CJUE, 4e ch., 25 mars 2021, n° C-591/16 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
H. Lundbeck A/S, Lundbeck Ltd
Défendeur :
Commission européenne, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Vilaras
Juges :
M. Šváby (rapporteur), M. Rodin, Mme Jürimäe, M. Xuereb
Avocat général :
Mme Kokott
Avocats :
Me Subiotto, Me Kuhn, Me Carlin, Me Niejahr
LA COUR (quatrième chambre),
1 Par leur pourvoi, H. Lundbeck A/S et Lundbeck Ltd demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:449), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, d’une part, à l’annulation partielle de la décision C(2013) 3803 final de la Commission européenne, du 19 juin 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT/39226 – Lundbeck) (ci‑après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées par cette décision.
Le cadre juridique
Le règlement (CE) n° 1/2003
2 L’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit :
« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :
a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 ou 102 TFUE][...] »
Les lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006
3 Les points 6, 13 et 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les « lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006 ») énoncent :
« 6. [...] la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée [de l’infraction] est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique.
[...]
13. En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecteavec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’[Espace économique européen (EEE)]. La Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction (ci-après la “valeur des ventes”).
[...]
22. Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction. »
Les lignes directrices sur les accords de transfert de technologie de 2014
4 Le point 29 des lignes directrices concernant l’application de l’article 101 [TFUE] à des catégories d’accords de transfert de technologie (JO 2014, C 89, p. 3, ci-après les « lignes directrices sur les accords de transfert de technologie de 2014 ») est libellé en ces termes :
« En principe, les parties à un accord ne sont pas considérées comme des concurrents si elles sont dans une position de blocage unilatéral ou bilatéral. Il y a situation de blocage unilatéral lorsqu’un droit sur technologie ne peut pas être exploité sans enfreindre un autre droit sur technologie valable ou si une partie ne peut pas exercer ses activités d’une manière commercialement viable sur le marché en cause sans enfreindre le droit sur technologie valable de l’autre partie. Tel est par exemple le cas lorsqu’un droit sur technologie couvre une amélioration d’un autre droit sur technologie et que l’amélioration ne peut légalement être utilisée sans concession du droit sur technologie de base. Il y a situation de blocage bilatéral quand aucun des deux droits sur technologie ne peut être exploité sans enfreindre l’autre droit sur technologie valable ou qu’aucune partie ne peut exercer ses activités d’une manière commercialement viable sur le marché en cause sans empiéter sur le droit sur technologie valable de l’autre partie et que les parties doivent donc obtenir une licence ou une dérogation l’une de l’autre. Toutefois, en pratique, il peut y avoir des cas où on ne peut être certain qu’un droit sur technologie donné est valable et enfreint. »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
5 Le présent pourvoi s’inscrit dans le cadre de six pourvois connexes dirigés contre six arrêts du Tribunal prononcés à la suite de recours en annulation introduits contre la décision litigieuse, à savoir, outre le présent pourvoi, celui formé dans l’affaire C‑586/16 P [Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission] contre l’arrêt du 8 septembre 2016, Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (T-460/13, non publié, EU:T:2016:453), celui formé dans l’affaire C‑588/16 P [Generics (UK)/Commission] contre l’arrêt du 8 septembre 2016, Generics (UK)/Commission (T-469/13, non publié, EU:T:2016:454), celui formé dans l’affaire C‑601/16 P (Arrow Group et Arrow Generics/Commission) contre l’arrêt du 8 septembre 2016, Arrow Group et Arrow Generics/Commission (T-467/13, non publié, EU:T:2016:450), celui formé dans l’affaire C‑611/16 P (Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission) contre l’arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (T‑471/13, non publié, EU:T:2016:460), et celui formé dans l’affaire C‑614/16 P (Merck/Commission) contre l’arrêt du 8 septembre 2016, Merck/Commission (T-470/13, non publié, EU:T:2016:452).
6 Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 75 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :
« I – Sociétés en cause dans la présente affaire
1 H. Lundbeck A/S [...] est une société de droit danois qui contrôle un groupe de sociétés, dont Lundbeck Ltd, implantée au Royaume‑Uni, spécialisé dans la recherche, le développement, la production, le marketing, la vente et la distribution de produits pharmaceutiques pour le traitement de pathologies affectant le système nerveux central, dont la dépression.
2 [H. Lundbeck] est un laboratoire de princeps, à savoir une entreprise qui concentre son activité dans la recherche de nouveaux médicaments et dans la commercialisation de ceux-ci.
3 Merck KGaA est une société de droit allemand spécialisée dans le domaine pharmaceutique qui, au moment de la conclusion des accords concernés, détenait indirectement à 100 %, à travers le groupe Merck Generics Holding GmbH, sa filiale Generics UK Ltd (ci-après “GUK”), responsable du développement et de la commercialisation de produits pharmaceutiques génériques au Royaume-Uni.
4 Merck et GUK ont été considérées par la Commission [...] comme constituant une seule entreprise au sens du droit de la concurrence au moment des faits pertinents [ci-après “Merck (GUK)”].
5 Arrow Group A/S, rebaptisée Arrow Group ApS au mois d’août 2003 (ci‑après, sans distinction, “Arrow Group”), est une société de droit danois à la tête d’un groupe de sociétés, présent dans plusieurs États membres et actif depuis [l’année] 2001 dans le développement et la vente de médicaments génériques.
6 Arrow Generics Ltd est une société de droit du Royaume-Uni, filiale d’abord à 100 %, puis, à partir [du mois] de février 2002, à 76 %, d’Arrow Group.
7 Resolution Chemicals Ltd est une société de droit du Royaume-Uni spécialisée dans la production d’ingrédients pharmaceutiques actifs (ci‑après les “IPA”) pour des médicaments génériques. Jusqu’au mois de septembre 2009, elle était contrôlée par Arrow Group.
8 Arrow Group, Arrow Generics et Resolution Chemicals ont été considérées par la Commission comme constituant une seule entreprise (ci-après “Arrow”) au moment des faits pertinents.
9 Alpharma Inc. était une société de droit américain active à l’échelle mondiale dans le secteur pharmaceutique, notamment en ce qui concerne les médicaments génériques. Jusqu’[au mois de] décembre 2008, elle était contrôlée par la société de droit norvégien, A.L. Industrier AS. Par la suite, elle a été achetée par une entreprise pharmaceutique du Royaume-Uni, qui, à son tour, a été achetée par une entreprise pharmaceutique des États-Unis. Dans le cadre de ces restructurations, Alpharma Inc. est devenue, d’abord, [au mois d’]avril 2010, Alpharma LLC, puis, le 15 avril 2013, Zoetis Products LLC.
10 Alpharma ApS était une société de droit danois indirectement contrôlée à 100 % par Alpharma Inc. Elle disposait de plusieurs filiales dans l’[EEE]. À la suite de plusieurs restructurations, le 31 mars 2008, Alpharma ApS est devenue Axellia Pharmaceuticals ApS, rebaptisée en 2010 Xellia Pharmaceuticals ApS [...]
11 Alpharma Inc., A.L. Industrier AS et Alpharma ApS ont été considérées par la Commission comme constituant une seule entreprise (ci-après “Alpharma”) au moment des faits pertinents.
12 Ranbaxy Laboratories Ltd est une société de droit indien spécialisée dans le développement et la production d’IPA ainsi que de médicaments génériques.
13 Ranbaxy (UK) Ltd est une société de droit anglais, filiale de Ranbaxy Laboratories, chargée de la vente des produits de cette dernière au Royaume-Uni.
14 Ranbaxy Laboratories et Ranbaxy (UK) ont été considérées par la Commission comme constituant une seule entreprise (ci-après “Ranbaxy”) au moment des faits pertinents.
II – Produit concerné et brevets concernant celui-ci
15 Le produit concerné par la présente affaire est le médicament antidépresseur contenant l’IPA dénommé citalopram.
16 En 1977, [H. Lundbeck] a déposé au Danemark une demande de brevet sur l’IPA citalopram ainsi que sur les deux procédés d’alkylation et de cyanation utilisés pour produire ledit IPA. Des brevets couvrant cet IPA et ces deux procédés (ci‑après les [“brevets originaires de Lundbeck”]) ont été délivrés au Danemark et dans plusieurs pays de l’Europe occidentale entre [l’année] 1977 et [l’année] 1985.
17 En ce qui concerne l’EEE, la protection découlant des brevets originaires [de Lundbeck] ainsi que, le cas échéant, des certificats complémentaires de protection [...], prévus par le règlement (CEE) n° 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO [1992,] L 182, p. 1), a expiré entre [l’année] 1994 (pour l’Allemagne) et [l’année] 2003 (pour l’Autriche). En particulier, s’agissant du Royaume‑Uni, les brevets originaires [de Lundbeck] ont expiré [au mois de] janvier 2002.
18 Au fil du temps, [H. Lundbeck] a développé d’autres procédés plus efficaces pour produire du citalopram, pour lesquels elle a demandé, et souvent obtenu, des brevets dans plusieurs pays de l’EEE ainsi qu’auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’Office européen des brevets (OEB) [(ci-après les « nouveaux brevets de procédé de Lundbeck »)].
19 En particulier, premièrement, en 1998 et en 1999, [H. Lundbeck] a introduit auprès de l’OEB deux demandes de brevets concernant la production du citalopram par des procédés utilisant respectivement de l’iode et de l’amide. L’OEB a délivré à [H. Lundbeck] un brevet protégeant le procédé utilisant l’amide [...] le 19 septembre 2001 et un brevet protégeant le procédé utilisant l’iode [...] le 26 mars 2003.
20 Deuxièmement, le 13 mars 2000, [H. Lundbeck] a déposé une demande de brevet auprès des autorités danoises concernant un procédé de production du citalopram qui prévoyait une méthode de purification des sels utilisés par le biais d’une cristallisation. Des demandes analogues ont été introduites auprès d’autres pays de l’EEE ainsi qu’auprès de l’OMPI et de l’OEB. [H. Lundbeck] a obtenu des brevets protégeant le procédé utilisant la cristallisation dans plusieurs États membres au cours de la première moitié de l’année 2002, notamment le 30 janvier 2002 en ce qui concerne le Royaume-Uni (ci-après le “brevet sur la cristallisation”). L’OEB a délivré un brevet sur la cristallisation le 4 septembre 2002. Par ailleurs, aux Pays‑Bas, [H. Lundbeck] avait déjà obtenu, le 6 novembre 2000, un modèle d’utilité concernant ce procédé [...], soit un brevet valable six ans, concédé sans véritable examen préalable.
21 Troisièmement, le 12 mars 2001, [H. Lundbeck] a déposé une demande de brevet auprès des autorités du Royaume-Uni [de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord] concernant un procédé de production du citalopram qui prévoyait une méthode de purification des sels utilisés par le biais d’une distillation en film. Les autorités du Royaume-Uni ont concédé à [H. Lundbeck] un brevet portant sur ladite méthode de distillation en film le 3 octobre 2001 (ci‑après le “brevet sur la distillation en film”). Cependant, ce brevet a été révoqué pour défaut de nouveauté par rapport à un autre brevet de [H. Lundbeck] le 23 juin 2004. [H. Lundbeck] a obtenu un brevet analogue au Danemark le 29 juin 2002.
22 Enfin, [H. Lundbeck] envisageait de lancer un nouveau médicament antidépresseur, le Cipralex, fondé sur l’IPA dénommé escitalopram (ou S‑citalopram), pour la fin de l’année 2002 ou le début de l’année 2003. Ce nouveau médicament visait les mêmes patients que ceux susceptibles d’être soignés par le médicament breveté Cipramil de [H. Lundbeck], fondé sur l’IPA citalopram. L’IPA escitalopram était protégé par des brevets valables jusqu’en 2012, à tout le moins.
III – Accords litigieux
23 Au cours de l’année 2002, [H. Lundbeck] a conclu six accords concernant le citalopram (ci-après les “accords litigieux”) avec quatre entreprises actives dans la production ou dans la vente de médicaments génériques, à savoir Merck (GUK), Alpharma, Arrow et Ranbaxy (ci-après les “[fabricants de médicaments] génériques”).
A – Accords avec Merck (GUK)
24 [H. Lundbeck] a conclu deux accords avec Merck (GUK).
25 Le premier accord a pris effet le 24 janvier 2002, initialement pour une durée d’un an, et couvrait uniquement le territoire du Royaume-Uni (ci‑après l’“accord GUK pour le Royaume‑Uni”). Il a été signé par la filiale au Royaume‑Uni de [H. Lundbeck], c’est-à-dire la société de droit du Royaume‑Uni, Lundbeck Ltd. Cet accord a [par la suite] été prorogé pour une période de six mois se terminant le 31 juillet 2003. [A]près une brève entrée de Merck (GUK) sur le marché entre le 1er et le 4 août, une deuxième prorogation de l’accord a été signée par les parties le 6 août 2003, pour une durée maximale de six mois, mais pouvant être écourtée en cas d’absence d’action en justice de [H. Lundbeck] contre d’autres [fabricants de médicaments] génériques qui tenteraient d’entrer sur le marché ou à l’issue du litige entre [H. Lundbeck] et Lagap Pharmaceuticals Ltd, [un autre fabricant de médicaments] génériques (ci‑après le “litige Lagap”).
26 Aux termes de cet accord, il est prévu par les parties notamment que :
– il y a un risque que certaines actions envisagées par GUK concernant la commercialisation, la distribution et la vente des “Produits” puissent constituer une infraction aux droits de propriété intellectuelle de [H. Lundbeck] et qu’elles puissent donner lieu à des revendications de la part de celle-ci (point 2.1 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni), ces “Produits” étant définis au point 1.1 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni comme étant les “produits de citalopram développés par GUK sous forme de matière première, en vrac ou sous forme de comprimés tels que spécifiés en Annexe et manufacturés en conformité avec la spécification de produits telle que fournie par GUK à la date de signature, jointe en Annexe 2” ;
– compte tenu de l’accord intervenu entre les parties, [H. Lundbeck] paiera à GUK un montant de 2 millions de livres sterling (GBP), en échange de la livraison des “Produits”, dans les quantités prévues par l’accord, à la date du 31 janvier 2002 (point 2.2 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni) ;
– GUK s’engage en outre, en échange d’un paiement supplémentaire de 1 million de GBP, à livrer les “Produits” tels que spécifiés dans [l’Annexe] à la date du 2 avril 2002 (point 2.3 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni) ;
– les paiements effectués et la livraison des “Produits” par GUK en application des points 2.2 et 2.3 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni constitueront une résolution complète et finale de toute revendication que [H. Lundbeck] pourrait avoir contre GUK pour avoir enfreint ses droits de propriété intellectuelle en ce qui concerne les “Produits” livrés par GUK jusqu’à cette date (point 2.4 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni) ;
– [H. Lundbeck] s’engage à vendre ses “Produits Finis” à GUK et GUK s’engage à acheter exclusivement ces “Produits Finis” auprès de [H. Lundbeck] en vue de leur revente par GUK et ses affiliés au Royaume‑Uni pendant la durée et selon les termes de l’accord (point 3.2 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni), ces “Produits Finis” étant définis au point 1.1 de l’accord comme étant “les produits contenant du citalopram sous forme de produits finis à fournir par [H. Lundbeck] à GUK conformément au présent accord” ;
– [H. Lundbeck] s’engage à payer un montant de 5 millions de GBP de profits nets garantis à GUK, à condition que GUK lui commande le volume de “Produits Finis” convenu pendant la durée de l’accord (ou un montant moindre à calculer au prorata des commandes effectuées) (point 6.2 de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni).
27 La première prorogation de l’accord prévoyait notamment le paiement d’un montant de 400 000 GBP par mois pour l’exécution par GUK du point 6.2 de l’accord GUK pour le Royaume-Uni et modifiait la définition de “profits nets”.
28 La seconde prorogation de l’accord GUK pour le Royaume‑Uni prévoyait notamment le paiement d’un montant de 750 000 GBP par mois pour l’exécution par GUK de l’article 6.2 de cet accord.
29 L’accord GUK pour le Royaume‑Uni a expiré le 1er novembre 2003, à la suite du règlement à l’amiable du litige Lagap. Au total, pendant toute la durée de l’accord, [H. Lundbeck] a transféré l’équivalent de 19,4 millions d’euros à GUK.
30 Un second accord a été conclu entre [H. Lundbeck] et GUK le 22 octobre 2002, couvrant l’EEE à l’exception du Royaume-Uni (ci‑après l’“accord GUK pour l’EEE”). Cet accord prévoyait le paiement d’un montant de 12 millions d’euros, en échange duquel GUK s’engageait à ne pas vendre ou fournir de produits pharmaceutiques contenant du citalopram sur tout le territoire de l’EEE (à l’exception du Royaume‑Uni) et à entreprendre tous les efforts raisonnables afin que Natco Pharma Ltd [...], le producteur de l’IPA citalopram utilisé par Merck (GUK) pour commercialiser sa version du citalopram générique [...], cessât de fournir le citalopram ou des produits contenant du citalopram dans l’EEE pendant la durée de l’accord (points 1.1 et 1.2 de l’accord GUK pour l’EEE). [H. Lundbeck] s’engageait à ne pas intenter d’actions en justice contre GUK, à condition que celle-ci respectât ses obligations en vertu du point 1.1 de l’accord GUK pour l’EEE (point 1.3 de l’accord GUK pour l’EEE).
31 L’accord GUK pour l’EEE a expiré le 22 octobre 2003. Au total, [H. Lundbeck] a transféré l’équivalent de 12 millions d’euros à GUK en vertu de cet accord.
B – Accords avec Arrow
32 [H. Lundbeck] a signé deux accords avec Arrow.
33 Le premier de ceux-ci, concernant le territoire du Royaume‑Uni, a été conclu le 24 janvier 2002 entre [H. Lundbeck], d’une part, et Arrow Generics et Resolution Chemicals (ci‑après, prises ensembles, “Arrow UK”), d’autre part (ci‑après l’“accord Arrow UK”).
34 L’accord Arrow UK avait initialement une durée allant jusqu’au 31 décembre 2002 ou, si elle avait été antérieure, jusqu’à la date à laquelle il y aurait eu une décision de justice devenue définitive sur l’action que [H. Lundbeck] avait l’intention d’introduire contre Arrow UK devant les juridictions du Royaume‑Uni à l’égard de la prétendue contrefaçon commise par cette dernière sur ses brevets (ci‑après l’“action en contrefaçon Arrow”) (point 4.1 de l’accord Arrow UK). Ensuite, cet accord a été prorogé, à deux reprises, par la signature d’addenda. La première prorogation couvrait la période comprise entre le 1er janvier et le 1er mars 2003 (point 3.1 du premier addendum à l’accord Arrow UK), alors que la seconde prévoyait que cet accord prît fin soit le 31 janvier 2004, soit sept jours après la signature de la décision de justice mettant fin au litige Lagap (point 4.1 du second addendum à l’accord Arrow UK). Ce litige ayant été réglé à l’amiable le 13 octobre 2003, l’accord Arrow UK a pris fin le 20 octobre suivant. Il s’ensuit que la durée globale de cet accord s’est étendue du 24 janvier 2002 au 20 octobre 2003 (ci-après la “durée de l’accord Arrow UK”).
35 En ce qui concerne le contenu de l’accord Arrow UK, il convient de relever que :
– le premier considérant du préambule de cet accord (ci‑après le “préambule Arrow UK”) se réfère notamment au fait que [H. Lundbeck] est titulaire [du brevet] sur la cristallisation et [du brevet] sur la distillation en film ;
– le quatrième considérant du préambule Arrow UK précise qu’“Arrow [UK] a obtenu une licence auprès d’une tierce partie pour importer au Royaume-Uni du citalopram non fabriqué par [H. Lundbeck] ou avec l’autorisation de [H. Lundbeck] ‘ledit Citalopram’, une telle définition incluant, pour éviter tout doute, seulement le Citalopram destiné au marketing et à la vente au Royaume‑Uni et excluant celui destiné au marketing et à la vente dans d’autres pays)” ;
– le sixième considérant du préambule Arrow UK indique que [H. Lundbeck] a soumis “ledit Citalopram” à des tests de laboratoire qui lui ont donné des raisons substantielles de croire que celui-ci contrefaisait notamment les brevets mentionnés au premier tiret ci-dessus ;
– le septième considérant du préambule Arrow UK expose qu’Arrow UK n’admet pas avoir violé ces brevets, ni que ceux-ci soient valides, mais accepte que [H. Lundbeck] ait de telles convictions, qu’Arrow UK ne peut pas démentir par des preuves irréfutables ;
– le huitième considérant du préambule Arrow UK rappelle que [H. Lundbeck] a menacé de demander l’adoption d’une injonction provisoire et qu’elle a l’intention d’introduire l’action en contrefaçon Arrow ;
– le point 1.1 de cet accord prévoit qu’“Arrow [UK], en son propre nom et au nom de toutes les entités associées et liées, s’engage à ne pas, pendant la [durée de l’accord Arrow UK] et sur le territoire du Royaume‑Uni, fabriquer, céder, proposer de céder, utiliser ou, après la seconde date de livraison, importer ou conserver pour cession ou autre finalité, (1) [‘]ledit Citalopram[’] ou (2) tout autre citalopram qui, selon [H. Lundbeck], enfreint ses droits de propriété [intellectuelle], et, pour permettre à [H. Lundbeck] de déterminer l’existence ou non d’une infraction, à fournir à celle-ci pendant la [durée de l’accord Arrow UK] suffisamment d’échantillons à des fins d’analyse, au moins un mois avant toute fabrication, importation, vente ou offre de vente qu’Arrow [UK] menacerait d’effectuer dans l’attente d’une décision finale non susceptible de recours dans [le cadre de l’action en contrefaçon Arrow…]” ;
– le point 1.2 de cet accord fait état du consentement d’Arrow UK à ce que les engagements de sa part visés au point 1.1 de l’accord Arrow UK soient repris dans une ordonnance dont [H. Lundbeck] demandera l’adoption par la juridiction du Royaume-Uni compétente ;
– le point 2.1 de cet accord rappelle que [H. Lundbeck] introduira l’action en contrefaçon Arrow dès que possible et en tout cas pas plus tard que le 31 mars 2002 ;
– le point 2.2 de cet accord stipule que, compte tenu des engagements visés au point 1.1 de l’accord Arrow UK et du fait qu’Arrow UK ne demandera pas de “cross-undertaking in damages” (montant que, conformément au droit anglais, [H. Lundbeck] aurait dû déposer devant la juridiction si elle avait demandé l’adoption d’une injonction dans le cadre de l’action en contrefaçon Arrow), [H. Lundbeck] verse à Arrow UK 5 millions de GBP, en quatre tranches, cette somme ayant été [par la suite] augmentée de 450 000 GBP, en vertu du point 2.1 du premier addendum à l’accord Arrow UK, et de 1,350 million de GBP, en application des points 2.1 et 3 du second addendum à cet accord ;
– le point 2.3 de cet accord établit que, dans l’hypothèse où une décision finale dans le cadre de l’action en contrefaçon Arrow constaterait qu’Arrow UK n’avait pas enfreint les droits de propriété intellectuelle de [H. Lundbeck], le montant prévu au point 2.2 de cet accord constituerait l’indemnisation complète qu’Arrow UK pourrait obtenir de [H. Lundbeck] pour les pertes qu’elle aurait subies en raison des obligations découlant du point 1.1 de l’accord Arrow UK ;
– le point 3.4 de l’accord prévoit qu’Arrow UK livre à [H. Lundbeck] son stock “dudit citalopram” en deux étapes, dont la première, portant sur environ 3,975 millions de comprimés en boîte, doit avoir lieu au plus tard le 6 février 2002 et la seconde, portant sur environ 1,1 million de comprimés en vrac, au plus tard le 15 février 2002.
36 Par ailleurs, il convient de préciser que, le 6 février 2002, [H. Lundbeck] a obtenu l’ordonnance visée au point 1.2 de l’accord Arrow UK [...]
37 Le second accord, concernant le territoire du Danemark, a été conclu le 3 juin 2002 entre [H. Lundbeck] et Arrow Group (ci-après l’“accord Arrow danois”).
38 L’accord Arrow danois a été conçu avec une durée allant de la date de sa signature, le 3 juin 2002, jusqu’au 1er avril 2003 ou, si elle avait été inférieure, jusqu’à la date à laquelle il y aurait eu une décision de justice devenue définitive sur l’action en contrefaçon Arrow. Une telle décision n’étant pas intervenue, ledit accord a été en vigueur du 3 juin 2002 au 1er avril 2003 [...]
39 En ce qui concerne le contenu de l’accord Arrow danois, il convient de relever que :
– les premier, troisième et cinquième à neuvième considérants de son préambule correspondent, en substance, aux premier, quatrième et sixième à huitième considérants du préambule Arrow UK, étant précisé que le neuvième considérant du préambule Arrow danois se réfère à l’ordonnance [visée au point 1.2 de l’accord Arrow UK] ;
– le point 1.1 de cet accord prévoit qu’“Arrow [Group] accepte d’annuler et de cesser toute importation, fabrication, production, vente ou autre commercialisation de produits contenant du citalopram enfreignant, selon [H. Lundbeck], les droits de propriété intellectuelle de celle-ci sur le territoire [danois] pendant la durée [de l’accord Arrow danois]” ;
– le point 2.1 de cet accord stipule que, en tant que compensation pour les engagements assumés par Arrow Group, [H. Lundbeck] verse à cette dernière la somme de 500 000 dollars des États-Unis (USD) ;
– le point 2.2 de cet accord établit que, dans l’hypothèse où une décision finale dans le cadre de l’action en contrefaçon Arrow constaterait qu’Arrow Group n’avait pas enfreint les droits de propriété intellectuelle de [H. Lundbeck], le montant prévu au point 2.1 de cet accord constituerait l’indemnisation complète qu’Arrow Group pourrait obtenir de [H. Lundbeck] pour les pertes qu’elle aurait subies en raison des obligations découlant du point 1.1 de l’accord Arrow danois ;
– le point 3.1 de cet accord ajoute que [H. Lundbeck] achète au prix de 147 000 USD le stock de citalopram d’Arrow Group, consistant en environ 1 million de comprimés.
C – Accord avec Alpharma
40 [H. Lundbeck] a signé un accord avec Alpharma le 22 février 2002 (ci‑après l’“accord Alpharma”), pour la période allant de cette date au 30 juin 2003 [...]
41 Avant la conclusion de cet accord, au mois de janvier 2002, Alpharma avait acheté auprès de Alfred E. Tiefenbacher GmbH & Co.[...] un stock de comprimés de citalopram générique développé à partir de l’IPA citalopram, produits par la société indienne Cipla à l’aide de ses procédés [...], et elle en avait commandé d’autres.
42 À propos du préambule de l’accord Alpharma, il convient de relever, notamment, que :
– le premier considérant rappelle que “[H. Lundbeck] est titulaire de droits de propriété intellectuelle qui incluent, en particulier, des brevets concernant la production [...] de l’IPA du ‘Citalopram’ (écrit avec un ‘c’ majuscule dans l’ensemble du texte de l’accord), qui incluent les brevets repris dans l’annexe A” de cet accord [...] ;
– le deuxième considérant indique que [H. Lundbeck] produit et vend des produits pharmaceutiques contenant du “Citalopram” dans tous les États membres ainsi qu’en Norvège et en Suisse, ces pays étant, dans leur ensemble, définis en tant que le “Territoire” ;
– les troisième et quatrième considérants mentionnent le fait qu’Alpharma a produit ou acheté des produits pharmaceutiques contenant du “Citalopram” dans le “Territoire”, et ce sans le consentement de [H. Lundbeck] ;
– les cinquième et sixième considérants font état du fait que les produits d’Alpharma ont été soumis par [H. Lundbeck] à des tests de laboratoire dont les résultats ont donné à cette dernière des raisons substantielles de croire que les méthodes de production utilisées pour réaliser ces produits violaient ses droits de propriété intellectuelle ;
– le septième considérant rappelle que, le 31 janvier 2002, [H. Lundbeck] a introduit une action auprès d’une juridiction du Royaume-Uni (ci‑après l’“action en contrefaçon contre Alpharma”) afin d’obtenir une injonction “contre les ventes par Alpharma de produits contenant du Citalopram pour violation des droits de propriété intellectuelle de [H. Lundbeck]” ;
– le huitième considérant indique qu’Alpharma reconnaît que les constatations de [H. Lundbeck] sont correctes et s’engage à ne pas mettre sur le marché “de tels produits” ;
– les neuvième et dixième considérants précisent que [H. Lundbeck] :
– “convient de verser à Alpharma une compensation afin de pouvoir éviter un litige en matière de brevets” dont l’issue ne pourrait pas être prévue avec une certitude absolue et qui serait coûteux et chronophage ;
– “convient, afin de résoudre le litige, d’acheter à Alpharma son stock entier de produits contenant du Citalopram et de verser à celle-ci une compensation pour ces produits”.
43 En ce qui concerne le corps de l’accord Alpharma, il convient de relever, notamment, que :
– le point 1.1 stipule qu’Alpharma et ses filiales “annulent, arrêtent et s’abstiennent de toute importation, [...] production [...] ou vente de produits pharmaceutiques contenant du Citalopram dans le Territoire [...] pendant la [période pertinente]” et que [H. Lundbeck] retire l’action en contrefaçon contre Alpharma ;
– ce même point précise qu’il ne s’applique pas à l’escitalopram ;
– le point 1.2 prévoit que, “[e]n cas de toute violation de l’obligation établie au [point 1.1] ou à la demande de [H. Lundbeck], Alpharma [...] se soumettra volontairement à une injonction provisoire de la part de n’importe quelle juridiction compétente dans n’importe quel pays du Territoire” et que [H. Lundbeck] pourra obtenir une telle injonction sans fournir de dépôt de garantie ;
– le point 1.3 précise que, à titre de compensation pour les obligations prévues dans cet accord et afin d’éviter les frais et la durée du contentieux, [H. Lundbeck] paie à Alpharma la somme de 12 millions d’USD, dont 11 millions pour les produits d’Alpharma contenant du “Citalopram”, en trois tranches de 4 millions chacune, à verser respectivement le 31 mars 2002, le 31 décembre 2002 et le 30 juin 2003 ;
– le point 2.2 établit que, au plus tard le 31 mars 2002, Alpharma livre à [H. Lundbeck] l’entièreté du stock de produits contenant du “Citalopram” dont elle disposerait à cette date, à savoir les 9,4 millions de comprimés déjà en sa possession lors de la conclusion de l’accord Alpharma et les 16 millions de comprimés qu’elle avait commandés.
44 L’annexe A [de l’accord Alpharma] contient une liste de 28 demandes de droits de propriété intellectuelle introduites par [H. Lundbeck] avant la signature de [cet accord], dont neuf avaient déjà abouti à ladite date. Ces droits de propriété intellectuelle concernaient les procédés pour produire l’IPA du citalopram visés par [le brevet] sur la cristallisation et [le brevet] sur la distillation en film.
45 Par ailleurs, il convient de préciser que, le 2 mai 2002, une juridiction du Royaume‑Uni a rendu une ordonnance par consentement prévoyant que la procédure dans l’action en contrefaçon contre Alpharma fût suspendue en raison de la conclusion d’un accord entre [H. Lundbeck] et, notamment, Alpharma, selon lequel cette dernière et ses filiales “annul[ai]ent, arrêt[ai]ent et s’abst[enai]ent de toute importation, [...] production [...] ou vente, dans les [États membres], en Norvège et en Suisse (‘les Territoires Pertinents’), de produits pharmaceutiques contenant du citalopram fabriqué par l’emploi des procédés revendiqués dans [le brevet sur la cristallisation et le brevet sur la distillation en film octroyés par les autorités du Royaume-Uni] ou dans tout autre brevet équivalent obtenu ou demandé dans les Territoires Pertinents jusqu’au 30 juin 2002” [...]
D – Accord avec Ranbaxy
46 [H. Lundbeck] a signé un accord avec Ranbaxy Laboratories le 16 juin 2002 (ci‑après l’“accord Ranbaxy”), pour une durée de 360 jours. En vertu d’un addendum signé le 19 février 2003 (ci‑après l’“addendum Ranbaxy”), cet accord a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2003. La durée globale de celui-ci est dès lors comprise entre le 16 juin 2002 et le 31 décembre 2003 [...]
47 Aux termes du préambule de l’accord Ranbaxy (ci‑après le “préambule Ranbaxy”) :
– Ranbaxy Laboratories a demandé en Inde deux brevets de procédé concernant le citalopram et a produit des médicaments contenant du citalopram avec l’intention de les mettre sur le marché, notamment dans l’EEE (deuxième et troisième considérants du préambule Ranbaxy ainsi qu’annexe A de l’accord Ranbaxy) ;
– [H. Lundbeck] a soumis à des tests de laboratoire ce citalopram et en a conclu que les procédés utilisés violaient le brevet sur l’amide et le brevet sur l’iode [mentionnés au point 19 de l’arrêt attaqué], ce dernier [brevet] n’ayant pas encore été concédé (voir point 19 [de l’arrêt attaqué]), alors que Ranbaxy Laboratories conteste l’existence de telles violations (cinquième à huitième considérants du préambule Ranbaxy) ;
– [H. Lundbeck] et Ranbaxy Laboratories sont parvenues à un accord afin d’éviter un litige en matière de brevets qui serait coûteux et chronophage et dont l’issue ne pourrait pas être prévue avec une certitude absolue (neuvième considérant du préambule).
48 Aux termes de l’accord Ranbaxy, notamment, est indiqué ce qui suit :
– “[s]ous réserve des conditions et des paiements de la part de [H. Lundbeck] prévus dans [cet accord], Ranbaxy Laboratories ne revendique aucun droit sur la [d]emande de [b]revet [visée dans le préambule de celui-ci] ou sur toute méthode de production utilisée par Ranbaxy Laboratories et annule, arrête et renonce à la fabrication ou à la vente de produits pharmaceutiques fondés sur celles-ci [notamment dans l’EEE] pendant la durée de cet accord” (point 1.1 de l’accord Ranbaxy et point 1.0 de l’addendum Ranbaxy) ;
– “en cas de violation des obligations prévues au point 1.1 ou à la demande de [H. Lundbeck]”, Ranbaxy Laboratories et Ranbaxy (UK) acceptent de se soumettre aux injonctions provisoires adoptées par les juridictions nationales compétentes sans que [H. Lundbeck] doive fournir aucun dépôt de garantie ou aucun engagement autre que ceux découlant de cet accord (point 1.2 de l’accord Ranbaxy) ;
– compte tenu de l’accord intervenu entre les parties, [H. Lundbeck] paie à Ranbaxy Laboratories un montant de 9,5 millions d’USD, par tranches échelonnées pendant la période pertinente (point 1.3 de l’accord Ranbaxy et point 2.0 de l’addendum Ranbaxy) ;
– [H. Lundbeck] vend à Ranbaxy Laboratories ou à Ranbaxy (UK) des comprimés de citalopram, avec une remise de 40 % sur le prix hors usine, afin que celles‑ci les vendent sur le marché du Royaume-Uni (point 1.3 et annexe B de l’accord Ranbaxy) ;
– [H. Lundbeck] et Ranbaxy Laboratories s’engagent à ne pas introduire d’actions en justice l’une contre l’autre fondées sur n’importe quel brevet visé plus haut dans l’accord lui‑même (point 1.4 de l’accord Ranbaxy).
IV – Démarches de la Commission dans le secteur pharmaceutique et procédure administrative
49 Au mois d’octobre 2003, la Commission a été informée par le Konkurrence- og Forbrugerstyrelsen (KFST, autorité de la concurrence et des consommateurs danoise) de l’existence des accords [litigieux].
50 Dès lors que la plupart de ceux-ci concernaient l’ensemble de l’EEE ou, en tout état de cause, d’autres États membres que le Royaume du Danemark, il a été convenu que la Commission examinerait leur compatibilité avec le droit de la concurrence tandis que le KFST ne poursuivrait pas l’étude de cette question.
51 Entre [l’année] 2003 et [l’année] 2006, la Commission a effectué des inspections au sens de l’article 20, paragraphe 4, du règlement [n° 1/2003], auprès de [H. Lundbeck] et d’autres sociétés actives dans le secteur pharmaceutique. Elle a également envoyé à [H. Lundbeck] et à une autre société des demandes de renseignements au sens de l’article 18, paragraphe 2, dudit règlement.
52 Le 15 janvier 2008, la Commission a adopté la décision portant ouverture d’une enquête concernant le secteur pharmaceutique, conformément à l’article 17 du règlement n° 1/2003 (affaire COMP/D2/39514). L’article unique de cette décision précisait que l’enquête à mener concernerait l’introduction sur le marché de médicaments innovants et génériques à usage humain.
53 Le 8 juillet 2009, la Commission a adopté une communication ayant pour objet la synthèse de son rapport d’enquête sur le secteur pharmaceutique. Cette communication comportait, dans une annexe technique, la version intégrale dudit rapport d’enquête, sous la forme d’un document de travail de la Commission, disponible uniquement en [langue anglaise].
54 Le 7 janvier 2010, la Commission a engagé la procédure formelle à l’égard de [H. Lundbeck].
55 Au cours de l’année 2010 et du premier semestre de l’année 2011, la Commission a envoyé des demandes de renseignements à [H. Lundbeck] et aux autres sociétés qui étaient parties aux accords litigieux.
56 Le 24 juillet 2012, la Commission a engagé une procédure à l’égard des sociétés qui étaient parties aux accords litigieux et leur a envoyé une communication des griefs ainsi qu’à [H. Lundbeck].
[...]
60 Le 19 juin 2013, la Commission a adopté la décision [litigieuse].
V – Décision [litigieuse]
61 Par la décision [litigieuse], la Commission a considéré que les accords litigieux constituaient des restrictions de la concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord [sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3)] (article 1er, paragraphe 1, de la décision [litigieuse]).
62 Les deux accords conclus entre Merck (GUK) et [H. Lundbeck] ont été considérés comme constituant une infraction unique et continue s’étendant du 24 janvier 2002 au 1er novembre 2003.
63 Ainsi que cela résulte du résumé figurant aux considérants 824 et 874 de la décision [litigieuse], la Commission s’est fondée, notamment, sur les éléments suivants, à cet égard :
– au moment de la conclusion des accords, [H. Lundbeck] et Merck (GUK) étaient à tout le moins des concurrents potentiels au Royaume-Uni et dans l’EEE et des concurrents effectifs au Royaume-Uni avant la seconde prorogation de l’accord UK ;
– [H. Lundbeck] a effectué un transfert de valeur important au profit de Merck (GUK) en vertu de ces accords ;
– ce transfert de valeur était lié à l’acceptation par Merck (GUK) de limitations à l’entrée sur le marché contenues dans lesdits accords, en particulier à son engagement de ne pas vendre [l’IPA citalopram produit par Natco Pharma] ou tout autre citalopram générique au Royaume-Uni et dans l’EEE pendant la durée pertinente de ces accords ;
– ce transfert de valeur correspondait environ aux profits que Merck (GUK) espérait réaliser si elle était entrée avec succès sur le marché ;
– [H. Lundbeck] n’aurait pas pu obtenir de telles limitations en invoquant ses brevets de procédé, étant donné que les obligations pesant sur Merck (GUK) en vertu de ces accords allaient au-delà des droits conférés aux titulaires de brevets de procédé ;
– ces accords ne prévoyaient aucun engagement de la part de [H. Lundbeck] de s’abstenir d’introduire des actions en contrefaçon contre Merck (GUK) dans l’hypothèse où cette dernière serait entrée sur le marché avec du citalopram générique après l’expiration de ceux‑ci.
64 Les deux accords conclus entre Arrow et [H. Lundbeck] ont été considérés comme constituant une infraction unique et continue s’étendant du 24 janvier 2002 au 20 octobre 2003.
65 Ainsi que cela résulte des résumés figurant aux considérants 962 et 1013 de la décision [litigieuse], relatifs respectivement à l’accord Arrow UK et à l’accord Arrow danois, la Commission s’est fondée, notamment, sur les éléments suivants :
– au moment de la conclusion de ces accords, [H. Lundbeck] et Arrow étaient des concurrents à tout le moins potentiels au Royaume-Uni et au Danemark ;
– [H. Lundbeck] a effectué un transfert de valeur important au profit d’Arrow en vertu de ces accords ;
– ce transfert de valeur était lié à l’acceptation par Arrow des limitations à son entrée sur le marché du citalopram au Royaume-Uni et au Danemark contenues dans lesdits accords, en particulier à l’engagement d’Arrow de ne pas vendre de citalopram générique, que [H. Lundbeck] considérait comme contrefaisant ses brevets, et ce pendant les durées respectives de ces accords ;
– ce transfert de valeur correspondait en substance aux profits qu’Arrow aurait pu obtenir si elle était entrée sur le marché avec succès ;
– [H. Lundbeck] n’aurait pas pu obtenir de telles limitations grâce à l’application de ses nouveaux brevets, étant donné que les obligations pesant sur Arrow en vertu de ces accords allaient au-delà des droits conférés au titulaire de brevets de procédé ;
– ces accords ne prévoyaient aucun engagement de la part de [H. Lundbeck] de s’abstenir d’introduire des actions en contrefaçon contre Arrow dans l’hypothèse où cette dernière, après l’expiration de l’un ou de l’autre de ces accords, serait entrée sur le marché du Royaume‑Uni ou sur celui du Danemark avec du citalopram générique.
66 En ce qui concerne l’accord Alpharma, ainsi que cela résulte du résumé figurant au considérant 1087 de la décision [litigieuse], la Commission s’est fondée, notamment, sur les éléments suivants :
– au moment de la conclusion de cet accord, [H. Lundbeck] et Alpharma étaient des concurrents à tout le moins potentiels dans plusieurs pays de l’EEE ;
– [H. Lundbeck] a effectué un transfert de valeur important au profit d’Alpharma en vertu de cet accord ;
– ce transfert de valeur était lié à l’acceptation par Alpharma des limitations apportées à son entrée sur le marché contenues dans ledit accord, en particulier à l’engagement d’Alpharma de ne vendre aucun citalopram générique dans l’EEE pendant la période pertinente ;
– ce transfert de valeur correspondait en substance aux profits [qu’]Alpharma aurait pu obtenir si elle était entrée sur le marché avec succès ;
– [H. Lundbeck] n’aurait pas pu obtenir de telles limitations grâce à l’application [du brevet] sur la cristallisation et [du brevet] sur la distillation en film, étant donné que les obligations pesant sur Alpharma en vertu de cet accord allaient au-delà des droits conférés au titulaire de brevets de procédé ;
– l’accord ne prévoyait aucun engagement de la part de [H. Lundbeck] de s’abstenir d’introduire des actions en contrefaçon contre Alpharma dans l’hypothèse où cette dernière serait entrée sur le marché avec du citalopram générique après l’expiration de celui-ci.
67 En ce qui concerne l’accord Ranbaxy, ainsi que cela résulte du résumé figurant au considérant 1174 de la décision [litigieuse], la Commission s’est fondée, notamment, sur les éléments suivants :
– au moment de la conclusion de cet accord, [H. Lundbeck] et Ranbaxy étaient des concurrents à tout le moins potentiels au sein de l’EEE ;
– [H. Lundbeck] a effectué un transfert de valeur important au profit de Ranbaxy en vertu de cet accord ;
– ce transfert de valeur était lié à l’acceptation par Ranbaxy des limitations à son entrée sur le marché contenues dans ledit accord, en particulier à l’engagement de Ranbaxy de ne pas produire et de ne pas vendre son citalopram dans l’EEE pendant la période pertinente, que ce fût au moyen de ses propres filiales ou par le biais de tiers ;
– ce transfert de valeur dépassait considérablement les profits que Ranbaxy aurait pu obtenir par la vente du citalopram générique qu’elle avait produit jusqu’alors ;
– [H. Lundbeck] n’aurait pas pu obtenir de telles limitations en invoquant ses brevets de procédé, étant donné que les obligations pesant sur Ranbaxy en vertu de cet accord allaient au-delà des droits conférés au titulaire de brevets de procédé ;
– l’accord ne prévoyait aucun engagement de la part de [H. Lundbeck] de s’abstenir d’introduire des actions en contrefaçon contre Ranbaxy dans l’hypothèse où cette dernière serait entrée sur le marché avec son citalopram générique après l’expiration [dudit] accord [...]
68 La Commission a également imposé des amendes à toutes les parties aux accords litigieux. À cette fin, elle a utilisé les [lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006]. À l’égard de [H. Lundbeck], la Commission a suivi la méthodologie générale décrite dans les [lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006], fondée sur la valeur des ventes du produit concerné réalisées par chaque participant à une entente (considérants 1316 à 1358 de la décision [litigieuse]). En revanche, s’agissant des autres parties aux accords litigieux, c’est-à-dire les [fabricants de médicaments] génériques, elle a eu recours à la possibilité, prévue au paragraphe 37 desdites lignes directrices, de s’écarter de cette méthodologie, au vu des particularités de l’affaire à l’égard de ces parties (considérant 1359 de la décision [litigieuse]).
69 Ainsi, s’agissant des parties aux accords litigieux autres que [H. Lundbeck], la Commission a considéré que, afin de déterminer le montant de base de l’amende et d’assurer un effet suffisamment dissuasif à celle-ci, il y avait lieu de tenir compte de la valeur des sommes que [H. Lundbeck] leur avait transférées en vertu de ces accords, et ce sans introduire de distinction entre les infractions selon la nature ou la portée géographique de celles-ci, ou en fonction des parts de marché des entreprises concernées, facteurs qui n’ont été abordés dans la décision [litigieuse] que dans un souci d’exhaustivité (considérant 1361 de la décision [litigieuse]).
70 À l’égard de [H. Lundbeck], en revanche, la Commission a appliqué la méthode générale décrite dans les [lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006], en se fondant sur la valeur des ventes sur le marché concerné. Étant donné que les ventes de citalopram de [H. Lundbeck] avaient considérablement diminué pendant la durée des accords litigieux et que ceux-ci ne couvraient pas une année comptable complète, la Commission a calculé une valeur moyenne annuelle des ventes. À cette fin, elle a d’abord calculé la valeur moyenne mensuelle des ventes de citalopram par [H. Lundbeck] pendant la durée de chacun des accords litigieux, puis elle a multiplié cette valeur par douze (considérant 1326 et note en bas de page n° 2215 de la décision [litigieuse]).
71 La Commission a par ailleurs imposé quatre amendes séparées à [H. Lundbeck], étant donné que les six accords litigieux ont été considérés comme donnant lieu à quatre infractions distinctes, dans la mesure où les deux accords entre [H. Lundbeck] et Merck (GUK) ont donné lieu à une infraction unique et continue, tout comme les deux accords entre [H. Lundbeck] et Arrow. Afin de ne pas aboutir à une amende disproportionnée, la Commission a néanmoins appliqué un facteur de correction à la baisse au vu des circonstances de l’espèce, fondé sur une méthode reflétant les chevauchements géographiques et temporels entre les différentes infractions (considérant 1329 de la décision [litigieuse]). Cette méthode a abouti à une réduction de 15 % pour chaque infraction où des chevauchements ont été constatés (note en bas de page n° 2218 de la décision [litigieuse]).
72 Au vu de la gravité des infractions constatées, que la Commission a qualifiées de “graves”, puisqu[e les accord litigieux] comportaient une exclusion du marché, de la part de marché élevée de [H. Lundbeck] s’agissant des produits visés par ces infractions, de la portée géographique très large des accords litigieux et du fait que l’ensemble de ces accords avaient été mis en œuvre, la Commission a considéré que la proportion de la valeur des ventes à appliquer devait être fixée à 11 % pour les infractions dont la portée géographique était l’ensemble de l’EEE et à 10 % pour les autres (considérants 1331 et 1332 de la décision [litigieuse]).
73 La Commission a appliqué un coefficient multiplicateur à ce montant afin de tenir compte de la durée des infractions (considérants 1334 à 1337 de la décision [litigieuse]) et un montant supplémentaire de 10 % pour la première infraction commise, à savoir celle concernant les accords conclus avec Arrow, en application du [point] 25 des [lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006], afin de s’assurer que les amendes infligées [à H. Lundbeck et à Lundbeck Ltd] aient un effet suffisamment dissuasif (considérant 1340 de la décision [litigieuse]).
74 Compte tenu de la durée totale de l’enquête, la Commission a néanmoins accordé une réduction de 10 % du montant des amendes imposées à tous les destinataires de la décision [litigieuse] (considérants 1349 et 1380 de la décision [litigieuse]).
75 Sur la base de ces considérations, et compte tenu du fait que l’accord GUK pour le Royaume-Uni avait été signé par Lundbeck Ltd, la Commission a infligé une amende totale d’un montant de 93 766 000 euros à [H. Lundbeck], dont 5 306 000 euros solidairement avec Lundbeck Ltd, qui se compose de la manière suivante (considérants 1238, 1358 et article 2 de la décision [litigieuse]) :
– 19 893 000 euros pour les accords conclus avec Merck (GUK), dont 5 306 000 euros solidairement avec Lundbeck Ltd ;
– 12 951 000 euros pour les accords conclus avec Arrow ;
– 31 968 000 euros pour l’accord conclu avec Alpharma ;
– 28 954 000 euros pour l’accord conclu avec Ranbaxy. »
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
7 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 août 2013, H. Lundbeck et Lundbeck Ltd (ci-après, prises ensemble, « Lundbeck ») ont introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse et à la réduction des amendes qui leur ont été infligées par la Commission.
8 À l’appui de son recours, Lundbeck a invoqué dix moyens, dont le rejet des seuls premier à sixième, neuvième et dixième moyens est contesté dans le cadre du présent pourvoi. Par le premier moyen, Lundbeck contestait l’affirmation de la décision litigieuse selon laquelle les fabricants de médicaments génériques et Lundbeck étaient au moins des concurrents potentiels au moment de conclure les accords litigieux. Les deuxième à sixième moyens étaient tirés, en substance, d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en raison de la qualification par la Commission des accords litigieux de « restriction de la concurrence par objet ». Par les neuvième et dixième moyens, Lundbeck contestait, à titre subsidiaire, l’imposition d’amendes à son égard et, à titre éminemment subsidiaire, le calcul du montant de ces amendes.
9 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours dans son intégralité.
La procédure devant la Cour
10 Par acte déposé au greffe de la Cour le 18 novembre 2016, Lundbeck a introduit le présent pourvoi.
11 Par acte déposé au greffe de la Cour le 24 novembre 2016, Lundbeck a demandé à la Cour de réserver, à l’égard de la European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA), partie intervenante en première instance, un traitement confidentiel à la version confidentielle de la décision litigieuse, identique à celui réservé par le Tribunal à cette même décision dans le cadre de l’affaire T‑472/13 (Lundbeck/Commission). Par ordonnance du 13 décembre 2016, Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, non publiée, EU:C:2016:967), le président de la Cour a fait droit à cette demande. Ainsi seule une version non confidentielle de la décision litigieuse a été signifiée à l’EFPIA.
12 Par acte déposé au greffe de la Cour le 10 mars 2017, le Royaume‑Uni a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 5 juillet 2017, Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, non publiée, EU:C:2017:532), le président de la Cour a accueilli cette demande. Toutefois, à la demande de Lundbeck, le président de la Cour a réservé, à l’égard de cet État membre, un traitement confidentiel à la version confidentielle de la décision litigieuse, seule une version non confidentielle de celle-ci lui ayant été signifiée.
13 À la suite de la demande de Lundbeck du 17 mars 2017, le président de la Cour l’a autorisée à déposer une réplique.
14 Par acte déposé au greffe de la Cour le 16 mai 2017, la Commission a demandé la prorogation du délai pour présenter son mémoire en duplique. Par décision du 17 mai 2017, le président de la Cour a fait droit à cette demande.
15 Par acte déposé au greffe de la Cour le 24 juillet 2017, le Royaume-Uni a demandé la prorogation du délai pour présenter son mémoire en intervention. Par décision du président de la Cour du 26 juillet 2017, il a été fait droit à cette demande.
16 Par actes déposés au greffe de la Cour le 28 juillet 2017, le Royaume‑Uni a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission également dans les affaires C-586/16 P [Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission], C‑588/16 P [Generics (UK)/Commission], C-601/16 P (Arrow Group et Arrow Generics/Commission), C-611/16 P (Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission) et C-614/16 P (Merck/Commission), mentionnées au point 5 du présent arrêt. Par ordonnances du 25 octobre 2017, Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (C‑586/16 P, non publiée, EU:C:2017:831), du 25 octobre 2017, Generics (UK)/Commission (C‑588/16 P, non publiée, EU:C:2017:829), du 25 octobre 2017, Arrow Group et Arrow Generics/Commission (C-601/16 P, non publiée, EU:C:2017:826), du 25 octobre 2017, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (C-611/16 P, non publiée, EU:C:2017:825), et du 25 octobre 2017, Merck/Commission (C-614/16 P, non publiée, EU:C:2017:828), le président de la Cour a accueilli ces demandes. Toutefois, compte tenu notamment de l’ordonnance du président de la Cour du 5 juillet 2017, Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, non publiée, EU:C:2017:532), ce dernier a réservé, à l’égard de cet État membre, dans l’ensemble de ces affaires, un traitement confidentiel, notamment, à la version confidentielle de la décision litigieuse, seule une version non confidentielle de celle-ci ayant été signifiée au Royaume‑Uni.
17 À la suite du dépôt des mémoires en duplique de l’EFPIA et de la Commission ainsi que du dépôt par Lundbeck, l’EFPIA et la Commission de leur mémoire en réponse au mémoire en intervention présenté par le Royaume-Uni, la phase écrite de la procédure dans la présente affaire a été clôturée le 13 novembre 2017.
18 Le 27 novembre 2018, la Cour a décidé que la présente affaire serait attribuée à la quatrième chambre devant statuer à la suite d’une audience de plaidoiries commune à la présente affaire et aux affaires C‑586/16 P [Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission], C-588/16 P [Generics (UK)/Commission], C‑601/16 P (Arrow Group et Arrow Generics/Commission), C-611/16 P (Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission) et C-614/16 P (Merck/Commission) ainsi qu’avec le bénéfice de conclusions.
19 Sur le fondement de l’article 61, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, celle-ci a, le 29 novembre 2018, transmis aux parties à la procédure dans la présente affaire, une série de questions écrites pour réponses orales lors de l’audience ainsi qu’un plan provisoire de l’audience de plaidoiries détaillant précisément son déroulement. À la suite des observations des parties à la procédure, un plan définitif de l’audience de plaidoiries leur a été transmis le 22 janvier 2019.
20 L’audience de plaidoiries commune à la présente affaire et aux affaires mentionnées au point 18 du présent arrêt s’est tenue le 24 janvier 2019.
21 Mme l’avocate générale a, le 6 février 2020, sur le fondement de l’article 62 du règlement de procédure, adressé aux parties à la procédure dans la présente affaire une question pour réponse écrite (ci-après la « question pour réponse écrite du 6 février 2020 ») par laquelle elle les invitait à prendre position sur l’éventuelle influence de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C-307/18, EU:C:2020:52) sur les moyens soulevés dans la présente affaire relatifs à l’existence d’une concurrence potentielle entre Lundbeck et les fabricants de médicaments génériques ainsi qu’à la qualification des accords conclus entre Lundbeck et ces derniers de « restrictions par objet ». Les réponses à cette question sont parvenues à la Cour le 6 mars 2020.
Les conclusions des parties devant la Cour
22 Par son pourvoi, Lundbeck demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué en tout ou en partie ;
– d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle la concerne ou, subsidiairement, d’annuler les amendes imposées à celle-ci en vertu de cette décision ou, à titre plus subsidiaire encore, réduire substantiellement le montant desdites amendes ;
– de condamner la Commission aux dépens et autres frais exposés par Lundbeck dans le cadre du présent pourvoi et de la procédure devant le Tribunal ;
– pour autant que de besoin, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue conformément à l’arrêt de la Cour, et
– d’adopter toute autre mesure que la Cour jugera appropriée.
23 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi dans son intégralité et
– de condamner Lundbeck aux dépens.
24 L’EFPIA demande à la Cour :
– d’accueillir, en tout ou en partie, le pourvoi ;
– pour autant que de besoin, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue conformément à l’arrêt de la Cour, et
– de condamner la Commission aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre du présent pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.
25 Le Royaume-Uni demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans son intégralité.
Sur le pourvoi
26 Au soutien de son pourvoi, Lundbeck invoque six moyens.
27 Par son premier moyen, Lundbeck fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en approuvant la Commission d’avoir conclu à la qualification de « restriction de la concurrence par objet » des accords litigieux, même s’ils relèvent du champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck.
28 Par son deuxième moyen, Lundbeck reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il n’aurait pas appliqué le critère juridique approprié pour déterminer si cinq des six accords litigieux – à savoir l’accord GUK pour l’EEE, l’accord Arrow UK, l’accord Arrow danois, l’accord Alpharma et l’accord Ranbaxy – comportaient des restrictions sortant du champ d’application de ses nouveaux brevets de procédé, au vu de l’absence de preuve d’un concours de volonté entre les cocontractants de ces accords.
29 Par son troisième moyen, Lundbeck soutient que, même si le Tribunal était fondé en droit à considérer qu’au moins cinq des six accords litigieux sortaient du champ d’application de ses nouveaux brevets de procédés, il a néanmoins erronément conclu que ces accords étaient restrictifs de la concurrence par objet.
30 Par son quatrième moyen, Lundbeck estime que le Tribunal a commis une erreur de droit, une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve et s’est contredit en confirmant le constat de la Commission selon lequel Lundbeck et les fabricants de médicaments génériques étaient des concurrents réels ou potentiels à l’époque de la conclusion des accords litigieux, indépendamment du point de savoir si les produits des fabricants de médicaments génériques contrefaisaient les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck.
31 Par son cinquième moyen, Lundbeck fait grief au Tribunal d’avoir confirmé à tort les amendes que la Commission lui a infligées.
32 Par son sixième moyen, Lundbeck fait valoir, à titre subsidiaire, que la confirmation par le Tribunal du mode de calcul des amendes qui lui ont été infligées par la Commission est erronée en droit et est insuffisamment motivée.
33 Il convient d’examiner, tout d’abord, le quatrième moyen, puis les premier à troisième moyens pris ensemble et, enfin, successivement, les cinquième et sixième moyens.
Sur le quatrième moyen
Sur les points pertinents de l’arrêt attaqué
34 Par le premier moyen de son recours en annulation, Lundbeck a fait valoir que la Commission avait commis plusieurs erreurs de droit et d’appréciation en considérant que les fabricants de médicaments génériques ayant conclu les accords litigieux étaient au moins des concurrents potentiels de Lundbeck au moment de conclure ces accords.
35 Ce moyen était divisé en neuf branches que le Tribunal a toutes rejetées comme étant non fondées.
36 Dans un premier temps, s’agissant des première à cinquième branches du premier moyen, le Tribunal a, aux points 117 à 133 ainsi qu’aux points 157 à 167 de l’arrêt attaqué, refusé de faire droit à l’argumentation de Lundbeck selon laquelle respectivement, d’une part, le lancement de médicaments génériques violant les droits de propriété intellectuelle de tiers ne constitue pas l’expression d’une concurrence potentielle au titre de l’article 101 TFUE et, d’autre part, la contestation d’un brevet valide ne constitue pas une possibilité réelle et concrète d’entrer sur le marché.
37 Le Tribunal a relevé que le constat d’une concurrence potentielle entre Lundbeck et les fabricants de médicaments génériques était établi dès lors que ces derniers disposaient de possibilités réelles et concrètes ainsi que de la capacité d’entrer sur le marché, compte tenu des divers éléments pris en considération par la Commission et de la décision de Lundbeck de payer des sommes importantes à ces fabricants pour les maintenir hors du marché pendant la durée des accords litigieux.
38 À cet égard, il a notamment estimé, respectivement aux points 124 et 195 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur en estimant que les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck ne constituaient pas nécessairement des barrières insurmontables pour les fabricants de médicaments génériques et que chacun de ces fabricants disposait, ou aurait pu disposer dans un délai suffisamment court, d’une version générique du citalopram fondée sur des procédés dont il n’était pas établi qu’ils violaient un quelconque brevet de Lundbeck au moment de conclure les accords litigieux. Il a également considéré, au point 171 de cet arrêt, que la concurrence potentielle inclut notamment les activités des fabricants de médicaments génériques visant à obtenir les autorisations de mise sur le marché (AMM) nécessaires pour préparer leur entrée sur le marché.
39 Dans le cadre de son appréciation des éléments de preuve, le Tribunal a notamment tenu compte, aux points 126 et 254 de l’arrêt attaqué, du fait que Lundbeck savait que le brevet sur la cristallisation s’avérait, en substance, faible et était susceptible d’être invalidé, tout en excluant, aux points 142 et 147 de cet arrêt, que le constat d’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre les fabricants de médicaments génériques et Lundbeck reposait essentiellement sur des évaluations subjectives.
40 Le Tribunal a également accepté, aux points 134 à 148 dudit arrêt, de tenir compte de preuves postérieures aux accords litigieux et a tenu compte, au point 254 de ce même arrêt, de preuves établissant que certains fabricants de médicaments génériques et Lundbeck elle-même avaient des doutes sur la validité du brevet sur la cristallisation au moment de la conclusion desdits accords. En revanche, au point 145 de l’arrêt attaqué, il a refusé de considérer comme déterminant, afin d’évaluer l’existence d’une concurrence potentielle entre Lundbeck et les fabricants de médicaments génériques au moment de la conclusion desdits accords, le fait, notamment, que l’OEB ait confirmé ce brevet dans tous ses aspects pertinents en 2009.
41 Dans un second temps, dans le cadre de sa réponse aux sixième à neuvième branches du premier moyen du recours en annulation, le Tribunal a apprécié, pour chacun des accords litigieux, si les éléments de preuve apportés par la Commission permettaient effectivement d’établir l’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre chacun des fabricants de médicaments génériques et Lundbeck, en constatant, en particulier, au point 181 de l’arrêt attaqué, que la conclusion à laquelle était parvenue la Commission était fondée sur un ensemble de facteurs tenant compte de la situation spécifique de chacun de ces fabricants au moment de conclure les accords litigieux ainsi que des spécificités du secteur pharmaceutique.
Argumentation des parties
42 Par son quatrième moyen, composé de sept branches, Lundbeck fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve et s’est contredit en confirmant le constat de la Commission selon lequel Lundbeck et les fabricants de médicaments génériques étaient des concurrents à tout le moins potentiels.
43 Par la première branche de ce moyen, Lundbeck soutient que le Tribunal, en se limitant à vérifier si les fabricants de médicaments génériques auraient pu entrer physiquement sur le marché, a commis une erreur de droit en méconnaissant l’existence de barrières légales, à savoir les nouveaux brevets de procédé qu’elle détient, faisant obstacle à la pénétration légale de ces fabricants sur le marché, ce que confirmerait le point 29 des lignes directrices sur les accords de transfert de technologie de 2014. Or, selon Lundbeck, soutenue par l’EFPIA, lorsqu’existent des droits exclusifs tels que des brevets, le constat de l’existence d’une concurrence potentielle sur un marché impose à la Commission de vérifier, si, en l’absence de l’accord qu’elle examine, une entreprise aurait eu des possibilités réelles et concrètes d’intégrer légalement ledit marché et d’y concurrencer les entreprises établies. Dès lors, le Tribunal ne pouvait, sans procéder à une répartition erronée de la charge de la preuve et, partant, sans commettre une erreur de droit, estimer, au point 195 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue de démontrer que les procédés des fabricants de médicaments génériques ne contrefaisaient pas les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck. De même, le Tribunal ne pouvait, sans porter atteinte à la présomption de validité attachée à ces nouveaux brevets et, partant, sans commettre une erreur de droit, considérer, aux points 115 à 132 et 149 à 167 de l’arrêt attaqué, que, même si les fabricants de médicaments génériques ne disposaient que de citalopram protégé par les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck, ils n’en étaient pas moins ses concurrents potentiels en raison de leur faculté de contester ces brevets.
44 Par la deuxième branche du quatrième moyen, Lundbeck fait valoir que le constat du Tribunal, figurant au point 145 de l’arrêt attaqué, selon lequel elle doutait elle‑même de la validité du brevet sur la cristallisation, repose sur une « erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve », dès lors qu’il n’est fondé que sur deux documents des 22 novembre 2002 et 29 septembre 2003, lesquels sont postérieurs aux accords litigieux, ce qui serait contraire à l’affirmation, figurant au point 141 de l’arrêt attaqué, selon laquelle des éléments de preuve postérieurs à la conclusion de ces accords ne sauraient être décisifs aux fins de l’examen de l’existence d’une concurrence potentielle. Par ailleurs, le Tribunal aurait procédé, au point 254 de l’arrêt attaqué, à un renversement de la charge de la preuve au détriment de Lundbeck, en exigeant de celle‑ci qu’elle produise des éléments permettant d’expliquer en quoi, antérieurement à la conclusion desdits accords, son appréciation de la probabilité que le brevet sur la cristallisation fût invalidé aurait été différente.
45 Par la troisième branche du quatrième moyen, Lundbeck soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 134 à 148 de l’arrêt attaqué, que les preuves postérieures aux accords litigieux, mêmes objectives, ne pouvaient être décisives aux fins de l’examen de l’existence d’une concurrence potentielle entre Lundbeck et chacun des fabricants de médicaments génériques.
46 Par les quatrième à septième branches du quatrième moyen, Lundbeck fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, aux points 225, 230, 255, 270, 286 et 330 de l’arrêt attaqué, que Merck (GUK) était à tout le moins un concurrent potentiel de Lundbeck au Royaume-Uni et dans les autres pays de l’EEE, qu’Arrow était un concurrent potentiel de Lundbeck au Royaume-uni et au Danemark et, enfin, qu’Alpharma et Ranbaxy étaient des concurrents potentiels de Lundbeck dans l’EEE, au motif, notamment, que ces fabricants de médicaments génériques ne disposaient pas, au moment de la conclusion des accords litigieux, d’une AMM ou d’une autorisation équivalente pour la mise sur le marché de leur médicament générique sur le territoire des États concernés. En outre, concernant Arrow et Alpharma, cette erreur de droit se doublerait d’une méconnaissance manifeste des éléments de preuve.
47 La Commission fait valoir que le quatrième moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
Appréciation de la Cour
48 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
49 Or, il y a lieu de relever que l’argumentation de Lundbeck exposée dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant qu’elle doutait de la validité de ses nouveaux brevets de procédé, ainsi que l’argumentation présentée dans le cadre des quatrième à septième branches de ce même moyen, selon laquelle le Tribunal aurait méconnu des éléments de preuve pour conclure que Merck (GUK) était à tout le moins un concurrent potentiel de Lundbeck et qu’Arrow, Alpharma et Ranbaxy étaient des concurrents potentiels de Lundbeck sur les territoires pertinents, tendent à contester la constatation ou l’appréciation des éléments de fait ou de preuve effectuées par le Tribunal sans que Lundbeck allègue ni a fortiori démontre une quelconque dénaturation de ces éléments par celui-ci.
50 Partant, lesdites argumentations exposées dans le cadre des deuxième et quatrième à septième branches du quatrième moyen sont irrecevables.
51 En revanche, contrairement à ce que soutient la Commission, les autres branches du présent moyen ainsi que le surplus de ses deuxième et quatrième à septième branches constituent des questions de droit soumises au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
52 À cet égard, il convient de rappeler que, pour tomber sous l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un comportement d’entreprises doit non seulement révéler l’existence d’une collusion entre elles – à savoir un accord entre entreprises, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée –, mais cette collusion doit également affecter défavorablement et de manière sensible le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 31].
53 Cette dernière exigence suppose, s’agissant d’accords de coopération horizontale conclus entre des entreprises opérant à un même niveau de la chaîne de production ou de distribution, que ladite collusion intervienne entre des entreprises se trouvant en situation de concurrence si ce n’est actuelle du moins potentielle [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 32].
54 Afin d’apprécier si une entreprise absente d’un marché se trouve dans un rapport de concurrence potentielle avec une ou plusieurs autres entreprises déjà présentes sur ce marché, il convient de déterminer s’il existe des possibilités réelles et concrètes que cette première intègre ledit marché et concurrence la ou les secondes [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 36 ainsi que jurisprudence citée].
55 Lorsque sont en cause des accords, tels que les accords litigieux, ayant pour conséquence de maintenir temporairement hors du marché plusieurs entreprises, il y a lieu de déterminer, au regard de la structure du marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, s’il aurait existé, en l’absence desdits accords, des possibilités réelles et concrètes que ces entreprises accèdent audit marché et concurrencent les entreprises qui y sont établies [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 37 et 39].
56 Concernant plus particulièrement de tels accords intervenus dans le contexte de l’ouverture du marché d’un médicament contenant un principe actif récemment tombé dans le domaine public aux fabricants de médicaments génériques, il convient d’établir, en tenant dûment compte des contraintes réglementaires propres au secteur du médicament ainsi que des droits de propriété intellectuelle et en particulier des brevets détenus par les fabricants de médicaments princeps portant sur un ou plusieurs procédés de fabrication d’un principe actif tombé dans le domaine public [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 40 et 41], si le fabricant de médicaments génériques a effectivement la détermination ferme ainsi que la capacité propre d’entrer sur le marché et ne se heurte pas à des barrières à l’entrée présentant un caractère insurmontable [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 58].
57 Pour ce faire, il y a lieu d’apprécier, premièrement, si, à la date de la conclusion de tels accords, ledit fabricant avait effectué des démarches préparatoires suffisantes lui permettant d’accéder au marché concerné dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur le fabricant de médicaments princeps. Deuxièmement, il doit être vérifié que l’entrée sur le marché d’un tel fabricant de médicaments génériques ne se heurte pas à des barrières à l’entrée présentant un caractère insurmontable [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 43 et 45]. Par ailleurs, le constat d’une concurrence potentielle entre un fabricant de médicaments génériques et un fabricant de médicaments princeps peut être corroboré par des éléments supplémentaires, tels que la conclusion d’un accord entre eux alors que le premier n’était pas présent sur le marché concerné [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 54 à 56].
58 S’agissant plus particulièrement de l’appréciation de l’existence sur le marché concerné de barrières à l’entrée présentant un caractère insurmontable, la Cour a indiqué que l’existence d’un brevet qui protège le procédé de fabrication d’un principe actif tombé dans le domaine public ne saurait, en tant que telle, être regardée comme une telle barrière insurmontable, nonobstant la présomption de validité attachée à ce brevet, dès lors que celle-ci ne renseigne nullement, aux fins de l’application des articles 101 et 102 TFUE, sur l’issue d’un éventuel litige relatif à la validité dudit brevet [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 46 à 51].
59 Partant, l’existence d’un tel brevet ne saurait, en tant que telle, empêcher de qualifier de « concurrent potentiel » du fabricant du médicament princeps concerné un fabricant de médicaments génériques qui a effectivement la détermination ferme ainsi que la capacité propre d’entrer sur le marché et qui, par ses démarches, se montre prêt à contester la validité de ce brevet et à assumer le risque de se voir, lors de son entrée sur le marché, confronté à une action en contrefaçon introduite par le titulaire dudit brevet [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 46].
60 Par ailleurs, la Cour a également précisé qu’il n’appartenait pas à l’autorité de concurrence concernée de procéder à un examen de la force du brevet en cause ou de la probabilité avec laquelle un litige entre son titulaire et un fabricant de médicaments génériques pourrait aboutir au constat que ce brevet est valide et contrefait [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 50].
61 Il en découle que, en l’occurrence, et contrairement à ce que soutient Lundbeck, c’est sans commettre d’erreur de droit, et en particulier sans violer ni la présomption de validité attachée notamment à ses nouveaux brevets de procédé ni les règles applicables à la charge de la preuve des pratiques visées à l’article 101 TFUE, que le Tribunal a pu juger, ainsi que cela ressort en substance des points 117 à 132, 157 à 167 et 195 de l’arrêt attaqué, qu’il n’appartenait pas à la Commission de prouver positivement que le citalopram que les fabricants de médicaments génériques entendaient commercialiser ne contrefaisait pas les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck et que la détention par Lundbeck de tels brevets ne faisait pas obstacle à la constatation de l’existence d’une concurrence potentielle entre celle-ci et ces fabricants.
62 En effet, le Tribunal, en tenant dûment compte, aux points 117, 119 et 129 de l’arrêt attaqué, des caractéristiques fondamentales tant des brevets que des rapports de concurrence propres au marché en cause ainsi que de la situation d’espèce dans laquelle, d’une part, les brevets originaires de Lundbeck, portant à la fois sur l’IPA citalopram et sur les procédés de production d’alkylation et de cyanation, avaient expiré et, d’autre part, il existait d’autres procédés permettant de produire du citalopram générique dont il n’était pas établi qu’ils violaient d’autres brevets de Lundbeck, a considéré, au point 124 dudit arrêt, que la Commission n’avait pas commis d’erreur en estimant que les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck ne constituaient pas nécessairement des barrières insurmontables pour les fabricants de médicaments génériques, qui étaient à la fois désireux d’entrer sur le marché du citalopram et prêts à le faire, et qui avaient déjà effectué des investissements considérables à cette fin au moment de conclure les accords litigieux.
63 En outre, au point 159 de ce même arrêt, le Tribunal a, à bon droit, relevé que, sauf à nier toute distinction entre concurrence réelle et concurrence potentielle, l’existence d’une concurrence potentielle n’exige pas de démontrer que les fabricants de médicaments génériques seraient entrés avec certitude sur le marché et qu’une telle entrée aurait immanquablement été couronnée de succès, mais uniquement que ces fabricants disposaient de possibilités réelles et concrètes à cet effet.
64 Par ailleurs, la conclusion selon laquelle le Tribunal a pu juger sans commettre d’erreur que les fabricants de médicaments génériques étaient en situation de concurrence potentielle avec Lundbeck n’est pas remise en cause par les lignes directrices sur les accords de transfert de technologie de 2014, et en particulier leur point 29. En effet, d’une part, ce point s’applique aux seuls accords de transfert de technologie auxquels les accords litigieux ne peuvent s’apparenter. D’autre part, il ressort dudit point que le constat de la Commission quant à l’absence de rapport de concurrence entre des entreprises qui se trouvent dans une situation de blocage née d’un droit exclusif couvrant une technologie ne vaut que « en principe » et, partant, s’avère sujette à des exceptions, ce qu’évoque d’ailleurs ce même point en visant les situations dans lesquelles « on ne peut être certain qu’un droit sur technologie donné est valable et enfreint ».
65 Dès lors, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
66 Concernant les éléments de preuve susceptibles d’être pris en considération pour établir l’existence d’un rapport de concurrence à tout le moins potentielle entre Lundbeck et les fabricants de médicaments génériques, il a déjà été rappelé au point 57 du présent arrêt que, s’agissant d’accords tels que les accords litigieux, l’existence d’une concurrence potentielle entre un fabricant de médicaments princeps et un fabricant de médicaments génériques doit s’apprécier à la date de la conclusion de l’accord de règlement amiable du litige relatif aux brevets de procédé qui les oppose [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 43], en tenant compte du fait que ledit accord intervient à un moment où chacune des parties à l’accord se trouve dans l’incertitude quant à la validité du brevet de procédé du fabricant de médicaments princeps ainsi qu’au caractère contrefaisant du médicament générique que le fabricant de ce médicament générique entend mettre sur le marché [voir en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 52].
67 Il en découle que, conformément au principe de libre administration de la preuve prévalant en droit de l’Union (arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C-469/15 P, EU:C:2017:308, point 38 ainsi que jurisprudence citée), tout élément de preuve antérieur, contemporain voire même postérieur à la conclusion de l’accord en cause peut être pris en considération dès lors qu’il s’avère de nature à éclairer l’existence ou l’absence d’un rapport de concurrence entre les entreprises concernées au moment de la conclusion de cet accord, ainsi que le relève en substance le Tribunal au point 141 de l’arrêt attaqué.
68 En revanche, et ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale aux points 90 et 91 de ses conclusions, de tels éléments de preuve relatifs à des évènements postérieurs à la conclusion dudit accord, et tout particulièrement ceux concernant l’issue ultérieure du litige qui avait justifié la conclusion de ce même accord, ne sauraient être pris en considération afin d’apprécier, et au besoin d’infirmer a posteriori, l’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre les parties à ce même accord au moment de la conclusion de celui-ci.
69 En effet, de tels éléments inconnus des parties à la date de la conclusion de l’accord en cause sont insusceptibles d’avoir influencé leur comportement sur le marché et, partant, d’éclairer l’existence ou l’absence d’un rapport de concurrence entre les entreprises concernées au moment de la conclusion de cet accord.
70 En conséquence, c’est sans commettre d’erreur de droit ni renverser la charge de la preuve que le Tribunal a estimé, aux points 141 et 254 de l’arrêt attaqué, que pouvaient être pris en considération des éléments de preuve postérieurs aux accords litigieux, en l’occurrence des documents reflétant la perception qu’avaient les parties à ces accords de la force des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck au moment de conclure ceux-ci, dès lors qu’ils permettent d’établir quelle était la position des parties auxdits accords à l’époque de leur conclusion.
71 C’est également sans se contredire que le Tribunal a pu, en même temps retenir, aux points 141 et 254 de l’arrêt attaqué, ces mêmes éléments de preuve postérieurs aux accords litigieux et refuser, aux points 136 et 143 à 146 de cet arrêt, de tenir compte d’autres éléments présentés par Lundbeck également postérieurs à ces accords, à savoir principalement la confirmation, tant par la chambre de recours de l’OEB que par l’office des brevets des Pays-Bas, de la validité du brevet sur la cristallisation dans tous ses aspects pertinents en 2009, ainsi que le fait que Lundbeck se serait vu « accorder des injonctions préliminaires ou d’autres formes de mesures provisoires » dans plus de 50 % des procédures qu’elle avait engagées au cours des années 2002 et 2003.
72 En effet, alors que les premiers éléments de preuve peuvent contribuer à établir quelle était la position des parties aux accords litigieux à l’époque de leur conclusion, ainsi que cela a été rappelé au point 70 du présent arrêt, les seconds éléments de preuve, relatifs à des évènements postérieurs à la conclusion de ces accords et, en conséquence, inconnus des parties à ceux-ci, sont, ainsi que le Tribunal l’a relevé en substance aux points 145 et 146 de l’arrêt attaqué, insusceptibles d’avoir influencé leur comportement sur le marché et, partant, d’éclairer l’existence ou l’absence d’un rapport de concurrence entre les entreprises concernées au moment de la conclusion desdits accords.
73 Par ailleurs, Lundbeck fait grief au Tribunal d’avoir conclu à l’existence d’une concurrence potentielle entre elle et les fabricants de médicaments génériques sur la base de preuves subjectives prises en considération aux points 126 et 254 de l’arrêt attaqué.
74 À cet égard, il convient de relever que, si l’existence d’une concurrence potentielle entre deux entreprises opérant à un même niveau de la chaîne de production doit s’apprécier au regard des éléments objectifs rappelés au point 57 du présent arrêt, il n’en demeure pas moins que celle-ci peut être corroborée par des éléments complémentaires [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 54], en ce compris des éléments de nature subjective [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 42], dès lors que ceux-ci ne s’avèrent pas déterminants aux fins de l’appréciation effectuée.
75 Il en découle que la prise en compte d’éléments subjectifs afin d’établir l’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre deux ou plusieurs entreprises ne saurait être exclue pour autant que ledit rapport n’est pas établi exclusivement ou essentiellement au moyen de tels éléments.
76 Il en va particulièrement ainsi de la perception que le fabricant de médicaments princeps se fait du risque que présente pour ses intérêts commerciaux le fabricant de médicaments génériques concerné, laquelle perception est pertinente pour apprécier l’existence d’une concurrence potentielle, dès lors qu’elle conditionne le comportement sur le marché du fabricant de médicaments princeps [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 42 et 57].
77 Or, ainsi que cela ressort des points 142 et 147 de l’arrêt attaqué, dont il n’est nullement allégué ni a fortiori établi qu’ils procéderaient d’une dénaturation des éléments de fait ou de preuve, le Tribunal a définitivement constaté que c’est à tort que Lundbeck prétend que la Commission s’est fondée, dans la décision litigieuse, « presque exclusivement » sur de telles évaluations subjectives afin d’établir l’existence d’une concurrence potentielle entre elle et les fabricants de médicaments génériques.
78 À cet égard, il est relevé audit point 142 que la Commission a procédé à un examen minutieux, pour chacun des fabricants de médicaments génériques concernés, des possibilités réelles et concrètes qu’ils avaient d’entrer sur le marché, en se fondant sur des éléments objectifs tels que les investissements déjà réalisés, les démarches effectuées afin d’obtenir une AMM et les contrats d’approvisionnement conclus avec leurs fournisseurs d’IPA notamment. En outre, au point 144 du même arrêt, le Tribunal a précisé que l’élément le plus probant réside dans le fait même que Lundbeck a conclu des accords avec les fabricants de médicaments génériques afin de retarder leur entrée sur le marché, ce que la Cour a déjà relevé dans l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C-307/18, EU:C:2020:52, point 55 ainsi que jurisprudence citée).
79 Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue Lundbeck dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, le Tribunal n’a pas procédé, au point 254 de l’arrêt attaqué, à un renversement de la charge de la preuve au détriment de Lundbeck. Audit point de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité, en substance, à constater que Lundbeck n’avait pas fourni d’éléments de preuve permettant de remettre en cause les conclusions découlant des éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision litigieuse. En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour, en matière de responsabilité pour une infraction aux règles de la concurrence, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 80, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission (C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 52).
80 Partant, les la deuxième branche, pour sa partie recevable, et la troisième branche du quatrième moyen doivent être rejetées comme étant non fondées.
81 Concernant, enfin, les quatrième à septième branches du quatrième moyen, dans le cadre desquelles Lundbeck soutient que le Tribunal a, à tort, considéré qu’elle se trouvait au moins en situation de concurrence potentielle avec Merck (GUK) au Royaume-Uni et dans les autres pays de l’EEE, en situation de concurrence potentielle avec Arrow au Royaume-Uni et au Danemark ainsi qu’en situation de concurrence potentielle avec Alpharma et Ranbaxy dans l’EEE, il convient de relever que ces allégations sont en partie irrecevables, ainsi que cela a été constaté aux points 49 et 50 du présent arrêt, en ce qu’elles visent à obtenir de la Cour un réexamen de tout ou partie des éléments de preuve appréciés par le Tribunal.
82 Pour autant qu’elles ne tendent pas à cette fin, ces allégations de Lundbeck, d’une part, reprennent les critiques méthodologiques, dont il a été constaté en réponse aux première à troisième branches du présent moyen, qu’elles étaient dépourvues de fondement et, d’autre part, visent à reprocher, en substance, au Tribunal d’avoir constaté l’existence d’une concurrence potentielle, ou à tout le moins potentielle, entre Lundbeck et les fabricants de médicaments génériques, et ce alors même que ces derniers ne disposaient pas d’une AMM pour leurs médicaments génériques respectifs au moment de la conclusion des accords litigieux.
83 À cet égard, si la détention par un fabricant de médicaments génériques d’une AMM en cours de validité est certes nécessaire à son entrée sur le marché et, partant, au constat de l’existence d’une concurrence actuelle entre ce dernier et un fabricant de médicaments princeps correspondant auxdits médicaments génériques, il n’en demeure pas moins que l’absence d’une telle AMM dans le chef d’un fabricant de médicaments génériques au moment de la conclusion d’un accord avec un fabricant de médicaments princeps ne saurait, ainsi que le soutient Lundbeck, exclure, en tant que telle, toute concurrence potentielle entre ces deux fabricants de médicaments.
84 En effet, ainsi que cela a été rappelé en substance au point 57 du présent arrêt, en l’absence de barrière insurmontable à l’entrée sur le marché, l’existence d’une concurrence potentielle entre un fabricant de médicaments génériques et un fabricant de médicaments princeps suppose uniquement que le fabricant de médicaments génériques ait effectué les démarches préparatoires suffisantes lui permettant d’accéder au marché concerné dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur le fabricant de médicaments princeps, sans qu’il soit pertinent de savoir si lesdites démarches seront effectivement finalisées en temps voulu ou seront couronnées de succès, ainsi que le relève à bon droit le Tribunal aux points 313 et 314 de l’arrêt attaqué.
85 C’est d’ailleurs en ce sens que la Cour a déjà eu l’occasion d’indiquer que, dans le secteur pharmaceutique, une concurrence potentielle peut s’exercer bien avant l’expiration d’un brevet protégeant le principe actif d’un médicament princeps, dans la mesure où les fabricants de médicaments génériques veulent être prêts pour entrer sur le marché au moment de cette expiration [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 51].
86 Or, au titre de ces démarches préparatoires permettant d’établir la détermination ferme ainsi que la capacité propre d’un fabricant de médicaments génériques d’accéder au marché d’un médicament contenant un principe actif tombé dans le domaine public figurent, notamment, les démarches tendant à le mettre en mesure de disposer des AMM ou des autorisations équivalentes nécessaires à la commercialisation de son médicament générique, dont le Tribunal a établi, en l’espèce, aux points 171 à 179, 230, 231, 246, 249, 269, 290 et 312 à 326 de l’arrêt attaqué, la réalité pour chacun des fabricants de médicaments génériques concernés et a constaté le caractère suffisant pour exercer une pression concurrentielle sur Lundbeck [voir, par analogie, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 134].
87 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu considérer, au point 171 de l’arrêt attaqué, que les démarches de chacun des fabricants de médicaments génériques concernés en vue d’obtenir une AMM pour les médicaments concernés constituaient des indices pertinents pour établir l’existence d’une concurrence potentielle entre ceux-ci et Lundbeck.
88 En outre, il convient de relever que les constats de l’existence d’une concurrence potentielle entre Lundbeck et chacun des fabricants de médicaments génériques en cause s’appuient sur des faisceaux d’indices concordants [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 44] traduisant la prise en considération par le Tribunal non seulement des possibilités réelles et concrètes pour chacun desdits fabricants d’obtenir les AMM ou les autorisations équivalentes mais également, ainsi que cela ressort du point 181 de l’arrêt attaqué, d’un ensemble de facteurs tenant compte de la situation spécifique de chaque fabricant de médicaments génériques au moment de conclure les accords litigieux ainsi que du fait que Lundbeck se soit engagée dans des accords avec des fabricants de médicaments génériques non encore présents sur le marché [voir, ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 55 à 57].
89 Ce faisant, c’est également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu conclure, dans l’arrêt attaqué, que Lundbeck se trouvait au moins en situation de concurrence potentielle avec Merck (GUK) au Royaume-Uni et dans les autres pays de l’EEE, ainsi qu’il ressort également des arrêts prononcés ce jour dans l’affaire C-588/16 P, Generics (UK)/Commission (point 36), et dans l’affaire C-614/16 P, Merck/Commission (point 45), en situation de concurrence potentielle avec Arrow au Royaume-Uni et au Danemark, ainsi qu’il ressort également du point 48 de l’arrêt prononcé ce jour dans l’affaire C-601/16 P, Arrow Group et Arrow Generics/Commission, ainsi qu’en situation de concurrence potentielle avec Alpharma et Ranbaxy dans l’EEE, comme il ressort également des arrêts prononcés ce jour dans l’affaire C-611/16 P, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (point 59), et dans l’affaire C-586/16 P, Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (point 43).
90 En conséquence, il y a lieu de rejeter comme étant non fondées les quatrième à septième branches du quatrième moyen, pour leur partie recevable.
91 Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur les premier à troisième moyens
92 Par ses premier à troisième moyens, Lundbeck conteste la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux. Il convient dès lors de les examiner ensemble.
Sur les points pertinents de l’arrêt attaqué
93 Par les deuxième à sixième moyens invoqués à l’appui de son recours en annulation, tirés, en substance, d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dont le rejet des seuls deuxième, troisième, quatrième et sixième moyens est contesté dans le cadre du présent pourvoi, Lundbeck a fait valoir que la Commission avait commis plusieurs erreurs de droit et d’appréciation en considérant que les accords litigieux devaient être qualifiés, dans la décision litigieuse, de « restrictions par objet ».
94 Après avoir rappelé, aux points 338 à 344 de l’arrêt attaqué, les principes et la jurisprudence applicables concernant la qualification de « restriction par objet », le Tribunal a rejeté chacun de ces moyens.
95 Pour rejeter le deuxième moyen d’annulation, tiré d’une erreur de droit et de fait ainsi que d’un défaut de motivation quant à l’évaluation du rôle des transferts de valeurs dans les accords litigieux, le Tribunal a notamment relevé, aux points 361 à 363 de l’arrêt attaqué, que les parties à ces accords étaient en désaccord sur la question de savoir si les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck étaient suffisamment solides pour exclure une entrée du citalopram générique sur le marché, de sorte que ces brevets ne sauraient avoir été décisifs pour que les fabricants de médicaments génériques s’engagent à ne pas entrer sur le marché.
96 Il a également indiqué, au point 366 de cet arrêt, que la Commission s’est fondée, dans la décision litigieuse, sur un ensemble d’éléments de preuve tendant à démontrer que c’est principalement l’importance des paiements inversés payés par Lundbeck en faveur des fabricants de médicaments génériques qui avait incité ceux-ci à accepter les limitations régissant leur conduite et non l’existence des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck ou encore la volonté d’éviter les frais liés à un éventuel litige.
97 En outre, après avoir fait état des arguments de Lundbeck quant au fait, notamment, que les dommages-intérêts auxquels les fabricants de médicaments génériques pourraient être condamnés seraient souvent largement inférieurs aux dommages subis par le fabricant de médicaments princeps en cas d’entrée illégale sur le marché, le Tribunal a estimé, au point 387 dudit arrêt, qu’il ne saurait être accepté que des entreprises essaient de pallier les effets de règles juridiques qu’elles considèrent comme excessivement défavorables par la conclusion d’ententes ayant pour objet de corriger ces désavantages sous prétexte que ces règles créent un déséquilibre à leur détriment.
98 Enfin, aux points 398 et 399 de ce même arrêt, le Tribunal a rejeté l’argument de Lundbeck selon lequel les accords litigieux ne contenaient aucune clause empêchant les fabricants de médicaments génériques de contester la validité de ses nouveaux brevets de procédé, de sorte que ces accords n’auraient pas supprimé toute incitation pour ceux-ci à entrer sur le marché. À cet égard, il a relevé, d’une part, que la décision litigieuse établissait uniquement que les paiements inversés prévus par les accords litigieux encourageaient ou incitaient les fabricants de médicaments génériques à accepter des limitations à leur autonomie commerciale qu’ils n’auraient pas acceptées en l’absence de ceux-ci et non qu’ils supprimaient toute incitation à cet égard, et, d’autre part, que, en tout état de cause, même si les accords litigieux ne contenaient aucune clause de non-contestation, les fabricants de médicaments génériques n’avaient aucun intérêt à contester les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck après avoir conclu les accords litigieux, puisque les paiements inversés correspondaient approximativement aux profits qu’ils comptaient réaliser en cas d’entrée sur le marché ou aux dommages-intérêts qui auraient pu leur être versés s’ils avaient obtenu gain de cause contre Lundbeck au terme d’une procédure contentieuse.
99 Pour rejeter le troisième moyen d’annulation tiré d’une erreur de droit commise dans l’application des principes relatifs à l’objet restrictif de la concurrence, le Tribunal a notamment considéré, respectivement aux points 435 et 438 de l’arrêt attaqué, que les accords litigieux étaient comparables à des accords d’exclusion du marché, qui figurent parmi les restrictions les plus graves de la concurrence, et qu’il n’est pas requis que le même type d’accords ait déjà été condamné par la Commission pour que ceux-ci puissent être considérés comme une restriction de la concurrence par objet. S’agissant de l’argument selon lequel la décision litigieuse est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle n’admet pas que, en l’espèce, le « scénario contrefactuel » exclut la possibilité de constater une restriction de la concurrence par objet, le Tribunal a considéré, aux points 472 et 473 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant de restrictions de la concurrence par objet, la Commission était uniquement tenue de démontrer que les accords litigieux présentaient un degré suffisant de nocivité pour la concurrence, compte tenu de la teneur de leurs dispositions, des objectifs qu’ils visaient à atteindre ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel ils s’inséraient, sans être tenue, pour autant, d’en examiner les effets, dès lors que l’examen d’un hypothétique « scénario contrefactuel » s’apparenterait davantage à un examen des effets des accords litigieux sur le marché qu’à un examen objectif du caractère suffisamment nocif de ceux-ci sur la concurrence.
100 Pour rejeter le quatrième moyen d’annulation, tiré d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation quant au rejet du critère du champ d’application du brevet comme norme essentielle d’évaluation des accords de règlement amiable en matière de brevets dans le cadre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal a notamment retenu, aux points 491 et 495 de l’arrêt attaqué, que l’argument de Lundbeck selon lequel les restrictions contractuelles relevant du champ temporel, territorial et matériel des droits du titulaire du brevet ne violent pas le droit de la concurrence, au motif que ces restrictions sont analogues à celles inhérentes au brevet sous-jacent, était problématique, d’une part, en ce qu’il conduit à présumer qu’un médicament générique enfreint le brevet du fabricant de médicaments princeps et permet ainsi d’exclure le médicament générique sur cette base, alors que le caractère infractionnel ou non du médicament générique est une question non résolue, et, d’autre part, en ce qu’il se fonde sur la présomption selon laquelle tout brevet invoqué dans le cadre d’un règlement amiable serait considéré comme valide en cas de contestation de sa validité, alors qu’il n’existerait pas de fondement à cet effet en droit ou dans la pratique, tout en ajoutant que le fait que certaines restrictions contenues dans les accords litigieux aient été considérées par la Commission comme se situant potentiellement dans le champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck signifie uniquement que celle-ci aurait pu obtenir des restrictions comparables au moyen de décisions judiciaires prises pour la mise en œuvre de ces brevets, dans le cas où elle aurait obtenu gain de cause devant les juridictions nationales compétentes. Au point 515 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également relevé que la question de savoir si les restrictions contenues dans les accords litigieux sortaient du champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck a été considérée comme un facteur pertinent, mais non décisif, aux fins d’établir l’existence d’une restriction par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
101 Pour rejeter le sixième moyen d’annulation, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce que la décision litigieuse conclut que les accords litigieux comportaient des restrictions dépassant celles inhérentes à l’exercice des droits conférés par les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck, le Tribunal a notamment estimé, aux points 539 et 572 de l’arrêt attaqué, que, même si ces accords n’étaient pas allés au-delà du champ d’application de ces nouveaux brevets, lesdits accords auraient néanmoins constitué des restrictions de la concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, étant donné qu’ils ont consisté en des ententes visant à retarder l’entrée des fabricants de médicaments génériques sur le marché, en échange de paiements inversés importants, qui ont transformé l’incertitude relative à une telle entrée en la certitude qu’elle n’aurait pas eu lieu pendant la durée des accords litigieux.
Argumentation des parties
102 Par son premier moyen, composé de quatre branches, dirigé contre les points 335, 491, 495, 515, 536, 539, 572 et 801 de l’arrêt attaqué, Lundbeck, soutenu par l’EFPIA, fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en approuvant la décision litigieuse en ce qu’elle a conclu que les accords litigieux étaient restrictifs de la concurrence par objet, même si les restrictions prévues par ces accords relèvent du champ d’application des nouveaux brevets de procédé qu’elle détient.
103 En substance, Lundbeck fait valoir, premièrement, que, en raison de l’exigence d’interpréter strictement la notion de « restriction par objet », les accords litigieux ne sauraient être regardés comme nocifs, en raison de leur nature même, pour la concurrence, dès lors qu’ils comportent des restrictions comparables à celles que le titulaire des brevets concernés aurait pu obtenir par voie de décision judiciaire imposant le respect de ses brevets. De même, ce serait à tort que le Tribunal aurait retenu que l’existence de paiements inversés et leur caractère disproportionné étaient décisifs dans la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux.
104 Deuxièmement, Lundbeck soutient que le Tribunal n’a pas correctement apprécié le contexte économique et juridique des accords litigieux, lequel permettrait d’expliquer les raisons pour lesquelles elle a versé les paiements concernés aux fabricants de médicaments génériques. À cet égard, Lundbeck indique principalement que le règlement amiable en cas de litige portant sur des brevets constitue un mode de prévention des litiges légitime et fréquent ne posant pas en soi de problème de concurrence et que l’asymétrie des risques entre le titulaire de brevets et les fabricants de médicaments génériques, conduisant le premier à ne pas être en mesure d’obtenir la compensation intégrale des dommages liés à une entrée illégale sur le marché des médicaments génériques, justifie des règlements amiables même si les brevets concernés sont objectivement solides et contrefaits.
105 Troisièmement, Lundbeck estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant, aux points 466 à 477 de l’arrêt attaqué, d’imposer à la Commission d’examiner le « scénario contrefactuel » en cause, au motif qu’un tel examen serait un élément nécessaire à prendre en compte dans le cadre de toute analyse concurrentielle même lorsque l’accord concerné est réputé comporter une restriction par objet, afin d’établir le lien de causalité entre la pratique concernée et la restriction invoquée ainsi que pour exclure que cette restriction puisse être causée par d’autres facteurs, comme en l’espèce l’existence de brevets. Dans sa réponse à la question pour réponse écrite du 6 février 2020, Lundbeck a indiqué que cette erreur de droit est confirmée par l’importance que la Cour a accordée à l’examen dudit scénario au point 37 de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C-307/18, EU:C:2020:52).
106 Quatrièmement, Lundbeck considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en assimilant, aux points 435 et 470 à 476 de l’arrêt attaqué, les accords litigieux à des accords d’exclusion du marché non déguisés au motif qu’ils intervenaient entre concurrents réels ou potentiels. En effet, ces accords poursuivraient des objectifs légitimes. De plus, à l’époque des accords litigieux, aucune expérience ni aucun accord unanime sur la qualification de « restriction par objet » n’aurait existé, que ce soit au regard de la jurisprudence ou de la pratique décisionnelle des autorités européennes et nationales de la concurrence. Bien plus, il ressortirait des communications du KFST que, à cette époque, des accords tels que les accords litigieux se situaient dans une zone grise, ne révélant donc pas un degré suffisant de nocivité pour la concurrence de nature à permettre leur qualification de « restriction par objet ».
107 Enfin, dans le cadre de sa réponse à la question pour réponse écrite du 6 février 2020, Lundbeck a fait valoir que les accords litigieux ne pouvaient recevoir la qualification de « restriction par objet », dès lors que, contrairement à ceux en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C-307/18, EU:C:2020:52), ils ne contenaient pas de clauses de non-contestation des brevets concernés.
108 Par son deuxième moyen, Lundbeck estime que le Tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve en n’appliquant pas le critère juridique approprié pour conclure que cinq des six accords litigieux – à savoir l’accord GUK pour l’EEE, l’accord Arrow UK, l’accord Arrow danois, l’accord Alpharma et l’accord Ranbaxy – sortaient du champ d’application de ses nouveaux brevets de procédé. En effet, ces accords, notamment lus à la lumière du droit national applicable, ne révéleraient aucun concours de volonté tendant à sortir lesdits accords du champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck et, partant, à appliquer ces mêmes accords au citalopram non contrefaisant.
109 Par son troisième moyen, évoqué à titre subsidiaire dans l’hypothèse où la Cour viendrait à rejeter, en tout ou en partie, le deuxième moyen du pourvoi et donc à confirmer que cinq ou moins des six accords litigieux sortent du champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck, cette dernière fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant ces accords de « restriction par objet » pour les motifs évoqués dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième branches du premier moyen.
Appréciation de la Cour
110 À titre liminaire, il convient de relever que les critiques formulées par Lundbeck sont de deux ordres, les première, deuxième et quatrième branches du premier moyen remettant en cause la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux et la troisième branche de ce moyen contestant la méthodologie pour y parvenir et plus spécialement l’absence d’examen par le Tribunal du « scenario contrefactuel ».
111 Il convient donc d’examiner, dans un premier temps, les première, deuxième et quatrième branches du premier moyen, prises ensembles, puis, dans un second temps, la troisième branche de ce moyen.
112 S’agissant, en premier lieu, des première, deuxième et quatrième branches du premier moyen, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 343 de l’arrêt attaqué, que la notion de « restriction par objet » doit être interprétée de manière stricte et ne peut être appliquée qu’à certains accords entre entreprises révélant, en eux-mêmes et compte tenu de la teneur de leurs dispositions, des objectifs qu’ils visent ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel ils s’insèrent, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire, dès lors que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 67 ainsi que jurisprudence citée].
113 Concernant des accords similaires de règlement amiable de litiges relatifs à un brevet de procédé de fabrication d’un principe actif tombé dans le domaine public conclus entre un fabricant de médicaments princeps et plusieurs fabricants de médicaments génériques et ayant eu pour effet de reporter l’entrée sur le marché de médicaments génériques en contrepartie de transferts de valeurs à caractère monétaire ou non monétaire du premier au profit des seconds, la Cour a jugé que de tels accords ne sauraient être considérés, dans tous les cas, comme des « restrictions par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 84 et 85].
114 Toutefois, la qualification de « restriction par objet » doit être retenue lorsqu’il ressort de l’examen de l’accord de règlement amiable concerné que les transferts de valeurs prévus par celui-ci s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial tant du titulaire du brevet en cause que du contrefacteur allégué à ne pas se livrer une concurrence par les mérites, dans la mesure où des accords par lesquels des concurrents substituent sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence relèvent manifestement de la qualification de « restriction par objet » [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 83 et 87].
115 Aux fins de cet examen, il convient, dans chaque cas d’espèce, d’apprécier si le solde positif net des transferts de valeurs du fabricant de médicaments princeps au profit du fabricant de médicaments génériques était suffisamment important pour inciter effectivement le fabricant de médicaments génériques à renoncer à entrer sur le marché concerné et, partant, à ne pas concurrencer par ses mérites le fabricant de médicaments princeps, sans qu’il soit requis que ce solde positif net soit nécessairement supérieur aux bénéfices que ce fabricant de médicaments génériques aurait réalisés s’il avait obtenu gain de cause dans la procédure en matière de brevets [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 93 et 94].
116 En l’occurrence, il ressort de l’arrêt attaqué que les accords litigieux ont eu pour effet de maintenir en dehors des marchés concernés les fabricants de médicaments génériques et pour l’un d’eux – à savoir Merck (GUK) – d’entraîner la cessation de la fourniture à un revendeur opérant sur le marché suédois des médicaments génériques concernés et sa sortie du marché britannique, ainsi que cela ressort du point 131 de l’arrêt attaqué.
117 En outre, les points 361 à 363 ainsi que le point 366 de l’arrêt attaqué, qui ne sont pas contestés par Lundbeck dans le cadre de son pourvoi, mettent en évidence, premièrement, le fait que les parties aux accords litigieux étaient, préalablement à la conclusion de ceux-ci, en désaccord sur la question de savoir si les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck étaient suffisamment solides pour exclure une entrée du citalopram générique sur le marché, de sorte que ces brevets ne sauraient avoir été décisifs pour que les fabricants de médicaments génériques s’engagent à ne pas entrer sur le marché. Deuxièmement, il ressort également de ces points le fait que Lundbeck ne conteste pas que les montants qu’il a versés à ces fabricants aient pu être calculés en prenant comme base les profits ou le chiffre d’affaires que ces derniers espéraient obtenir pendant la durée des accords litigieux s’ils étaient entrés sur le marché. Troisièmement, lesdits points relèvent encore le fait que les éléments de preuve concernant la période précédant la conclusion des accords litigieux démontrent que les fabricants de médicaments génériques avaient réalisé des efforts considérables pour préparer leur entrée sur le marché et qu’ils n’avaient pas l’intention de renoncer à ces efforts en raison des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck et, partant, que c’est principalement l’importance des paiements inversés en faveur des fabricants de médicaments génériques qui avait incité ceux-ci à accepter les limitations régissant leur conduite.
118 Compte tenu de ces constations factuelles et sans qu’il soit besoin de savoir si c’est à bon droit que le Tribunal a pu assimiler, aux points 435 et 476 de l’arrêt attaqué, les accords litigieux à des accords d’exclusion voire à des accords de répartition de marché, c’est sans commettre d’erreur de droit que celui-ci a conclu que les accords litigieux relevaient de la qualification de « restriction par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et ce d’autant plus que Lundbeck n’a aucunement fait valoir, notamment dans le cadre de sa réponse à la question pour réponse écrite du 6 février 2020, que les transferts de valeurs ayant accompagné les accords litigieux aient pu être justifiés par l’existence d’éventuelles contreparties ou de renoncements avérés et légitimes de l’un ou l’autre des fabricants de médicaments génériques.
119 Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par Lundbeck.
120 Premièrement, Lundbeck ne saurait valablement se prévaloir, pour écarter la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux, du fait que ceux-ci auraient été limités au seul champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck dont celle-ci serait en droit d’obtenir le respect.
121 En effet, si la conclusion par le titulaire d’un brevet d’un accord de règlement amiable avec un contrefacteur allégué n’excédant pas la portée et la durée de validité restante de ce brevet constitue certes l’expression du droit de propriété intellectuelle de ce titulaire et l’autorise, notamment, à s’opposer à toute contrefaçon, il n’en demeure pas moins que ledit brevet n’autorise pas son titulaire à conclure des contrats qui violeraient l’article 101 TFUE [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 97].
122 Or, comme l’a relevé à bon droit le Tribunal au point 495 de l’arrêt attaqué, même si les accords litigieux contenaient également des restrictions relevant potentiellement du champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck, « ces accords allaient au-delà de l’objet spécifique de leurs droits de propriété intellectuelle, qui incluaient, certes, le droit de s’opposer à des contrefaçons, mais pas celui de conclure des accords par lesquels des concurrents réels ou potentiels du marché étaient payés pour ne pas entrer sur le marché », ce que confirment en substance les points 117 et 118 du présent arrêt.
123 Partant, c’est sans fondement que Lundbeck tente de se prévaloir du fait que les accords litigieux constitueraient l’expression légitime du droit de propriété intellectuelle dont elle est titulaire. En tout état de cause, une telle allégation repose sur le double postulat, non établi au moment de la conclusion desdits accords, que la validité des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck ne peut être remise en cause et que les fabricants de médicaments génériques contrefont ceux-ci [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 88].
124 Deuxièmement, Lundbeck ne saurait pas davantage soutenir, pour écarter la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux, que ceux-ci poursuivaient des objectifs légitimes, en ce sens qu’ils tendaient à assurer la défense de ses nouveaux brevets de procédé par le recours à un mode légitime et fréquent de règlement des différends ou qu’ils répondaient à une asymétrie des risques existant entre les fabricants de médicaments princeps et les fabricants de médicaments génériques.
125 Concernant, d’une part, l’argument selon lequel lesdits accords tendaient à assurer la défense des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck par le recours à un mode légitime et fréquent de règlement des différends, il suffit de rappeler, comme cela a déjà été mentionné au point 121 du présent arrêt et indiqué en substance à bon droit par le Tribunal au point 495 de l’arrêt attaqué, qu’un brevet n’autorise pas son titulaire à conclure des contrats qui violeraient l’article 101 TFUE.
126 S’agissant, d’autre part, de l’argument selon lequel les accords litigieux constitueraient une réponse au fait, par ailleurs constaté par le Tribunal au point 378 de l’arrêt attaqué, que les dommages-intérêts auxquels peuvent prétendre les fabricants de médicaments princeps en cas d’entrée illégale de médicaments génériques sur le marché seraient souvent largement inférieurs aux dommages subis par ces premiers, il importe de rappeler qu’il revient aux autorités publiques et non à des entreprises privées d’assurer le respect des prescriptions légales [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 88].
127 Ainsi, comme l’a relevé à bon droit le Tribunal au point 387 de l’arrêt attaqué, il ne saurait être accepté que des entreprises essaient de pallier les effets de règles juridiques qu’elles considèrent comme excessivement défavorables par la conclusion d’ententes ayant pour objet de corriger ces désavantages sous prétexte que ces règles créent un déséquilibre à leur détriment.
128 En conséquence, les circonstances évoquées par Lundbeck ne sauraient légitimer une violation de l’article 101 TFUE et encore moins une pratique collusoire dont il a été constaté qu’elle présente le degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiée de « restriction par objet ».
129 Troisièmement, Lundbeck ne saurait pas non plus se prévaloir, pour écarter la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux, du fait que, au moment de la conclusion de ces accords, des doutes existaient sur la possibilité de retenir une telle qualification s’agissant d’accords tels que les accords litigieux, compte tenu notamment de l’absence de pratique décisionnelle relative à de tels accords et des doutes nés, selon Lundbeck, de certaines déclarations du KFST ainsi que de la Commission.
130 En effet, comme l’a relevé à bon droit le Tribunal aux points 438 et 774 de l’arrêt attaqué, il n’est nullement requis que le même type d’accords ait déjà été condamné par la Commission pour que ceux-ci puissent être considérés comme restrictifs de la concurrence par objet, et ce quand bien même ceux-ci interviendraient dans un contexte spécifique tel que celui des droits de propriété intellectuelle.
131 Aux fins de la qualification de « restriction par objet » d’un accord donné, seules importent les caractéristiques propres de celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 84 et 85] dont doit être déduite l’éventuelle nocivité particulière pour la concurrence, au besoin à l’issue d’une analyse détaillée de cet accord, de ses objectifs et du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère.
132 De même, des prises de position contradictoires, dont certaines sont simplement rapportées, de la Commission et d’une autorité nationale de la concurrence en lien avec un accord, telles que celles évoquées aux points 747 à 751 de l’arrêt attaqué, à les supposer avérées, ne sauraient conduire à exclure toute possibilité de qualifier cet accord de « restriction par objet » dès lors qu’il n’est aucunement établi qu’elles sont le fruit d’une analyse telle que celle visée au point précédent.
133 Quatrièmement, Lundbeck ne saurait enfin se prévaloir, pour écarter la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux, du fait que ces accords ne contenaient pas de clauses de non-contestation, contrairement aux accords en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C-307/18, EU:C:2020:52), ou encore que cet arrêt aurait mis en évidence l’importance de prendre en considération les effets proconcurrentiels des accords en cause dans le cadre de leur éventuelle qualification de « restriction par objet ».
134 À cet égard, il a déjà été rappelé, au point 114 du présent arrêt, que, s’agissant d’accords tels que les accords litigieux, il importe de déterminer si, par ces accords, des concurrents substituent sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence, en appréciant essentiellement si le solde net des transferts de valeurs qu’ils prévoient s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial tant du titulaire du brevet que du contrefacteur allégué à ne pas se livrer une concurrence par les mérites.
135 Or, le Tribunal, au point 399 de l’arrêt attaqué, a définitivement constaté, d’une part, que, même si les accords litigieux ne contenaient aucune clause de non-contestation, les fabricants de médicaments génériques n’avaient aucun intérêt à contester les nouveaux brevets de procédé de Lundbeck après avoir conclu les accords litigieux, puisque les paiements inversés correspondaient approximativement aux profits qu’ils comptaient réaliser en cas d’entrée sur le marché ou aux dommages-intérêts qui auraient pu leur être versés s’ils avaient obtenu gain de cause contre Lundbeck à l’issue d’une procédure contentieuse, et, d’autre part, que, à supposer même que ces paiements aient été d’un montant inférieur aux bénéfices escomptés, ils constituaient malgré tout un bénéfice certain et immédiat, sans même que ces fabricants aient à courir les risques qu’une entrée sur le marché aurait comportés.
136 Un tel constat suffit, en l’occurrence, à établir que les accords litigieux sont restrictifs de la concurrence par objet et ce d’autant plus que, en tout état de cause, Lundbeck ne fait état, dans le cadre du pourvoi, d’aucun effet proconcurrentiel attaché à ces accords, ne satisfaisant pas, de ce fait, au niveau de preuves requis par l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C-307/18, EU:C:2020:52), en particulier son point 107, à même d’imposer la mise à l’écart de la qualification de « restriction par objet » desdits accords en raison des doutes raisonnables quant à leur nocivité suffisante à l’égard de la concurrence.
137 En effet, la simple allégation non étayée d’effets proconcurrentiels des accords litigieux ne saurait suffire à écarter la qualification de « restriction par objet » de ceux-ci [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 110].
138 Si, dans le cadre de son recours en annulation et plus particulièrement du septième moyen invoqué à l’appui de celui-ci, Lundbeck a certes fait valoir que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en évaluant incorrectement les gains d’efficacité des accords litigieux dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, il n’en demeure pas moins que les points 708 à 720 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a rejeté ledit moyen n’ont été contestés dans le cadre du présent pourvoi et que la motivation exposée à ces points n’a été invoquée en vue de remettre en cause la qualification de « restriction par objet » de ces accords, tout particulièrement à l’occasion de la réponse de Lundbeck à la question pour réponse écrite du 6 février 2020.
139 S’agissant, en second lieu, de la troisième branche du premier moyen dirigée contre les points 472 et 473 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a considéré, en substance, qu’il n’était pas requis de procéder à l’examen du « scenario contrefactuel » afin de qualifier un comportement de « restriction par objet », il y a lieu de relever que cet examen permet d’apprécier les effets d’une pratique collusoire au regard de l’article 101 TFUE lorsque l’analyse de ladite pratique ne révèle pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence à même de permettre sa qualification de « restriction par objet » [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, points 115 et 118 ainsi que jurisprudence citée].
140 En conséquence et sauf à nier la distinction nette existant entre les notions de « restriction par objet » et de « restriction par effet » issue de la lettre même de l’article 101, paragraphe 1, TFUE [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C-307/18, EU:C:2020:52, point 63], l’examen du « scenario contrefactuel », qui a pour finalité de mettre en évidence les effets d’une pratique collusoire déterminée, ne saurait s’imposer aux fins de la qualification d’une pratique collusoire de « restriction par objet ».
141 Dès lors et ainsi que le Tribunal l’a constaté à bon droit au point 472 de l’arrêt attaqué, seul importe, aux fins de la qualification d’une telle pratique de « restriction par objet », d’établir que celle-ci présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence compte tenu de la teneur de ses dispositions, des objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère, sans que la Commission soit tenue, pour autant, d’en examiner les effets.
142 Par ailleurs et contrairement à ce que Lundbeck a fait valoir dans le cadre de sa réponse à la question pour réponse écrite du 6 février 2020, l’examen du « scenario contrefactuel » ne saurait s’imposer en application du point 37 de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C-307/18, EU:C:2020:52).
143 En effet, si, audit point, la Cour a certes précisé que, lorsqu’est en cause un accord ayant pour conséquence de maintenir temporairement hors du marché une entreprise, il y a lieu de déterminer s’il aurait existé, en l’absence dudit accord, des possibilités réelles et concrètes que cette entreprise accède audit marché, il y a lieu de constater que cette précision concernait l’appréciation de l’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre les parties à un accord tel que ceux en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et non la qualification de « restriction par objet » desdits accords.
144 Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen comme étant non fondée.
145 S’agissant du deuxième moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité contestée par la Commission, il y a lieu de rappeler que, au point 539 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, sans commettre d’erreur de droit ainsi qu’il ressort du point 121 du présent arrêt, que, même si les accords litigieux n’étaient pas allés au-delà du champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck, ces accords auraient néanmoins constitué des restrictions de la concurrence par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Ainsi qu’il ressort du point 541 de l’arrêt attaqué, l’examen des arguments de Lundbeck, lequel est critiqué dans le cadre du deuxième moyen, n’a été effectué par le Tribunal qu’à titre surabondant. Partant, étant dirigé contre des motifs surabondants de l’arrêt attaqué, le deuxième moyen doit être écarté comme étant inopérant (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2016, SV Capital/ABE, C‑577/15 P, EU:C:2016:947, point 65).
146 Enfin, il y a lieu de constater que, dans le cadre de son troisième moyen, Lundbeck renvoie à l’argumentation développée au soutien de son premier moyen. Or, la solution dégagée s’agissant de ce premier moyen relatif à la qualification de « restriction par objet » des accords litigieux en ce qu’ils relèveraient uniquement du champ d’application des nouveaux brevets de procédé de Lundbeck s’impose a fortiori s’agissant du troisième moyen relatif à la qualification de « restriction par objet » de certains des accords litigieux en ce qu’ils dépasseraient le champ d’application desdits brevets.
147 En conséquence, il résulte des considérations qui précèdent que les premier à troisième moyens doivent être rejetés.
Sur le cinquième moyen
Sur les points pertinents de l’arrêt attaqué
148 Par la première branche du neuvième moyen de son recours en annulation, Lundbeck faisait valoir que, à supposer que la Commission fût fondée à conclure que les accords litigieux violaient l’article 101 TFUE, aucun motif valable ne l’autorisait à lui imposer des amendes en l’espèce, compte tenu de la nouveauté et de la complexité des questions factuelles et juridiques soulevées, sauf à violer les principes de sécurité juridique et de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege).
149 Pour rejeter ce moyen, le Tribunal a estimé en substance, au point 777 de l’arrêt attaqué, que loin d’être imprévisibles à l’époque, les restrictions de la concurrence prévues par des accords, par lesquels un fabricant de médicaments princeps serait parvenu à écarter des concurrents potentiels du marché pendant une période déterminée au moyen de paiements inversés importants, pouvaient raisonnablement être perçues par les parties à ces accords comme étant contraires à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, permettant ainsi à la Commission de les sanctionner sans violer les principes de sécurité juridique et de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege).
150 À cet égard, le Tribunal a notamment relevé, au point 776 de l’arrêt attaqué, que certains fabricants de médicaments génériques avaient bien perçu le caractère infractionnel d’accords analogues aux accords litigieux et avaient refusé de signer de tels accords précisément pour cette raison.
Argumentation des parties
151 Par son cinquième moyen, composé de trois branches, Lundbeck reproche au Tribunal d’avoir confirmé à tort les amendes que la Commission lui a infligées.
152 Au soutien de ce moyen, Lundbeck fait valoir, en premier lieu, que, au point 777 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant une application erronée du niveau de culpabilité requis pour infliger une amende à l’auteur d’une pratique anticoncurrentielle, une telle amende ne pouvant être infligée que s’il est certain – et non pas uniquement possible – que son auteur ait eu connaissance du caractère anticoncurrentiel de l’infraction.
153 En deuxième lieu, compte tenu du caractère complexe des accords litigieux, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en confirmant la conclusion de la Commission selon laquelle Lundbeck ne pouvait pas ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement. De plus, Lundbeck indique que cette conclusion ne pouvait être étayée par les documents, visés au point 776 de l’arrêt attaqué, sur lesquels le Tribunal s’est fondé à cet effet, à tout le moins pour l’ensemble des accords litigieux, sauf à dénaturer lesdits documents.
154 En troisième lieu, Lundbeck critique le Tribunal pour avoir méconnu les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité de l’interprétation nouvelle d’une disposition établissant une infraction en confirmant le prononcé de sanctions allant au-delà d’amendes symboliques. Un montant symbolique aurait dû s’imposer en raison, premièrement, du caractère complexe et inédit des questions soulevées par les accords litigieux, deuxièmement, de l’incertitude existant au moment des faits quant à l’interprétation de l’article 101 TFUE découlant, notamment, des déclarations du KFST ainsi que, troisièmement, de l’absence de précédents relatifs à de tels accords.
155 La Commission considère que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Appréciation de la Cour
156 Comme l’a rappelé à juste titre le Tribunal au point 762 de l’arrêt attaqué, une entreprise peut être sanctionnée pour un comportement entrant dans le champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE dès lors que celle-ci ne pouvait ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement, qu’elle ait eu ou non conscience d’enfreindre les règles de concurrence du traité (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2013, Schenker & Co. e.a., C-681/11, EU:C:2013:404, point 37).
157 Il en découle que le fait que cette entreprise qualifie de manière juridiquement erronée son comportement sur lequel la constatation de l’infraction se fonde ne peut pas avoir pour effet de l’exonérer de l’infliction d’une amende pour autant que celle-ci ne pouvait ignorer le caractère anticoncurrentiel dudit comportement (arrêt du 18 juin 2013, Schenker & Co. e.a., C-681/11, EU:C:2013:404, point 38).
158 Ainsi, seul importe de savoir si ladite entreprise était en mesure de déterminer que son comportement présentait un caractère anticoncurrentiel et non, comme le soutient Lundbeck, de savoir si cette même entreprise l’avait effectivement constaté.
159 À cet égard, le Tribunal a jugé, aux points 764 et 777 de l’arrêt attaqué, que, loin d’être imprévisibles à l’époque de la conclusion des accords litigieux, les restrictions de la concurrence prévues par ces accords pouvaient raisonnablement être perçues par les parties auxdits accords comme étant contraires à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
160 Au soutien de cette appréciation, le Tribunal a essentiellement retenu, aux points 765 à 776 de cet arrêt, premièrement, que ni la lettre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ni la jurisprudence afférente à cette disposition en lien avec les droits de propriété intellectuelle, dont Lundbeck ne soutient pas qu’elle aurait été mal interprétée par le Tribunal, ne laissaient de place au doute quant à la contrariété des accords litigieux à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, deuxièmement, que la prise de position du KFST à l’égard de ces accords, à la supposer équivoque, ne pouvait faire naître une confiance légitime quant à l’absence de sanction desdits accords, troisièmement, que le caractère inédit de la sanction des accords litigieux ne pouvait justifier des amendes limitées à un montant symbolique et, quatrièmement, que certains fabricants de médicaments génériques avaient bien perçu le caractère infractionnel d’accords analogues aux accords litigieux et avaient refusé, précisément pour ce motif, de signer de tels accords.
161 Or, une telle motivation établit à suffisance de droit le caractère à tout le moins prévisible de la sanction des accords litigieux.
162 De surcroît, Lundbeck ne saurait valablement soutenir que le Tribunal a dénaturé les éléments de fait ou de preuve en retenant que certains fabricants de médicaments génériques avaient bien perçu le caractère infractionnel d’accords analogues aux accords litigieux et avaient refusé, pour ce motif, de signer de tels accords. En effet, outre le fait que cette allégation est dirigée contre un seul des motifs qui ont fondé la conclusion du Tribunal, tels qu’exposés au point 160 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de la nature exceptionnelle d’un moyen tiré de la dénaturation des faits et des éléments de preuve, l’article 256 TFUE, l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure imposent, en particulier, à un requérant d’indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 78 et jurisprudence citée).
163 Or, si Lundbeck a invoqué une dénaturation des documents visés au point 776 de l’arrêt attaqué, elle n’a nullement exposé quelles sont les erreurs d’analyse prétendument commises par le Tribunal qui auraient conduit ce dernier à dénaturer ces documents. Par conséquent, pour autant qu’il est tiré d’une prétendue dénaturation des éléments de fait et de preuve, le cinquième moyen doit être écarté comme étant irrecevable.
164 En outre, le fait que certains fabricants de médicaments génériques ou des membres du personnel de Lundbeck aient pu émettre des doutes quant à la légalité des accords litigieux ou d’accords similaires à ceux-ci constitue un élément parfaitement à même d’étayer la constatation selon laquelle Lundbeck était en mesure de déterminer que son comportement présentait ou, à tout le moins, pouvait présenter un caractère anticoncurrentiel.
165 Enfin, le fait que le Tribunal ait confirmé l’infliction à Lundbeck d’amendes excédant un niveau symbolique ne méconnaît aucunement le principe de sécurité juridique, nonobstant le caractère inédit et complexe des questions soulevées par les accords litigieux, l’absence de précédent ou l’existence de documents relatifs à ces accords publiés par le KFST et dont le contenu est rapporté aux points 749 à 752 de l’arrêt attaqué.
166 S’agissant, en premier lieu, du caractère inédit de la sanction des accords litigieux, comme l’a rappelé en substance le Tribunal au point 763 de l’arrêt attaqué, le principe de précision de la loi applicable, garanti par l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par des interprétations jurisprudentielles, pour autant que celles-ci soient raisonnablement prévisibles (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C-72/15, EU:C:2017:236, point 167 et jurisprudence citée).
167 Or, il découle du point 114 du présent arrêt que la qualification de « restriction par objet », et a fortiori celle de « restriction de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, doivent être retenues lorsqu’il ressort de l’analyse de l’accord de règlement amiable concerné que les transferts de valeurs prévus par celui-ci s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial tant du titulaire du brevet en cause que du contrefacteur allégué à ne pas se livrer une concurrence par les mérites dans la mesure où des accords par lesquels des concurrents substituent sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence relèvent manifestement de la qualification de « restriction par objet ».
168 De surcroît, il a été constaté par le Tribunal, aux points 764 et 777 de l’arrêt attaqué, que la sanction des accords litigieux au titre de l’article 101 TFUE était prévisible par Lundbeck.
169 S’agissant, en second lieu, des indications issues des documents émanant du KFST, il importe de relever que le Tribunal a souverainement constaté, en substance, aux points 749 et 750 ainsi qu’aux points 834 et 835 de l’arrêt attaqué, soit qu’ils mettaient en évidence que ladite autorité estimait que les accords litigieux pouvaient influencer la concurrence s’il apparaissait que Lundbeck avait payé des concurrents pour qu’ils se tiennent à l’écart du marché et, de ce fait, constituaient des infractions très graves à l’article 101 TFUE, soit qu’ils constituaient le simple rapport d’une opinion préliminaire de la Commission.
170 De plus, ainsi que l’a rappelé à bon droit le Tribunal au point 748 de l’arrêt attaqué, les autorités nationales de la concurrence ne peuvent pas faire naître à l’égard des entreprises une confiance légitime en ce que leur comportement n’enfreint pas l’article 101 TFUE, dès lors que celles-ci ne sont pas compétentes pour prendre une décision négative, à savoir une décision concluant à l’absence d’une violation de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2013, Schenker & Co. e.a., C‑681/11, EU:C:2013:404, point 42 ainsi que jurisprudence citée).
171 Par ailleurs, concernant l’allégation de Lundbeck selon laquelle l’infliction des amendes concernées emporterait violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, il suffit de relever que cette allégation présentée pour la première fois au stade du pourvoi constitue un moyen nouveau et est donc irrecevable, conformément aux articles 127 et 190, lus ensemble, du règlement de procédure.
172 En effet, ainsi que cela ressort du point 757 de l’arrêt attaqué, Lundbeck s’était limitée, dans le cadre de la première branche de son neuvième moyen d’annulation, à invoquer la violation des principes de sécurité juridique et de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege).
173 Dès lors, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le sixième moyen
Sur les points pertinents de l’arrêt attaqué
174 Par le dixième moyen de son recours en annulation, dont le rejet des seules première et deuxième branches est contesté dans le cadre du présent pourvoi, Lundbeck a fait valoir que la Commission avait commis plusieurs erreurs de droit et de fait en retenant à titre de montant de base des amendes qui lui ont été infligées un pourcentage excessivement élevé de 10 et 11 % de la valeur des ventes du produit concerné, selon la portée géographique des accords litigieux, ainsi qu’en ne limitant pas la durée des infractions en cause à la seule période au cours de laquelle les fabricants de médicaments génériques étaient effectivement prêts à intégrer le marché, ce qui supposait qu’ils disposaient au minimum d’une AMM dans les pays pertinents, ce qui n’était pas le cas, par exemple, en Autriche.
175 Pour rejeter la première branche du dixième moyen d’annulation, le Tribunal a constaté, aux points 806 et 812 de l’arrêt attaqué, que, sans commettre d’erreur de droit ni violer le principe de proportionnalité, la Commission avait déterminé le montant de base des amendes concernées conformément au point 22 des lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006.
176 Il a en particulier indiqué au point 804 de l’arrêt attaqué que, « [c]ontrairement à ce que [faisait] valoir [Lundbeck] à cet égard, la Commission n’était pas tenue de réduire le montant de base [des amendes] pour ne tenir compte que de la valeur des ventes dans les pays où les [fabricants de médicaments] génériques étaient plus avanc[és] dans leurs préparatifs visant à entrer sur le marché » et que, « [e]n effet, s’agissant d’infractions par objet, dans la mesure où les infractions constituées par les accords litigieux (à l’exception des accords conclus avec Arrow) avaient une portée géographique s’étendant à l’ensemble de l’EEE, la Commission était en droit de se fonder sur cette portée géographique, sans procéder à un examen approfondi des perspectives concrètes d’entrée des [fabricants de médicaments] génériques dans chaque État [membre] de l’EEE ». Le Tribunal a précisé à cet égard que, « ce sont les parties aux accords litigieux qui ont défini la portée géographique de ces accords et donc des infractions en cause en l’espèce en décidant que ceux-ci couvriraient l’ensemble de l’EEE (à l’exception de l’infraction avec Arrow) ».
177 Pour rejeter la deuxième branche du dixième moyen d’annulation, le Tribunal a estimé, aux points 815 et 816 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait établi à suffisance de droit, dans la décision litigieuse, que la concurrence avait été restreinte en raison des accords litigieux pendant toute la durée de ceux-ci et que Lundbeck n’avait pas démontré que, en l’absence des accords litigieux, la concurrence – même potentielle – entre elle et les fabricants de médicaments génériques aurait été impossible ou inexistante ni que ces accords n’avaient nullement restreint la concurrence, contrairement à la situation ayant prévalu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332). Il a également relevé que la solution inverse conduirait à nier la distinction entre « concurrence réelle » et « concurrence potentielle ».
178 Enfin, au point 842 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, qu’il n’y avait pas lieu d’accorder, en l’espèce, le bénéfice de circonstances atténuantes et que le montant des amendes infligées à Lundbeck dans la décision litigieuse devait être confirmé.
Argumentation des parties
179 Par son sixième moyen, présenté à titre subsidiaire et composé de trois branches, Lundbeck fait valoir que la confirmation par le Tribunal du calcul des amendes qui lui ont été infligées par la Commission est erronée en droit et est insuffisamment motivée.
180 Au soutien de ce moyen, Lundbeck estime, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’estimant pas nécessaire, au point 804 de l’arrêt attaqué, d’exclure, aux fins du calcul des amendes qui lui ont été infligées, les ventes non susceptibles d’avoir été affectées par les accords litigieux, à savoir les ventes réalisées par Lundbeck dans certains États membres de l’EEE dont le marché était en réalité fermé aux fabricants de médicaments génériques, au motif qu’aucune AMM ne leur a été délivrée avant l’expiration de ces accords ou, s’agissant de l’Autriche, au motif que le brevet sur l’IPA citalopram de Lundbeck y est resté en vigueur pendant une grande partie de la durée desdits accords. Or, conformément aux points 6 et 13 des lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006, il reviendrait à la Commission de ne retenir que les ventes qui étaient effectivement en relation avec l’infraction en cause.
181 En outre, le Tribunal aurait, également au point 804 de l’arrêt attaqué, fait une application erronée de la jurisprudence, d’une part, en estimant que la nature d’« infraction par objet » revêtue par les accords litigieux dispensait la Commission de procéder à un examen concret, un tel examen pouvant pourtant revêtir une certaine importance en vue du calcul du montant des amendes, comme la Cour l’a indiqué au point 31 de l’arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343). D’autre part, en n’excluant pas, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332), du calcul des amendes les ventes correspondant aux activités non susceptibles d’être en concurrence pendant la durée d’application des accords litigieux, le Tribunal n’aurait pas effectué l’analyse factuelle et juridique nécessaire pour déterminer les ventes en relation directe ou indirecte avec les infractions en cause, exigée par l’arrêt du 28 juin 2016, Telefónica/Commission (T-216/13, EU:T:2016:369, point 309).
182 En deuxième lieu, Lundbeck critique le Tribunal pour ne pas avoir suffisamment motivé, au point 816 de l’arrêt attaqué, le fait de ne pas avoir appliqué la méthode retenue dans l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T-360/09, EU:T:2012:332). En particulier, le Tribunal n’aurait pas expliqué comment les fabricants de médicaments génériques n’ont pas été de facto empêchés de pénétrer sur le marché des États membres de l’EEE concernés du fait de l’absence d’AMM et de l’existence du brevet sur l’IPA citalopram de Lundbeck.
183 En troisième lieu, Lundbeck fait valoir que le Tribunal a procédé à une appréciation incorrecte des circonstances de l’espèce en estimant, au point 806 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la Commission avait retenu, aux fins du calcul du montant des amendes qui lui ont été infligées conformément aux lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006, un pourcentage de la valeur des ventes en relation avec l’infraction de 10 et 11 % selon la portée géographique des accords litigieux. Or, compte tenu de l’impact géographique limité de ces accords et de la pratique décisionnelle de la Commission dans des affaires similaires ainsi que du fait que lesdits accords ne constitueraient pas des ententes, ces pourcentages auraient dû être inférieurs et fixés au niveau le plus bas possible.
Appréciation de la Cour
184 S’agissant, en premier lieu, des première et deuxième branches du sixième moyen, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, Lundbeck estime, en substance, que, aux points 804 et 816 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis des erreurs de droit en considérant, sans répondre à son argumentation, que la Commission n’était pas tenue de réduire le montant de base des amendes pour ne tenir compte que de la valeur des ventes dans les pays où les fabricants de médicaments génériques étaient plus avancés dans leurs préparatifs visant à entrer sur le marché.
185 Concernant l’infliction par la Commission d’une amende en application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Cour a déjà jugé que cette institution doit apprécier, dans chaque cas d’espèce et au vu de son contexte ainsi que des objectifs poursuivis par le régime de sanctions établi par ledit règlement, l’impact recherché sur l’entreprise concernée, notamment en tenant compte d’un chiffre d’affaires qui reflète la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l’infraction a été commise (arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C-101/15 P, EU:C:2016:631, point 16 ainsi que jurisprudence citée).
186 À cet égard, il est loisible, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci (arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C-101/15 P, EU:C:2016:631, point 17 ainsi que jurisprudence citée).
187 Dans la mesure où les amendes infligées par la décision litigieuse ont été fixées, par la Commission, en faisant application des lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006, il y a de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, si la notion de « valeur des ventes » visée au point 13 de ces lignes ne peut, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas du champ d’application de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion s’entendait comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C-101/15 P, EU:C:2016:631, point 19).
188 Certes, il découle de cette considération que doivent être exclues de la valeur des ventes faisant l’objet d’une infraction les ventes de l’auteur de ladite infraction intervenues sur un marché non ouvert à la concurrence, tel que celui dont il est question dans l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, points 105 et 155), évoqué par Lundbeck, dans la mesure où un tel marché est insusceptible d’être affecté par une pratique anticoncurrentielle visée à l’article 101 TFUE, ou encore les ventes réalisées par une des parties à une entente sur des marchés sur lesquels les autres parties à cette entente ne sont pas présentes et ne peuvent pas être considérées comme des concurrentes potentielles.
189 Toutefois, en l’occurrence, aucune des ventes intégrées par la Commission dans la valeur des ventes retenue, dont le montant global a été confirmé par le Tribunal, ne relève de l’une des catégories de ventes exclues visées au point précédent.
190 En effet, comme l’a relevé Mme l’avocate générale aux points 222 et 223 de ses conclusions, qu’il s’agisse des ventes réalisées en Autriche où le brevet de l’IPA citalopram de Lundbeck n’a expiré, selon celle-ci, qu’au mois d’avril 2003, à savoir au cours de la période d’exécution des accords litigieux, ou qu’il s’agisse des ventes réalisées dans les États dans lesquels les fabricants de médicaments génériques n’ont obtenu une AMM qu’au cours de la période d’exécution de ces accords voire postérieurement à celle-ci, toutes ces ventes ont été réalisées sur des marchés sur lesquels les fabricants de médicaments concernés étaient à tout le moins en concurrence potentielle pendant toute la durée desdits accords, ce que le Tribunal a à juste titre relevé, au point 815 de l’arrêt attaqué, et ce que confirme le rejet du quatrième moyen du pourvoi.
191 Dès lors, il ne saurait être valablement soutenu que les ventes visées au point précédent n’avaient pas un lien à tout le moins indirect avec les infractions constatées et, partant, qu’elles ne devaient pas être prises en considération aux fins du calcul des amendes infligées à Lundbeck.
192 En effet, comme le Tribunal l’a relevé au point 804 de l’arrêt attaqué, ce sont les parties aux accords litigieux qui ont elles‑mêmes défini la portée géographique de ces accords, à l’exclusion de ceux conclus entre Lundbeck et Arrow, comme s’étendant à l’ensemble de l’EEE, ce qui démontre qu’elles ont considéré qu’elles se trouvaient, dans chacun des marchés de l’EEE, en concurrence, sinon réelle à tout le moins potentielle, avec pour conséquence que les ventes réalisées par Lundbeck dans chacun desdits marchés doivent être considérées, aux termes du point 13 des lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006, comme des ventes « en relation directe ou indirecte avec l’infraction ».
193 Dès lors, Lundbeck ne saurait faire grief au Tribunal d’avoir admis, au point 804 de l’arrêt attaqué, la prise en considération, s’agissant des accords litigieux à l’exclusion des accords conclus entre Lundbeck et Arrow, des ventes réalisées sur l’ensemble du territoire de l’EEE sans avoir effectué un examen approfondi des perspectives concrètes d’entrée des fabricants de médicaments génériques sur le territoire de chaque État membre de l’EEE.
194 Enfin, il ne saurait pas non plus être valablement reproché au Tribunal d’avoir, au point 816 de l’arrêt attaqué, insuffisamment motivé la non-application, en l’espèce, de la solution dégagée dans l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T-360/09, EU:T:2012:332).
195 En indiquant, audit point, que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt n’était d’aucun secours pour Lundbeck, puisque, dans cette affaire, toute concurrence aurait été impossible, même en l’absence de l’accord anticoncurrentiel en cause dans ladite affaire, pendant une partie de la période de l’infraction, étant donné que le marché était légalement soustrait à toute concurrence en vertu de la législation nationale applicable pendant cette période, ce qui créait une situation de monopole de fait, le Tribunal a permis aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles il n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C-14/19 P, EU:C:2020:492, point 96 et jurisprudence citée).
196 Il s’ensuit que les première et deuxième branches du présent moyen doivent être rejetées comme étant non fondées.
197 S’agissant, en second lieu, de la troisième branche du présent moyen, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union (arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C-98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 107 ainsi que jurisprudence citée).
198 Ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C-98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 107 ainsi que jurisprudence citée).
199 Il s’ensuit que, dans la mesure où Lundbeck conteste, par la troisième branche du sixième moyen, l’appréciation effectuée par le Tribunal, notamment au point 842 de l’arrêt attaqué, quant au montant des amendes infligées au regard des circonstances de l’espèce, sans pour autant établir ni même alléguer que ce montant serait non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, elle cherche en réalité à obtenir une nouvelle appréciation du caractère approprié du montant des amendes qui lui ont été infligées. Dès lors, cette branche doit être rejetée comme étant irrecevable.
200 En conséquence, le sixième moyen du présent pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
201 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté.
Sur les dépens
202 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
203 La Commission ayant conclu à la condamnation de Lundbeck aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.
204 En vertu de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supportera ses propres dépens.
205 L’EFPIA ayant participé à la procédure devant la Cour, il y a lieu de décider, dans les circonstances de l’espèce, qu’elle supportera ses propres dépens.
206 L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
207 Par conséquent, le Royaume-Uni supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) H. Lundbeck A/S et Lundbeck Ltd sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
3) L’European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA) supporte ses propres dépens.
4) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporte ses propres dépens.