CCE, 6 juillet 1979, n° 79/670
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
relative à une vérification sur la base de l'article 14 paragraphe 3 du règlement nº 17 auprès de l'entreprise Australian Mining & Smelting (AM & S) Europe Limited, Bristol
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85,
vu le règlement nº 17 du 6 février 1962 (1), et notamment son article 14 paragraphe 3,
après avoir entendu l'autorité compétente aux termes de l'article 14 paragraphe 4 du règlement nº 17,
considérant qu'il y a des motifs suffisants de présumer que les producteurs de zinc et de concentrés de zinc situés à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté ont fixé en commun les prix et les conditions de vente du zinc par un accord sur un producer price pour le GOB-Zinc (good ordinary brand) ; qu'ils contrôlent la production et répartissent les marchés, et que ces activités constituent des accords ou des pratiques concertées prohibées par l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne;
considérant que le membre de la Commission chargé des questions de concurrence a ordonné le 10 février 1978 d'exécuter des vérifications conformément à l'article 14 du règlement nº 17 auprès de diverses entreprises;
considérant que la Commission a, au cours de vérifications déjà effectuées, recueilli des données précises et concordantes qui démontrent, entre autres, que les principaux producteurs de zinc et de concentrés de zinc européens, canadiens et australiens ont décidé en 1964 d'introduire un prix «producteur» indépendant des cotations boursières du London Metal Exchange et d'influencer les prix de la Bourse de Londres par des achats et des ventes au moyen d'une filiale fondée en Suisse dans ce but;
considérant que, en conséquence, les producteurs se sont rencontrés régulièrement (plus de vingt fois depuis le 9 juillet 1964) et ont fixé à nouveau les prix ; que les modifications de prix furent chaque fois annoncées par un des producteurs et suivies par les autres producteurs participants ; que le nouveau prix était, immédiatement après, publié dans le périodique professionnel paraissant à Londres et dénommé Metal Bulletin;
considérant que Australian Mining & Smelting Europe Limited, un membre du groupe Rio Tinto-Zinc, est soupçonnée d'avoir participé pendant plusieurs années à ces pratiques concernant les prix, les conditions de vente, le contrôle de la production et la répartition des marchés;
considérant qu'une vérification basée sur l'article 14 paragraphe 2 a eu lieu, les 20 et 21 février 1979, au siège de Australian Mining & Smelting Europe limited qui était représentée par son managing director et deux avocats ; que ceux-ci se soumirent d'abord à la vérification, mais s'efforcèrent de ne produire que des documents professionnels se référant à la situation actuelle, sans préciser la période qui était prise en considération;
considérant que les fonctionnaires de la Commission mandatés pour effectuer la vérification refusèrent d'accepter toute limitation de leur pouvoir de vérification et furent alors en mesure de contrôler un certain nombre des documents professionnels demandés;
considérant que, le second jour de la vérification, les représentants de l'entreprise demandèrent à nouveau à limiter le contrôle aux documents actuels et que la poursuite de la vérification devint impossible ; que, de ce fait, les fonctionnaires de la Commission établirent une demande écrite pour obtenir certains documents d'affaires, les représentants de l'entreprise disant qu'ils répondraient à cette demande dans un délai de dix jours après le retour de leur managing director d'un voyage d'affaires en Australie;
considérant que, par lettre du 26 mars 1979, Australian Mining & Smelting Europe Limited envoya les photocopies de plusieurs documents professionnels, en informant la Commission que les documents sélectionnés comme répondant à la demande écrite avaient été communiqués à ses conseillers juridiques, qui avaient estimé que certains d'entre eux étaient couverts par le legal privilege et que, en conséquence, ils n'avaient pas été transmis à la Commission ; que les conseillers juridiques ayant également indiqué que certains passages incluant des mots isolés, des phrases et même des lettres d'autres documents n'étaient pas relevants pour l'enquête de la Commission, ceux-ci avaient en conséquence été supprimés, bien que les (1).
autres parties des documents en question fussent admis comme relevant de l'objet de l'enquête ; qu'ils annoncèrent ensuite qu'ils fourniraient à bref délai à la Commission une déclaration écrite (statutory declaration), décrivant en termes généraux les passages supprimés ; que cette déclaration de M. G.D. Child, conseiller juridique, fut envoyée à la Commission par lettre du 5 avril 1979 ; qu'elle définit le nombre des suppressions faites, mais n'en décrit pas leur contenu;
considérant que cette tentative de Australian Mining & Smelting Europe Limited de restreindre le pouvoir de vérification de la Commission ne peut se justifier dans le cadre des dispositions du règlement nº 17 ; que, en effet, la législation communautaire de la concurrence ne prévoit aucune protection pour les documents de caractère juridique bien que, comme elle l'a clairement établi dans sa réponse à la question écrite nº 63/78 posée par M. Cousté du Parlement européen, la Commission, «en s'inspirant de règles de concurrence existantes dans certains États membres, est prête à ne pas utiliser comme preuve de violation des règles de concurrence de la Communauté les documents qui ont un caractère strictement juridique et qui ont été rédigés en vue d'obtenir ou de donner des avis juridiques relatifs aux règles de droit à respecter ou relevant de la préparation de la défense de l'entreprise ou association d'entreprises concernée. Lorsque la Commission est en présence de documents de cette nature, elle n'en prend pas copie» (1);
considérant cependant qu'il n'appartient pas à l'entreprise concernée ou à ses conseillers juridiques de décider seuls, pour des questions de fait ou de droit, si un document donné est un document de cette nature qui a été écrit dans des circonstances qui pourraient justifier qu'il ne soit pas utilisé;
considérant que, dans le cadre du droit communautaire existant et sous réserve du contrôle de la Cour de justice, il appartient à la Commission de déterminer si un document donné peut être utilisé ou non ; que, en conséquence, il est nécessaire que Australian Mining & Smelting Europe Limited permette à l'inspecteur de la Commission de voir les documents et de poser des questions s'y rapportant, dans la mesure nécessaire pour établir s'ils peuvent être utilisés ou non ; que, si l'inspecteur considère qu'ils ne peuvent pas être utilisés, il n'en prendra aucune copie et les documents ne seront pas utilisés en conséquence par la Commission comme preuve d'une infraction;
considérant que Australian Mining & Smelting Europe Limited exige le droit de pouvoir supprimer certains passages et des mots comme ne relevant pas de l'objet de la vérification, même dans des documents qui sont admis comme relevant de la vérification, et que cette exigence est également contraire à l'article 14 du règlement nº 17;
considérant que, sous réserve d'un contrôle de la Cour de justice, il appartient à la Commission de décider quels sont les documents qui doivent être contrôlés comme relevant de la vérification, sans quoi ce n'est pas la Commission mais l'entreprise elle-même qui déterminerait la nature et l'objet d'une vérification et que, en conséquence, le contrôle dans leur intégralité de tous les documents relatifs à l'objet de l'enquête, sans suppressions, est nécessaire pour l'exécution satisfaisante d'une vérification basée sur l'article 14 du règlement nº 17;
considérant que Australian Mining & Smelting Europe Limited devrait donc être obligée par voie de décision de se soumettre à une vérification et à permettre en particulier l'inspection et le contrôle des documents professionnels se rapportant à l'objet de la vérification;
considérant que, aux termes des dispositions de l'article 15 paragraphe 1 sous c) et de l'article 16 paragraphe 1 sous d) du règlement nº 17, dont le texte est reproduit dans l'annexe à la présente décision, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises: 1. des amendes, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles présentent de façon incomplète, lors des vérifications effectuées au titre de l'article 14, les livres ou autres documents professionnels requis, ou ne se soumettent pas aux vérifications ordonnées par voie de décision prise en application de l'article 14 paragraphe 3;
2. des astreintes par jour de retard, à compter de la date qu'elle fixe dans la décision, pour les contraindre à se soumettre à une vérification qu'elle a ordonnée par voie de décision prise en application de l'article 14 paragraphe 3,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'entreprise Australian Mining & Smelting Europe Limited est tenue de se soumettre à une vérification dans ses locaux à Bristol et Avonmouth. Elle est tenue de donner aux fonctionnaires mandatés par la Commission pour cette vérification accès aux locaux pendant les heures normales d'ouverture et de produire aux fins d'inspection les documents professionnels requis par lesdits fonctionnaires, qui sont totalement ou partiellement en rapport avec l'objet de l'enquête, en particulier: a) tous les dossiers, correspondances, télex, mémoires internes et tous les autres documents professionnels, de 1971 à ce jour, concernant:
Zinc Producer Group,
Zinc Producer Group Meetings,
Zinc Producer Price,
Zinc Steering Committee, (1)JO nº C 188 du 7.8.1978, p. 31.
Société générale des minerais SA,
Compagnie royale asturienne des mines SA,
Société des mines et fonderies de zinc de la Vieille Montagne SA,
Société minière et métallurgique de Penarroya SA,
Metallgesellschaft AG,
Preussag AG,
Billiton International Metals BV,
Adena métal SA, Zurich,
une copie de la lettre de M. Gordon Holloway du 1er juillet 1971 à Metallgesellschaft AG, Francfort, se référant à la lettre de M. F. von Dallwitz (Metallgesellschaft) du 9 juillet 1971 à M. Holloway, et de tous les accords antérieurs, correspondances, télex, mémoires internes et tous autres documents professionnels concernant ces deux lettres;
b) tous les documents pour lesquels le legal privilege est demandé, mentionnés en annexe à la lettre de Australian Mining & Smelting Europe Limited à la Commission du 26 mars 1979;
c) les textes complets de tous les documents, dont certains passages et mots ont été supprimés dans les photocopies envoyées à la Commission, mentionnés dans la lettre de Australian Mining & Smelting Europe Limited à la Commission du 26 mars 1979 et repris dans la déclaration écrite (statutory declaration) de M. G.D. Child du 5 avril 1979.
Article 2
La vérification sera effectuée dans les locaux de Australian Mining & Smelting Europe Limited à Bristol et Avonmouth à partir du 9 juillet 1979.
Article 3
Australian Mining & Smelting Europe Limited, 1, Redeliff Street, Bristol, Angleterre, est destinataire de la présente décision. Elle sera signifiée par sa remise à la société, immédiatement avant le début de la vérification, par les fonctionnaires mandatés par la Commission pour effectuer celle-ci.
La présente décision est susceptible de recours auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, à Luxembourg, conformément à l'article 173 du traité instituant la Communauté économique européenne ; ce recours n'a cependant pas d'effet suspensif aux termes de l'article 185 du traité.
Fait à Bruxelles, le 6 juillet 1979.
Par la Commission
Raymond VOUEL
Membre de la Commission
ANNEXE Articles 15 et 16 du règlement nº 17 du Conseil (publié au Journal officiel des Communautés européennes nº 13 du 21.2.1962, p. 204/62)
Article 15
1. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes d'un montant de cent à cinq mille unités de compte lorsque, de propos délibéré ou par négligence: a) ...
b) ...
c) elles présentent de façon incomplète, lors des vérifications effectuées au titre de l'article 13 ou de l'article 14, les livres ou autres documents professionnels requis, ou ne se soumettent pas aux vérifications ordonnées par voie de décision prise en application de l'article 14 paragraphe 3.
Article 16
1. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des astreintes à raison de cinquante à mille unités de compte par jour de retard, à compter de la date qu'elle fixe dans sa décision, pour les contraindre: a) ...
b) ...
c) ...
d) à se soumettre à une vérification qu'elle a ordonnée par voie de décision prise en application de l'article 14 paragraphe 3.