 en ce qui concerne Daunat.
232. Daunat demande, sur le fondement du point 37 du communiqué sanctions, que la valeur des ventes soit calculée sur la moyenne des chiffres d’affaires réalisés au cours des exercices 2010 à 2015 pour ce qui concerne les ventes de sandwichs MDD aux enseignes de la GSA, au motif que son chiffre d’affaires révèlerait des « irrégularités importantes entre ces valeurs selon les années, et notamment des pics significatifs » (paragraphe 315 des observations de Daunat).
233. Toutefois, contrairement à ce qu’affirme le mis en cause, Daunat a connu, au cours de la période infractionnelle, pour la catégorie de clients concernée, une augmentation forte et régulière de son chiffre d’affaires, s’inscrivant dans une tendance continue à la hausse. En outre, si on prend en considération la totalité des ventes affectées par l’infraction, qui incluent également les ventes aux stations-service, il apparaît que le chiffre d’affaires de Daunat est relativement stable au cours de la période en litige. Il ne peut donc être considéré que l’année 2015 ne constitue pas une année représentative de son activité sur l’ensemble de la période concernée.
234. Il en résulte que l’exercice 2015 doit être retenu comme exercice de référence, y compris pour Daunat.
b) La proportion de la valeur des ventes
235. Ainsi que le communiqué sanctions le précise au point 40, l’Autorité retient la proportion de la valeur des ventes réalisées durant l’exercice comptable de référence au cas par cas, en considération de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie.
La gravité des pratiques
236. Lorsqu’elle apprécie la gravité d’une infraction, l’Autorité tient compte notamment de la nature des pratiques sanctionnées, des personnes susceptibles d’être affectées et des caractéristiques objectives de l’infraction, telles que son caractère secret ou non, son degré de sophistication, l’existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, le détournement d’une législation, etc. (point 26 du communiqué sanctions).
237. La pratique décisionnelle de l’Autorité considère les ententes horizontales entre concurrents sur un même marché comme les pratiques anticoncurrentielles les plus graves231, tout comme les juridictions nationales232 et les juridictions de l’Union, en particulier s’agissant d’entente sur les prix233 constituant, par nature, une infraction « très grave »234.
238. En l’espèce, l’Autorité a retenu que les trois entreprises mises en cause se sont entendues en vue de fixer les prix et de se répartir les clients et les volumes dans le cadre des appels d’offres lancés par les distributeurs, et d’obtenir de ces derniers des hausses tarifaires dans le cadre des négociations en cours de marché.
239. Ces pratiques horizontales, mises en œuvre par les trois principaux fabricants de sandwichs industriels sous MDD, ont ainsi porté sur la répartition des marchés entre concurrents et ont fait obstacle au libre jeu de la concurrence par les prix. Elles ont été susceptibles de conduire à la fixation de prix à un niveau supérieur à celui qui aurait résulté d’une situation de concurrence non faussée.
240. Par ailleurs, les pratiques reposaient sur des échanges réguliers, organisés selon des modalités variées, notamment par le biais de réunions physiques, de conférences téléphoniques et l’utilisation de messageries personnelles, et nécessitaient la transmission d’informations tarifaires détaillées ainsi qu’une réactivité importante des participants. Elles se déroulaient selon un mode opératoire décidé à l’automne 2010, consistant à ce qu’un « chef de file » soit nommé pour chaque client afin de mieux organiser les échanges. En outre, à la suite des réunions téléphoniques, étaient souvent élaborés des tableaux de suivi permettant de regrouper les cotations de chacun des concurrents pour chacune des références des différents appels d’offres. Les envois de courriels entre concurrents avec de tels tableaux en pièce jointe permettaient de récapituler les informations échangées entre concurrents. Contrairement à ce que soutiennent LTA et Daunat, les pratiques étaient donc relativement sophistiquées.
241. En outre, les mis en cause ont, notamment par le dépôt d’offres de couverture dans le cadre des appels d’offres, délibérément cherché à rendre l’entente difficile à détecter, notamment par les clients. Le caractère secret des pratiques est ainsi établi en l’espèce.
242. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les entreprises mis en cause, l’absence de mise en œuvre d’un système de représailles, qui peut, au demeurant, être expliquée par la circonstance qu’elles n’ont pas dévié de l’entente et qu’elles étaient peu nombreuses, ne constitue pas, en tout état de cause, un facteur d’atténuation de la gravité des pratiques.
243. Enfin, il n’est pas nécessaire que l’ensemble des critères visés par le communiqué sanctions soient réunis pour conclure à la gravité d’une pratique235. Dès lors, la circonstance, invoquée par LTA, selon laquelle les pratiques n’ont pas été susceptibles d’affecter des acteurs économiques vulnérables, ne suffit pas à écarter au cas d’espèce leur gravité.
244. À l’inverse, si LTA expose que les mis en cause se trouvaient dans une situation de dépendance accrue vis-à-vis des enseignes de la GSA, cette circonstance ne saurait être retenue comme une circonstance atténuante dans l’appréciation de la gravité des pratiques. Une approche contraire reviendrait, en effet, à admettre qu’il est, dans de telles conditions, légitime pour les opérateurs économiques d’enfreindre les règles les plus fondamentales du droit de la concurrence236.
245. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en litige, eu égard, en particulier, à leur nature, mais aussi compte tenu de leur caractère secret et de leur degré de sophistication, doivent être regardées comme très graves.
L’importance du dommage à l’économie
Sur l’ampleur des pratiques
246. Les pratiques ont concerné « le marché français du sandwich à destination des grandes surfaces alimentaires et stations-service qui revendent sous marque distributeur » et ont couvert l’ensemble du territoire français. Les participants aux échanges représentaient en 2017 la quasi-totalité (près de 90 % en volume237) des ventes sous MDD. Les entreprises n’ayant pas participé aux pratiques reprochées représentaient, en volume, seulement 6 % des ventes MDD pour Sodebo et seulement 5 % pour Intermarché et Netto238. L’entente a donc réuni les principaux opérateurs d’un secteur, qui est par ailleurs très concentré puisque trois opérateurs représentent à eux seuls près de 90 % des ventes.
247. Selon les mises en cause, l’ampleur des pratiques doit être appréciée sur un périmètre plus large que les seuls sandwichs sous MDD, dans la mesure où existerait une certaine substituabilité du point de vue de la demande entre les sandwichs sous MDD et les sandwichs sous MDF. Au soutien de cette thèse, LTA a produit une étude économique intégrant deux analyses empiriques visant à évaluer la pertinence d’une segmentation du marché entre sandwichs sous MDD et sandwichs sous MDF. La première étude présente un test de stationnarité239 des prix de détail des sandwichs sous MDD et sous MDF en GMS. Elle conclut qu’environ la moitié des évolutions de prix testés, représentant une part significative du chiffre d’affaires des mis en cause (près des deux tiers), serait stationnaire.
248. Cependant, en premier lieu, il est constaté que les résultats ne sont pas univoques, puisqu’une partie des séries n’est pas stationnaire. En deuxième lieu, les résultats du test de stationnarité peuvent être biaisés artificiellement à la hausse, compte tenu de l’existence de facteurs de coûts et de demande communs aux sandwichs MDD et MDF240. En troisième lieu, le test de stationnarité est mené sur la base des prix de détail des sandwichs et non des prix de gros, qui sont l’objet même des pratiques. Or, à supposer que les consommateurs jugent substituables les deux types de sandwichs, il n’en va pas nécessairement de même des détaillants. En particulier, si les marges des détaillants sont plus élevées sur les sandwichs MDD que sur les sandwichs MDF, en cas de hausse des prix des MDD, le détaillant peut décider de diminuer sa marge et maintenir un prix des MDD stable par rapport à celui des MDF plutôt que d’inciter les consommateurs à substituer des sandwichs MDF aux sandwichs MDD. Anticipant cela, les fabricants de MDD participant à l’entente peuvent plus aisément accroître le prix des sandwichs sous MDD, sans craindre un report des distributeurs ou des consommateurs vers les sandwichs sous MDF, quand bien même les consommateurs jugeraient les deux types de sandwichs substituables.
249. La seconde étude empirique analyse dans quelle mesure les variations du volume des ventes d’un type de sandwichs sous MDD donné (tout fabricants confondus) s’expliquent par les variations des prix de détail des sandwichs concurrents, et notamment des sandwichs MDF. Selon ces estimations, une hausse de 1 % du prix de détail des sandwichs sous MDD serait associée à une baisse de 1 % de la demande des sandwichs sous MDD. Ainsi, l’analyse de l’élasticité-prix de la demande de sandwichs sous MDD montrerait « une forte pression concurrentielle », provenant notamment des sandwichs froids sous MDF241. Cependant, l’étude économétrique proposée i) n’est en mesure d’intégrer qu’une partie des coûts de production des sandwichs (i.e., les indices de prix à la production du porc et de la volaille)242, ii) étudie les prix de chaque type de sandwichs MDD plutôt que les prix de ces sandwichs dans leur ensemble (ainsi, une diminution de la quantité de sandwichs MDD vendus peut s’expliquer par un report des consommateurs vers un autre type de sandwich MDD), iii) analyse les comportements des consommateurs pendant la période de l’entente, lors de laquelle les prix ont pu être fixés à un niveau supra-concurrentiel (ce qui accroît alors l’élasticité-prix) et, enfin, iv) ne considère à nouveau que les prix de détail et non les prix de gros, alors même que les choix des distributeurs peuvent être moins sensibles aux prix, notamment si leurs marges sur les produits MDD sont supérieures à leurs marges sur les produits MDF.
250. Ces études empiriques ne permettent donc pas de valider l’hypothèse selon laquelle les fabricants de sandwichs MDD auraient été empêchés d’élever leurs prix du fait de la concurrence des sandwichs MDF et doivent donc être écartées.
251. D’autres éléments présents au dossier sont en revanche pertinents pour appréhender la question de l’éventuelle substituabilité entre les sandwichs MDD et MDF. En premier lieu, en juin 2011, à l’occasion d’un appel d’offre lancé par une GMS, un salarié de LTA a indiqué : « [Roland Monterrat] annonce +6 % de hausse sur ces références. D[aunat] +10 %. C’est une bonne nouvelle même si nous devons nous préoccuper de Sodebo [qui fabrique principalement des produits MDF]. Mon avis : le niveau de prix actuel est tellement bas que nous devons être sereins sur le niveau de la hausse demandée »243. Un tel constat pourrait donc indiquer que le niveau des prix de gros des produits sous MDD est suffisamment bas pour permettre une hausse de prix sans que les distributeurs se reportent vers les sandwichs sous MDF. Cependant, cette indication concerne un seul appel d’offres et une seule année et sa portée doit donc être relativisée. En second lieu, à l’occasion de la présentation de ses perspectives 2015, Roland Monterrat signale que « les MDD perdent en compétitivité par rapport aux marques nationales en raison de l'application de la loi LME et l'agressivité commerciale accrue de Sodebo et Daunat », ce qui tendrait à indiquer qu’il peut exister une certaine concurrence entre MDD et MDF. De fait, l’étude économique de LTA montre qu’à compter de 2013, si les ventes de sandwichs MDD restent relativement stables, celles de sandwichs MDF progressent, à la suite d’une baisse de leur prix, entraînant une lente diminution des parts de marché des sandwichs MDD par rapport aux sandwichs MDF, de 49 à 41 % entre 2013 et la fin des pratiques. Cependant, le constat dressé par Roland Monterrat ainsi que les évolutions relatives des quantités de sandwichs MDF et MDD n’interviennent que vers la fin de la période des pratiques.
252. Ainsi, au début des pratiques, les fabricants de sandwichs sous MDD ont pu, dans une certaine mesure, élever leurs prix sans craindre la concurrence des MDF, compte tenu du niveau de départ du prix des sandwichs MDD. Par la suite, et notamment à partir de 2013, la concurrence des sandwichs sous MDF a pu être plus marquée, dans un contexte de baisse des prix des MDF.
253. S’agissant des pratiques visant les stations-service, leur ampleur est, en dépit de la part de marché cumulée des opérateurs, très limitée, un seul appel d’offres d’un montant de 15 millions d’euros étant concerné. De plus, cet appel d’offres a été abandonné par Total, sans que les raisons de cet abandon figurent au dossier. Enfin, le montant de cet appel d’offres rapporté au total des ventes de sandwichs MDD des mises en cause sur l’ensemble de la période des pratiques est très limité, compte tenu de la longueur de cette période.
Sur les caractéristiques du secteur
254. Afin d’apprécier l’importance du dommage causé à l’économie, l’Autorité s’attache également à prendre en compte les caractéristiques objectives du secteur en cause, dans la mesure où ces dernières sont de nature à avoir une influence sur les conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques.
En ce qui concerne le contre-pouvoir de négociation des clients
255. Daunat estime que le caractère incontournable des GMS et leurs alternatives d’approvisionnement (i.e., Netto/ITM et Sodebo) rendent toute hausse de prix très difficile à mettre en œuvre. De fait, la menace d’expansion sur le segment MDD que pouvait exercer Sodebo, leader sur le segment du sandwich MDF, ou le fait qu’au-delà d’un certain niveau de prix de gros des sandwichs MDD, les distributeurs pouvaient effectivement substituer des sandwichs MDF ou décider, comme Intermarché, d’internaliser la fabrication de sandwichs MDD, ont pu limiter l’ampleur des hausses de prix décidées par les parties à l’entente.
256. De même, du côté des stations-service, le pouvoir de négociation des clients est important. D’une part, le secteur des stations-service indépendantes des GMS est concentré autour de quelques grands acteurs. D’autre part, la clientèle de ces stations est surtout composée de clients occasionnels et peu susceptibles d’aller dans une autre station-service si la station ne propose pas de sandwichs MDD. Dès lors, il n’est pas exclu que les stations-service puissent se passer des sandwichs MDD.
En ce qui concerne les barrières à l’entrée
257. S’agissant des barrières à l’entrée, celles-ci apparaissent limitées. L’étude économique de Daunat souligne ainsi que le taux d’investissement dans les sandwichs industriels est inférieur à ceux d’autres secteurs de l’agroalimentaire. De plus, les entreprises présentes sur le marché des sandwichs MDF, et notamment Sodebo qui dispose d’une part de marché de 50 % sur le marché des sandwichs MDF, pourraient aisément entrer sur le marché des MDD si les prix y augmentaient de façon très importante. À cet égard, les mis en cause ont confirmé en séance que l’outil industriel destiné à la fabrication de sandwichs MDF n’était pas spécifique et pouvait donc être aisément réorienté vers la production de sandwichs MDD.
En ce qui concerne la différenciation des produits entre membres de l’entente
258. Daunat estime que du fait de sa part de marché plus faible sur les sandwichs MDD que ses concurrents, elle n’a joué qu’un rôle mineur dans l’entente. De plus, sa gamme de sandwichs, notamment orientée vers les « wraps », serait différente de celle des deux autres participants à l’entente, plus orientée vers des sandwichs « classiques ». Selon elle, cette différenciation des produits aurait pu limiter la concurrence existante en l’absence de l’entente et, partant, limiter les effets de l’entente elle-même.
259. Cependant, concernant l’argument relatif à la différenciation des produits, Daunat ne transmet aucun élément permettant d’apprécier si cette différenciation, à la supposer établie, était de nature à diminuer l’intensité de la concurrence entre ses produits et ceux de ses deux concurrents. En outre, les barrières à l’entrée sur ce marché étant limitées, en l’absence de l’entente, Daunat aurait aisément pu concurrencer LTA et Roland Monterrat sur leurs sandwichs « classiques » si ceux-ci avaient élevé leurs prix, indépendamment de sa part de marché limitée ou de son positionnement sur des sandwichs différents de ceux de ses concurrents. Ainsi, ni la part de marché limitée de Daunat, ni l’éventuelle différenciation de ses produits ne sont de nature à avoir pu empêcher l’entente de produire des effets ou à les atténuer.
En ce qui concerne la situation financière de LTA
260. LTA avance que sa situation financière pendant les pratiques est difficilement compatible avec une entente ayant imposé des prix supra-concurrentiels sur le marché. L’entreprise aurait en effet subi des pertes d’exploitation sur l’ensemble de la période des pratiques, ce qui devrait être, comme dans la décision n° 20-D-09 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, un facteur atténuant du dommage.
261. Cependant, LTA « est spécialisée dans le secteur agroalimentaire et assure la production et la commercialisation de gammes de sandwichs et pizzas principalement sous MDD »244. Les données financières utilisées par LTA portent sur l’ensemble de son activité et il n’est pas démontré que les pertes proviennent de l’activité de fabrication de sandwichs sous MDD. De plus, quand bien même ce serait le cas, une perte d’exploitation ne montre pas nécessairement l’absence d’effet significatif de l’entente puisque les pertes en l’absence de l’entente auraient pu être plus importantes. Enfin, dans la décision n° 20-D-09 précitée, le constat d’une dégradation des résultats des membres de l’entente i) venait en complément d’autres éléments attestant d’un effet limité des pratiques, ii) concernait l’ensemble des participants et iii) résultait d’une hausse des coûts des intrants que l’entente était censée avoir contenue, soit un contexte très différent du cas d’espèce.
En ce qui concerne les effets conjoncturels des pratiques
262. En premier lieu, LTA soutient que l’entente n’aurait pas eu d’effets conjoncturels au motif qu’elle aurait été peu respectée par ses membres. Selon l’étude économique produite par LTA, le tarif obtenu par elle lors des appels d’offres est inférieur au tarif discuté entre les parties pour 93 % des références analysées (- 4.9 % en moyenne). Cependant, l’entente ne portait pas sur un prix concerté mais sur la désignation à l’avance d’un gagnant à chaque appel d’offres. De tels écarts entre les prix concertés et les prix finalement obtenus ne sont donc pas à proprement parler des preuves d’un non-respect de l’entente. Au contraire, malgré des variations de prix, LTA a remporté les appels d’offres qui lui avaient été préalablement attribués par les membres de l’entente. Dès lors, si les prix finalement obtenus ont pu être inférieurs aux prix concertés, cette circonstance n’est pas la conséquence d’une déviation de l’entente mais bien de l’existence d’un pouvoir de négociation résiduel des distributeurs, résultant notamment de leur capacité à privilégier un approvisionnement en sandwichs MDF, voire à internaliser la production des sandwichs MDD. Par ailleurs, le prix finalement négocié a pu, en dépit des concessions accordées par LTA par rapport au prix concerté, être supérieur au prix qui aurait résulté d’une concurrence non faussée.
263. L’entente se caractérise au contraire par sa grande stabilité au cours du temps : aucun épisode de déviation ou de tentative de déviation de l’entente, i.e., un opérateur remportant un appel d’offres qu’un autre concurrent aurait dû remporter, n’a pu être constaté. Il s’en déduit qu’aucune mesure de représailles n’a été nécessaire. Cette stabilité résulte à la fois du faible nombre de membres de l’entente mais aussi des conditions concrètes de mise en œuvre de l’entente, qui s’est accompagnée de nombreuses réunions, conférences téléphoniques (voir les tableaux 1 à 10 ci-dessus), échanges de SMS et courriels. Des tableaux de cotations truqués ont ainsi pu être échangés et un suivi précis de l’entente a pu être réalisé. Une telle stabilité de l’entente, couplée à une part de marché cumulée des participants élevée, tend à indiquer que les prix des sandwichs MDD ont effectivement pu être accrus du fait de l’entente. Au-delà d’un certain niveau de prix, cependant, ils ont pu être contraints par le pouvoir de négociation des distributeurs et par la concurrence des sandwichs MDF, déjà évoqués supra.
264. En second lieu, Daunat met en avant une croissance de ses ventes de sandwichs MDD aux GSA de près de 24 millions d’euros (de 17,8 à 41,7 millions d’euros) pendant la période de l’entente alors que le marché des sandwichs sous MDD est stable, voire diminue. L’analyse des ventes affectées produites par les mises en cause au cours de l’instruction montre effectivement une croissance des ventes et de la part de marché de Daunat au sein de l’entente. Daunat explique sa progression par son référencement par des enseignes auprès desquelles elle n’était pas référencée en tant que fournisseur de sandwichs sous MDD en 2009/2010 (EMC Distribution, ITM et Aldi). Elle précise également être complètement sortie de l’enseigne Système U en 2015 et de l’enseigne Lidl au début des pratiques (2011) alors qu’elle y était présente en 2010 et être à nouveau référencée auprès de Lidl en 2014.
265. Cependant, Daunat ne fournit pas le chiffre d’affaires associé aux référencements en question. Or, une part de la croissance de ses ventes pourrait aussi résulter d’une modification de son portefeuille de produits (avec une croissance des produits les plus onéreux) ou d’une croissance des ventes des enseignes auprès desquelles Daunat était déjà référencée au début de l’entente. Par ailleurs, les référencements et déréférencements mentionnés par Daunat peuvent ne pas être la résultante de déviations au sein de l’entente. Par exemple, l’octroi de l’appel d’offres de l’enseigne Aldi en 2011 a pu être décidé entre concurrents puisque, afin que le client attribue effectivement le marché à Daunat, ce dernier a indiqué le 24 juin 2011 à ses deux concurrents les tarifs à proposer à Aldi dans leurs réponses245. S’agissant du déréférencement auprès de l’enseigne Système U, les notes manuscrites prises par un salarié de LTA pendant une conférence téléphonique en 2015 indiquent que Daunat n’a « pas fait de nouvelles propositions contrairement à l’attente de U qui attendait des efforts »246. Concernant l’enseigne Lidl perdue en 2011, un email du président de la société LTA fait état en 2011 d’un litige entre Daunat et Lidl : « LIDL: […] D [aunat] n'est pas consulté sur les baguettes (alors qu'il était en place mais en litige depuis plusieurs mois ==> pas de livraison) (…) Mon avis : RM va se retrouver seul chez LIDL ». S’agissant du re-référencement de Daunat auprès de Lidl en 2014, un échange d’emails interne à cette entreprise expose les raisons pour lesquelles elle a remporté l’appel d’offres de Lidl : « Mon feeling : ils aimeraient faire avec nous car déçus de la qualité des baguettes à date » ; « Je ne vois pas pourquoi nous irions en dessous de RM alors qu'il veut du Daunat. Non ? »247. Ainsi, le référencement de Daunat ne résulte pas d’une déviation tarifaire de Daunat mais d’une insatisfaction de Lidl quant à la qualité des sandwichs de Roland Monterrat. Plus généralement ni Daunat, ni les autres mises en cause ne présentent d’exemples de référencements ou déréférencements résultant de déviations tarifaires de l’un ou l’autre des participants à l’entente et le dossier ne comprend par ailleurs aucun élément allant dans ce sens.
266. Enfin, s’agissant des stations-service, la concertation ne concerne qu’un seul appel d’offres sur l’ensemble de la période, lequel a de plus été annulé pour des raisons non-explicitées. Les conséquences conjoncturelles des pratiques n’ont donc pu être que très limitées, surtout lorsqu’elles sont rapportées à la durée du grief.
267. L’ensemble de ces éléments établit que le dommage à l’économie a été limité.
La proportion de la valeur des ventes à prendre en compte
268. Compte tenu de l’appréciation, faite ci-dessus, relative à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie, il y a lieu de retenir, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause au titre de l’infraction, une proportion de 16 % de la valeur de leurs ventes de sandwichs industriels froids sous MDD aux enseignes de la GSA et aux stations-service.
c) La prise en compte de la durée de participation des entreprises aux pratiques
269. La durée de l’infraction est un facteur pertinent qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de l’appréciation tant de la gravité des faits que de l’importance du dommage à l’économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l’atteinte qu’elle porte au libre jeu de la concurrence et la perturbation qu’elle entraîne pour le fonctionnement du secteur en cause, et plus généralement pour l’économie, sont susceptibles d’être substantielles.
270. Conformément au point 42 du communiqué sanctions, dans le cas d’infractions qui se sont prolongées pendant plus d’une année, l’Autorité prend en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l’importance du dommage à l’économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l’exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes suivantes ; au-delà de la dernière année complète de participation à l’infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
271. Dans chaque cas d’espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur. Afin de garantir l’individualisation et la proportionnalité des sanctions, ce coefficient est défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chaque entreprise à l’infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d’entre elles pendant l’exercice comptable retenu comme référence.
272. Le tableau ci-dessous illustre l’application de la méthode décrite ci-avant au cas d’espèce :
Conclusion sur la détermination du montant de base
273. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’eu égard à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie par les pratiques en cause, les montants de base des sanctions déterminés en proportion des ventes liées à la commercialisation des produits en relation avec les infractions commises par les entreprises en cause, d’une part, et de la durée des pratiques, d’autre part, sont les suivants :
3. SUR L’INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS
a) Les circonstances propres à chaque entreprise
274. L’Autorité adapte les montants de base retenus au regard du critère légal tenant à la prise en compte de la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu’il s’agisse d’organismes ou d’entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.
275. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l’infraction, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle, précisés par le communiqué sanctions.
276. Chacun de ces éléments, dont la prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse, est examiné ci-après.
La participation individuelle de chaque entreprise
277. Il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, du fait qu’une entreprise n’est pas tenue responsable de toutes les pratiques concertées constitutives d’une entente unique, et de moduler à la baisse la sanction qui lui est infligée. Cette méthode permet de refléter de manière effective, dans l’amende imposée aux mises en cause, les différences de responsabilité de chaque entreprise sanctionnée.
278. Ainsi, même si la sanction d’une infraction, surtout si les faits sont répréhensibles par leur objet même, revêt nécessairement un certain caractère forfaitaire et si l’Autorité a déjà tenu compte de la durée des pratiques pour chaque entreprise, il est accordé une réduction supplémentaire du montant de la sanction aux entreprises dont la participation aux pratiques est moins intense.
279. Cette réduction, qui prend la forme d’un abattement forfaitaire sur le montant de base, tient compte, pour chaque entreprise, de la nature (réunions multilatérales, bilatérales, échanges par courriel ou téléphone) et de la fréquence des échanges entretenus avec ses concurrents.
280. En l’espèce, le dossier fait apparaître une intensité de participation homogène entre les trois entreprises mises en cause. Dès lors, si Daunat expose qu’elle n’était pas à l’origine des premiers contacts anticoncurrentiels, cette circonstance, à la supposer établie, ne peut à elle seule être de nature à atténuer sa responsabilité dans la mise en œuvre de l’entente. Par suite, il n’y a pas lieu d’accorder à ce titre une réduction du montant de base des sanctions.
Les circonstances atténuantes ou aggravantes
281. L’Autorité peut tenir compte de circonstances atténuantes susceptibles de conduire à une réduction de la sanction. Ces circonstances sont précisées au point 45 du communiqué sanctions, qui vise les cas où, notamment :
« – l’entreprise ou l’organisme apporte la preuve qu’il a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ;
– l’entreprise ou l’organisme apporte la preuve qu’il a été contraint à participer à l’infraction ;
– l’infraction a été autorisée ou encouragée par les autorités publiques ».
282. Le point 46 du communiqué sanctions prévoit que l’existence de circonstances aggravantes peut conduire à augmenter le montant de base de la sanction pécuniaire. Ces circonstances peuvent notamment tenir au fait que :
« – l’entreprise ou l’organisme a joué un rôle de meneur ou d’incitateur, ou a joué un rôle particulier dans la conception ou dans la mise en œuvre de l’infraction ;
– l’entreprise ou l’organisme a pris des mesures en vue d’en contraindre d’autres à participer à l’infraction ou a pris des mesures de rétorsion à leur encontre en vue de faire respecter celle-ci ;
– l’entreprise ou l’organisme jouit d’une capacité d’influence ou d’une autorité morale particulières, notamment parce qu’il est chargé d’une mission de service public ».
283. En l’espèce, le dossier ne fait pas apparaître pour les entreprises mises en cause de circonstances atténuantes de la nature de celles visées au point 45 du communiqué sanctions.
284. Par ailleurs, aucune circonstance aggravante n’est retenue au cas d’espèce, dès lors notamment qu’aucune des entreprises mises en cause ne peut être regardée comme ayant été le meneur de l’entente ou ayant joué un rôle particulier dans sa conception et sa mise en œuvre.
L’appartenance à un groupe
285. Il résulte du point 47 du communiqué sanctions que l’Autorité peut, au titre des autres éléments d’individualisation de la sanction, prendre en compte des éléments objectifs pertinents relatifs à la situation individuelle de chaque entreprise.
286. Aux termes du point 49 du communiqué sanctions, l’Autorité peut notamment adapter à la hausse le montant de base de la sanction pour tenir compte du fait que « le groupe auquel appartient l’entreprise concernée dispose lui-même d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l’infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe ».
287. Sur ce point, il est de jurisprudence constante que l’appréciation de la situation individuelle peut conduire à prendre en considération l’envergure de l’entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient248.
288. Ainsi, la Cour de justice, tout en indiquant que le recours à la valeur des ventes de l’entreprise en cause permet de proportionner l’assiette de la sanction à l’ampleur économique de l’infraction et au poids relatif de l’intéressée sur le secteur ou marché en cause, rappelle qu’il est légitime de tenir compte, dans le même temps, du chiffre d’affaires global de cette entreprise, en ce que celui-ci est de nature à donner une indication de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources249.
289. De fait, la circonstance qu’une entreprise dispose d’une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d’une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n’était pas le cas, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire250.
290. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive – objectif également mis en exergue par la Cour européenne des droits de l’homme, s’agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence251. La Cour de cassation a en outre rappelé que la sanction pécuniaire doit être en lien avec la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée252.
291. La cour d’appel de Paris l’a récemment rappelé dans un arrêt du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag SAS253. Elle a, en effet, précisé que la majoration du montant de base de la sanction en raison de l’appartenance à un groupe dépendait des circonstances de fait et du contexte propre à chaque espèce. Par ailleurs, elle a admis que cette puissance pouvait être révélée par le faible ratio entre la valeur des ventes retenues pour le calcul de l’assiette de la sanction et le chiffre d’affaires du groupe auquel appartient l’auteur de l’infraction.
292. Enfin, la cour d’appel de Paris a jugé que, pour appliquer une telle majoration, l’Autorité n’est pas dans l’obligation « de démontrer en quoi l’appartenance à un groupe a joué un rôle dans la commission des pratiques, dès lors que la société faîtière du groupe, société mère, qui s’est vu imputer les pratiques, et la société auteur des pratiques constituent une entreprise unique au sens du droit de la concurrence »254. De même, elle a jugé que, lorsque la société mère d’un groupe est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, et que, pour cette raison, les pratiques mises en œuvre par celle- ci doivent lui être imputées, « il s’en déduit, par définition, que l’appartenance [de la filiale au groupe] a joué un rôle dans la mise en œuvre de ces pratiques »255. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ce n’est en effet que lorsque l’autonomie d’une filiale a été constatée qu’il convient de tenir compte du rôle joué par l’appartenance à un groupe dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou de son influence sur la gravité de ces pratiques256.
293. En l’espèce, il y a lieu de tenir compte de l’envergure des groupes Ebro Foods et LDC auxquels appartiennent respectivement les sociétés Roland Monterrat et LTA.
En ce qui concerne la société Roland Monterrat
294. L’infraction en cause a été imputée à la société Roland Monterrat, en tant que société auteure des pratiques, et aux sociétés Les Traiteurs Lyonnais, Panzani SAS et Ebro Foods SA, en tant que sociétés mères. Ces sociétés constituent, ensemble, une entreprise unique au sens du droit de la concurrence.
295. Il résulte des principes rappelés au paragraphe 292 que, compte tenu de l’influence déterminante que la société Ebro Foods est présumée avoir exercée sur le comportement de sa filiale, il n’est pas nécessaire en l’espèce de démontrer concrètement en quoi l’appartenance de la société Roland Monterrat au groupe Ebro Foods a joué un rôle dans la mise en œuvre des pratiques. Par conséquent, la société Ebro Foods SA ne peut utilement soutenir qu’elle n’aurait joué aucun rôle dans l’entente. En outre, la circonstance invoquée par la société Ebro Foods SA, selon laquelle elle n’a eu connaissance des pratiques en litige que postérieurement à l’acquisition de la société Roland Monterrat, ne peut par elle-même justifier que la majoration liée à l’appartenance à un grand groupe soit écartée au cas d’espèce. La société Ebro Foods SA ne saurait en effet invoquer à son bénéfice les éventuelles lacunes de l’audit de pré-acquisition ni la diligence supposée avec laquelle elle aurait dénoncé les pratiques, une fois celles-ci identifiées.
296. Par ailleurs, les ressources financières globales du groupe Ebro Foods sont importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé s’élevant à 2,6 milliards d’euros257 en 2018. À cet égard, la valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction ne représente que 1,33 % du chiffre d’affaires total du groupe.
297. Compte tenu de ces éléments, et afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée, il y a lieu, en l’espèce, d’augmenter de 5 %le montant de base de la sanction pécuniaire infligée à la société Roland Monterrat et à ses sociétés mères.
En ce qui concerne LTA
298. Les pratiques en cause ont été imputées à la société LDC SA, en tant que société mère de la société LTA. En effet, ainsi qu’il a été exposé ci-avant, la société LDC SA détient, via la société LDC Traiteur, la totalité du capital de la société LTA. Elle est dès lors présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, auteur des pratiques. Par suite, les sociétés LTA, LDC Traiteur et LDC SA font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.
299. Conformément aux principes rappelés au paragraphe 292, la société LDC SA ne peut utilement soutenir qu’il n’est pas démontré qu’elle aurait joué un rôle particulier dans la mise en œuvre de l’entente. En effet, eu égard à l’influence déterminante que cette société est présumée avoir exercé sur sa filiale, il n’incombe pas à l’Autorité de démontrer concrètement en quoi l’appartenance de cette dernière au groupe LDC a joué un rôle dans la mise en œuvre des pratiques en litige.
300. Par ailleurs, si la société LTA fait valoir qu’elle serait « un acteur vulnérable du fait de sa taille modeste sur le marché pertinent et de sa dépendance à l’égard de la GSA »258, cette circonstance, à la supposer établie, est étrangère aux critères, rappelés aux paragraphes 285 et suivants, pris en compte pour apprécier s’il y a lieu de majorer le montant de base de la sanction en raison de l’appartenance de l’auteur des pratiques à un grand groupe. En l’espèce, les ressources financières globales du groupe LDC sont importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé s’élevant à 4,12 milliards d’euros259 au titre de l’exercice clos le 28 février 2019. À cet égard, la valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction ne représente que 0,96 % du chiffre d’affaires total du groupe.
301. Compte tenu de ces éléments, et afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée, il y a lieu, en l’espèce, d’augmenter de 10 % le montant de base de la sanction pécuniaire infligée à la société LTA et à ses sociétés mères.
b) Le montant intermédiaire des sanctions
302. Au vu de l’ensemble des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, le montant des sanctions infligées aux entreprises mises en cause est fixé, à ce stade de l’analyse, aux sommes suivantes :
4. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX
a) La vérification du respect du maximum légal
303. Conformément à l’alinéa 4 du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, lorsque le contrevenant est une entreprise, le montant maximum de la sanction pécuniaire est « de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
304. Le tableau ci-dessous mentionne, pour chacune des entreprises concernées en l’espèce, le plafond légal de sanction applicable.
305. Les montants intermédiaires retenus pour chaque entreprise étant inférieurs à 10 % des plafonds applicables à chacune d’entre elles, il n’y a pas lieu de les modifier.
b) La prise en considération de la clémence
306. Le IV de l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit que « une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ou l'administration ne disposaient pas antérieurement. À la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, l'Autorité de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre, et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, l'Autorité peut, après avoir entendu le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné sans établissement préalable d'un rapport, et, si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction ».
307. Le communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français (ci-après le « communiqué clémence ») précise par ailleurs que « le législateur a considéré qu’il est de l’intérêt de l’économie française, et notamment des consommateurs, de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui informent l’Autorité de la concurrence de l’existence d’ententes illicites et qui coopèrent avec elles afin d’y mettre fin. En effet, ces ententes sont néfastes pour les économies nationales : elles portent une atteinte grave aux intérêts des consommateurs, en particulier quand elles conduisent à un accroissement artificiel des prix ou à une limitation de l’offre sur le marché, et elles soustraient les entreprises à la pression qui, normalement, les incite à innover. Le bénéfice que tirent les consommateurs et les citoyens de l’assurance de voir les ententes plus sûrement et plus fréquemment détectées et interdites est plus important que l’intérêt qu’il peut y avoir à sanctionner pécuniairement toutes les entreprises ayant participé à l’entente, y compris celle-là même qui, en la révélant, permet à l’Autorité de découvrir et de sanctionner de telles pratiques » (point 12).
308. Le IV de l’article L. 464-2 du code de commerce subordonne ainsi la mise en œuvre de la procédure de clémence à deux conditions.
309. En premier lieu, le demandeur de clémence doit, d’une part, avoir, avec d’autres, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce. Il est nécessaire, d’autre part, qu’il ait contribué à établir la réalité de cette pratique et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement. C’est en considération de ces éléments que, lorsqu’elle adopte une décision constatant l’existence d’une infraction et imposant une sanction à ses auteurs, l’Autorité peut accorder une exonération de sanction pécuniaire proportionnée à la contribution apportée par le demandeur de clémence à l’établissement de l’infraction.
310. En second lieu, l’Autorité peut soumettre, au cas par cas, c’est-à-dire dans chaque affaire dont elle a à connaître et pour chaque demande de clémence faite dans ce cadre, l’octroi de la clémence à des conditions particulières. Ces conditions figurent dans l’avis de clémence, qui est transmis au demandeur. L’exonération de sanction pouvant être accordée à l’issue de la procédure dépend donc aussi du respect des conditions précisées dans l’avis de clémence.
311. En application de ces dispositions, l’Autorité accorde une exonération totale à l’entreprise qui, la première, formule une demande de clémence et qui satisfait aux conditions énoncées dans le communiqué clémence. Elle accorde une exonération partielle à toute entreprise autre que la première demanderesse de clémence qui formule une demande de clémence et satisfait aux conditions énoncées dans le communiqué clémence.
312. L’Autorité subordonne ainsi l’octroi effectif des exonérations envisagées dans ses avis de clémence à la condition que le demandeur respecte les conditions fixées dans ces avis et, notamment, apporte « une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction » (point 23 du communiqué clémence).
313. À cet égard, il ressort de la décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, que « le IV de l’article L. 464-2 du code de commerce appréhende en effet la procédure de clémence comme une contribution active et volontaire d’entreprises ou d’organismes ayant participé à des ententes, non seulement à leur détection par l’Autorité, par le biais de la production d’éléments de preuve, mais également, en aval, à l’instruction de l’affaire par les services d’instruction et, en définitive, au constat, par le collège, de la réalité de la pratique prohibée. En pratique, l’obligation de “contribuer à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement” signifie donc que, dans les procédures d’ententes, qui comprennent plusieurs étapes, d’une part, et qui peuvent porter sur des faits complexes à établir et généralement occultes, d’autre part, la coopération attendue du demandeur n’est pas épuisée par le seul fait de présenter sa demande de clémence : elle reste nécessaire tout au long de la période séparant le dépôt de cette demande de la tenue de la séance du collège, en passant par les différentes étapes de la phase préliminaire d’enquête et de la procédure d’instruction » (paragraphe 716).
314. Enfin, il résulte du point 22 du communiqué clémence que « si l’entreprise qui présente la demande est la première à fournir des preuves incontestables permettant à l’Autorité d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente, l’Autorité ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les fournis ».
En ce qui concerne la société Roland Monterrat
315. Par l’avis n° 16-AC-01 du 20 juillet 2016 précité, l’Autorité a accordé à la société Roland Monterrat et à ses sociétés mères le bénéfice conditionnel d’une exonération totale des sanctions éventuellement encourues pour les pratiques dénoncées dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous MDD sur le territoire français.
316. L’avis n° 16-AC-01 précisait que le bénéfice de la clémence était accordé « sous réserve d’une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de leur demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction, ce qui signifie en particulier :
- fournir sans délai à l’Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuves qui viendraient en sa possession ou dont elle peut disposer sur l’entente présumée ;
- ne remettre en cause à aucun moment devant l’Autorité, et ce jusqu’au terme de la procédure, les éléments factuels qu’elle a révélés à l’Autorité dans le cadre de la procédure de clémence et qui fondent l’avis de clémence, la matérialité des faits qu’elle a dénoncés ou l’existence même des pratiques ;
- se tenir à la disposition de l’Autorité pour répondre rapidement à toute demande de sa part visant à contribuer à l’établissement des faits en cause ;
- mettre à la disposition de l’Autorité, pour les interroger, ses représentants légaux et ses salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, ses anciens représentants légaux et salariés et
- s’abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des éléments de preuves utiles se rapportant à l’entente présumée ».
317. Il ressort de l’ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que les sociétés Roland Monterrat, Les Traiteurs Lyonnais, Panzani SAS et Ebro Foods SA n’ont enfreint aucune des conditions qui leur avaient été imposées pour bénéficier d’une exonération totale de sanction. Elles doivent, dès lors, être exonérées de toute sanction pécuniaire.
En ce qui concerne la société LTA
S’agissant de la valeur ajoutée des éléments apportés par la société LTA dans le cadre de sa demande de clémence
318. Par l’avis n° 18-AC-03 du 21 février 2018, l’Autorité a accordé à la société LTA et à ses sociétés mères le bénéfice conditionnel d’une exonération partielle de sanction qui pourrait être comprise entre 25 % et 35 % des sanctions éventuellement encourues au titre des pratiques dénoncées dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous MDD sur le territoire français.
319. Le bénéfice de la clémence a été accordé « sous réserve d’une coopération véritable, totale, permanente et rapide » et subordonné au respect des obligations suivantes :
« - fournir sans délai à l’Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuves qui viendraient en sa possession ou dont elle peut disposer sur l’entente présumée ;
- ne remettre en cause à aucun moment devant l’Autorité, et ce jusqu’au terme de la procédure, les éléments factuels qu’elle a révélés à l’Autorité dans le cadre de la procédure de clémence et qui fondent l’avis de clémence, la matérialité des faits qu’elle a dénoncés ou l’existence même des pratiques ;
- se tenir à la disposition de l’Autorité pour répondre rapidement à toute demande de sa part visant à contribuer à l’établissement des faits en cause ;
- mettre à la disposition de l’Autorité, pour les interroger, ses représentants légaux et ses salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, ses anciens représentants légaux et salariés et
- s’abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des éléments de preuves utiles se rapportant à l’entente présumée, et
- s’abstenir de divulguer l’existence ou la teneur de sa demande de clémence avant que l’Autorité n’ait communiqué ses griefs aux parties, sauf si l’Autorité y donne son accord ».
320. En premier lieu, il ressort de l’ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que les sociétés LTA, LDC Traiteur et LDC SA n’ont enfreint aucune des conditions qui leur avaient été imposées pour bénéficier d’une exonération partielle de sanction.
321. En second lieu, s’agissant de la valeur ajoutée des éléments présentés dans le cadre de la procédure de clémence, la société LTA propose une méthode consistant à déterminer un pourcentage de réduction de la sanction tenant compte de la contribution qu’elle a apportée en vue de démontrer, pour chaque appel d’offres concerné par les pratiques, l’existence d’échanges anticoncurrentiels. Selon cette méthode, la société LTA pourrait prétendre à une réduction de la sanction comprise entre 35 et 52 %.
322. Toutefois, il convient de relever que cette méthode ne tient pas compte de l’ensemble des critères pris en compte par l’Autorité pour déterminer le niveau d’exonération de sanctions pécuniaires auquel une entreprise peut prétendre. Ces critères, rappelés au point 20 du communiqué clémence, sont en effet fondés sur « le rang de la demande, le moment où elle a été présentée et le degré de valeur ajoutée significative que les éléments de preuves fournis par cette entreprise ont apporté ».
323. Par ailleurs, la valeur ajoutée des éléments apportés par une entreprise ne peut être exclusivement appréciée en fonction du nombre d’échanges entre concurrents dont elle a contribué à révéler l’existence. En effet, c’est au regard de l’ensemble des échanges anticoncurrentiels qui constituent la pratique incriminée que la valeur ajoutée des éléments apportés par le demandeur de clémence doit être appréciée, et non au regard de chaque échange anticoncurrentiel, pris isolément.
324. En l’espèce, les documents et explications apportés par la société LTA dans le cadre de sa demande de clémence ont été présentés après une première demande de clémence et postérieurement aux opérations de visite et saisie qui ont eu lieu le 15 septembre 2016. Ainsi, l’Autorité disposait déjà d’éléments permettant d’établir l’existence de l’entente et d’en déterminer le périmètre, s’agissant du secteur, des entreprises, et des produits concernés. Dans ce contexte, les éléments apportés par la société LTA présentent une valeur ajoutée relative, dès lors qu’ils n’ont pas permis de déceler des pratiques jusqu’alors inconnues des services d’instruction ou d’étendre le champ temporel ou matériel du grief notifié.
325. Néanmoins, plusieurs documents fournis présentent un intérêt certain. Il en va ainsi des SMS envoyés et reçus par le président de la société LTA, ainsi que de courriers électroniques et des tableaux de prix entre concurrents qui ont permis d’établir l’existence de certains échanges anticoncurrentiels. Par ailleurs, la société LTA a produit d’autres documents, tels que des comptes rendus de réunions entre les mis en cause, ayant permis de fournir des éléments de preuve supplémentaires, venant utilement compléter ceux dont disposait l’Autorité. De même, les explications données par la société LTA ont permis d’apporter un éclairage utile sur le contexte des pratiques et de mieux comprendre la portée de certains documents.
326. Au regard de ces éléments, et compte tenu de la contribution de la société LTA à l’instruction, du rang de sa demande de clémence, des éléments fournis au soutien de cette demande, du degré de valeur ajoutée des pièces apportées et de sa coopération active tout au long de la procédure, il y a lieu d’accorder à cette société et à ses sociétés mères une réduction de 35 % sur la sanction pécuniaire encourue au titre du grief notifié.
S’agissant de l’application du point 22 du communiqué clémence
327. La société LTA expose, tout d’abord, qu’elle a, la première, présenté des documents permettant d’élargir le périmètre de l’entente aux ventes de sandwichs sous MDD aux stations-service. Au nombre des documents produits par cette société figurent en effet deux courriers électroniques internes, datés du 3 juin 2011, faisant mention, parmi d’autres éléments, d’un appel d’offres lancé par la société Total en 2011260. Toutefois, la production de ces documents n’a été accompagnée d’aucun élément permettant d’identifier spécifiquement le fait qu’un nouveau périmètre, à savoir les stations-service, pourrait être concerné par l’entente. A contrario, la société LTA a indiqué, lors du dépôt de sa demande de clémence, que « le périmètre des discussions auxquelles La Toque Angevine a participé portait sur les GSA, incluant les GMS pour les sandwichs froids MDD tous formats »261.
328. Enfin, si la société LTA soutient également qu’elle a, la première, révélé l’existence d’échanges anticoncurrentiels portant sur cinq appels d’offres lancés par des enseignes de la GSA, ces éléments de fait, qui recouvrent le champ matériel et temporel des pratiques déjà dénoncées par le premier demandeur de clémence, n’ont pas permis d’étendre le grief notifié à une autre période ou à une autre catégorie de clients et sont sans incidence directe sur la détermination du montant des sanctions.
329. Il en résulte que la société LTA ne peut prétendre au bénéfice du point 22 du communiqué clémence.
En ce qui concerne Daunat
S’agissant du rang de clémence
330. Par l’avis n° 18-AC-04 du 15 mai 2018, l’Autorité a accordé à la société Snacking Services et à ses sociétés mères, les sociétés Daunat SAS et Norac, le bénéfice conditionnel d’une exonération partielle de sanction qui pourrait être comprise entre 15 % et 30 % des sanctions éventuellement encourues au titre des pratiques dénoncées dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous MDD sur le territoire français.
331. Daunat conteste son rang de troisième demandeur de clémence en faisant valoir que, pour le dépôt de sa demande, elle a été désavantagée par les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de visite et saisie du 15 septembre 2016.
332. Daunat soutient plus particulièrement que les locaux de la société Snacking Services ont été visités par les enquêteurs de l’Autorité plus tardivement que ceux de la société LTA. Il en aurait résulté pour Daunat une perte de chance de demander la clémence avant la société LTA. Par ailleurs, Daunat allègue que les agents de l’Autorité auraient, lors des opérations de visite et saisie, tardé à transmettre à ses salariés les informations concernant la ligne téléphonique spécialement dédiée au dépôt des demandes de clémence. Enfin, Daunat expose que le bureau du président de la société LTA n’a pas été visité lors des opérations de visite et saisie visant cette société. Selon Daunat, cette circonstance a eu pour effet d’augmenter artificiellement la valeur ajoutée des preuves transmises par la société LTA dans le cadre de sa demande de clémence.
333. Le IV de l’article L. 464-2 du code de commerce précise les conditions dans lesquelles les entreprises qui contribuent à établir la réalité d’une pratique prohibée peuvent obtenir une exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires. Il indique qu’à la suite de la démarche de l’entreprise, un avis de clémence est adopté par l’Autorité et précise les conditions auxquelles est subordonnée l’exonération envisagée. Lorsque l’Autorité se prononce sur l’affaire, elle peut, si les conditions précisées dans l’avis de clémence sont respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l’établissement de l’infraction.
334. L’article R. 464-5 du même code prévoit que l’entreprise qui demande la clémence s’adresse au rapporteur général de l’Autorité, par courrier adressé en recommandé avec accusé de réception ou oralement. Dans ce dernier cas, le rapporteur général « constate par écrit la date de la démarche ». La déclaration du représentant de l’entreprise est ensuite « recueillie dans les délais les plus brefs par procès-verbal de déclaration ».
335. Le communiqué clémence rappelle en son point 29 que lorsque la démarche est effectuée oralement, le rapporteur général « en constate par écrit la date et l’heure ». Le point 30 prévoit que l’établissement du procès-verbal « permet de marquer l’ordre d’arrivée des demandes de clémence, à condition que l’entreprise ait fourni les informations visées au point précédent ».
336. Il résulte du point 31 du communiqué clémence qu’un numéro de téléphone est spécialement dédié à la prise de rendez-vous en vue du dépôt d’une demande de clémence. Ce numéro est précisé dans le texte même du communiqué clémence, et figure également sur le site internet de l’Autorité.
337. Le point 31 du communiqué clémence précise en outre que « les rendez-vous demandés seront accordés dans l’ordre chronologique de leur formulation afin de garantir le traitement des demandes dans l’ordre d’arrivée en cas de demandes multiples ». Il est également indiqué que « la demande de clémence sera réputée avoir été formulée à l’heure et la date du passage des représentants de l’entreprise dans les locaux de l’Autorité ».
338. Enfin, le point 32 énonce que lorsqu’une entreprise souhaite déposer une demande de clémence alors que des opérations de visite et saisie sont en cours, elle peut contacter l’Autorité dans les conditions prévues au point précédent en vue d’obtenir un rendez-vous pour le dépôt oral de sa demande de clémence.
339. En l’espèce, il résulte d’une note établie le 22 septembre 2016 par la Conseillère clémence de l’Autorité262 que, le 15 septembre 2016, alors que les opérations de visite et saisie étaient en cours, le conseil de la société LTA a sollicité à 12 h 44 un rendez-vous avec l’Autorité en vue du dépôt d’une demande de clémence, en utilisant la ligne téléphonique prévue à cet effet. Cette demande de rendez-vous a été confirmée par courrier électronique à 12 h 49. La note précise que, le 16 septembre 2016, la Conseillère clémence a proposé à la société LTA, qui a accepté, un rendez-vous le 19 septembre 2016 pour le dépôt de la demande de clémence.
340. Il résulte d’une seconde note établie le 22 septembre 2016 par la Conseillère clémence263 qu’une demande de rendez-vous en vue du dépôt d’une demande de clémence a été présentée le 15 septembre 2016 à 14 heures 29 par le conseil de la société Daunat, qui a eu recours à la ligne téléphonique dédiée à cette procédure. Cette demande a été confirmée par courrier électronique le même jour à 14 heures 36. La note du 22 septembre 2016 indique que le 16 septembre 2016, la Conseillère clémence a proposé au conseil de la société Daunat, qui l’a accepté, un rendez-vous le 21 septembre 2016 pour le dépôt de la demande de clémence.
341. Il résulte de ces deux notes, dont l’exactitude n’est pas contestée par les mis en cause, que la société LTA a présenté sa demande de rendez-vous avant Daunat. Les rendez-vous ont été accordés à ces sociétés dans l’ordre chronologique de leurs demandes, conformément au point 31 du communiqué clémence. De même, conformément au point 31, c’est la date de ces rendez-vous – soit le 19 septembre 2016 pour LTA et le 21 septembre 2016 pour Daunat – qui a été retenue comme date d’enregistrement des demandes de clémence. C’est dès lors à juste titre que l’avis n° 18-AC-04 du 15 mai 2018 mentionne que Daunat est le troisième demandeur de clémence.
342. Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il appartient aux entreprises de s’engager dans la démarche de clémence de leur propre initiative, en suivant les modalités précises prévues dans le communiqué clémence. Elles ne sauraient attendre de l’Autorité qu’elle suscite, encourage ou favorise une telle démarche dans le cadre d’une affaire dont elle est saisie. Par conséquent, Daunat ne peut utilement soutenir que les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de visite et saisie l’auraient privée de la possibilité de solliciter le bénéfice de la procédure de clémence en tant que deuxième demandeur. Les arguments avancés par Daunat, exposés au paragraphe 332, ne peuvent dès lors qu’être écartés.
343. Par conséquent, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’avis de clémence n° 18-AC-04 du 15 mai 2018 en tant qu’il confère à Daunat le rang de troisième demandeur de clémence.
S’agissant de la valeur ajoutée des éléments apportés par Daunat dans le cadre de sa demande de clémence
344. Par son avis précité n° 18-AC-04 du 15 mai 2018, l’Autorité a accordé le bénéfice de la clémence à Daunat « sous réserve d’une coopération véritable, totale, permanente et rapide » et l’a subordonné au respect des obligations suivantes :
« - fournir sans délai à l’Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuves qui viendraient en sa possession ou dont elle peut disposer sur l’entente présumée ;
- ne remettre en cause à aucun moment devant l’Autorité, et ce jusqu’au terme de la procédure, les éléments factuels qu’elle a révélés à l’Autorité dans le cadre de la procédure de clémence et qui fondent l’avis de clémence, la matérialité des faits qu’elle a dénoncés ou l’existence même des pratiques ;
- se tenir à la disposition de l’Autorité pour répondre rapidement à toute demande de sa part visant à contribuer à l’établissement des faits en cause ;
- mettre à la disposition de l’Autorité, pour les interroger, ses représentants légaux et ses salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, ses anciens représentants légaux et salariés et
- s’abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des éléments de preuves utiles se rapportant à l’entente présumée, et
- s’abstenir de divulguer l’existence ou la teneur de sa demande de clémence avant que l’Autorité n’ait communiqué ses griefs aux parties, sauf si l’Autorité y donne son accord ».
345. En premier lieu, il ressort de l’ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que Daunat n’a enfreint aucune des conditions qui lui avaient été imposées pour bénéficier d’une exonération partielle de sanction.
346. En second lieu, Daunat fait valoir que les preuves matérielles apportées dans le cadre de sa demande de clémence revêtent une forte valeur ajoutée et que les explications qu’elle a fournies ont permis d’éclairer le contexte de l’entente et de décrypter la terminologie employée par les mis en cause.
347. La valeur ajoutée des éléments fournis par Daunat doit néanmoins être relativisée. D’une part, si le « travail de décryptage » dont se prévaut cette entreprise n’est pas dépourvu d’utilité et a permis aux services d’instruction de comprendre plus aisément la portée de certaines pièces, il n’est pas pour autant indispensable à la compréhension du contexte et de la nature des pratiques en litige. D’autre part, une grande partie des éléments de preuve permettant d’établir la réalité des pratiques était déjà en possession de l’Autorité. Dans ce contexte, les éléments apportés par Daunat n’ont pas permis de déceler des pratiques jusqu’alors inconnues des services d’instruction.
348. Néanmoins, il doit être relevé que des éléments produits dans le cadre de la demande de clémence présentaient un intérêt certain. Il en va ainsi, en particulier, d’une clé USB appartenant au gérant de la société Snacking Services, sur laquelle était enregistré un fichier comportant un suivi précis des échanges intervenus entre les mis en cause au début de la période infractionnelle264.
349. Au regard de ces éléments, et compte tenu de la contribution de Daunat à l’instruction, du rang de sa demande de clémence, des éléments fournis au soutien de cette demande, du degré de valeur ajoutée des pièces apportées et de sa coopération active tout au long de la procédure, il y a lieu d’accorder à la société Snacking Services et à ses sociétés mères une réduction de 30 % sur la sanction pécuniaire encourue au titre du grief notifié.
S’agissant de l’application du point 22 du communiqué clémence
350. Compte tenu des éléments de preuve apportés par cette entreprise, Daunat doit être regardée comme la première entreprise à avoir fourni des preuves incontestables permettant d’établir l’existence d’échanges anticoncurrentiels au titre de la période allant du 20 septembre au 30 décembre 2010.
351. Par ailleurs, Daunat a expressément indiqué dans sa « déclaration d’entreprise »265 que les pratiques avaient également concerné, de façon ponctuelle, la vente de sandwichs MDD aux stations-service. Elle a en outre apporté les éléments de preuve permettant de l’établir. Ainsi, compte tenu à la fois des documents fournis et des explications apportées dans le cadre de sa demande de clémence, Daunat doit être regardée comme la première entreprise ayant fourni les preuves incontestables permettant d’établir l’existence d’échanges anticoncurrentiels portant sur les ventes de sandwichs MDD aux stations-service.
352. Par conséquent, en application du point 22 du communiqué clémence, il y a lieu, pour Daunat, d’une part, d’exclure la période du 20 septembre au 30 décembre 2010 de la durée de participation aux pratiques et de fixer en conséquence le coefficient de durée à 3,33. D’autre part, il y a lieu d’exclure le chiffre d’affaires des ventes aux stations-service de la valeur des ventes retenue pour déterminer la sanction.
Conclusion
353. Compte tenu de ce qui précède, après application du point 22 du communiqué clémence lorsque cela était justifié, la durée de participation des entreprises aux pratiques doit être déterminée comme suit :
354. De même, le montant de la valeur des ventes, après application le cas échéant du point 22 du communiqué clémence, s’établit de la façon suivante pour chaque entreprise :
355. Le montant des sanctions, après prise en compte de la clémence et application du point 22 du communiqué clémence, s’établit de la façon suivante pour chaque entreprise :
c) La situation financière des entreprises
356. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, il convient d’apprécier les difficultés financières particulières qu’elles rencontrent et qui seraient de nature à diminuer leur capacité contributive.
357. S’agissant de la société Roland Monterrat, l’examen de sa demande tendant à la prise en compte de difficultés financières de nature à affecter sa capacité contributive est sans objet, dès lors que cette société, ainsi que ses sociétés mères, bénéficient d’une exonération totale de sanction en leur qualité de premier demandeur de clémence.
358. La société LTA, pour sa part, n’a pas présenté de demande de réduction de la sanction fondée sur d’éventuelles difficultés financières affectant sa capacité contributive.
359. S’agissant, enfin, des sociétés Snacking Services, Daunat SAS et Norac, l’analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l’Autorité à constater l’existence de difficultés financières affectant leur capacité à s’acquitter des sanctions que l’Autorité envisage de leur imposer.
360. Dans ces conditions, il convient de réduire la sanction envisagée après prise en compte de la procédure de clémence, soit 14 098 732 euros, à la somme de 9 000 000 euros.
5. SUR LE MONTANT DES SANCTIONS
361. Selon la méthode de détermination des sanctions exposée ci-dessus, le montant final des sanctions prononcées à l’encontre des entreprises mises en cause s’établit ainsi :
G. SUR LES INJONCTIONS DE PUBLICATION
362. En vertu du cinquième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut ordonner la publication de sa décision ou d’un extrait de celle-ci dans les journaux ou publications qu’elle désigne aux frais des entreprises en cause.
363. Ainsi que l’a jugé la cour d’appel de Paris, « la faculté d'imposer une publication de sa décision, donnée au Conseil de la concurrence [devenu Autorité de la concurrence] (…) ajoute à l'exemplarité de la sanction et participe à l'effectivité du respect des règles de la concurrence »266.
364. En l’espèce, compte tenu de la nature des pratiques sanctionnées, des produits concernés et de leur mode de distribution, il y a lieu, afin d’appeler les professionnels du secteur à la vigilance et d’assurer l’information des consommateurs, d’ordonner la publication, à frais partagés des entités sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans l’édition papier et sur le site Internet des publications « LSA » et « 60 millions de consommateurs » du résumé de la présente décision, figurant ci-après : « L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a sanctionné, pour un montant global de 24 574 000 euros, trois entreprises actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels froids vendus sous marque de distributeur (dits « MDD »), pour des pratiques d’entente anticoncurrentielle.
Ces entreprises ont mis en œuvre, entre les mois de septembre 2010 et septembre 2016, des pratiques ayant consisté, dans le cadre des appels d’offres lancés par les grandes et moyennes surfaces alimentaires (ci-après « GSA »), et dans une moindre mesure, par les stations-service, à définir une stratégie commune visant à désigner par avance l’entreprise qui remporterait les marchés. Les entreprises mises en cause ont également décidé de coordonner leurs négociations tarifaires bilatérales avec les enseignes de la GSA dans le but d’obtenir des hausses de prix au cours de l’exécution des marchés. Ces pratiques ont ainsi visé à mettre en œuvre un plan de répartition des volumes et des clients et à s’accorder sur le niveau des prix à proposer à ces clients.
L’Autorité a considéré que, eu égard à leur nature et à leur finalité, ces pratiques constituaient par leur objet même un accord anticoncurrentiel.
Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à la procédure de clémence, qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire.
En effet, la société Roland Monterrat, qui a pris part aux pratiques, a demandé la première en mai 2016 le bénéfice de cette procédure. Les opérations de visite et saisie réalisées en septembre 2016 ont permis de réunir des preuves qui ont complété celles apportées par ses soins. Par ailleurs, à la suite de ces opérations, les entreprises La Toque Angevine et Daunat, qui ont également pris part aux pratiques, ont elles aussi sollicité le bénéfice de la procédure de clémence.
La société Roland Monterrat a bénéficié, en sa qualité de premier demandeur de clémence, d’une exonération totale de sanction. La Toque Angevine et Daunat, en leur qualité de demandeurs de clémence de deuxième rang, ont bénéficié d’une exonération partielle de sanction. Par ailleurs, s’agissant de Daunat, l’Autorité a fait application de la possibilité, dite « clémence Plus », prévue au point 22 du communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français, d’accorder une exonération supplémentaire à l’entreprise qui fournit la première des preuves incontestables permettant à l’Autorité d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente. Ainsi, pour déterminer le montant de la sanction infligée à cette entreprise, l’Autorité n’a pas tenu compte, d’une part, de la durée correspondant à la période des pratiques que seuls les éléments fournis par cette entreprise ont permis de révéler. D’autre part, elle n’a pas tenu compte de la valeur des ventes aux stations-service, dès lors que Daunat a, la première, fourni les preuves incontestables permettant d’établir l’existence de pratiques visant cette catégorie de clients. Au total, l’Autorité a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr ».
365. Les entités sanctionnées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés Roland Monterrat (RCS 329 010 201), La Toque Angevine (RCS 323 438 028) et Snacking Services (RCS 429 449 457) ont enfreint les dispositions de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE et de l’article L. 420-1 du code de commerce, en participant, dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels vendus sous marque de distributeur à la grande distribution et aux stations-service, à un accord visant à fixer des prix, à obtenir des hausses tarifaires et à se répartir les clients et les volumes.
Article 2 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :
- 15 574 000 euros, solidairement aux sociétés La Toque Angevine (RCS 323 438 028), LDC Traiteur (RCS 379 042 260) et LDC SA
(RCS 576 850 697) ;
- 9 000 000 euros, solidairement aux sociétés Snacking Services (RCS 429 449 457),
Daunat SAS (RCS 344 376 546) et Norac SAS (RCS 479 042 285).
Article 3 : Les sociétés Roland Monterrat (RCS 329 010 201), Les Traiteurs Lyonnais (RCS 056 807 191), Panzani SAS (RCS 961 503 422) et Ebro Foods SA (Registro Mercantil de Madrid, M-271855) sont exonérées de sanction pécuniaire en application du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce.
Article 4 : Il est enjoint aux entités sanctionnées d’insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, le texte figurant au paragraphe 364 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l’édition papier et sur le site Internet des magazines « LSA » et « 60 millions de consommateurs ». Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-D-09 du 24 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous marque de distributeur». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Les entités sanctionnées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Voir, pour la première application de la « clémence Plus », la décision n° 18-D-24 du 5 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers.
3 Aux termes de ces dispositions ; « Lors de la décision prise en application du I du présent article, l'Autorité peut, après avoir entendu le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné sans établissement préalable d'un rapport, et, si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction ».
4 Dossier n° 16/0100 AC, cote 10.
5 Dossier n° 16/0100 AC, cote 10 ; dossier n° 16/0041 AC, cote 19 ; dossier n° 16/0093 AC, cote 24.
6 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 11 et 14.
7 Dossier n° 16/0093 AC, cote 24.
8 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 777.
9 Dossier n° 16/0064 F, cote 10 326.
10 Dossier n° 16/0064 F, cote 10 327.
11 Dossier n° 16/0064 F, cote 13 241.
12 Dossier n° 16/0064 F, cote 3 490.
13 Dossier n° 16/0064 F, cote 7 302.
14 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 570.
15 Dossier n° 16/0064 F, cote 4 557.
16 Dossier n° 16/0064 F, cote 4 624. 17 Dossier n° 16/0100 AC, cote 55. 18 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 534.
19 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 488.
20 Dossier n° 16/0064 F, cote 10 676.
21 Document intitulé « Historique Daunat », produit dans le cadre de la demande de clémence, cote 64 du dossier n° 16/0100 AC.
22 Dossier n° 16/0041 AC, cote 4. 23 Dossier n° 16/0093 AC, cote 27. 24 Ibid.
25 Centrale d’achat de Leclerc.
26 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 940.
27 Dossier n° 160064 F, cote 7610.
28 Dossier n° 16/0100 AC, cote 67.
32 Dossier n° 16/0064 F, cote 7738.
33 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 84 et 85.
34 Dossier n° 16/0100 AC, cote 68. 35 Dossier n° 16/0100 AC, cote 434. 36 Dossier n° 16/0100 AC, cote 17. 37 Dossier n° 16/0041 AC, cote 82. 38 Dossier n° 16/0100 AC, cote 17. 39 Dossier n° 16/0041 AC, cote 82.
29 Attestation du directeur général de la société Roland Monterrat, cote 7610 du dossier n° 16/0064 F.
30 Dossier n° 16/0093 AC, cote 27.
31 Dossier n° 16/0100 AC, cote 16.
40 Dossier n° 16/0093 AC, cote 28. 41 Dossier n° 16/0100 AC, cote 70. 42 Dossier n° 16/0041 AC, cote 19. 43 Dossier n° 16/0041 AC, cote 82.
44 Dossier n° 16/0100 AC, cote 18 ; dossier n° 16/0041 AC, cote 19.
45 Dossier n° 16/0100 AC, cote 18.
46 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 564.
47 Dossier n° 16/0064 F, cote 4 623.
48 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 18 et 19.
49 Dossier n° 16/0100 AC, cote 21 ; dossier n° 16/0093 AC, cote 25.
50 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 424 et 442.
51 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 25, 96 et 435.
52 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96. 53 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96. 54 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 529.
55 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 529 et 5 535 ; dossier n° 16/0100 AC, cote 91.
56 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 434 et 435.
57 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 445 à 2 447 ; dossier n° 16/0041 AC, cote 122 ; dossier n° 16/0093 AC, cote 38 ; dossier n° 16/0100 AC, cote 96.
58 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 97, 101 et 435.
59 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96. 60 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96. 61 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97.
62 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97 et dossier n° 16/0064 F, cotes 2 540 et 2 541.
63 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 446. 64 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96. 65 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96.
66 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 540, 2 541 et 5 576.
67 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 443 et 2 444.
68 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97.
69 Dossier n° 16/0064 F, cotes 5 535, 5 536, 5 564.
70 Dossier n° 16/0100 AC, cote 32. 71 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97. 72 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97.
73 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 97, 99, 101.
74 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 540, 2 541.
75 Dossier n° 16/0041 AC, cote 41 ; dossier n° 16/0093 AC, cote 47.
76 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 516 et 2 535.
77 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 540 ; dossier n° 16/0100 AC, cotes 118, 120, 210, 424 et 442.
78 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 319 et 320.
79 Dossier n° 16/0041 AC, cotes 126 à 129.
80 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 971.
81 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 323 à 326.
82 Dossier n° 16/0064 F, cote 4 640 ; dossier n° 16/0041 AC, cote 130.
83 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 539 ; dossier n° 16/0100 AC, cotes 437, 438.
84 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 312 à 315.
85 Dossier n° 16/0093 AC, cote 312.
86 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 328 et 396 ; dossier n° 16/0064 F, cote 2 537.
87 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 537 et 2 547 ; dossier n° 16/0093 AC, cotes 328 à 331, 382 à 386 et 399.
88 Dossier n° 16/0064 F : cote 2 996 ; dossier n° 16/0100 AC : cotes 436 et 437.
89 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 328 à 335.
90 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 397 et 398.
91 Dossier n° 16/0064 F, cotes 3 016 à 3 020 ; dossier n° 16/0100 AC : cote 447.
92 Dossier n° 160064 F, cote 5 961 ; dossier n° 16/0093 AC, cote 395.
93 Dossier n° 16/0093 AC, cote 397.
94 Dossier n° 16/0093 AC, cote 397.
95 Dossier n° 16/0064 F, cotes 3 009 à 3 015.
96 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 151 à 154.
97 Dossier n° 16/0100 AC, cote 451.
98 Dossier n° 16/0064 F, cote 4 641 ; dossier n° 16/0041 AC, cotes 45, 46, 137 à 139.
99 Dossier n° 16/0093 AC, cote 394.
100 Dossier n° 16/0064 F, cotes 3 000, 3 001, 3 007 et 3 008.
101 Dossier n° 16/0064 F, cotes 7 009 à 7 010 ; dossier n° 16/0100 AC, cotes 177, 179 et 444.
102 Dossier n° 16/0064 F, cote 13 256.
103 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 455 et 2 456 ; dossier n° 16/0093 AC, cotes 67, 365 et 379 à 381.
104 Dossier n° 16/0093 AC, cote 68.
105 Dossier n° 16/0064 F, cote 13 255.
106 Dossier n° 16/0064 F : cotes 2 064 et 2 065 ; dossier n° 16/0093 AC, cotes 463 à 465, 491 ; dossier n° 16/0100 AC, cote 220.
107 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 78, 489 ; dossier n° 16/0100 AC, cotes 224 et 227 ; dossier n° 16/0064 F, cotes 2 611 et 6 036.
108 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 78 et 79 ; dossier n° 16/0064 F, cotes 2 583 et 2 584.
109 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 250-251 et 457-758.
110 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 571 à 2 574 et 6 028 à 6 035.
111 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 453, 2 454 et 4 632.
112 Dossier n° 16/0064 F AC, cote 13 260.
113 Dossier n° 16/0064 F : cotes 1 561 à 1 563, 1 817 à 1 819, 2 081 à 2 083, 2 085 à 2 086, 6 152 et 6 292.
114 Dossier n° 16/0064 F, cotes 3 042 à 3 045, 3 056 et 3 057, 5 538.
115 Dossier n° 16/0064 F, cotes 1 865 et 1 866.
116 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 487 et 2 488 ; dossier n° 16/0041 AC, cote 153.
117 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 489 et 2 490.
118 Dossier n° 16/0041 AC, cotes 159 et 160.
119 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 517 et 518.
120 Dossier n° 16/0064 F, cote 1 562.
121 Dossier n° 16/0064 F, cote 3 063 ; dossier n° 16/0100 AC, cote 465.
122 Dossier n° 16/0064 F : cotes 2 081 à 2 083.
123 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 652 et 3 033.
124 Dossier n° 16/0064 F : cotes 1 822 et 3 035 ; dossier n° 16/0093 AC : cote 420.
125 Dossier n° 16/0064 F, cotes 1 865, 1 866 et 2 613.
126 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 982, 3 036, 3 052 et 3 055, et 3 060 à 3 062.
127 Dossier n° 16/0064 F, cote 13 250.
128 Dossier n° 16/0064 F, cote 13 265.
129 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 98 et 580.
130 Dossier n° 16/0041 AC, cote 53, 150.
131 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 586 et 587 ; dossier n° 16/0064 F, cote 6 078.
132 Dossier n° 16/0064 F, cote 13 250.
133 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 987.
134 Dossier n° 16/0064 F, cotes 4 627 et 4 628.
135 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 439 ; dossier n° 16/0093 AC, cote 107.
136 Dossier n° 16/0041 AC, cote 188.
137 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 504 et13 268.
138 Dossier n° 16/0064 F, cote 6 128.
139 Dossier n° 16/0093 AC, cote 104 ; dossier n° 16/0064 F, cotes 13 271 et 13 272.
140 Dossier n° 16/0064 F, cote 3 084.
141 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 102 et 656 ; dossier n° 16/0064 F, cotes 6 115 et 6 116.
142 Dossier n° 16/0041 AC, cote 188.
143 Dossier n° 16/0041 AC, cote 67.
144 Dossier n° 16/0100 AC, cote 471 ; dossier n° 16/0064 F, cotes 5 538 et 5 963.
145 Dossier n° 16/0064 F, cote 3 084.
146 Dossier n° 16/0041 AC, cotes 392 ; dossier n° 16/0064 F, cotes 40, 43, 93, 94, 2 695 à 2 699, 2 830 à 2 832.
147 Dossier n° 16/0041 AC, cote 192.
148 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 849 à 2 850 ; dossier n° 16/0041 AC, cotes 71, 72 et 354.
149 Dossier n° 16/0064 F, cote 24.
150 Dossier n° 16/0064 F, cotes 24, 26, 30, 74, 13 266.
151 Dossier n° 16/0041 AC, cotes 70, 143 et 144 ; dossier n° 16/0064 F, cote 13 267.
152 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 848.
153 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 528 à 2 530.
154 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 445 et 2 446.
155 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97.
156 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 531, 2 532, 2 540 et 2 541.
157 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 531 et 2 532.
158 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 445 et 2 446.
159 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 443 et 2 444 ; dossier n° 16/0100 AC : cotes 96 et 97.
160 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97.
161 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 443 et 2 444.
162 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 96 et 97.
163 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96.
164 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 545.
165 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 58, 59 ; dossier n° 16/0064 F, cote 13 254.
166 Dossier n° 16/0100 AC, cote 438. 167 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97. 168 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 535.
169 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 540 et 2 541 ; dossier n° 16/0041 AC : cotes 123 et 124.
170 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 528 à 2 530.
171 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 443 et 2 444 ; dossier n° 16/0100 AC : cote 96 et 97.
172 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 557.
173 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96.
174 Dossier n° 16/0100 AC, cote 97.
175 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 février 2012, société LCL, n° 2010/20555
176 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 juin 2019, société Alcyon, n° 18/20229.
177 Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004 p. 0081 – 0096.
178 Arrêt du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e. a., n° 10-25.772.
179 Arrêt du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe précité ; voir également, en ce sens, l’arrêt de la cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245 et l’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.
180 Voir par exemple l’arrêt de la Cour de cassation du 13 juillet 2010, Vedettes inter-îles vendéennes, pourvoi n° 09-67439, page 5.
181 JOCE C 372 du 9 décembre 1997, page 5, point 7.
182 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause précitée, point 8.
183 Voir sur ce point la décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28, la décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphe 575 et la décision n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphe 399; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 26 septembre 2013, société Roland Vlaemynck, RG n° 2012/08948, page 6.
184 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, aff. C-49/92, point 40.
185 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a, aff. C-40/73, points 175 et 179.
186 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg e.a./Commission, aff. C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. P. 1-123, points 55 à 57.
187 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, précité, points 55 à 57.
188 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, pourvoi n° 09-11853.
189 Arrêt de la Cour de justice du 26 janvier 2017, Commission européenne/ Keramag Keramische Werke GmbH e.a., aff. C-613/13, points 50 à 52 ; voir également arrêt de la Cour de justice du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, aff. C-407/08 P, point 47.
190 Arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, aff. T-112/07, points 71 et 72 ; voir également arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Perôxidos Orgânicos/Commission, aff. T-120/04, point 70 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord, RG n° 2011/03298, page 44 et décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, paragraphe 399.
191 Arrêt de la Cour de justice du 19 mars 2015, Dole Food Company Inc. e.a / Commission, C-286/13, points 113 à 115.
192 Arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation / Commission, C-373/14, point 28.
193 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 18 novembre 2003, SAS Signaux Laporte e.a., n° 2003/04154 et du 18 décembre 2001, SA Bajus Transports e.a., n° 2001/0904.
194 voir les décisions du Conseil n° 06-D-08 du 24 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés publics de construction de trois collèges dans le département de l’Hérault, paragraphe 53, n° 08-D-33 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre à l’occasion d’appels d’offres de la ville d’Annecy et du conseil général de Haute-Savoie pour le transport par autocar, paragraphe 93 et n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain, par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, paragraphe 93 confirmées par les arrêts de la cour d’appel de Paris du 23 octobre 2007, SNC Eiffage Construction Languedoc, n° 2006/07494, du 3 novembre 2009, Compagnie française de transport interurbain, n° 2009/01024 et du 5 janvier 2010, Société d’exploitation de l’entreprise Ponsarty e.a., n° 2009/02679.
195 Décision n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche.
196 Voir notamment les arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, aff. T-213/00, point 280 ; du 27 juillet 2005, Brasserie nationale SA e.a./Commission, aff. T-49/02 à T-51/02, point 185 ; et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland BV/Commission, aff. T-303/02, point 138.
197 Voir notamment les arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, aff. T-120/04, point 51, du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger International Ltd/Commission, aff. T-43/92, point 79 et du 5 avril 2006, Degussa AG/Commission, aff. T-279/02, point 153.
198 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 258 : « Une violation de l’article [101], paragraphe 1 du traité peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 81) (...) ».
199 Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique du 15 mars 2011, pourvoi n° Z 09-17.055, confirmant l’arrêt de la cour d’appel du 29 septembre 2009 sur la décision n° 08-D-12 rendue le 21 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production du contreplaqué, pages 8 à 9.
200 Décision n° 07-D-48 du Conseil du 18 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international, paragraphes 178 et suivants, confirmée par les arrêts de la cour d’appel de Paris du 25 février 2009, société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations SAS, et de la Cour de cassation du 7 avril 2010.
201 Décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais, paragraphe 203.
202 Arrêt de la Cour de justice, Dansk Rørindustri e.a./Commission, aff. C-189/02P, EU:C:2005:408 point 145. 203 Arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, aff. T-7/89, Rec. p. II-1711, point 232 ; du 10 mars 1992, Solvay/Commission, aff. T-12/89, Rec. p. II-907, point 98 ; du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, aff. T-141/89, Rec. p. II-791, points 85 et 86 ; et du 20 mars 2002, Dansk Rorindustri/Commission, aff. T-21/99, Rec. 2002, p.II-1681, points 41 à 56.
204 Arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2000, Sarrio SA, aff. C-291/98 P, point 50.
205 Arrêt de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri e.a./Commission, aff. C-189/02P, EU:C:2005:408, point 145.
206 Arrêt de Tribunal du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo Kabushiki Kaisha e.a./Commission, aff. T-83/08, EU:T:2012:48, point 53.
207 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 540, 2 541 et 5 576.
208 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 557.
209 Dossier n° 16/0064 F, cotes 2 531 et 2 532.
210 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 312 à 315.
211 Dossier n° 16/0093 AC, cote 397.
212 Dossier n° 16/0064 F, cote 3 063 ; dossier n° 16/0100AC, cote 465.
213 Dossier n° 16/0064 F, cotes 93, 94, 2 830 à 2 832.
214 Dossier n° 16/0064 F, cote 7 738.
215 Dossier n° 16/0100 AC, cote 434.
216 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 25, 96 et 435.
217 Dossier n° 16/0100 AC, cote 96.
218 Arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, points 60 et 61, et arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, page 19.
219 Arrêt de la Cour de justice du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA /Commission, C-521/09 P, point 60.
220 Arrêt du Tribunal du 27 octobre 2010, aff. T-24/05, Alliance One International Inc. e.a./Commission, point 169 ; voir également l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel NV e.a./Commission, aff. T-112/05, point 58.
221 Arrêt de la Cour de justice Elf Aquitaine SA /Commission précité, points 61 et 65.
222 Arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., n° 01-17896 et 02-10066 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008/01095, page 5.
223 Notamment décision n° 06-D-03 bis du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation, point 1382, en partie réformée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 janvier 2008, n° 2006/07820, pages 27, 28 et 35 ; décision n° 10-D-35 du 15 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture d’électrodes de soudure pour les constructeurs automobiles, point 206.
224 La société Les Traiteurs Lyonnais a, dans un premier temps, détenu la société Roland Monterrat par l’intermédiaire de la société RM Expansion, puis de façon directe après la dissolution de celle-ci.
225Dossier n° 16/0064 F, cote 13 241.
226 Voir notamment la décision n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, paragraphe 13.
227 LTA a cependant fourni des valeurs des ventes par année civile et rapprochées des exercices clos au 28 février, de sorte qu’il est retenu pour cette entité les ventes correspondantes à l’exercice 2015 des informations communiquées.
228 Dossier n° 16/0064 F, cotes 10 337 et 13 818.
229 Dossier n° 16/0064 F, cote 11 380.
230 Dossier n° 16/0064 F, cote 10 802.
231 Décision n° 13-D-03.
232 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 25 février 2009, Transeuro Desbordes Worlwide Relocations, n° 2008/02003 et du 24 avril 2007, JH Industrie, n° 2006/06912.
233 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 05/08224, points 216 et s.
234 Arrêt de la Cour de justice du 24 septembre 2009, Erste Groupe Bank e.a./Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, point 103.
235 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499.
236 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 2015/08224, point 225.
237 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 777.
238 Dossier n° 16/0064 F, cote 5 777.
239 Un test de stationnarité permet d’analyser si le rapport des prix des sandwichs MDD et MDF reste relativement constant dans le temps et donc si les variations des prix des sandwichs sous MDD et MDF sont parallèles et de même ampleur au cours du temps, auquel cas cela pourrait indiquer une substituabilité entre les sandwichs MDD et sandwichs MDF.
240 Les variations des prix des sandwichs MDD et MDF peuvent alors être parallèles non en raison de la concurrence qui existerait entre eux mais seulement en raison des variations de leurs coûts de production.
241 Une hausse de 1 % du prix des sandwichs sous MDF serait associée à une hausse d’environ 2 % (cette hausse varie de 1,54 % à 2,31 % selon les estimations) de la demande de sandwichs sous MDD (pages 10-11 de l’étude économique de LTA).
242 Ces deux intrants ne représentent qu’entre 24,4 et 27,8 % des coûts variables liés à la production de sandwichs sous MDD en 2019.
243 Dossier n° 16/0064 F, cote 2 443.
244 Dossier n° 16/0064 F, cote 13 434.
245 Notification des griefs, paragraphe 79 ; dossier n° 16/0100 AC, cote 97.
246 Dossier n° 16/0064 F, cotes 1 865-1 866.
247 Dossier n° 16/0064 F, cotes 3 060-3 062.
248 Arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a. n° 02-15203.
249 Arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique Diffusion Française/Commission, aff. jtes. 100 à 103/80, points 119 à 121, et du 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, aff.C-289/04P, points 16 et17 et du 4 septembre 2014, YKK Corporation, C-408/12, point 86.
250 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a. précité, p. 71, et du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Service, p. 41.
251 Arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie, Req. n° 43509/08, point 41.
252 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Séphora e.a, n° 12-14401.
253 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag S.A.S e.a, n° 18/01945, points 581 et suivants.
254 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 octobre 2016, société Beiersdorf e.a, n° 2015/01673.
255 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 octobre 2017, Caisse des dépôts et consignations e.a., n° 2017/01658.
256 Arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2014, société Pradeau et Morin e.a, n° 12-27643.
257 Dossier n° 16/0064 F, cote 9 828.
258 Dossier n° 16/0064 F, cote 13742.
259 Dossier n° 16/0064 F, cote 12 661.
260 Dossier n° 16/0093 AC, cotes 269 et 272.
261 Dossier n° 16/0093 AC, cote 6.
262 Dossier n° 16/0064 F, cotes 14 024 et 14 025.
263 Dossier n° 16/0064 F, cotes 14 026 et 14 027.
264 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 96 et 97.
265 Dossier n° 16/0100 AC, cotes 8 à 50.
266 Arrêt du 29 septembre 2009, Sté Ets A. Mathe, n° 2008/12495.