Livv
Décisions

CJUE, 3e ch., 25 mars 2021, n° C-152/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Deutsche Telekom AG

Défendeur :

Slovanet a.s.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Prechal (rapporteure)

Juges :

M. Lenaerts, M. Wahl, M. Biltgen , Mme Rossi

Avocat général :

M. Saugmandsgaard Øe

Avocats :

Me Schroeder , Me Apel, Me Tisaj

CJUE n° C-152/19 P

25 mars 2021

LA COUR (troisième chambre),

1 Par son pourvoi, Deutsche Telekom AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T‑827/14, ci-après l’ « arrêt attaqué », EU:T:2018:930), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant, à titre principal, à l’annulation, dans son intégralité ou en partie, pour autant qu’elle la concerne, de la décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), telle que rectifiée par la décision C(2014) 10119 final de la Commission, du 16 décembre 2014, ainsi que par la décision C(2015) 2484 final de la Commission, du 17 avril 2015 (ci-après la « décision litigieuse »), et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante par ladite décision.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 2887/2000

2 Les considérants 3, 6 et 7 du règlement (CE) no 2887/2000 du Parlement européen et Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale (JO 2000, L 336, p. 4), énonçaient :

« (3) L’expression “boucle locale” désigne le circuit physique à paire torsadée métallique du réseau téléphonique public fixe qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l’abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente. Le cinquième rapport de la Commission [européenne] sur la mise en œuvre de la réglementation en matière de télécommunications souligne que le réseau d’accès local demeure l’un des segments les moins concurrentiels du marché libéralisé des télécommunications. Les nouveaux arrivants ne possèdent pas d’infrastructures de réseaux de substitution étendues et ne peuvent pas, en utilisant des technologies classiques, égaler les économies d’échelle et la couverture des opérateurs désignés comme étant puissants sur le marché du réseau téléphonique public fixe. Cette situation est due au fait que ces opérateurs ont, pendant des périodes relativement longues, déployé leurs infrastructures d’accès local métalliques en bénéficiant de la protection de droits exclusifs et qu’ils ont pu financer les dépenses d’investissements grâce à des rentes de monopole.

[...]

(6) Il ne serait pas économiquement viable pour les nouveaux arrivants de reproduire l’infrastructure d’accès local métallique des opérateurs en place, dans sa totalité et dans un laps de temps raisonnable. Les autres infrastructures, telles que télévision par câble, satellite, boucle locale, radio, n’offrent en général ni la même fonctionnalité, ni la même densité de couverture, pour le moment, bien que les situations dans les États membres puissent être différentes.

(7) L’accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux entrants d’entrer en concurrence avec les opérateurs notifiés en offrant des services de transmission de données à haut débit pour un accès permanent à l’Internet et pour des applications multimédia à partir de la technologie de ligne d’abonné numérique (DSL), ainsi que des services de téléphonie vocale. Une demande raisonnable visant à obtenir un accès dégroupé suppose que cet accès est nécessaire à la fourniture des services du bénéficiaire et que le refus de satisfaire à cette demande est susceptible d’empêcher, de limiter ou de fausser la concurrence dans le secteur. »

3 L’article 1er de ce règlement, intitulé « Portée et champ d’application », disposait :

« 1. Le présent règlement vise à renforcer la concurrence et à encourager l’innovation technologique sur le marché de l’accès local, en établissant des conditions harmonisées d’accès dégroupé à la boucle locale, afin de favoriser la fourniture concurrentielle d’un large éventail de services de communications électroniques.

2. Le présent règlement s’applique à l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes des opérateurs notifiés tels que définis à l’article 2, point a).

[...] »

4 L’article 2 dudit règlement contenait les définitions suivantes :

« [...]

a) “opérateur notifié”, un opérateur de réseau téléphonique public fixe qui a été désigné par les autorités réglementaires nationales comme puissant sur le marché de la fourniture de réseaux téléphoniques publics fixes [...]

[...]

c) “boucle locale”, le circuit physique à paire torsadée métallique qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l’abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente du réseau téléphonique public fixe ;

[...] »

5 L’article 3 du même règlement était rédigé comme suit :

« 1. Les opérateurs notifiés publient à partir du 31 décembre 2000 et tiennent à jour une offre de référence pour l’accès dégroupé à leur boucle locale et aux ressources connexes, qui inclut au minimum les éléments énumérés dans l’annexe. L’offre est suffisamment dégroupée pour que le bénéficiaire n’ait pas à payer pour des éléments ou des ressources du réseau qui ne sont pas nécessaires à la fourniture de ses services et contient une description des éléments de l’offre et des modalités, conditions et tarifs qui y sont associés.

2. À partir du 31 décembre 2000, les opérateurs notifiés accèdent à toute demande raisonnable des bénéficiaires visant à obtenir un accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes, à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires. Les demandes ne peuvent être rejetées que sur la base de critères objectifs afférents à la faisabilité technique ou à la nécessité de préserver l’intégrité du réseau. [...] Les opérateurs notifiés fournissent aux bénéficiaires des ressources équivalentes à celles qu’ils fournissent à leurs propres services ou à des entreprises qui leur sont associées, dans les mêmes conditions et délais.

[...] »

6 En vertu des articles 4 et 6 de la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques (JO 2009, L 337, p. 37), le règlement no 2887/2000 a été abrogé avec effet au 19 décembre 2009.

La directive 2002/21/CE

7 L’article 8 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »)  (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140, prévoit :

« [...]

2. Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment :

[...]

b) en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, y compris pour la transmission de contenu ;

[...]

5. Afin de poursuivre les objectifs visés aux paragraphes 2, 3 et 4, les autorités réglementaires nationales appliquent des principes réglementaires objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés, dont les suivants :

[...]

f) n’imposer des obligations de réglementation ex ante que lorsqu’il n’y a pas de concurrence efficace et durable, et suspendre ou supprimer celles-ci dès que cette condition est satisfaite. »

Les antécédents du litige

8 Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 53 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

9 La requérante est l’opérateur historique de télécommunications en Allemagne et la société à la tête du groupe Deutsche Telekom. Durant la période comprise entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010, la requérante détenait une participation de 51 % dans le capital de l’opérateur de télécommunications historique en Slovaquie, Slovak Telekom a.s. (ci-après « ST »).

10 ST, qui, jusqu’à l’année 2000, bénéficiait d’un monopole légal sur le marché slovaque des télécommunications, est le plus grand opérateur de télécommunications et fournisseur d’accès à la large bande en Slovaquie. Les réseaux en cuivre et mobile de ST couvrent la quasi-totalité du territoire slovaque.

11 À la suite d’une analyse du marché, l’autorité réglementaire nationale slovaque en matière de télécommunications (ci-après le « TUSR ») a, en 2005, désigné ST comme opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché de gros pour l’accès dégroupé à la boucle locale, au sens du règlement no 2887/2000.

12 Le TUSR a, en conséquence, notamment imposé à ST d’accéder à toutes les demandes de dégroupage de sa boucle locale considérées comme raisonnables et justifiées, afin de permettre à des opérateurs alternatifs d’utiliser cette boucle en vue d’offrir leurs propres services sur le marché de détail de masse (ou grand public) des services d’accès à Internet à haut débit en position fixe en Slovaquie. Pour lui permettre de satisfaire à cette obligation, ST a publié son offre de référence en matière de dégroupage qui définissait les conditions contractuelles et techniques pour un accès à sa boucle locale.

13 À la suite d’une enquête d’office ayant pour objet, notamment, les conditions d’accès dégroupé à la boucle locale de ST, d’une communication des griefs envoyée à ST et à la requérante respectivement les 7 et 8 mai 2012, d’une proposition d’engagements et de divers échanges de correspondance et de réunions, la Commission a adopté la décision litigieuse le 15 octobre 2014.

14 Par cette décision, la Commission a considéré que l’entreprise que formaient ST et la requérante avait commis une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), en ce qui concerne les services d’accès à Internet à haut débit en Slovaquie durant la période comprise entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010.

15 En particulier, elle a relevé que le réseau de la boucle locale de ST, susceptible d’être utilisé pour fournir des services d’accès à Internet à haut débit après le dégroupage des lignes concernées de cet opérateur, couvrait 75,7 % de l’ensemble des ménages slovaques au cours de la période comprise entre l’année 2005 et l’année 2010. Toutefois, au cours de cette même période, seules quelques rares boucles locales de ST ont vu leur accès dégroupé, à partir du 18 décembre 2009, et n’ont été utilisées que par un seul opérateur alternatif en vue de la fourniture de services de détail à très haut débit à des entreprises.

16 Selon la Commission, l’infraction commise par l’entreprise formée par la requérante et ST a consisté en, premièrement, la dissimulation aux opérateurs alternatifs des informations relatives au réseau nécessaires pour le dégroupage des boucles locales, deuxièmement, la réduction du champ d’application des obligations de ST concernant le dégroupage des boucles locales, troisièmement, la fixation de modalités et de conditions inéquitables dans l’offre de référence de ST en matière de dégroupage concernant la colocalisation, la qualification, les prévisions, les réparations ainsi que les garanties bancaires, et, quatrièmement, l’application de tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace que ST s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de cet opérateur de reproduire les services de détail offerts par ledit opérateur sans encourir de pertes.

17 Par la décision litigieuse, la Commission a infligé, au titre de cette infraction, d’une part, une amende de 38 838 000 euros à la requérante et à ST solidairement et, d’autre part, une amende de 31 070 000 euros à la requérante.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2014, la requérante a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation totale ou partielle de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à la suppression ou à la réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées.

19 À l’appui de ce recours, la requérante a invoqué cinq moyens tirés, premièrement, d’erreurs de fait et de droit dans l’application de l’article 102 TFUE en ce qui concerne le comportement abusif de ST ainsi que d’une violation des droits de la défense, deuxièmement, d’erreurs de droit et de fait s’agissant de la durée du comportement abusif de ST, troisièmement, d’erreurs de droit et de fait dans l’imputation à la requérante du comportement abusif de ST, dans la mesure où la Commission n’aurait pas prouvé l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur ST, quatrièmement, d’une violation de la notion d’ « entreprise », au sens du droit de l’Union, et du principe d’individualisation des peines ainsi que d’un défaut de motivation, et cinquièmement, d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende au paiement de laquelle ont été déclarées tenues solidairement ST et la requérante.

20 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble des moyens avancés par la requérante hormis, d’une part, le deuxième moyen, qu’il a partiellement accueilli au motif que la Commission n’avait pas apporté la preuve que la pratique de ST aboutissant à une compression des marges s’était déroulée entre le 12 août et le 31 décembre 2005, et, d’autre part, le quatrième moyen qu’il a accueilli dans la mesure où la Commission avait méconnu, dans la décision litigieuse, la notion d’« entreprise », au sens du droit de l’Union, en ayant condamné la requérante au paiement d’une amende dont le montant a été calculé sur la base du facteur de multiplication de 1,2 applicable à des fins de dissuasion. Le Tribunal a, dès lors, partiellement annulé la décision litigieuse et fixé à 38 061 963 euros le montant de l’amende au paiement de laquelle ont été déclarées tenues solidairement ST ainsi que la requérante et à 19 030 981 euros le montant de l’amende au paiement de laquelle seule la requérante a été déclarée tenue. Il a rejeté le recours pour le surplus.

21 En particulier, par la première branche de son premier moyen, la requérante faisait grief à la Commission d’avoir erronément omis d’examiner, aux fins d’établir un abus de position dominante dans le chef de ST en raison des conditions d’accès qu’elle offrait aux opérateurs alternatifs à son réseau, la condition liée au caractère indispensable à l’exercice de l’activité de ces opérateurs, visée au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, ci-après l’« arrêt Bronner », EU:C:1998:569), d’un tel accès. Le Tribunal a rejeté cette branche du premier moyen aux points 92 à 116 de l’arrêt attaqué en considérant, en substance, que la réglementation relative au secteur des télécommunications applicable en l’espèce constituait un élément pertinent pour l’application de l’article 102 TFUE et que ladite réglementation reconnaissait la nécessité d’un accès à la boucle locale de ST en vue de permettre l’émergence et le développement d’une concurrence efficace sur le marché slovaque des services d’accès à Internet à haut débit, de sorte qu’il n’était plus requis de la Commission qu’elle démontre qu’un tel accès présentait un caractère indispensable.

22 Par la seconde branche de son premier moyen, la requérante soutenait que son droit d’être entendue avait été méconnu, au motif, d’une part, qu’elle n’avait pu prendre connaissance d’un certain nombre d’informations qui avaient été prises en compte pour le calcul de la compression des marges que lors de la réunion du 29 septembre 2014 et, d’autre part, qu’elle n’a bénéficié que d’un délai très court pour faire connaître son point de vue sur ces informations. Le Tribunal a rejeté cette seconde branche aux points 123 à 145 de l’arrêt attaqué en considérant, en substance, que les informations en cause n’avaient pas modifié la nature des griefs retenus à l’encontre de ST et de la requérante dans la décision litigieuse et n’impliquaient pas des faits qu’elles n’avaient pas eu l’occasion de contester.

23 Le troisième moyen de la requérante était notamment tiré de ce que la Commission avait commis des erreurs de droit et de fait en lui imputant le comportement de ST, en se fondant sur le fait qu’elle avait eu la possibilité d’exercer une influence déterminante sur cette société, en présumant qu’elle avait effectivement exercé une telle influence sur ladite société et en ne démontrant pas qu’elle avait exercé une influence déterminante sur la même société. Le Tribunal a rejeté ces griefs aux points 227 à 473 de l’arrêt attaqué au motif, notamment, que l’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de la filiale peut être déduit d’un faisceau d’éléments concordants et que tel était le cas dans la décision litigieuse, la Commission ayant entre autres mis en exergue la présence, au sein du conseil d’administration de ST, de cadres supérieurs de la requérante, la mise à disposition de collaborateurs de la requérante au profit de ST et la transmission régulière de rapports par ST à la requérante concernant la politique commerciale de sa filiale. Le Tribunal a estimé que l’examen des liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la requérante et ST permettait d’établir que la stratégie générale de cette dernière sur le marché slovaque des services d’accès à Internet à haut débit était définie par la requérante.

Les conclusions des parties

24 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il rejette le recours en première instance ;

– d’annuler, dans son intégralité ou en partie, pour autant qu’elle la concerne, la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, d’annuler ou de réduire les amendes qui lui ont été infligées ;

– à titre encore plus subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’elle y soit rejugée, et

– de condamner la Commission à l’ensemble des dépens afférents à la présente procédure et à la procédure devant le Tribunal.

25 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la requérante aux dépens de l’instance.

Sur le pourvoi

26 Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées du principe selon lequel, pour qu’un refus d’accès soit abusif, au sens de l’article 102 TFUE, ledit accès doit être « indispensable » à celui qui en formule la demande. Le deuxième moyen est pris de l’interprétation et de l’application erronées du principe selon lequel, pour imputer une infraction d’une filiale à sa société mère, cette dernière doit effectivement exercer une influence déterminante sur sa filiale. Le troisième moyen est relatif à l’application erronée du principe selon lequel, pour imputer une infraction d’une filiale à une société mère, la filiale doit avoir appliqué pour l’essentiel les instructions qui lui ont été données par la société mère. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du droit d’être entendu de la requérante.

27 Par ailleurs, la requérante demande de pouvoir bénéficier d’un jugement favorable que la Cour viendrait à rendre dans l’affaire connexe C‑165/19 P, relative au pourvoi introduit par ST contre l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission (T‑851/14, EU:T:2018:929).

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

28 La requérante estime que, aux points 86 à 115 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas tenue de prouver le caractère indispensable, pour les opérateurs alternatifs, de l’accès à la boucle locale de ST afin de qualifier des restrictions audit accès par cette société d’« abusives », au sens de l’article 102 TFUE.

29 Selon la requérante, aux points 97, 98, 101 et 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément considéré que les critères énoncés dans l’arrêt Bronner ne s’appliquaient pas en l’espèce au motif que ST était soumise à une obligation réglementaire d’octroyer un accès à sa boucle locale. Ladite obligation ne pourrait pas remplacer le caractère indispensable de l’accès visé par l’arrêt Bronner pour les raisons suivantes.

30 Premièrement, l’existence d’une obligation à caractère réglementaire de fournir un accès et le caractère indispensable dudit accès constitueraient des questions distinctes. Pour imposer à ST une obligation d’accès à sa boucle locale, le TUSR aurait uniquement pris en compte la position historique de ST sur le marché de gros pour l’accès dégroupé à la boucle locale. Il n’aurait pas examiné le caractère indispensable de cet accès pour l’activité exercée sur le marché en aval ni, partant, déterminé dans quelle mesure l’accès dégroupé à la boucle locale aurait pu être remplacé par la mise en place d’une infrastructure alternative propre. En revanche, dans le cas de l’examen du caractère « indispensable » d’un tel accès, au sens de l’arrêt Bronner, il importerait précisément de savoir s’il existe un substitut réel ou potentiel audit accès. Or, la requérante aurait démontré devant le Tribunal que tel était le cas en l’espèce.

31 Deuxièmement, l’obligation réglementaire d’accès, à la différence d’une condamnation pour un abus de position dominante, au sens de l’article 102 TFUE, serait imposée ex ante. Il s’ensuivrait que les constatations matérielles fondant cette obligation pourraient rapidement s’avérer dépassées. Tel serait particulièrement le cas dans le contexte des marchés de services de télécommunications qui se développent très rapidement.  

32 Troisièmement, l’obligation réglementaire d’accès reposerait sur des extrapolations, alors qu’un abus de position dominante, au sens de l’article 102 TFUE, devrait être constaté à la suite d’un examen concret, notamment, du caractère indispensable de l’accès à la boucle locale.

33 Quatrièmement, la réglementation en matière de télécommunications et les critères de l’arrêt Bronner viseraient des objectifs différents. Les autorités réglementaires nationales compétentes en matière de télécommunications auraient pour mission non seulement de promouvoir la concurrence, mais également de contribuer au développement du marché intérieur et de soutenir les intérêts des citoyens. Cette approche trouverait un écho dans l’arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603), évoqué par le Tribunal au point 97 de l’arrêt attaqué.

34 De plus, la requérante estime qu’il n’est pas possible de renoncer à l’examen concret du caractère indispensable de l’accès à la boucle locale lorsqu’il existe une obligation d’accès réglementaire, dès lors que cela faciliterait le constat de l’existence d’un abus et viderait la jurisprudence de la Cour de son sens.

35 Par ailleurs, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 106 à 112 de l’arrêt attaqué, un refus implicite d’accès à la boucle locale, tel que celui reproché à ST, ne serait pas différent de celui ayant donné lieu à l’arrêt Bronner, dès lors que, dans les deux cas, le propriétaire de l’infrastructure disposerait d’un intérêt légitime à la protection de son investissement, qu’il serait difficile de distinguer l’une de l’autre les deux formes de refus d’accès et que l’infraction la moins grave, à savoir le refus d’accès implicite, serait plus facile à prouver que l’infraction la plus grave, à savoir le refus d’accès explicite.

36 Enfin, la formule utilisée par la Cour au point 55 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, ci-après l’« arrêt TeliaSonera », EU:C:2011:83), ne permettrait pas de conclure que les critères de l’arrêt Bronner ne s’appliqueraient pas à un refus implicite d’accès.

37 La Commission estime, en substance, que l’abus constaté dans la décision litigieuse diffère fondamentalement de l’abus en cause dans l’arrêt Bronner, de sorte que les critères énoncés dans ce dernier arrêt ne s’appliquent pas en l’espèce.

Appréciation de la Cour

38 Par son premier moyen, la requérante, la société mère de ST qui s’est vu imputer le comportement de celle-ci, critique notamment les points 86 à 115 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a confirmé le bien‑fondé de la décision litigieuse, en ce qu’il n’appartenait pas à la Commission d’établir le caractère indispensable de l’accès des opérateurs alternatifs au réseau de boucle locale de ST pour pouvoir qualifier d’« abusives » les pratiques de celle-ci que cette institution a estimé comme étant constitutives d’un refus implicite de fourniture au considérant 365 de la décision litigieuse, consistant, premièrement, en une dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives à son réseau nécessaires au dégroupage de sa boucle locale, deuxièmement, en une réduction de ses obligations relatives au dégroupage découlant du cadre réglementaire applicable et, troisièmement, en la fixation de plusieurs clauses et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage (ci‑après les « pratiques litigieuses »).

39 En particulier, le Tribunal a considéré, au point 101 de l’arrêt attaqué, que, étant donné que le cadre réglementaire applicable en matière de télécommunications reconnaissait clairement la nécessité d’un accès à la boucle locale de ST en vue de permettre l’émergence et le développement d’une concurrence efficace sur le marché slovaque des services Internet à haut débit, la démonstration, par la Commission, qu’un tel accès présentait bien un caractère indispensable, au sens de la dernière condition visée au point 41 de l’arrêt Bronner, n’était pas requise. Il a ajouté, en substance, aux points 106 à 114 de l’arrêt attaqué, que les conditions découlant de l’arrêt Bronner, et plus particulièrement celle relative au caractère indispensable d’un service ou d’une infrastructure détenue par l’entreprise dominante, ne s’appliquaient pas à des comportements autres qu’un refus d’accès, tels que les pratiques litigieuses.

40 Afin d’apprécier si ces considérations sont entachées d’une erreur de droit comme l’allègue la requérante, il importe de rappeler que l’article 102 TFUE interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Il incombe donc à l’entreprise qui détient une position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 153 ainsi que jurisprudence citée].

41 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’« exploitation abusive d’une position dominante », au sens de l’article 102 TFUE, est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui, sur un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli, ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 148 ainsi que jurisprudence citée].

42 L’examen du caractère abusif d’une pratique d’une entreprise dominante en vertu de l’article 102 TFUE doit se faire en prenant en considération toutes les circonstances spécifiques de l’affaire (voir, en ce sens, arrêts TeliaSonera, point 68 ; du 6 octobre 2015, Post Danmark, C‑23/14, EU:C:2015:651, point 68, ainsi que du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia, C‑525/16, EU:C:2018:270, points 27 et 28).

43 Ainsi qu’il ressort du point 37 de l’arrêt Bronner, l’affaire ayant donné lieu à ce dernier portait sur la question de savoir si le fait, pour le propriétaire de l’unique système de portage à domicile existant à l’échelle nationale sur le territoire d’un État membre, qui utilise ce système pour la distribution de ses propres quotidiens, d’en refuser l’accès à l’éditeur concurrent constituait un abus de position dominante, au sens de l’article 102 TFUE, au motif que ce refus priverait ledit concurrent d’un mode de distribution jugé essentiel pour la vente de ses produits.

44 En réponse à cette question, la Cour a jugé, au point 41 de cet arrêt, que ledit refus aurait constitué un abus de position dominante à condition non seulement que le refus du service que constitue le portage à domicile ait été de nature à éliminer toute concurrence sur le marché des quotidiens de la part du demandeur du service et n’ait pu être objectivement justifié, mais également que le service en lui-même ait été indispensable à l’exercice de l’activité de celui-ci, en ce sens qu’il n’aurait existé aucun substitut réel ou potentiel audit système de portage à domicile.

45 L’imposition de ces conditions était justifiée par les circonstances propres à cette affaire qui consistaient en un refus par une entreprise dominante de donner accès à un concurrent à une infrastructure qu’elle avait développée pour les besoins de sa propre activité, à l’exclusion de tout autre comportement.

46 À cet égard, comme l’a également indiqué, en substance, M. l’avocat général aux points 68, 73 et 74 de ses conclusions, le constat qu’une entreprise dominante a abusé de sa position en raison d’un refus de contracter avec un concurrent a pour conséquence que cette entreprise est forcée de contracter avec ce concurrent. Or, une telle obligation est particulièrement attentatoire à la liberté de contracter et au droit de propriété de l’entreprise dominante dès lors qu’une entreprise, même dominante, reste, en principe, libre de refuser de contracter et d’exploiter l’infrastructure qu’elle a développée pour ses propres besoins (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 1988, Volvo, 238/87, EU:C:1988:477, point 8).

47 En outre, bien que, à court terme, la condamnation d’une entreprise pour avoir abusé de sa position dominante en raison d’un refus de contracter avec un concurrent a pour conséquence de favoriser la concurrence, en revanche, sur le long terme, il est généralement favorable au développement de la concurrence et dans l’intérêt des consommateurs de permettre à une société de réserver à son propre usage les installations qu’elle a développées pour les besoins de son activité. En effet, si l’accès à une installation de production, d’achat ou de distribution était trop aisément accordé, les concurrents ne seraient pas incités à créer des installations concurrentes. De surcroît, une entreprise dominante serait moins prompte à investir dans des installations efficaces si elle pouvait se voir contrainte, sur simple demande de ses concurrents, de partager avec eux les bénéfices tirés de ses propres investissements.

48 Par conséquent, lorsqu’une entreprise dominante refuse de donner accès à une infrastructure qu’elle a développée pour les besoins de sa propre activité, la décision d’obliger cette entreprise à octroyer cet accès ne peut se justifier, sur le plan de la politique de la concurrence, que lorsque l’entreprise dominante dispose d’une véritable mainmise sur le marché concerné.

49 L’application, à un cas d’espèce, des conditions énoncées par la Cour dans l’arrêt Bronner, rappelées au point 44 du présent arrêt, et en particulier celle relative au caractère indispensable de l’accès à l’infrastructure de l’entreprise dominante, permet à l’autorité ou à la juridiction nationale compétente de déterminer si cette entreprise dispose d’une telle mainmise grâce à cette infrastructure. Ainsi, une telle entreprise peut être contrainte de donner accès à un concurrent à une infrastructure qu’elle a développée pour les besoins de sa propre activité uniquement lorsqu’un tel accès est indispensable à l’activité d’un tel concurrent, à savoir en l’absence de substitut réel ou potentiel à cette infrastructure.

50 En revanche, lorsqu’une entreprise dominante donne accès à son infrastructure mais soumet cet accès, la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions inéquitables, les conditions énoncées par la Cour au point 41 de l’arrêt Bronner ne s’appliquent pas. Certes, lorsque l’accès à une telle infrastructure, voire à un service ou à un intrant, est indispensable pour permettre aux concurrents de l’entreprise dominante d’opérer de manière rentable sur un marché en aval, il est d’autant plus probable que des pratiques inéquitables sur ce marché auront des effets anticoncurrentiels au moins potentiels et constitueront un abus, au sens de l’article 102 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-280/08 P, EU:C:2010:603, point 234, ainsi que TeliaSonera, points 70 et 71). Toutefois, s’agissant de pratiques autres qu’un refus d’accès, l’absence d’un tel caractère indispensable n’est pas déterminante en soi aux fins de l’examen de comportements potentiellement abusifs de la part d’une entreprise dominante (voir, en ce sens, arrêt TeliaSonera, point 72).

51 En effet, bien que de tels comportements puissent être constitutifs d’une forme d’abus lorsqu’ils sont à même de créer des effets anticoncurrentiels au moins potentiels, voire des effets d’éviction, sur les marchés concernés, ils ne sauraient être assimilés à un refus pur et simple de permettre à un concurrent d’accéder à une infrastructure, dès lors que l’autorité de la concurrence ou la juridiction nationale compétente n’aura pas à contraindre l’entreprise dominante à donner accès à son infrastructure, cet accès ayant d’ores et déjà été octroyé. Les mesures qui viendront à être prises dans un tel contexte seront, partant, moins attentatoires à la liberté de contracter de l’entreprise dominante et à son droit de propriété que le fait de la contraindre à donner accès à son infrastructure lorsqu’elle la réservait pour les besoins de sa propre activité.

52 En ce sens, la Cour a déjà jugé, aux points 75 et 96 de l’arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062), que les conditions énoncées par la Cour au point 41 de l’arrêt Bronner, et en particulier celle relative au caractère indispensable de l’accès, ne s’appliquaient pas dans le cas d’abus que constitue la compression des marges d’opérateurs concurrents sur un marché en aval.

53 Dans le même sens, la Cour a jugé, au point 58 de l’arrêt TeliaSonera, en substance, qu’il ne saurait être exigé que l’examen du caractère abusif de tout type de comportement d’une entreprise dominante à l’égard de ses concurrents soit systématiquement effectué à l’aune des conditions énoncées par la Cour dans l’arrêt Bronner, qui portait sur un refus de fourniture de service. C’est, dès lors, à bon droit que, aux points 108 à 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, aux points 55 à 58 de l’arrêt TeliaSonera, la Cour ne s’était pas uniquement référée à la forme particulière d’abus que constitue la compression des marges d’opérateurs concurrents sur un marché en aval lorsqu’elle a apprécié les pratiques auxquelles les conditions de l’arrêt Bronner ne s’appliquaient pas.

54 Dans la présente affaire, la situation de ST se caractérisait notamment par le fait, rappelé au point 99 de l’arrêt attaqué, qu’elle était soumise à une obligation réglementaire en matière de télécommunications, en vertu de laquelle elle était tenue de donner accès à son réseau de boucle locale. En effet, à la suite de la décision du 8 mars 2005 du TUSR, confirmée par le directeur de cette même autorité le 14 juin 2005, ST était tenue d’accéder, en sa qualité d’opérateur puissant, à toutes les demandes de dégroupage de sa boucle locale considérées comme raisonnables et justifiées, émanant d’opérateurs alternatifs afin de leur permettre, sur cette base, d’offrir leurs propres services sur le marché de détail de masse des services à haut débit en position fixe en Slovaquie.

55 Une telle obligation répond aux objectifs de développement d’une concurrence efficace sur les marchés des télécommunications fixés par le législateur de l’Union. Ainsi que le précisent les considérants 3, 6 et 7 du règlement no 2887/2000, l’imposition d’une telle obligation d’accès est justifiée par le fait que, d’une part, comme les opérateurs puissants ont pu, pendant des périodes relativement longues, déployer leurs réseaux d’accès local en bénéficiant de la protection de droits exclusifs et qu’ils ont pu financer leurs dépenses d’investissement grâce à des rentes de monopole, il ne serait pas économiquement viable pour les nouveaux arrivants de reproduire l’infrastructure d’accès local des opérateurs en place et, d’autre part, les autres infrastructures ne constituent pas un substitut valable à ces réseaux d’accès local. L’accès dégroupé à la boucle locale serait ainsi de nature à permettre aux nouveaux entrants d’entrer en concurrence avec les opérateurs puissants. Il s’ensuit que, comme l’a rappelé le Tribunal au point 99 de l’arrêt attaqué, l’obligation d’accès imposée en l’espèce par le TUSR résultait de la volonté d’inciter ST ainsi que ses concurrents à investir et à innover, tout en veillant à ce que la concurrence sur le marché soit préservée.

56 Cette obligation réglementaire s’appliquait à ST durant toute la période infractionnelle retenue par la Commission dans la décision litigieuse, soit du 12 août 2005 au 31 décembre 2010. En effet, outre le fait que, en application de l’article 8, paragraphe 5, sous f), de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140, les autorités réglementaires en matière de télécommunications ne peuvent imposer une telle obligation d’accès que lorsqu’il n’y a pas de concurrence efficace et durable et sont tenues de la suspendre ou de la supprimer dès que cette condition est satisfaite, la requérante n’a ni allégué ni démontré avoir contesté que ST était soumise à une telle obligation au cours de la période infractionnelle. En outre, la Commission a motivé le fondement de l’existence d’une telle obligation d’accès dans la section 5.1 de la décision litigieuse et indiqué, au point 377 de celle-ci, qu’elle avait procédé à sa propre analyse ex post des marchés en cause, pour conclure que la situation sur ces marchés n’avait pas changé de manière significative à cet égard durant la période infractionnelle.

57 De manière analogue à ce que la Cour a déjà indiqué au point 224 de l’arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603), visé au point 97 de l’arrêt attaqué, il convient de considérer qu’une obligation réglementaire peut être pertinente pour apprécier un comportement abusif, au sens de l’article 102 TFUE, de la part d’une entreprise dominante soumise à une réglementation sectorielle. Dans le contexte de la présente affaire, si l’obligation d’accès à la boucle locale mise à la charge de ST ne saurait dispenser la Commission de l’exigence d’établir l’existence d’un abus au sens de l’article 102 TFUE, en tenant compte notamment de la jurisprudence applicable, l’imposition de cette obligation a pour conséquence que, durant toute la période infractionnelle retenue en l’espèce, ST ne pouvait pas et n’a pas véritablement refusé de donner accès à son réseau de boucle locale.

58 ST a cependant conservé, durant ladite période, une autonomie décisionnelle, nonobstant l’obligation réglementaire susmentionnée, quant aux conditions d’un tel accès. En effet, hormis certains principes directeurs, le contenu obligatoire de l’offre de référence en matière de dégroupage de la boucle locale, visée par l’article 3 du règlement no 2887/2000, n’était pas prescrit par le cadre réglementaire ou par les décisions du TUSR. C’est en application de cette autonomie décisionnelle que ST a adopté les pratiques litigieuses.

59 Toutefois, dès lors que les pratiques litigieuses ne constituaient pas un refus d’accès à la boucle locale de ST, mais avaient trait aux conditions d’un tel accès, pour les motifs visés aux points 45 à 51 du présent arrêt, les conditions dégagées par la Cour au point 41 de l’arrêt Bronner, rappelées au point 44 du présent arrêt, ne s’appliquaient pas en l’espèce.

60 Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 101 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue de démontrer le caractère « indispensable », au sens de la dernière condition édictée au point 41 de l’arrêt Bronner, afin de constater un abus de position dominante de la part de ST en raison des pratiques litigieuses.

61 Dans ces conditions, le premier moyen du pourvoi, étant fondé sur une prémisse qui est erronée en droit, doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

62 Par son deuxième moyen, qui comporte deux branches, la requérante soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit en lui imputant l’abus de position dominante commis par ST.

63 Par la première branche du deuxième moyen, la requérante avance que, pour lui imputer le comportement abusif de ST, le Tribunal a erronément considéré que des faits uniquement susceptibles d’établir la capacité de la requérante d’exercer une influence déterminante sur ST peuvent être utilisés en tant qu’indices d’un exercice effectif d’une telle influence. Selon la requérante, admettre que des faits qui ne font apparaître que la capacité, pour une société mère, d’exercer une influence déterminante sur sa filiale suffisent à démontrer l’exercice effectif de ladite influence aurait pour conséquence de supprimer toute forme de distinction entre l’exercice possible et l’exercice effectif de cette influence et constituerait une extension illégale de la présomption applicable aux filiales détenues à 100 % par une société mère.

64 La requérante estime, dès lors, que les faits repris, premièrement, aux points 233 et 249 et suivants de l’arrêt attaqué, selon lesquels des dirigeants de ST occupent également des fonctions de direction au sein de la requérante ou des cadres supérieurs de la requérante sont présents au sein du conseil d’administration de ST, deuxièmement, aux points 280 à 285 de l’arrêt attaqué, selon lesquels la requérante a mis à la disposition de ST des collaborateurs, et, troisièmement, au point 294 de l’arrêt attaqué, selon lesquels ST lui a remis des rapports relatifs à sa politique commerciale, constituent autant de circonstances factuelles qui ne sont que de nature à établir la capacité éventuelle de la requérante d’exercer une influence déterminante sur ST, et non pas qu’elle exerce effectivement une telle influence.

65 En outre, la requérante fait valoir que la distinction visée au point 63 du présent arrêt n’empêche pas la Commission de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes qui pourraient mener au constat de l’exercice effectif d’une influence déterminante. Par ailleurs, elle conteste la pertinence de la référence faite par le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, et par la Commission, dans son mémoire en réponse, à l’arrêt du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission (C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21), l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ayant eu trait au respect des règles de prise de décision au sein d’une entreprise commune et non pas à la possibilité d’exercer une influence déterminante. La requérante considère également que, contrairement à ce qu’avance la Commission dans son mémoire en réponse, au point 93 de l’arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416), la Cour n’a pas considéré qu’un échange d’informations constituait un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

66 Par la seconde branche de son deuxième moyen, la requérante fait valoir que, dans le cadre de la qualification juridique des faits sur lesquels la Commission s’est fondée, le Tribunal a erronément appliqué le principe selon lequel une influence déterminante doit effectivement être exercée en concluant à l’existence d’un exercice effectif d’une influence déterminante à partir de la simple possibilité d’un tel exercice. Ainsi, la requérante soutient que ce sont non seulement les points de l’arrêt attaqué critiqués dans le cadre de la première branche de ce moyen qui sont entachés d’une erreur de droit, mais également, premièrement, le point 262 de cet arrêt, en ce que le Tribunal a eu égard au fait que le conseil exécutif de direction de ST faisait rapport au conseil d’administration de la requérante et à l’approbation par ce dernier du plan d’affaires dudit conseil exécutif de direction, deuxièmement, les points 273 et 274 dudit arrêt, en ce que le Tribunal a considéré que le devoir de loyauté des administrateurs à l’égard des actionnaires ou le caractère non contraignant des prestations de conseil fournies à ST n’excluaient pas l’exercice d’une influence déterminante de la part de la requérante sur ST, et, troisièmement, le point 278 du même arrêt, en ce que le Tribunal a jugé que le pacte d’actionnaires permettait aux représentants de la requérante au sein du conseil d’administration de ST d’exercer une influence déterminante sur toutes les décisions commerciales de cette dernière. Par ailleurs, la requérante conteste l’exception d’irrecevabilité que la Commission soulève à l’encontre de la seconde branche de son deuxième moyen, au motif que, par cette branche, elle ne remet pas en cause les constatations factuelles opérées par le Tribunal, mais se borne à faire valoir une erreur de droit prise d’une application erronée du principe de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

67 La Commission estime que la seconde branche du deuxième moyen est irrecevable en ce qu’elle remet en cause les constatations factuelles opérées par le Tribunal et implique une nouvelle appréciation des éléments de preuve par la Cour. En tout état de cause, le deuxième moyen serait non fondé car la constatation de l’exercice effectif d’une influence déterminante pourrait être déduite, comme en l’espèce, d’un faisceau d’éléments concordants en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes.

Appréciation de la Cour

68 S’agissant de la recevabilité de la seconde branche du deuxième moyen, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seulement compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 17 octobre 2019, Alcogroup et Alcodis/Commission, C‑403/18 P, EU:C:2019:870, point 63 ainsi que jurisprudence citée).

69 La requérante n’a pas allégué, dans le deuxième moyen, une dénaturation des éléments de preuve examinés par le Tribunal démontrant qu’elle pouvait être tenue responsable du comportement de ST et il n’appartient pas à la Cour de réexaminer la valeur probante de ces éléments.

70 Par la seconde branche de ce moyen, la requérante fait cependant valoir que le Tribunal a erronément considéré que la Commission avait pu à bon droit se fonder sur un certain nombre de faits pour conclure à l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur ST, alors que ces faits seraient uniquement de nature à démontrer la possibilité d’une telle influence. Il en découlerait que le Tribunal aurait erronément qualifié ces faits comme étant constitutifs d’une influence déterminante effective de la requérante sur ST. Ainsi, par cette branche de son deuxième moyen, la requérante demande à la Cour non pas de procéder à une nouvelle appréciation des faits, mais de contrôler leur qualification juridique par le Tribunal.

71 Il s’ensuit que le deuxième moyen, en sa seconde branche, est recevable.

72 Quant au fond, il convient de rappeler que les auteurs des traités ont choisi d’utiliser la notion d’« entreprise » pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence susceptible d’être sanctionné en application des articles 101 et 102 TFUE. Cette notion autonome du droit de l’Union désigne toute entité constituée d’éléments personnels, matériels et immatériels exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2019, Skanska Industrial Solutions e.a., C‑724/17, EU:C:2019:204, points 29, 36 et 47). Ainsi, la notion d’« entreprise » visée par les articles 101 et 102 TFUE doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l’objet de la pratique anticoncurrentielle en cause, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, EU:C:1984:271, point 11, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

73 Il découle de ce choix, d’une part, que, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 53 ainsi que jurisprudence citée) et, d’autre part, qu’une personne morale peut, dans certaines conditions, être tenue personnellement et solidairement responsable du comportement anticoncurrentiel d’une autre personne morale appartenant à cette même entité économique (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

74 Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, la responsabilité du comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir, notamment, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 58 ; du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 30, ainsi que du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 45). Dans un tel cas, les instructions données par la société mère peuvent constituer une forme d’influence déterminante exercée par cette dernière sur sa filiale.

75  Aux fins de l’examen du point de savoir si la société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement sur le marché de sa filiale, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à sa société mère et, ainsi, de tenir compte de la réalité économique (arrêts du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 76, ainsi que du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 46).

76 Dès lors, si des instructions données par la société mère à sa filiale affectant son comportement sur le marché peuvent constituer des preuves suffisantes d’une telle influence déterminante, elles ne constituent pas les seules preuves admissibles. L’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de la filiale peut également être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence (arrêts du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 77, ainsi que du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 47).

77 Ainsi qu’il résulte des points 75 et 76 du présent arrêt, il peut suffire, pour imputer la responsabilité du comportement d’une filiale à la société mère, d’examiner si cette dernière a la possibilité d’exercer une influence déterminante sur sa filiale. Partant, contrairement à ce que prétend la requérante, un fait qui contribue à démontrer que la société mère a la capacité d’exercer une influence déterminante sur sa filiale peut également être pris en considération par la Commission, dans le cadre d’une appréciation globale de la situation en cause, lorsqu’un tel fait, examiné à la lumière ou en combinaison avec d’autres faits afférents à cette situation, relève d’un faisceau d’indices concordants relatifs à une influence effective et déterminante de la société mère sur sa filiale. 

78 Il s’ensuit que la requérante allègue à tort que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que des faits démontrant qu’elle était en mesure d’exercer une influence déterminante sur ST ne sauraient être pris en compte en tant qu’indices contribuant à établir le caractère effectif de l’exercice de cette influence.

79 S’agissant de la question de savoir si le Tribunal a qualifié à tort les éléments spécifiques repris aux points 233, 249 à 262, 273, 274, 278, 280 à 285 et 294 de l’arrêt attaqué d’indices de l’exercice effectif de l’influence déterminante de la requérante, qui détenait une participation de 51 % dans le capital de ST, sur cette dernière, il y a lieu d’observer ce qui suit.

80 En premier lieu, s’agissant de la prise en compte de la présence de cadres supérieurs de la requérante au sein du conseil d’administration de ST, c’est sans commettre d’erreur que le Tribunal a considéré, au point 233 de l’arrêt attaqué, qu’il est pertinent, pour apprécier l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale, de prendre en compte la présence, à la tête de la filiale, de personnes occupant des fonctions de direction au sein de la société mère. En effet, une telle présence à la tête de la filiale constitue un indice qui, lorsqu’il est corroboré par d’autres, peut établir l’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de sa filiale sur le marché concerné.

81 En l’espèce, le Tribunal a notamment constaté, aux points 250 à 256 de l’arrêt attaqué, que, durant la période infractionnelle, M. R. R., d’une part, a simultanément été membre du conseil d’administration de ST et occupé des postes de direction au sein de la requérante et, d’autre part, vérifiait les comptes de ST en vue de leur consolidation au niveau du groupe Deutsche Telekom. Il ressort également de ces points de l’arrêt attaqué que M. R. R. était impliqué dans l’élaboration de la planification financière et de la politique d’investissement de ST, en vue d’assurer la conformité de celles-ci avec les objectifs de ce groupe et qu’il vérifiait si cette filiale atteignait ses propres objectifs financiers au cours de chaque période de référence. Le Tribunal a encore précisé qu’une telle implication de M. R. R. au sein de ST présentait nécessairement un lien étroit avec la politique commerciale de cette dernière.

82 C’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a qualifié ces éléments factuels d’indices de l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur ST. En effet, le cumul des fonctions de M. R. R. en tant que directeur de la requérante et membre du conseil d’administration de ST ainsi que ses différentes missions au sein de cette dernière constituent des indices de l’implication de la requérante dans la définition et le contrôle de la politique commerciale de ST.

83 En ce que la requérante estime que, au point 262 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément qualifié certains faits d’indices de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur ST, force est de constater que le passage dudit point contesté par la requérante a spécifiquement trait, à ce stade du raisonnement, au contrôle exercé par le conseil d’administration de ST sur son conseil exécutif de direction, et non au contrôle exercé par la requérante sur ST par l’intermédiaire de son conseil d’administration. En outre, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré que l’obligation qui pesait sur le conseil exécutif de direction de ST de faire régulièrement rapport au conseil d’administration sur ses activités ainsi que sur l’état de cette société et celui de ses filiales de même que la compétence du conseil d’administration s’agissant de l’approbation du plan d’affaires préparé par le conseil exécutif de direction constituaient des indices du contrôle du conseil exécutif de direction de ST par le conseil d’administration de cette même société. Partant, ledit point de l’arrêt attaqué n’est pas entaché d’une erreur de qualification, contrairement à ce que soutient la requérante.

84 De même, en ce que la requérante critique, premièrement, le point 273 de l’arrêt attaqué, selon lequel le devoir de loyauté des administrateurs à l’égard des actionnaires en vertu du droit slovaque applicable n’empêchait pas légalement une société mère détenant une majorité du capital social de cette filiale d’exercer une influence déterminante sur le comportement de celle-ci sur le marché, deuxièmement, le point 274 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur la politique commerciale de ST n’était pas exclue du fait de la nature non contraignante des prestations de conseil fournies par la requérante à ST en vertu de l’accord-cadre sur la coopération stratégique conclu entre celles-ci, et, troisièmement, le point 278 de cet arrêt, dans lequel il est renvoyé aux raisons énoncées par la Commission dans la décision litigieuse pour lesquelles le pacte d’actionnaires permettait aux représentants de la requérante au sein du conseil d’administration de ST d’exercer une influence déterminante sur toutes les décisions commerciales de cette dernière, y compris l’approbation du budget, il y a lieu de constater que, la requérante n’invoquant aucune dénaturation des faits examinés par le Tribunal à ces points de l’arrêt attaqué, celui-ci a pu, sans commettre d’erreur de droit, qualifier une telle présence de cadres supérieurs de la requérante au sein du conseil d’administration de ST en tant qu’indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur ST, telle que constatée par le Tribunal notamment aux points 250 à 256 de l’arrêt attaqué.

85 En deuxième lieu, s’agissant de la qualification de la mise à disposition de collaborateurs de la requérante auprès de ST en tant qu’indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur ST, le Tribunal a considéré, au point 285 de l’arrêt attaqué, qu’il pouvait être raisonnablement considéré que ces collaborateurs, même s’ils n’étaient plus placés sous l’autorité directe de la requérante durant leur détachement auprès de ST, possédaient une connaissance approfondie de la politique et des objectifs commerciaux de la requérante et étaient dès lors particulièrement bien placés pour veiller à ce que ST agisse de manière conforme à ses intérêts. Or, de tels constats sont pertinents pour qualifier ladite mise à disposition d’indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur ST, dès lors que ceux-ci doivent être lus en combinaison, notamment, avec les considérations du Tribunal, non contestées par la requérante, figurant aux points 281 et 287 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles les cadres supérieurs mis à la disposition de ST ont occupé des postes impliquant un haut degré de responsabilité au sein de ST permettant d’influencer la politique et les objectifs commerciaux de celle-ci et qu’ils sont demeurés employés de la requérante durant leur détachement et dépendaient ainsi de cette dernière pour la suite de leur carrière au sein du groupe Deutsche Telekom. De plus, le Tribunal, aux points 374 et 417 de l’arrêt attaqué, a mis en avant des faits démontrant que les personnes mises à la disposition de ST par la requérante avaient permis à cette dernière d’être informée et impliquée dans des choix commerciaux de ST.

86 En troisième lieu, s’agissant de la remise de rapports par ST à la requérante, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 294 de l’arrêt attaqué, que la transmission régulière par une filiale à sa société mère d’informations détaillées relatives à sa politique commerciale était de nature à établir la connaissance, par la société mère, du comportement de sa filiale sur le marché et, par conséquent, à mettre cette société mère en position d’intervenir de manière plus éclairée, et donc plus efficace, sur la politique commerciale de ladite filiale. Par ailleurs, si le fait qu’une filiale soit tenue de communiquer des rapports à sa société mère concernant sa politique commerciale et ses résultats ne peut en soi constituer un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante d’une société mère sur sa filiale, ce fait peut contribuer à étayer de tels indices. Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 294 de l’arrêt attaqué, que la transmission régulière d’informations à la requérante concernant la politique commerciale de ST était susceptible de contribuer, avec d’autres indices, à établir que ces sociétés formaient une même unité économique.

87 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen du pourvoi comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

88 À l’appui de son troisième moyen, la requérante soutient qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour en matière d’imputabilité d’une infraction d’une filiale à sa société mère et de la présomption énoncée dans l’arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C‑286/98 P, EU:C:2000:630), que ladite imputabilité est subordonnée à quatre conditions cumulatives, à savoir que, premièrement, la société mère doit être en mesure d’exercer une influence déterminante, deuxièmement, la société mère doit avoir effectivement exercé une telle influence déterminante, troisièmement, la filiale n’a, pour cette raison, pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome et, quatrièmement, la filiale a appliqué pour l’essentiel les instructions données par la société mère. Cette dernière condition servirait à vérifier le caractère pertinent de l’influence déterminante exercée par la société mère et serait l’expression du principe de proportionnalité. Selon la requérante, il apparaît disproportionné d’infliger à une société mère une amende pour une infraction commise par l’une de ses filiales si ladite société mère n’exerce une influence déterminante sur sa filiale que dans une mesure non essentielle et que cette dernière ne suit pas, pour l’essentiel, les instructions de sa société mère.

89 En l’espèce, le Tribunal n’aurait toutefois pas constaté que ST avait reçu et suivi pour l’essentiel les instructions de la requérante. Selon cette dernière, le Tribunal s’est contenté de constater, au point 470 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’une certaine autonomie de la filiale n’était pas incompatible avec l’appartenance de cette filiale à la même unité économique que sa société mère et, au point 471 de cet arrêt, que la stratégie générale de ST sur le marché des télécommunications slovaque était définie par la requérante. En ce qui concerne ce second constat, la requérante précise qu’il n’est pas étayé par les points 237 à 464 de l’arrêt attaqué auxquels se réfère le Tribunal au point 471 dudit arrêt. Selon elle, le Tribunal se contente, auxdits points, de constater des indices de l’exercice par celle-ci d’une influence déterminante sur ST, sans constater l’existence de la moindre instruction concrète qu’elle aurait donnée à ST.

90 Partant, la requérante considère que le Tribunal n’a pas constaté que les conditions du principe déterminant de l’imputabilité étaient remplies en l’espèce.

91 La requérante allègue également que le Tribunal a violé son obligation de motivation en n’exposant pas les raisons pour lesquelles il a considéré que ST avait, pour l’essentiel, suivi ses instructions.

92 La Commission considère, en substance, que le Tribunal n’a pas manqué à son devoir de motivation et n’a pas commis d’erreur lors de l’imputation de l’infraction de ST à la requérante, dès lors que ST ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché concerné par rapport à la requérante.

Appréciation de la Cour

93 Contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Cour n’a pas jugé que l’imputabilité du comportement d’une filiale à sa société mère dépend de la réunion des quatre conditions reprises au point 88 du présent arrêt.

94 Ainsi qu’il ressort du point 72 du présent arrêt, la possibilité d’imputer le comportement anticoncurrentiel d’une filiale à sa société mère constitue l’une des conséquences du choix des auteurs des traités d’utiliser la notion d’entreprise pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence susceptible d’être sanctionnée en application des articles 101 et 102 TFUE. En effet, ces personnes morales peuvent être considérées comme formant une unité économique du point de vue de l’objet des pratiques anticoncurrentielles visées par lesdites dispositions lorsque la société mère exerce un contrôle sur le comportement de sa filiale, auteure d’une infraction auxdites dispositions, sur le marché en cause. Dans de telles conditions, la séparation formelle entre la société mère et sa filiale, résultant de leur personnalité juridique distincte, ne peut s’opposer à l’unité de leur comportement sur le marché aux fins de l’application des articles 101 et 102 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, EU:C:1972:70, point 140).

95 Ledit contrôle peut, comme l’a également relevé M. l’avocat général au point 156 de ses conclusions, être démontré par la Commission soit en établissant que la société mère a la capacité d’exercer une influence déterminante sur le comportement de la filiale et qu’elle a en outre effectivement exercé cette influence (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 55, et du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission, C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 44), soit en prouvant que cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais qu’elle applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 26 octobre 2017, Global Steel Wire e.a./Commission, C‑457/16 P et C‑459/16 P à C‑461/16 P, non publié, EU:C:2017:819, point 83 ainsi que jurisprudence citée).

96 Ces deux voies probatoires dudit contrôle doivent être considérées comme étant non pas cumulatives, mais alternatives et donc équivalentes. Il peut tout au plus être considéré que l’application, par une filiale, des instructions données par sa société mère sur le marché concerné par les pratiques anticoncurrentielles en cause constitue potentiellement une forme d’influence déterminante exercée par cette dernière sur sa filiale et non, comme le soutient la requérante, une condition supplémentaire devant être démontrée par la Commission afin de pouvoir imputer le comportement de cette filiale à sa société mère.

97 Au vu de ce qui précède, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, en substance, aux points 470 et 471 de l’arrêt attaqué, que la requérante et ST formaient une unité économique durant la période infractionnelle au motif que, eu égard aux éléments figurant aux points 237 à 464 de l’arrêt attaqué, la requérante avait exercé une influence déterminante sur ST en définissant la stratégie générale de cette dernière sur le marché concerné. La preuve, par la Commission, que ST avait en outre suivi pour l’essentiel les instructions de la requérante n’était pas requise pour lui imputer l’infraction commise par ST.

98 Enfin, en ce que la requérante allègue que le Tribunal a manqué à son devoir de motivation, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 11 juillet 2013, Gosselin Group/Commission, C‑429/11 P, non publié, EU:C:2013:463, point 52 et jurisprudence citée).

99 En l’espèce, les motifs pour lesquels le Tribunal a considéré que le comportement abusif de ST pouvait être imputé à la requérante ressortent de façon claire et non équivoque des points 227 à 473 de l’arrêt attaqué. Ces motifs ont permis à la requérante de les contester devant la Cour et à cette dernière d’exercer son contrôle juridictionnel. Par conséquent, le grief tiré d’un défaut de motivation est non fondé.

100 Pour les motifs qui précèdent, le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

101 La requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 144 de l’arrêt attaqué, que son droit d’être entendue n’avait pas été violé en ce qui concerne le calcul de la compression des marges.

102 La requérante considère que, lors de la réunion du 29 septembre 2014, la Commission lui a fait part de trois nouveaux éléments, à savoir, premièrement, de nouveaux chiffres concernant les calculs de la compression des marges de ST, deuxièmement, la circonstance que la marge pour l’année 2005 était positive sur la base d’un calcul des marges année par année et, troisièmement, son intention d’appliquer au surplus une méthode pluriannuelle de calcul des marges lui permettant de conclure à l’existence d’une marge négative également pour l’année 2005. Selon la requérante, le Tribunal a reconnu la pertinence des deux derniers nouveaux éléments dans le cadre de la décision litigieuse, dans la mesure où c’est au regard de ceux-ci qu’il a partiellement fait droit au deuxième moyen avancé en première instance par la requérante, aux points 198 à 221 de l’arrêt attaqué.

103 Or, contrairement à ce qu’a décidé le Tribunal, la requérante soutient que le délai de 36 heures au total qui lui a été octroyé pour faire valoir son point de vue sur ces nouveaux éléments, qui ont ainsi été pris en compte dans la décision litigieuse, ne lui a pas permis de faire valoir utilement son point de vue. La requérante conteste également qu’il puisse être considéré qu’elle a eu connaissance de ceux-ci avant la réunion du 29 septembre 2014, au motif que ces mêmes éléments auraient été fournis par ST.

104 La Commission avance que le quatrième moyen est irrecevable au motif que la requérante n’avance pas ni n’établit que le Tribunal a dénaturé les faits sur la base desquels il a décidé que la requérante connaissait déjà les nouveaux éléments ayant été discutés lors de la réunion du 29 septembre 2014. Elle excipe également de l’irrecevabilité de l’argument de la requérante, avancé pour la première fois dans son mémoire en réplique, selon lequel la prise de connaissance par ST ne peut être assimilée à une prise de connaissance par la requérante. Enfin, la Commission estime le quatrième moyen non fondé notamment parce qu’elle avait donné aux parties la possibilité de s’exprimer lors de la réunion du 29 septembre 2014 et dans un délai court après celle-ci.

Appréciation de la Cour

105 Les droits de la défense sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect (arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, point 52 et jurisprudence citée). Ce principe général du droit de l’Union est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 28 et jurisprudence citée).

106 Dans le contexte du droit de la concurrence, le respect des droits de la défense implique que tout destinataire d’une décision constatant qu’il a commis une infraction aux règles de la concurrence doit avoir été mis en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances qui lui sont reprochés ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une telle infraction (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 41, ainsi que du 14 septembre 2017, LG Electronics et Koninklijke Philips Electronics/Commission, C‑588/15 P et C‑622/15 P, EU:C:2017:679, point 43).

107 En l’espèce, le Tribunal a décidé, au point 144 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense de la requérante en ne lui accordant qu’un bref délai pour formuler ses observations sur les éléments nouveaux portés à sa connaissance lors de la réunion d’information du 29 septembre 2014. Le Tribunal a, en effet, considéré que cette brièveté n’avait pas privé la requérante de la possibilité d’être utilement entendue compte tenu du fait, d’une part, que la réunion du 29 septembre 2014 s’était tenue à un stade très avancé de la procédure administrative et, d’autre part, qu’il était raisonnable de considérer que la requérante avait acquis à ce moment un degré élevé de connaissance du dossier.

108 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort expressément de ce point de l’arrêt attaqué, les considérations du Tribunal visées audit point revêtent un caractère surabondant. Aux points 123 à 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, à titre principal, en substance que les éléments en cause, portés à la connaissance de la requérante lors de la réunion d’information du 29 septembre 2014, résultaient de la prise en considération, par la Commission, de données, de calculs et de critiques méthodologiques formulées par ST elle-même avant cette réunion.

109 Or, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’un arrêt du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cet arrêt et sont donc inopérants (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 105, ainsi que du 17 octobre 2019, Alcogroup et Alcodis/Commission, C‑403/18 P, EU:C:2019:870, point 52). Partant, le quatrième moyen du pourvoi doit être déclaré inopérant.

110 Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle c’est non pas elle-même, mais ST qui a eu connaissance des éléments nouveaux en question avant la réunion du 29 septembre 2014. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission, C‑649/15 P, EU:C:2017:835, point 36 ainsi que jurisprudence citée). Il est également de jurisprudence constante qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non publié, EU:C:2012:455, point 97 ainsi que jurisprudence citée).

111 Or, la requérante n’a pas allégué ni démontré que le Tribunal avait dénaturé les faits lorsqu’il a considéré, aux points 18 et 21 de l’arrêt attaqué, que ST et la requérante avaient chacune répondu à la communication des griefs et à la lettre d’exposé des faits. Par ailleurs, la requérante n’a pas allégué ni démontré une dénaturation des faits aux points 133, 138 et 139 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a jugé, d’une part, que, dans la décision litigieuse, la Commission n’avait pas modifié son appréciation relative à la compression des marges en mettant à la charge de ST et de la requérante des faits sur lesquels celles-ci n’avaient pas eu l’occasion de s’exprimer et, d’autre part, que la prise en compte de l’analyse pluriannuelle pour l’établissement d’une compression des marges dans la décision litigieuse faisait suite à l’objection formulée par ST dans sa réponse à la communication des griefs à laquelle s’est ralliée la requérante elle-même, de sorte que l’analyse pluriannuelle n’a pas eu pour conséquence de retenir à la charge de la requérante et de ST des faits sur lesquels ces dernières n’ont pas eu l’occasion de s’expliquer.

112 Partant, l’appréciation du Tribunal selon laquelle la requérante et ST avaient connaissance des éléments nouveaux pris en considération par la Commission avant la réunion du 29 septembre 2014 doit être considérée comme un fait établi. Ledit fait étaie l’appréciation reprise au point 109 du présent arrêt.

113 Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant inopérant.

Sur la demande de pouvoir bénéficier d’un jugement favorable

114 La requérante demande de pouvoir bénéficier de l’accueil éventuel du moyen soulevé par ST à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑165/19 P contre l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission (T‑851/14, EU:T:2018:929), par lequel celle-ci allègue des erreurs commises lors du calcul des coûts moyens incrémentaux à long terme pour établir une compression abusive des marges de sa part. À l’appui de cette demande, la requérante invoque le fait d’avoir soulevé un moyen ayant le même objet devant le Tribunal et que les conditions que la Cour aurait énumérées dans l’arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29), seraient remplies en l’espèce.

115 La Commission soutient qu’il convient de rejeter une telle demande, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un moyen de pourvoi, que toutes les conditions visées par cette jurisprudence de la Cour ne sont pas réunies en l’espèce et que, en tout état de cause, le moyen soulevé par ST à l’appui de ce pourvoi doit être rejeté.

116 À cet égard, il suffit de constater que, par l’arrêt de ce jour, Slovak Telekom/Commission (C‑165/19 P), la Cour a rejeté le pourvoi de ST dans cette affaire, de sorte que la demande de la requérante est inopérante, faute d’objet.

117 Partant, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

Sur les dépens

118 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

119 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi conformément à l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

120 La requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens, elle supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Deutsche Telekom AG supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.