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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 18 mars 2021, n° 17/07283

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

OBV.TV (SARL)

Défendeur :

Calibre UK Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

T. com. Nanterre, du 21 sept. 2017

21 septembre 2017

EXPOSE DU LITIGE

La société OBV.TV distribue en France, à des sociétés de production et diffusion audiovisuelle, des équipements électroniques et de télécommunication.

La société Calibre UK Ltd (ci-après société Calibre), est une société anglaise spécialisée dans le développement et la production de matériels de diffusion audiovisuelle. Elle a développé le Fovea HD, un convertisseur d'image en format télévisuel.

Par courriels du 17 septembre 2012, la société Calibre a informé la société OBV.TV qu'elle était dans un processus d'évaluation des différents distributeurs pour la France et serait heureuse d'y inclure la société OBV.TV ; par courriel du 6 novembre 2012, elle indiquait à la société OBV.TV qu'il était possible de préparer un contrat disant qu'elle serait distributeur exclusif, s'agissant seulement des produits « broadcast » ; la société OBV.TV a répondu positivement à cette proposition, en indiquant qu'elle n'avait pas le temps de s'occuper du contrat immédiatement, en raison de la préparation du salon Satis.

Le 21 septembre 2013, la société OBV.TV a régularisé avec la société Calibre un contrat de prêt d'un appareil Fovea HD, elle a réglé la somme de 2 850 € à titre de dépôt de garantie et a reçu cet appareil pour en débuter la promotion.

Le 6 novembre 2013, durant la période de démonstration du Fovea HD par la société OBV.TV à sa cliente la société Eurovision, la société Calibre a informé la société OBV.TV que cette société avait directement pris contact avec elle afin de recevoir une aide technique sur le Fovea HD, et qu'elle l'avait avertie qu'elle devait s'adresser à la société OBV.TV.

Le 8 novembre 2013, sur la base d'un devis reçu de la société Calibre le matin même, la société OBV.TV a adressé à la société Eurovision un devis détaillant les prix de vente du Fovea HD et ce pour diverses quantités.

Ayant appris que la société Calibre était en relation directe avec la société Eurovision, la société OBV.TV a fait part à la société Calibre de son mécontentement par courriel du 13 décembre 2013.

Par courriel du 28 janvier 2014, la société Calibre mettait en avant les « demandes du client », le « degré de personnalisation et les développements techniques », et indiquait avoir directement traité avec la société Eurovision pour la vente du Fovea HD. Elle proposait de verser la somme de 20 000 euros, à titre de commission d'intermédiaire, à la société OBV.TV, ce que celle-ci n'a pas accepté.

Par acte extrajudiciaire du 12 novembre 2015, la société OBV.TV a assigné la société Calibre devant le tribunal de commerce de commerce de Nanterre aux fins de voir constater la violation du contrat de distribution par la société Calibre, ordonner la résiliation judiciaire du contrat de distribution, et condamner cette société au paiement de 230 448,38 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 21 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit que le seul contrat formé entre les parties porte sur la distribution exclusive par la société OBV.TV à eurovision des produits « broadcast » de la société Calibre UK Ltd dans les conditions financières du devis du 8 novembre 2013,

- Débouté la société OBV.TV de ses demandes relatives à l'exclusivité alléguée sur le territoire français,

- Condamné la société Calibre UK Ltd à payer à la société OBV.TV la somme de 36 000 € à titre de dommages-intérêts s'agissant de la vente réalisée avec la société Eurovision,

- Dit qu'il n'y a matière à résiliation du contrat de distribution exclusive ayant lié les parties car celui-ci est devenu caduc,

- Débouté la société Calibre UK Ltd de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la société Calibre UK Ltd à payer à la sarl obv.tv la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- condamné la société Calibre UK Ltd aux dépens.

Par déclaration du 12 octobre 2017, la société OBV.TV a interjeté appel du jugement.

Après une ordonnance de clôture du 20 septembre 2018, les avocats des deux parties ont sollicité un renvoi à la mise en état

Par courrier du 10 septembre 2018, l'avocat de la société Calibre Uk a demandé qu'il soit sursis à statuer en vue d'une procédure parallèle suite à un appel contre le jugement du 8 juillet 2016 relatif à une exception d'incompétence.

Par arrêt du 26 septembre 2019, la cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 8 juillet 2016 qui avait déclaré la société Calibre irrecevable en son exception d'incompétence, a déclaré le tribunal de commerce de Nanterre compétent, et condamné la société Calibre aux entiers dépens d'appel ainsi qu'aux frais irrépétibles.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 25 février 2020, la société OBV.TV demande à la cour de :

A titre liminaire,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 21 septembre 2017 en ce qu'il a considéré que :

- un contrat de distribution exclusive s'est formé entre les parties ;

- la société Calibre a violé le contrat de distribution exclusive qui l'unissait à la société OBV.TV en contractant directement avec la société Eurovision pour la vente de 40 unités du Fovea HD ;

- Juger qu'en tout état de cause la société Calibre a commis une faute en contractant directement avec la société Eurovision peu important le caractère exclusif du contrat liant les parties ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 21 septembre 2017 en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle formée par la société Calibre à l'encontre de la société OBV.TV ;

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 21 septembre 2017 en ce qu'il a procédé à un calcul erroné des dommages et intérêts dus par la société Calibre à la société OBV.TV du fait de la violation du contrat de distribution exclusive ;

- Constater que le préjudice subi par la société OBV.TV du fait de la violation du contrat de distribution exclusive par la société Calibre est égal à la marge qu'il (sic) aurait dû percevoir s'il avait procédé à la vente du Fovea HD auprès de la société Eurovision en tant que distributeur sur la base du devis du 8 novembre 2013 ;

En conséquence,

- Condamner la société Calibre au paiement de la somme de 230 448,38 euros à la société OBV.TV à titre de dommages et intérêts correspondant à la vente de 40 unités du Fovea Hd réalisée avec la société Eurovision, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- Condamner la société Calibre au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance ;

Par dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2020, la société Calibre demande à la cour de :

- Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 21 septembre 2017 ;

- Dire et juger recevables et bien-fondées les prétentions de la société Calibre UK Ltd ;

- Dire et juger qu'aucun contrat de distribution a fortiori exclusive n'a été conclu entre les parties ;

- Débouter la société OBV.TV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

- Dire et juger qu'aucune obligation d'exclusivité n'a été consentie par la société Calibre UK Ltd au profit de la société obv.tv ;

En conséquence :

- Débouter la société OBV.TV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater la carence de la société OBV.TV dans l'exécution de ses obligations notamment de promotion du fovea hd et de la prospection active de clientèle ;

- Dire et juger que la carence de la société obv.tv justifie notamment la non-exécution par la société Calibre Uk ltd de l'obligation d'exclusivité qu'elle aurait concédée ;

- Constater que la vente intervenue avec la société suisse Eurovision n'est pas intervenue sur le territoire français et est donc exclue du champ d'application de l'exclusivité alléguée

- Dire et juger que la vente intervenue entre la société Calibre UK Ltd et la société Eurovision n'aurait jamais été conclue, a fortiori aux tarifs revendiqués par la société Obv tv si cette dernière avait été l'interlocuteur de la société Eurovision ;

- Débouter la société OBV.TV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Prononcer la résiliation du contrat de distribution exclusive conclu entre les sociétés calibre Uk Ltd et OBV.TV aux torts exclusifs de la société OBV.TV ;

- Condamner à titre reconventionnel la société OBV.TV à verser à la société Calibre UK Ltd la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

En tout état de cause :

- Débouter la société OBV.TV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société OBV.TV à verser à la société Calibre UK Ltd la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société OBV.TV aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2020

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur l'existence d'un contrat de distribution

La société OBV.TV soutient qu'elle était liée avec la société Calibre par un contrat, qui se forme par un simple échange de consentements et sans forme requise, les courriels échangés révélant une volonté commune de se lier par une relation de distribution sur les produits « broadcast », dont le Fovea HD. Elle soutient avoir fait la promotion de ce produit lors du salon Satis 2012 et l'avoir présenté lors de l'édition 2013, et relève que la cour d'appel a déjà retenu - lors de son arrêt précédent- l'existence d'un accord de distribution entre les parties. Elle sollicite la confirmation du jugement qui a retenu la violation du contrat par la société Calibre, par la vente directe de 40 unités de Fovea HD à la société Eurovision, et fait état du caractère dérisoire de l'indemnisation proposée par la société Calibre au vu de la marge dont elle aurait dû bénéficier. Elle souligne la faute de la société Calibre, qui a contacté directement son client.

La société Calibre conteste l'existence de tout accord de distribution, les parties ayant voulu formaliser l'accord qu'elles envisageaient par un écrit, qui n'a jamais été signé. Elle ajoute que le contrat n'a pas commencé à être exécuté au salon Satis, où le Fovea n'a pas été exposé en 2012 ou en 2013, et que les conditions de l'accord n'avaient pas été définies. Elle fait état de l'absence de tout début d'exécution du contrat par la société OBV.TV, qui ne justifie pas des démarches qu'elle aurait engagées pendant une année, et rappelle les termes de son courriel du 27 août 2013 conditionnant les prix remisés à l'existence d'un accord. Elle rappelle que jusqu'en novembre 2013 la société OBV.TV ne disposait pas d'un modèle de démonstration du Fovea HD, ni de documentation publicitaire. Elle relève que la société OBV.TV ne fait état que d'un seul client, et que c'est Eurovision qui l'a contactée. A titre subsidiaire, elle conteste toute exclusivité dont aurait bénéficié la société OBV.TV.

Selon l'article L. 110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi. Une convention commerciale peut être établie par tous modes de preuve.

En l'espèce, par courrier du 15 septembre 2012, la société OBV.TV a indiqué à la société Calibre être distributeur de vidéo « broadcast », lui a demandé si elle avait déjà un distributeur en France, et si elle souhaitait signer un contrat de distribution avec elle.

Après avoir déclaré être à la recherche de distributeurs pour assurer la distribution de produits Calibre en France (courriel du 17 septembre 2012), la société Calibre a précisé (courriel du 10 octobre 2012) à la société OBV.TV qu'elle serait très heureuse de travailler avec elle en tant que distributeur de ses produits « broadcast » pour la France. Elle a ajouté que le contrat ne stipulait pas une exclusivité, mais elle confirmait qu'elle ne rechercherait pas d'autres distributeurs, à la condition que la société OBV.TV vende ses produits activement.

Le 6 novembre 2012, la société Calibre indiquait qu'elle pouvait préparer un contrat pour que la société OBV.TV bénéficie d'une exclusivité seulement pour les produits « broadcast », ajoutant que la société OBV.TV pourrait également vendre ses produits audiovisuels, mais qu'elle n'aurait pas d'exclusivité. La société OBV.TV a répondu que cette proposition lui convenait, et a suggéré de signer le contrat après le salon Satis.

Les parties étaient ainsi d'accord sur les produits concernés, soit les produits de la société Calibre, avec une exclusivité pour ses produits « Broadcast », et sur le fait que l'accord portait sur le territoire français.

Si le contrat n'a pas été formalisé, les parties n'ayant pas signé de contrat écrit, la société OBV.TV verse trois attestations dont les auteurs indiquent que cette société leur a présenté le produit Fovea de la société Calibre à l'occasion du salon Satis de novembre 2012 (pour deux d'entre eux) et du salon Nab Show (d'avril 2013) ; l'intimée ne peut contester la valeur probante de ces attestations en relevant que la société OBV.TV n'a disposé qu'en novembre 2013 d'un exemplaire du Fovea, la promotion de ce produit lors d'un salon n'impliquant pas nécessairement sa présence physique. De surcroît, la société OBV.TV a indiqué en août et septembre 2013 être en contact avec un client, son courriel du 2 décembre 2013 précisant que le client était impressionné par le produit Fovea HD. Il ressort de ce qui précède que la relation contractuelle entre les parties a bien reçu exécution, après la proposition de la société Calibre du 6 novembre 2012 acceptée par la société OBV.TV, dont peut être déduit l'existence d'un contrat de distribution du produit Fovea HD entre les parties.

La cour relève de plus que la société OBV.TV a conclu un contrat de prêt d'un appareil Fovea HD auprès de la société OBV.TV en octobre 2013, afin d'en assurer la promotion auprès d'un client, et que lorsque celui-ci prend contact directement avec la société Calibre celle-ci indique à la société OBV.TV avoir indiqué à ce client « que nous ne pouvions leur fournir directement et qu'ils devaient vous parler ».

Enfin, si la société Calibre a indiqué le 27 août 2013 que ses prix avec remise étaient conditionnés à la signature d'un accord de distribution, il ressort du courriel qu'elle a adressé le 8 novembre 2013 à la société OBV.TV qu'elle lui faisait bénéficier des prix avec remise, ce qui révèle qu'elle la considérait comme un distributeur avec lequel elle était liée par contrat.

Cela est encore confirmé par le courriel adressé le 28 janvier 2014 par la société Calibre à la société OBV.TV dans lequel, alors que la société OBV.TV avait dénoncé le fait que son client ait pris contact avec la société Calibre, celle-ci a reconnu avoir conclu directement avec ce client, tout en évoquant pour la société OBV.TV « d'autres opportunités pour le Fovea HD et pour les produits Calibre », l'assurant qu'elle continuerait à la soutenir pour toute perspective future de l'appui de son bureau des ventes, et de leur disponibilité pour l'assister.

Au vu de ce qui précède, est établie l'existence d'un accord entre les sociétés OBV.TV et Calibre relatif à la distribution des produits de la société Calibre par la société OBV.TV en France, avec une exclusivité limitée aux produits de la gamme « broadcast » (dont le Fovea HD), ainsi qu'il ressort du courriel de la société Calibre du 6 novembre 2012 et de l'accord donné en réponse par la société OBV.TV.

Sur la violation par la société Calibre du contrat de distribution conclu avec la société OBV.TV

La société OBV.TV sollicite la confirmation du jugement qui a constaté la violation par la société Calibre de son obligation de loyauté, en vendant à Eurovision des produits Fovea HD malgré le travail accompli par la société OBV.TV, qui a mené les négociations avec ce client, peu important que celui-ci soit installé en Suisse.

La société Calibre relève que la vente s'est faite avec une société suisse, et que la marchandise n'était pas destinée à la France, de sorte qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de l'exclusivité dont bénéficie la société OBV.TV.

Il ressort des trois factures des 26 février, 12 et 20 mars 2014 que la société Calibre a vendu à la société Eurovision 40 appareils Fovea HD, pour une somme totale de 507 520 euros, frais de transport inclus.

Ces appareils relevaient de l'exclusivité de distribution accordée par la société Calibre à la société OBV.TV, et il n'est pas contesté que cette société était en négociation avec ce client quand la société Calibre a conclu directement avec lui.

La société Calibre le reconnaissait du reste, dans son courriel du 6 novembre 2013, puisqu'elle indiquait qu'Eurovision l'avait contactée pour une aide technique et qu'elle lui avait expliqué « que nous ne pouvions pas leur fournir directement et qu'ils devaient s'adresser à vous » (traduction).

Si la société cliente est installée en Suisse, alors que l'exclusivité reconnue à la société OBV.TV portait sur la France, il n'en demeure pas moins qu'en contractant avec un important client de la société OBV.TV dont elle connaissait le lien préexistant avec celui-ci, la société Calibre a eu un comportement déloyal à l'égard de son distributeur.

Sur l'inexécution de la société OBV.TV de ses obligations contractuelles

La société Calibre rappelle avoir posé comme condition au contrat avec la société OBV.TV la promotion active de ses produits, ce dont la société OBV.TV ne justifie pas. Elle souligne l'absence de tout autre client qu'Eurovision, de toute démarche de prospection, de tout résultat.

Elle conclut que la société OBV.TV n'a pas exécuté le contrat, ce qui lui a causé un manque à gagner.

La société OBV.TV conteste cette demande, en soutenant qu'elle n'avait pas à justifier de ses efforts de promotion des produits, dont la spécificité imposait des négociations commerciales longues, en relevant l'absence de clause d'objectif stipulée dans le contrat de distribution et l'absence de toute plainte de la société Calibre quant à son exécution.

Si la société Calibre avait demandé à la société OBV.TV d'assurer la promotion active de ses produits, il ne ressort pas des échanges de courriels entre les parties que des objectifs chiffrés avaient été posés par la société Calibre, ni que celle-ci ait manifesté son insatisfaction quant aux efforts entrepris par son distributeur. Le courriel du 18 novembre 2012 montre que la société OBV.TV a entrepris des démarches afin de connaître les spécificités du produit et de pouvoir répondre aux clients, les attestations qu'elle en a assuré la promotion sur deux salons.

Du reste, dans son courriel du 28 janvier 2014, la société Calibre exprimait sa satisfaction du travail fait par la société OBV.TV avec le client Eurovision.

Aussi, la société Calibre ne justifie pas de la réalité de l'inexécution de ses obligations par la société OBV.TV, et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande.

Sur le préjudice

Le jugement a retenu que le manque à gagner pour la société OBV.TV était de 900 euros par appareil et, la vente portant sur 40 Fovea HD, a condamné la société Calibre à lui verser la somme de 36 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La société OBV.TV soutient que son préjudice est égal à la marge qu'elle aurait dû réaliser, que le jugement a commis une erreur, et qu'elle aurait réalisé une marge de 230 448,38 euros pour la vente de 40 Fovea HD.

La société Calibre conteste tout préjudice de la société OBV.TV, ajoute qu'il ne s'agirait que d'une perte de chance, laquelle est inexistante. Elle précise que la technicité du produit rendait impossible la conclusion du contrat par la société OBV.TV et son suivi. Elle affirme que c'est le client qui a imposé de conclure avec elle directement, faute de quoi il allait se tourner vers un autre fournisseur. Elle fait état des prix prohibitifs pratiqués par la société OBV.TV, ce qui rendait la vente à ses prix illusoire, relevant qu'elle ne justifie du reste d'aucune vente.

Le fait, pour la société Calibre, d'avoir conclu une vente directement avec le client de son distributeur, alors qu'elle savait que des négociations étaient engagées entre elles, caractérise un comportement déloyal, en violation de l'accord de distribution existant, qui cause un préjudice à la société OBV.TV.

Si la société Calibre soutient que cet accord lui a été imposé par le client qui souhaitait conclure directement avec elle, sans l'intermédiaire de la société OBV.TV, elle ne verse aucune pièce de nature à conforter cette assertion, autre que son propre courriel du 28 janvier 2014, lequel est insusceptible de constituer à lui seul une preuve suffisante.

Le jugement a retenu, pour fixer le préjudice subi par la société OBV.TV, la différence entre le prix des appareils Fovea HD vendus par la société Calibre à ce client, soit 12 600 euros l'unité, et celui auquel la société Calibre vend les produits à la société OBV.TV, soit 11 697 euros (pour une vente de 20 produits).

Si la société OBV.TV soutient qu'elle aurait nécessairement vendu à ce client à un prix plus élevé que celui pratiqué par la société Calibre, elle se fonde sur un calcul au vu du prix apparaissant sur le devis qu'elle a adressé le 8 novembre 2013 à ce client (Eurovision).

Or, la société OBV.TV n'établit en rien qu'elle aurait pu vendre ces appareils au prix figurant sur ces devis, prix particulièrement élevés au regard de celui auquel la société OBV.TV se fournissait auprès de la société Calibre, puisqu'ils révèlent une marge de plus de 100 %.

La société OBV.TV ne justifie du reste d'aucune autre vente de cet appareil, a fortiori au prix figurant sur le devis qu'elle avait adressé au client ; celui-ci aurait pu se détourner de ce produit s'il lui avait été présenté à un prix supérieur à celui auquel la société Calibre lui a vendu, ce d'autant plus si le prix avait été significativement plus élevé que celui auquel il a acquis les produits, pour retenir un produit concurrent.

En conséquence, il convient de retenir le calcul du jugement, et de fixer le manque à gagner de la société OBV.TV en soustrayant le prix auquel elle achète les produits à la société Calibre (11 697 euros) de celui auquel celle-ci les a vendus au client (12 600 euros), et en le multipliant par le nombre de produits vendus.

Aussi le montant des dommages et intérêts que la société Calibre sera condamnée à verser à la société OBV.TV sera fixé à 36 120 euros, et le jugement sera rectifié sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé s'agissant de la condamnation de la société Calibre au paiement des dépens et des frais irrépétibles, ainsi qu'en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à résiliation du contrat, les parties n'ayant pas repris cette demande.

Succombant au principal, la société Calibre sera condamnée au paiement des dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire,

confirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société OBV.TV de sa demande de se voir reconnaître une exclusivité et s'agissant du montant de la condamnation à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Dit que la société OBV.TV disposait d'une exclusivité sur le territoire français,

Condamne la société Calibre à verser à la société OBV.TV la somme de 36 120 euros à titre de dommages et intérêts,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Calibre au paiement des dépens d'appel.