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Décisions

CJUE, 5e ch., 24 mars 2021, n° C-950/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Patentti-Ja Rekisterihallituksen Tilintarkastuslautakunta, Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

E. Regan (rapporteur)

Juges :

M. Ilešič, E. Juhász, C. Lycourgos, I. Jarukaitis

Avocat général :

M. Campos Sánchez-Bordona

CJUE n° C-950/19

24 mars 2021

LA COUR (cinquième chambre)

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil (JO 2006, L 157, p. 87), telle que modifiée par la directive 2014/56/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014 (JO 2014, L 158, p. 196) (ci-après la « directive 2006/43 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par A, un contrôleur légal des comptes agréé par la Chambre de commerce finlandaise, au sujet de la décision de la Patentti- ja rekisterihallituksen tilintarkastuslautakunta (commission du contrôle légal des comptes auprès de l’Office de la propriété intellectuelle, Finlande) (ci-après l’« autorité nationale compétente ») de lui infliger une amende à la suite de son recrutement sur un poste de direction important d’une société dont il avait effectué le contrôle légal des comptes.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3 Aux termes des considérants 5, 8, 9, 11 et 13 de la directive 2006/43 :

« (5) La présente directive vise à une harmonisation élevée – mais pas totale – des exigences en matière de contrôle légal des comptes. Un État membre qui exige le contrôle légal des comptes peut imposer des normes plus rigoureuses, sauf disposition contraire de la présente directive.

[...]

(8) Afin de protéger les tiers, tous les contrôleurs légaux des comptes et cabinets d’audit agréés devraient être inscrits dans un registre accessible au public contenant les informations essentielles relatives aux contrôleurs légaux et aux cabinets d’audit.

(9) Les contrôleurs légaux des comptes devraient être tenus de respecter les normes d’éthique les plus élevées. Ils devraient par conséquent se soumettre à une déontologie, couvrant, au minimum, leur fonction d’intérêt public, leur intégrité et leur objectivité, leur compétence professionnelle et leur diligence. La fonction d’intérêt public des contrôleurs légaux des comptes signifie qu’un grand nombre de personnes et d’organisations sont tributaires de la qualité du travail du contrôleur légal des comptes. La bonne qualité des contrôles contribue au bon fonctionnement des marchés en améliorant l’intégrité et l’efficience des états financiers. [...]

[...]

(11) Les contrôleurs légaux des comptes et les cabinets d’audit devraient être indépendants lorsqu’ils réalisent les contrôles légaux des comptes. Ils peuvent informer l’entité contrôlée de questions découlant de l’audit mais devraient s’abstenir d’intervenir dans les processus de décision interne de l’entité contrôlée. S’ils se trouvent dans une situation où l’importance des risques d’atteinte à leur indépendance est trop élevée, même après application des mesures de sauvegarde visant à atténuer ces risques, ils devraient démissionner de la mission d’audit ou ne pas l’accepter. [...]

[...]

(13) Il importe d’assurer une qualité constante et élevée pour tous les contrôles légaux des comptes requis par le droit [de l’Union]. [...] »

4 Figurant au chapitre I de la directive 2006/43, intitulé « Objet et définitions », l’article 1er de celle-ci, intitulé « Objet », énonce :

« La présente directive établit des règles concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés.

[...] »

5 À ce chapitre I, l’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2) “contrôleur légal des comptes”, une personne physique agréée conformément à la présente directive par les autorités compétentes d’un État membre pour réaliser le contrôle légal de comptes ;

3) “cabinet d’audit”, une personne morale ou toute autre entité, quelle que soit sa forme juridique, qui est agréée conformément à la présente directive par les autorités compétentes d’un État membre pour réaliser des contrôle[s] légaux de comptes ;

[...]

16) “associé(s) d’audit principal (principaux)” :

a) le(s) contrôleur(s) légal (légaux) des comptes désigné(s) par un cabinet d’audit, dans le contexte d’une mission d’audit déterminée, comme le(s) principal (principaux) responsable(s) de l’audit à effectuer au nom du cabinet d’audit ; ou

b) en cas d’audit de groupe, le(s) contrôleur(s) légal (légaux) des comptes désigné(s) par un cabinet d’audit, comme le(s) responsable(s) principal (principaux) de l’audit à réaliser au niveau du groupe et le(s) contrôleur(s) légal (légaux) des comptes désigné(s) comme le(s) responsable(s) principal (principaux) des audits à effectuer au niveau des filiales importantes ; ou

c) le(s) contrôleur(s) légal (légaux) des comptes qui signe(nt) le rapport d’audit.

[...] »

6 Figurant au chapitre IV de ladite directive, intitulé « Déontologie, indépendance, objectivité, confidentialité et secret professionnel », l’article 22 de celle-ci, intitulé « Indépendance et objectivité », dispose :

« 1.  Les États membres veillent à ce que, lors de la réalisation d’un contrôle légal des comptes, le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit, ainsi que toute personne physique qui serait en mesure d’influer directement ou indirectement sur le résultat du contrôle légal des comptes, soit indépendant de l’entité contrôlée et ne soit pas associé au processus décisionnel de l’entité contrôlée.

L’indépendance est exigée, au minimum, à la fois pendant la période couverte par les états financiers à contrôler et pendant la période au cours de laquelle le contrôle légal des comptes est effectué.

Les États membres veillent à ce que le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit prenne toutes les mesures raisonnables pour garantir que, lorsqu’il effectue un contrôle légal des comptes, son indépendance n’est affectée par aucun conflit d’intérêts ni aucune relation d’affaires ou autre relation directe ou indirecte, existant(e) ou potentiel(le), impliquant le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit qui effectue le contrôle légal des comptes et, le cas échéant, son réseau, ses dirigeants, ses auditeurs, ses employés, toute autre personne physique dont les services sont mis à la disposition ou placés sous le contrôle du contrôleur légal des comptes ou du cabinet d’audit ou toute personne directement ou indirectement liée au contrôleur légal des comptes ou au cabinet d’audit par une relation de contrôle.

Le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit n’effectue pas un contrôle légal des comptes s’il existe un risque d’autorévision, d’intérêt personnel, de représentation, de familiarité ou d’intimidation lié à une relation financière, personnelle, d’affaires, d’emploi ou autre entre :

– le contrôleur légal des comptes, le cabinet d’audit, son réseau et toute personne physique en mesure d’influer sur le résultat du contrôle légal des comptes, et

– l’entité contrôlée,

qui amènerait un tiers objectif, raisonnable et informé à conclure, en tenant compte des mesures de sauvegarde appliquées, que l’indépendance du contrôleur légal des comptes ou du cabinet d’audit est compromise.

[...]

4. Les États membres veillent à ce que les personnes ou les cabinets visés au paragraphe 2 ne puissent ni participer à un contrôle légal des comptes d’une entité contrôlée ni en influencer le résultat par d’autres moyens s’ils :

[...]

c) ont été liés à cette entité contrôlée, au cours de la période visée au paragraphe 1, par un contrat de travail, une relation d’affaires ou tout autre type de relation susceptible de causer, ou susceptible d’être généralement perçue comme causant, un conflit d’intérêts.

5. Les personnes ou les cabinets visés au paragraphe 2 ne sollicitent ni n’acceptent de cadeaux, sous forme pécuniaire ou non pécuniaire, ni de faveurs de l’entité contrôlée ou de toute entité liée à l’entité contrôlée, sauf si leur valeur est susceptible d’être considérée par un tiers objectif, raisonnable et informé comme insignifiante ou négligeable.

[...] »

7 L’article 22 bis de la directive 2006/43, intitulé « Recrutement d’anciens contrôleurs légaux des comptes ou d’employés de contrôleurs légaux des comptes ou de cabinets d’audit par des entités contrôlées », qui figure également au chapitre IV de cette directive, comporte un paragraphe 1 qui est libellé comme suit :

« Les États membres veillent à ce que le contrôleur légal des comptes ou l’associé d’audit principal qui effectue un contrôle légal des comptes au nom d’un cabinet d’audit ne soit pas autorisé, avant l’expiration d’une période d’un an au moins, ou, dans le cas du contrôle légal des comptes d’entités d’intérêt public, avant l’expiration d’une période de deux ans au moins, à compter de la cessation de ses fonctions de contrôleur légal des comptes ou d’associé d’audit principal dans le cadre de la mission de contrôle légal des comptes :

a) à occuper un poste de direction important au sein de l’entité contrôlée ;

b) le cas échéant, à devenir membre du comité d’audit de l’entité contrôlée ou, lorsqu’un tel comité n’existe pas, membre de l’organe remplissant des fonctions équivalentes à celle d’un comité d’audit ;

c) à devenir membre non exécutif de l’organe d’administration ou membre de l’organe de surveillance de l’entité contrôlée. »

8 Figurant au chapitre V de ladite directive, intitulé « Normes de contrôle et rapport d’audit », l’article 28 de celle-ci, intitulé « Rapport d’audit », prévoit :

« 1. Le ou les contrôleurs légaux des comptes ou cabinets d’audit présentent les résultats du contrôle légal des comptes dans un rapport d’audit. [...]

2. Le rapport d’audit est écrit et :

[...]

c)  il contient un avis qui est soit sans réserve, soit assorti de réserves, soit défavorable et exprime clairement les conclusions du ou des contrôleurs légaux des comptes ou cabinets d’audit :

i)  quant à la fidélité de l’image donnée par les états financiers annuels conformément au cadre de présentation de l’information financière retenu ; [...]

[...] »

9 Les considérants 1, 6 à 8 et 10 de la directive 2014/56, laquelle a modifié la directive 2006/43, sont ainsi libellés :

« (1) La directive [2006/43] définit les conditions d’agrément et d’enregistrement des personnes effectuant le contrôle légal des comptes, les règles en matière d’indépendance, d’objectivité et de déontologie qui s’appliquent à ces personnes, et le cadre de la supervision publique à laquelle elles sont soumises. Toutefois, il est nécessaire d’harmoniser davantage ces règles au niveau de l’Union afin de renforcer la transparence et la prévisibilité des exigences applicables à ces personnes, ainsi que l’indépendance et l’objectivité de celles-ci dans l’exécution de leur mission. [...]

[...]

(6) Il importe tout particulièrement de renforcer l’indépendance, élément essentiel dans la réalisation des contrôles légaux. Afin de renforcer l’indépendance des contrôleurs légaux des comptes et des cabinets d’audit vis-à-vis de l’entité contrôlée lorsqu’ils procèdent à des contrôles légaux de comptes, un contrôleur légal des comptes ou un cabinet d’audit ainsi que toute personne physique en mesure d’influer directement ou indirectement sur le résultat du contrôle légal des comptes devraient être indépendants de l’entité contrôlée et ne pas être associés au processus décisionnel de celle-ci. [...]

(7) Les contrôleurs légaux des comptes et les cabinets d’audit devraient être indépendants lorsqu’ils effectuent le contrôle légal des comptes des entités contrôlées, et les conflits d’intérêts devraient être évités. Afin d’établir l’indépendance des contrôleurs légaux des comptes et cabinets d’audit, il y a lieu de prendre en considération un réseau au sein duquel ils opèrent. L’exigence en matière d’indépendance devrait au moins être satisfaite au cours de la période couverte par le rapport d’audit, qui comprend à la fois la période couverte par les états financiers devant faire l’objet d’un contrôle légal et la période durant laquelle le contrôle légal des comptes est effectué.

(8) En particulier, les contrôleurs légaux des comptes, les cabinets d’audit et leurs employés devraient s’abstenir d’effectuer le contrôle légal des comptes d’une entité s’ils sont liés à celle-ci par un intérêt économique ou financier, et de procéder à toute transaction, portant sur un instrument financier émis, garanti ou autrement soutenu par une entité qu’ils contrôlent, autre qu’une participation dans des organismes de placement collectif diversifiés. Les contrôleurs légaux des comptes et les cabinets d’audit ne devraient pas être associés au processus décisionnel interne de l’entité contrôlée. Les contrôleurs légaux des comptes et les cabinets d’audit et leurs employés participant directement à la mission de contrôle légal des comptes ne devraient pas pouvoir occuper des fonctions au niveau de la direction ou de l’organe d’administration de l’entité contrôlée avant l’expiration d’un délai approprié suivant la fin de la mission de contrôle légal des comptes.

[...]

(10) Une bonne organisation interne des contrôleurs légaux des comptes et cabinets d’audit devrait contribuer à prévenir les risques pour leur indépendance. Ainsi, les propriétaires ou actionnaires d’un cabinet d’audit, ainsi que ses dirigeants, ne devraient pas intervenir dans l’exécution d’un contrôle légal des comptes d’une façon pouvant compromettre l’indépendance et l’objectivité du contrôleur légal des comptes qui effectue cette tâche pour le compte de ce cabinet d’audit. En outre, les contrôleurs légaux des comptes et cabinets d’audit devraient mettre en place des stratégies et procédures internes appropriées concernant leurs employés et les autres personnes qui participent aux activités de contrôle légal des comptes au sein de leur organisation, afin de garantir le respect de leurs obligations légales. Ces stratégies et procédures devraient notamment viser à prévenir et à éliminer tout risque pour leur indépendance et devraient garantir la qualité, l’intégrité et le sérieux du contrôle légal des comptes. Elles devraient être proportionnées, eu égard à l’ampleur et à la complexité des activités du contrôleur légal des comptes ou du cabinet d’audit. »

 Le droit finlandais

10 Intitulé « Recrutement d’un contrôleur légal des comptes par une entité contrôlée », l’article 11 du chapitre 4 de la tilintarkastuslaki (1141/2015) [loi sur le contrôle légal des comptes (1141/2015)], du 18 septembre 2015, lui-même intitulé « Autres dispositions concernant le contrôleur légal des comptes », dispose :

« Un contrôleur légal des comptes ou l’associé d’audit principal qui effectue un contrôle légal des comptes au nom d’un cabinet d’audit n’est pas autorisé, avant l’expiration d’une période d’un an au moins à compter d’une mission de contrôle légal des comptes :

1) à occuper un poste de direction important au sein de l’entité contrôlée ;

2) à devenir membre du comité d’audit de l’entité contrôlée ou de l’organe remplissant des fonctions équivalentes à celles d’un comité d’audit ;

3) à devenir membre non-exécutif de l’organe d’administration ou membre de l’organe de surveillance de l’entité contrôlée.

La période d’un an visée au premier alinéa est de deux ans lorsque l’entité contrôlée est une entité d’intérêt public.

[...] »

11 Intitulé « Amende et détermination de celle-ci », l’article 5 du chapitre 10 de cette loi, lui-même intitulé « Sanctions », prévoit :

« La commission du contrôle des comptes peut infliger une amende lorsqu’un contrôleur légal des comptes enfreint le délai prévu à l’article 11 du chapitre 4 de cette même loi en ce qui concerne le recrutement d’un contrôleur légal des comptes par une entité contrôlée.

Le montant maximal de l’amende infligée au titre de la violation du délai prévu à l’article 11 du chapitre 4 est de 50 000 euros.

L’amende est payée à l’État. »

12 Intitulé « Éléments à prendre en compte pour déterminer la sanction », l’article 7 de ce chapitre 10 énonce :

« Il convient, pour déterminer la sanction, de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. Celles-ci sont :

1)  la gravité et la durée de l’infraction ;

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 Le requérant au principal a effectué depuis l’année 2014 et jusqu’au 12 juillet 2018, en qualité d’associé d’audit principal, le contrôle légal des comptes de X Oyj (ci-après la « société contrôlée ») au nom d’un cabinet d’audit.

14 Le 5 février 2018, ledit requérant a achevé, en cette qualité, le contrôle légal des comptes de cette société concernant l’exercice relatif à l’année 2017.

15 Le 12 juillet 2018, le requérant au principal a conclu un contrat de travail avec ladite société.

16 Le 17 juillet 2018, la société contrôlée a annoncé, dans un communiqué boursier, que le requérant au principal était nommé au poste de directeur financier ainsi que membre du groupe de direction et qu’il prendrait ses fonctions dans le courant du mois de février 2019.

17 Le 31 août 2018, ledit requérant a cessé d’exercer ses fonctions au sein du cabinet d’audit qui l’employait. Dans une déclaration remise le même jour par ce dernier à l’organe de supervision des auditeurs, la société contrôlée a confirmé par écrit qu’il n’exercerait pas de fonctions importantes relatives à la direction, aux finances ou à la communication de données de cette société jusqu’à la publication du rapport d’audit concernant l’exercice relatif à l’année 2018.

18 Par une décision du 13 novembre 2018 (ci-après la « décision litigieuse »), l’autorité nationale compétente a infligé au requérant au principal une amende d’un montant de 50 000 euros, au motif que ce dernier n’avait pas respecté la période dite de « carence », de deux années, prévue à l’article 11 du chapitre 4 de la loi sur le contrôle légal des comptes, à l’égard des entités d’intérêt public. Cette autorité a considéré que cette période devait être calculée à compter de la date à laquelle celui-ci avait cessé ses fonctions au sein du cabinet d’audit en qualité d’associé d’audit principal dans le cadre de la mission de contrôle légal des comptes de la société contrôlée, à savoir le 12 juillet 2018. Or, ledit requérant aurait occupé, depuis ce même jour, un poste de direction important, en l’occurrence celui de directeur financier, au sein de cette société, du fait de la conclusion d’un contrat de travail avec celle-ci.

19 Le 14 décembre 2018, un autre cabinet d’audit a été inscrit au registre du commerce en tant qu’entité chargée du contrôle légal des comptes de la société contrôlée.

20 À la suite de l’achèvement, le 5 février 2019, du contrôle légal des comptes de cette dernière par cet autre cabinet d’audit pour l’exercice relatif à l’année 2018, le requérant au principal a commencé à exercer ses fonctions au sein de celle-ci en tant que directeur financier et membre du conseil d’administration.

21 Le requérant au principal a saisi le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif d’Helsinki, Finlande) d’un recours tendant à la réduction de moitié au moins de l’amende lui ayant été infligée par la décision litigieuse.

22 À l’appui de ce recours, le requérant au principal fait valoir que la décision litigieuse repose sur une interprétation erronée de la gravité et de la durée de l’infraction, dès lors que l’expression « occuper un poste », visée à l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43, ferait nécessairement référence à une situation dans laquelle la personne concernée est effectivement entrée en fonction. En effet, tant que ce n’est pas le cas, cette dernière, si elle peut se sentir liée moralement à la société l’ayant recruté, n’y jouirait pas d’une position réelle et n’influerait pas sur la conduite des affaires de celle-ci. Or, un élément central de l’appréciation à effectuer en matière d’indépendance serait la faculté qu’a la personne concernée d’influer sur les comptes annuels de son nouvel employeur. Il en résulterait que, en l’occurrence, le poste concerné devrait être considéré comme étant occupé par ledit requérant à compter de son entrée en fonction dans la société contrôlée en qualité de directeur financier, au mois de février 2019.

23 En outre, le requérant au principal souligne que les circonstances sont susceptibles de changer avant l’entrée en fonction effective. Ainsi, en l’occurrence, compte tenu du fait qu’un autre cabinet d’audit a été chargé du contrôle légal des comptes de la société contrôlée pour l’exercice relatif à l’année 2018, il devrait être considéré que la période de carence a commencé à courir à compter de la date de l’achèvement, le 5 février 2018, du contrôle légal de cette société, dont il avait eu la charge pour l’exercice relatif à l’année 2017. Si la période de carence était fixée au regard de l’indépendance réelle, sa durée aurait donc atteint, en l’occurrence, une année complète, tandis que, selon une perspective strictement formelle, cette période aurait eu une durée d’environ sept mois, comprise entre le 12 juillet 2018, date de la signature du contrat de travail avec la société contrôlée, et le 5 février 2019, date de l’achèvement du contrôle légal des comptes de cette société pour l’exercice relatif à l’année 2018.

24 Par ailleurs, le requérant au principal fait observer que l’information concernant son recrutement avait été diffusée de manière transparente, afin qu’il soit clair pour les milieux extérieurs que la situation avait été soigneusement appréciée et que des mesures de précaution avaient été prises. Ainsi, en raison du changement de cabinet d’audit chargé du contrôle légal des comptes de la société contrôlée pour l’exercice relatif à l’année 2018, il ne se serait pas retrouvé dans la situation d’être employé par cette société, alors que le cabinet d’audit qui l’avait employé en contrôlerait encore les comptes. L’application de l’article 5 du chapitre 10 de la loi sur le contrôle légal des comptes devrait donc être subordonnée à la condition selon laquelle la relation d’audit se poursuit après le recrutement de l’associé d’audit principal par la société contrôlée.

25 L’autorité nationale compétente soutient qu’elle a pris en compte, dans la décision litigieuse, les circonstances mentionnées à l’article 7 du chapitre 10 de la loi sur le contrôle légal des comptes concernant l’infliction de sanctions.

26 Certes, l’expression « occuper un poste », au sens de l’article 11 du chapitre 4 de cette loi, pourrait être interprétée comme faisant référence aussi bien à la signature du contrat de travail relatif au poste en question qu’à l’entrée en fonction effective. Il serait également exact que les circonstances peuvent évoluer entre ces deux événements. Or, il ne serait pas justifié de sanctionner un fait qui n’est pas encore survenu.

27 Toutefois, plusieurs éléments plaideraient en faveur de la première de ces interprétations. En particulier, dès lors que la période de carence vise à garantir l’indépendance d’un contrôleur légal des comptes, les éléments extérieurs et les apparences devraient être dûment pris en compte. Or, la conclusion d’un contrat de travail, a fortiori lorsqu’elle a été divulguée sur les marchés, constituerait une circonstance perceptible par les tiers, qui influerait directement sur le comportement ainsi que l’attitude de la personne recrutée, de son employeur et des acteurs concernés. Un contrôleur légal des comptes ayant conclu un tel contrat de travail serait, de ce fait, lié à son nouvel employeur, en ce sens qu’il serait tenu à une certaine loyauté envers celui-ci et devrait agir conformément aux intérêts de ce dernier, avant même son entrée en fonction effective. Un contrôleur légal des comptes qui est recruté sur un poste de direction d’une entité contrôlée cesserait donc d’être indépendant dès la conclusion du contrat de travail. La date de l’entrée en fonction effective ne serait pas, en revanche, déterminante.

28 La juridiction de renvoi considère que l’issue du litige au principal, qui porte sur le point de savoir si l’autorité nationale compétente pouvait infliger au requérant au principal une amende d’un montant de 50 000 euros en raison du non-respect de la période de carence visée à l’article 11 du chapitre 4 de la loi sur le contrôle légal des comptes, dépend du mode de calcul de la durée de cette période de carence. En effet, aux fins de se prononcer, conformément à l’article 7 du chapitre 10 de cette loi, sur la gravité et la durée de l’infraction reprochée à l’intéressé, il serait nécessaire de déterminer le moment à partir duquel celui-ci doit être considéré comme ayant occupé, au sens de l’article 11 du chapitre 4 de ladite loi, lequel met en œuvre dans le droit national l’article 22 bis, paragraphe 1, de la directive 2006/43, un poste de direction important au sein de la société contrôlée.

29 Dans ces conditions, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif d’Helsinki) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 22 bis, paragraphe 1, de la directive [2006/43] en ce sens qu’un associé d’audit principal occupe un poste de la manière visée à cette disposition dès lors qu’il conclut le contrat de travail y afférent ?

2) Si la réponse à la [première] question [...] est négative, convient-il d’interpréter l’article 22 bis, paragraphe 1, [de cette directive] en ce sens qu’un associé d’audit principal occupe un poste de la manière visée à cette disposition lorsqu’il commence à exercer ses fonctions au poste en question ? »

 Sur les questions préjudicielles

30 Par ses deux questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43 doit être interprété en ce sens qu’un contrôleur légal des comptes, tel qu’un associé d’audit principal désigné par un cabinet d’audit dans le cadre d’une mission de contrôle légal des comptes, doit être considéré comme occupant un poste de direction important dans une entité contrôlée, au sens de cette disposition, dès qu’il conclut avec cette dernière un contrat de travail relatif à ce poste ou uniquement à partir du moment où il commence à exercer effectivement ses fonctions audit poste.

31 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 22 bis, paragraphe 1, de la directive 2006/43 institue, lorsqu’un contrôleur légal des comptes ou un associé d’audit principal, qui effectue un contrôle légal des comptes au nom d’un cabinet d’audit, est recruté par une entité contrôlée, une période de carence minimale d’une durée, selon le cas, d’une année ou, s’il est recruté par une entité d’intérêt public, de deux années, à compter de la cessation de ses fonctions de contrôleur légal des comptes ou d’associé d’audit principal dans le cadre de la mission de contrôle légal des comptes, période pendant laquelle, en vertu de l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de cette directive, il est interdit à un tel contrôleur ou auditeur d’« occuper » un poste de direction important au sein de l’entité contrôlée.

32 Il ressort des éléments fournis par la juridiction de renvoi que les questions posées à la Cour se présentent dans le contexte d’un litige dans le cadre duquel le requérant au principal, s’il ne conteste pas avoir violé la période de carence de deux années, applicable en l’occurrence, vise néanmoins à obtenir une réduction de l’amende lui ayant été infligée par l’autorité nationale compétente en raison de cette violation, au motif qu’il avait conclu avec une société, le jour même de la cessation de ses fonctions en qualité d’associé d’audit principal dans le cadre de la mission de contrôle légal des comptes de cette société, un contrat de travail en vertu duquel il avait été nommé directeur financier et membre du comité de direction de celle-ci. Selon cette autorité, serait dépourvu d’incidence, à cet égard, le fait que le requérant au principal n’est effectivement entré en fonction qu’à une date ultérieure, un peu plus de six mois après la conclusion de ce contrat de travail et environ une année après l’achèvement du dernier contrôle légal des comptes de ladite société qu’il avait effectué pour ce cabinet d’audit.

33 Il s’ensuit que, par ses questions, cette juridiction, comme elle le souligne explicitement dans la décision de renvoi, vise uniquement à déterminer, la violation de la période de carence pertinente n’étant pas contestée, le degré de gravité et la durée de cette infraction, en cherchant à préciser la portée de l’expression « occuper un poste », employée à l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43, afin de définir le moment où cette violation doit être considérée comme ayant été commise.

34 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en vue de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld, C 181/19, EU:C:2020:794, point 61 et jurisprudence citée).

35 En ce qui concerne le libellé de l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43, il y a lieu de constater que les verbes utilisés dans certaines versions linguistiques de cette disposition, tels que « nastoupit » dans la version en langue tchèque, « übernimmt » dans la version en langue allemande, « occuper », dans la version en langue française et « prevzeti » dans la version en langue slovène, pourraient suggérer que ladite disposition exige que l’intéressé s’apprête à exercer ou exerce effectivement ses fonctions à ce poste au sein de l’entité contrôlée.

36 Toutefois, d’autres versions linguistiques de la même disposition font plutôt ressortir qu’il pourrait être suffisant, pour l’application de celle-ci, que l’intéressé accepte ledit poste en assumant l’engagement à exercer celui-ci, de telle sorte que la conclusion d’un contrat de travail constituerait le moment pertinent à prendre en compte à cet égard. Une telle interprétation ressort, notamment, des verbes utilisés dans les versions en langues espagnole (« asuma »), italienne (« accettare »), néerlandaise (« aanvaardt ») et polonaise (« zajęli »).

37 Dans ces conditions, une interprétation purement littérale de l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43, fondée sur le texte d’une ou de plusieurs versions linguistiques, à l’exclusion des autres, ne saurait prévaloir. En effet, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques, dès lors que les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union (voir, notamment, arrêt du 8 octobre 2020, Combinova, C 476/19, EU:C:2020:802, point 31 et jurisprudence citée).

38 Compte tenu de la disparité existant entre les diverses versions linguistiques de l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43, il convient d’examiner le contexte dans lequel s’inscrit cette disposition ainsi que les objectifs poursuivis par celle-ci et la réglementation dont elle fait partie.

39 À cet égard, il y a lieu de relever que cette directive vise, ainsi qu’il ressort de son article 1er, lu à la lumière de ses considérants 5, 8, 9, 11 et 13, à réaliser une harmonisation élevée des exigences en matière de contrôle légal des comptes, en imposant, notamment, aux contrôleurs légaux des comptes des normes d’éthique rigoureuses, en particulier, en ce qui concerne leur intégrité, leur indépendance et leur objectivité, afin de garantir, dans l’intérêt à la fois des entités contrôlées et des tiers, la qualité des contrôles et ainsi de contribuer au bon fonctionnement des marchés, en assurant que les états financiers annuels fournissent une image fidèle de ces entités.

40 L’article 22 bis de la directive 2006/43, inséré dans celle-ci par la directive 2014/56, s’inscrit dans cet objectif, dès lors que cette disposition, ainsi qu’il ressort, en particulier, du considérant 1 de cette dernière directive, fait partie d’un ensemble de règles introduites par le législateur de l’Union au chapitre IV de la directive 2006/43, intitulé « Déontologie, indépendance, objectivité, confidentialité et secret professionnel », comprenant les articles 22 à 24 de celle-ci, afin de renforcer, par une harmonisation plus approfondie, notamment, l’indépendance des contrôleurs légaux des comptes dans l’exécution de leur mission.

41 Ainsi qu’il ressort des considérants 6 à 8 et 10 de la directive 2014/56, ces règles visent, en substance, d’une part, à assurer que les contrôleurs légaux des comptes ne soient pas associés au processus décisionnel interne des entités contrôlées et à éviter les conflits d’intérêts, notamment, en excluant le contrôle d’entités auxquelles ces contrôleurs sont liés par un intérêt économique ou financier, ainsi que, d’autre part, à protéger ceux-ci de l’intervention des propriétaires, actionnaires ou dirigeants du cabinet d’audit qui les emploie, cela afin de garantir, en empêchant toute interférence susceptible d’influencer, directement ou indirectement, le résultat de leur contrôle, tel que présenté dans le rapport d’audit prévu à l’article 28 de la directive 2006/43, la qualité ainsi que l’intégrité de celui-ci et, partant, sa fiabilité, conformément à l’objectif poursuivi par cette directive, rappelé au point 39 du présent arrêt, pour l’entité contrôlée et les tiers.

42 Il en ressort que l’exigence d’indépendance présente non seulement un aspect interne, en ce qu’elle vise à garantir à l’entité contrôlée la fiabilité du contrôle effectué par le contrôleur légal des comptes en charge de celui-ci, mais également un aspect externe, en ce qu’elle vise à préserver la confiance des tiers, tels que les créanciers et les investisseurs, dans la fiabilité de ce contrôle. Cet aspect externe est d’autant plus important que cette confiance est cruciale afin d’assurer la protection de la valeur des participations des associés et des actionnaires et, partant, le bon fonctionnement des marchés dans leur ensemble pour les investisseurs. Les contrôles légaux des comptes doivent donc non seulement être fiables, mais également être perçus comme tels par les tiers.

43 C’est dans cette double perspective, interne et externe, que le législateur de l’Union, ainsi qu’il ressort, en particulier, du considérant 8 de la directive 2014/56, a interdit à un contrôleur légal des comptes d’occuper des fonctions au niveau de la direction ou de l’organe d’administration d’une entité contrôlée, non seulement au cours de la période couverte par le rapport d’audit, mais également, comme le reflètent les dispositions de l’article 22 bis, paragraphe 1, de la directive 2006/43 , pendant une période appropriée après la cessation de ses fonctions de contrôleur légal des comptes ou d’associé d’audit principal dans le cadre d’une mission de contrôle légal des comptes.

44 Ainsi que M. l’avocat général l’a fait observer, en substance, aux points 52 à 55 de ses conclusions, une telle interdiction vise ainsi à éliminer autant que possible l’incitation, pour un contrôleur légal des comptes, à envisager ou à concrétiser son recrutement par une entité contrôlée pendant la période au cours de laquelle il en a effectué le contrôle légal des comptes ainsi qu’au cours d’une période ultérieure déterminée. En particulier, par cette interdiction, le législateur de l’Union tend à éviter qu’un tel contrôleur soit tenté de privilégier ses propres intérêts, actuels ou potentiels, en produisant un rapport d’audit complaisant à l’égard d’une telle entité, que cette dernière récompenserait à court ou moyen terme par l’offre d’un poste de direction important en son sein.

45 Or, il y a lieu de constater que l’existence même d’une relation contractuelle entre un contrôleur légal des comptes et une entité contrôlée, voire l’engagement de négociations à cette fin, sont susceptibles non seulement de donner lieu à un conflit d’intérêts, mais en outre d’en donner l’apparence.

46 En effet, ainsi que la Commission européenne l’a fait valoir à juste titre dans ses observations écrites, compte tenu des obligations de loyauté et de bonne foi qui découlent d’une telle relation contractuelle ainsi que de la proximité qu’elle semble instituer entre les parties à celle-ci, cette relation est de nature à être perçue par les tiers comme étant susceptible d’influer ou d’avoir influé sur le contrôle de l’entité contrôlée effectué par le contrôleur légal des comptes concerné et, partant, d’altérer la confiance de ces tiers dans la fiabilité du résultat de ce contrôle.

47 En particulier, il y a lieu de souligner, à cet égard, que, même lorsqu’un contrôleur légal des comptes a cessé ses fonctions ou celles d’associé d’audit principal dans le cadre d’une mission de contrôle légal des comptes d’une entité déterminée, la négociation ou la conclusion d’une relation contractuelle entre un tel contrôleur et cette entité peut suffire à introduire rétrospectivement un doute dans l’esprit des tiers quant à la qualité et à l’intégrité du contrôle effectué avant la cessation de telles fonctions.

48 Ainsi, il apparaît que, eu égard, en particulier, à l’importance que revêt la perception des tiers en ce qui concerne l’indépendance d’un contrôleur légal des comptes, celui-ci doit être considéré comme occupant un poste au sein d’une entité contrôlée, au sens de l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43, dès la conclusion d’une relation contractuelle entre ceux-ci, même si un tel contrôleur n’a pas encore pris effectivement ses fonctions à ce poste dans cette entité.

49 Cette interprétation s’inscrit dans le prolongement des dispositions de l’article 22 de la directive 2006/43, qui ont spécifiquement pour objet de définir les contours de l’indépendance des contrôleurs légaux des comptes, en combinaison avec lesquelles la portée de l’article 22 bis, paragraphe 1, de cette directive doit être déterminée, dès lors que, ainsi qu’il ressort déjà du point 40 du présent arrêt, l’ensemble de ces dispositions a été adopté par le législateur de l’Union en vue de renforcer cette indépendance.

50 En effet, selon le paragraphe 1 de cet article 22, les États membres, afin de garantir qu’un contrôleur légal des comptes ne soit pas associé au processus décisionnel d’une entité contrôlée, doivent veiller à ce que toutes les mesures raisonnables soient prises pour empêcher la survenance, entre ce contrôleur et une telle entité, de tout conflit d’intérêts susceptible de résulter, notamment, d’une relation financière, personnelle, d’affaires ou d’emploi, qu’elle soit directe ou indirecte, existante ou potentielle, « qui amènerait un tiers objectif, raisonnable et informé à conclure » que l’indépendance dudit contrôleur est compromise.

51 De la même manière, aux termes du paragraphe 4, sous c), dudit article 22, les États membres sont tenus de garantir que les contrôleurs légaux des comptes ne puissent pas participer à un contrôle légal des comptes d’une entité contrôlée s’ils ont été liés à cette dernière, au cours de la période de contrôle des comptes, par un contrat de travail, une relation d’affaires ou tout autre type de relation « susceptible de causer, ou susceptible d’être généralement perçue comme causant, un conflit d’intérêts ».

52 De même, il résulte du paragraphe 5 du même article 22 qu’un contrôleur légal des comptes ne peut solliciter ou accepter des cadeaux ou faveurs de l’entité contrôlée lorsque la valeur de ceux-ci « est susceptible d’être considérée » par un tiers objectif, raisonnable et informé comme étant significative ou non négligeable.

53 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, il ressort clairement de ces dispositions que, selon le législateur de l’Union, une relation qui est susceptible de générer un conflit d’intérêts, actuel ou potentiel, est autant de nature à porter atteinte à la fiabilité du résultat d’un contrôle légal des comptes qu’une relation pouvant raisonnablement être perçue par les tiers comme étant la cause éventuelle d’un tel conflit d’intérêts.

54 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient, de répondre aux questions posées que l’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43 doit être interprété en ce sens qu’un contrôleur légal des comptes, tel qu’un associé d’audit principal désigné par un cabinet d’audit dans le cadre d’une mission de contrôle légal des comptes, doit être considéré comme occupant un poste de direction important dans une entité contrôlée, au sens de cette disposition, dès qu’il conclut avec cette dernière un contrat de travail relatif à ce poste, même s’il n’a pas encore commencé à exercer effectivement ses fonctions audit poste.

 Sur les dépens

55 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

L’article 22 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2014/56/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, doit être interprété en ce sens qu’un contrôleur légal des comptes, tel qu’un associé d’audit principal désigné par un cabinet d’audit dans le cadre d’une mission de contrôle légal des comptes, doit être considéré comme occupant un poste de direction important dans une entité contrôlée, au sens de cette disposition, dès qu’il conclut avec cette dernière un contrat de travail relatif à ce poste, même s’il n’a pas encore commencé à exercer effectivement ses fonctions audit poste.