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Décisions

Cass. com., 17 mars 2021, n° 19-10.414

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Creative Commerce Partners (SAS)

Défendeur :

MV (Sté), André

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

Avocat :

SCP Boullez

Versailles, 11 oct. 2018

11 octobre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 2018), la société Creative commerce Partners (la société CCP), qui a pour activité la vente de saunas et de spas sur son site internet www.sauna-bien-être.com, présente chacun de ses produits sous un descriptif technique assorti d'un article rédactionnel intitulé « l'avis du spécialiste », qui met en valeur ses qualités et ses spécificités.

2. Reprochant à la société MV, éditrice du site internet www.abri-jardin.eu par lequel elle propose à la vente les mêmes saunas d'extérieur, de reprendre à l'identique, afin d'optimiser son référencement par les moteurs de recherche, les descriptifs techniques et les « avis du spécialiste » élaborés par elle, la société CCP l'a assignée, ainsi que l'un de ses associés,

M. André, ancien dirigeant de la société Revonsbois, qui éditait le site litigieux avant sa cession à la société MV, en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société CCP fait grief à l'arrêt de dire que la société MV n'a commis aucun acte de concurrence déloyale par copie servile et de rejeter ses demandes, alors : « 1°) qu'il s'infère nécessairement d'actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral ; qu'en posant, en principe, que tout préjudice en matière de concurrence déloyale se caractérise généralement par une perte de clientèle ou par une perte de chiffre d'affaires imputable au parasite, après avoir énoncé que la société CCP n'étaye pas de manière précise, concrète et tangible, l'existence d'un lien de causalité entre l'attitude parasitaire imputée à la société  concurrente et  le  préjudice  corrélatif  dont elle    se prévaut, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil ; 2°) que même en l'absence d'une perte ou d'un détournement de clientèle, l'existence d'un acte de concurrence déloyale ouvre droit à la réparation des préjudices constitués par les atteintes à des éléments attractifs de clientèle ou à la capacité de concurrence de la victime, outre le préjudice moral ; qu'en affirmant, pour exclure l'existence d'un préjudice, qu'il était établi par un courrier du 17 mars 2016 que la société MV a retiré les références litigieuses à réception de la mise en demeure et qu'elle n'a réalisé aucune vente depuis la mise en ligne du site, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'un préjudice résultant pour la société CCP de l'allégation d'une atteinte à son image, d'un trouble commercial ou d'un préjudice moral ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

5. Pour dire que la société MV n'a commis aucun acte de concurrence déloyale par copie servile au préjudice de la société CCP et rejeter les demandes formées par cette dernière à ce titre, l'arrêt, après avoir énoncé que tout préjudice en matière de concurrence déloyale se caractérise généralement par une perte de clientèle ou par une perte de chiffre d'affaires imputable au parasite, relève que la société CCP se borne à se prévaloir d'une similitude de descriptifs techniques se rapportant à des produits identiques, sans démontrer et étayer de manière précise, concrète et tangible, l'existence d'un lien de causalité entre l'attitude parasitaire imputée à la société concurrente et le préjudice corrélatif dont elle se prévaut. Il ajoute qu'en tout état de cause, la société MV a retiré les références litigieuses dès réception de la mise en demeure et que, l'utilisation, pendant moins de deux mois, des descriptifs objet du litige n'a pu porter préjudice à la société CCP, ce que confirme la société MV qui indique que, depuis la mise en ligne du site, à savoir le 23 décembre 2015, aucune vente n'a été réalisée.

6. En statuant ainsi, alors que, le parasitisme économique consistant à s'immiscer dans le sillage d'autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de tels actes, même limités dans le temps, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

7. La société CCP fait grief à l'arrêt de dire que la société MV n'a commis aucun acte de concurrence déloyale par violation des règles applicables en matière de procédures collectives et de rejeter ses demandes, alors : « 1°) que constitue un acte de concurrence déloyale, tout agissement désorganisant le marché, dès lors qu'il confère à celui qui se soustrait à la réglementation en vigueur un avantage dans la concurrence au préjudice de ceux qui s'y conforment ; qu'en affirmant que la violation de l'article L. 642-3 du code de commerce ne constituait pas une faute ouvrant à réparation sur le terrain de la théorie de la concurrence déloyale, dès lors que la situation incriminée ne figure pas au nombre des procédés de vente garantissant la protection de la concurrence que les articles L. 310-5 et suivants du code de commerce sanctionnent pénalement par le paiement d'une amende, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil ; 2°) que la reprise des actifs d'une société en procédure collective intervenue en violation de l'article L. 641-3 du code de commerce constitue un acte de concurrence déloyale, peu important que le ministère public ne s'y soit pas opposé ; qu'en affirmant que le ministère public ne s'était pas opposé à la cession des actifs de la société Revonsbois à la société MV, en violation de l'article L. 642-3 du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

8. Pour dire que la société MV n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de la société CCP pour avoir repris les actifs de la société Revonsbois en violation des règles applicables en matière de procédures collectives et rejeter les demandes formées à ce titre, l'arrêt se borne à énoncer qu'il n'est pas démontré que la cession de la société Revonsbois ait fait l'objet d'une opposition du ministère public et que la situation incriminée ne paraît pas faire partie des procédés de vente garantissant la protection de la concurrence assortis de sanction pénales instituées par les articles L. 310-5 du code de commerce pouvant par ailleurs donner prise à des actions de concurrence déloyale.

9. En statuant ainsi, alors que constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d'une réglementation dans l'exercice d'une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société MV et M. André aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MV et M. André à payer à la société Creative commerce Partners la somme globale de 3 000 euros.