CA Versailles, 12e ch., 25 mars 2021, n° 18/00153
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
FBPG (Sté)
Défendeur :
Laforêt France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Muller, M. Nut
EXPOSE DU LITIGE
La société FBPG Conseils, ci-après société FBPG, a été créée début 2006 par M. François B. et M. Philippe G.. Elle a conclu, le 7 juin 2006, un contrat de franchise avec la société Laforêt, pour l'exploitation d'une agence immobilière située à Senlis (60300).
La société FBPG a éprouvé des difficultés de trésorerie et un projet d'échéancier des sommes dues à la société Laforêt a été établi mais il n'a pas été suivi d'effet.
Par lettre recommandée du 10 octobre 2009, la société Laforêt a mis en demeure la société FBPG de lui régler la somme de 11 219,62 euros ; à la suite de règlements partiels, par lettres recommandées du 4 décembre 2009 et du 20 janvier 2010, la société La forêt a mis en demeure la société FBPG de lui régler les sommes encore dues.
Le 10 mars 2010 la société Laforêt a assigné la société FBPG en référé devant le président du tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir le paiement en principal de 12 955,27 € au titre des redevances restées impayées ; toutefois le 8 avril 2010, la société Laforêt s'est désistée de son instance.
Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 23 juin 2010, la société FBPG a été placée en liquidation judiciaire et la société L. L. a été désignée en qualité de mandataire liquidateur. La société Laforêt a déclaré au passif de la liquidation sa créance pour un montant de 17 985,03 € et le 21 juillet 2010, cette créance a été admise par le liquidateur ; elle a été payée par le liquidateur le 30 juin 2011 à hauteur de 603,95 €.
La procédure de liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actif le 6 juillet 2011 ; à la demande de M. Philippe G., le tribunal de commerce de Compiègne, par jugement du 12 juin 2013, a ordonné la réouverture des opérations de liquidation.
Par acte du 7 avril 2010, la société FBPG, M. G. et M. B. ont assigné la société Laforêt devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir juger que celle-ci n'a pas fourni à la société FBPG des informations pré-contractuelles loyales et fiables, et donc de voir prononcer la nullité du contrat de franchise.
Par jugement du 23 novembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Pris acte de l'intervention volontaire de la société L. Le B., ès qualités de mandataire liquidateur de la société FBPG,
- Débouté la société Laforêt Franchise de sa demande d'irrecevabilité à l'encontre de la société L. Le B., ès qualités,
- Dit la société L. Le B., ès qualités, recevable à agir en nullité et résiliation,
- Dit M. François B. et M. Philippe G. irrecevables à agir en nullité et en résiliation,
- Débouté la société L. Le B., ès qualités de sa demande de résolution du contrat de franchise conclu le 7 juin 2006,
- Débouté la société L. Le B., ès qualités de sa demande de résiliation du contrat,
- Dit M. François B. et M. Philippe G. recevables à agir en responsabilité au titre de leur intérêt personnel et distinct,
- Débouté M. François B. et M. Philippe G. de leur demande de dommages et intérêts,
- Débouté la société Laforêt Franchise de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une procédure abusive,
- Condamné M. François B. et M. Philippe G. à payer à la société Laforêt Franchise la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. François B. et M. Philippe G. aux dépens.
Par déclaration du 8 janvier 2018, M. G., M. B. et la société FBPG, représentée par son liquidateur, la société L.-L. ont interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2020, la société FBPG, représentée par la société L.-L., M.G. et M. B. demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris sauf :
- En ce qu'il a constaté la recevabilité des demandes de la société L. Hermont ès qualités,
- En ce qu'il a déclaré recevable l'action de M.G. et B. sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- en ce qu'il a débouté la société Laforêt de ses demandes de dommages et intérêts,
- En ses dispositions contraires au présent dispositif,
A titre principal
- Dire et juger que la société Laforêt immobilier n'a pas fourni à la société FBPG des informations précontractuelles loyales et fiables lui permettant de s'engager en toute connaissance de cause.
- Dire et juger que la société Laforêt Immobilier a vicié le consentement de la société FBPG, ainsi que de messieurs G. et B..
- Prononcer la nullité du contrat de franchise litigieux,
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que la société Laforêt immobilier n'a pas fourni à la société FBPG l'assistance qui lui était due en sa qualité de franchisée,
- Dire et juger que la société Laforêt n'a pas exécuté son contrat avec loyauté et bonne foi.
- Prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société Laforêt Immobilier.
En tout état de cause,
- Dire et juger que la société FBPG est valablement représentée par son mandataire liquidateur,
- Indépendamment de toute demande de nullité du contrat, dire et juger que la société Laforêt Immobilier n'a pas fourni à la société FBPG des informations précontractuelles loyales et fiables lui permettant de s'engager en toute connaissance de cause.
- Dire et juger que la société Laforêt Immobilier a causé un préjudice à la société FBPG et devra être condamnée à le réparer.
- Dire et juger que la société Laforêt Immobilier a engagé sa responsabilité à l'encontre de M. G. Philippe et de Monsieur B., et devra être condamnée à réparer son préjudice (sic).
En conséquence,
- Condamner la société Laforêt au paiement des sommes suivantes :
- En ce qui concerne la société L. ès qualités :
. Sur les pertes subies :
La société Laforêt sera condamnée à indemniser FBPG du montant :
- Du droit d'entrée : 25 000 euros HT, soit 29 900 euros TTC
- Des redevances payées : 29 000 €,
- Des pertes comptables : 105 000 €,
- Investissements spécifiques non amortis (dont agencements et enseigne) : 65 284 €
. Sur la perte d'une chance de réaliser un gain :
- 345 387,19 euros.
- En ce qui concerne M.G. et B. :
- 105 343,88 euros en indemnisation de son compte courant d'associé et de son apport en capital.
- 96 949,94 euros en indemnisation du préjudice résultant de la mise en œuvre du cautionnement par la banque.
- 10 000 euros chacun en réparation du préjudice moral. [vente de la maison principale, attestations de proches, séparation d'avec sa compagne en raison de ses difficultés] (sic),
- La condamner au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M.G., B. et de la société FBPG.
- Dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter l'assignation avec bénéfice de l'article 1154 du code civil ;
- La condamner aux entiers dépens distraction pour ceux d'appel au profit de la société M.-T. agissant par Maître Stéphanie T. Avocat au Barreau de Versailles Toque 619, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 22 avril 2020, la société Laforêt France demande à la cour de :
I - Sur l'action de la société FBPG Conseils
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 23 novembre 2017 et juger que
- la société Laforêt n'a commis aucune faute ni contractuelle, ni délictuelle,
- la société Laforêt a respecté les dispositions de l'article L. 330-3 du code de commerce,
- le consentement de la société FBPG Conseils n'a pas été vicié,
- le contrat de franchise a été reconnu comme valable par la société FBPG Conseils.
- la société FBPG Conseils ne prouve pas son préjudice,
En conséquence
- Débouter la société FBPG Conseils de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
II - Concernant les demandes de Messieurs G. et B.
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement 23 novembre 2017 sauf à constater en plus l'absence de préjudice personnel pour M. G. et B. et ainsi juger notamment que :
- la société Laforêt n'a commis aucune faute ni contractuelle, ni délictuelle,
- Messieurs G. et B. ne prouvent aucun préjudice personnel et distinct par rapport à ceux invoqués par la société FBPG Conseils et ce faisant réformer le jugement entrepris.
En conséquence
- Débouter M. G. et B., de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
En toutes hypothèses et statuant à nouveau :
- Condamner solidairement M. G. et B. à payer à la société Laforêt la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive,
- Condamner solidairement M. G. et B. à régler à la société Laforêt la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront recouvrés par Maître B.-r., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2020
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
En application de cet article, la victime de manœuvres dolosives, a le choix entre deux actions, soit demander la nullité du contrat, soit demander l'attribution de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle.
En l'espèce, la société FBPG sollicite, à titre principal la nullité du contrat de franchise (1), à titre subsidiaire l'attribution de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Laforêt (2), et enfin la résiliation du contrat de franchise (3). Les demandes formées par Messieurs G. et B. seront examinées ensuite (4).
1- sur la demande principale formée par la société FBPG tendant à la nullité du contrat de franchise
La société FBPG et ses associés concluent à la nullité du contrat de franchise au motif que la société Laforêt ne leur a pas fourni des informations pré-contractuelles loyales et fiables, et qu'elle a vicié leur consentement.
Pour s'opposer à cette demande, la société Laforêt rappelle qu'elle a déclaré sa créance, au titre des redevances contractuelles, au passif de la liquidation de la société FBPG, et que celle-ci n'a émis aucune contestation, de sorte que la créance a fait l'objet d'une décision d'admission par le juge commissaire, et qu'elle a en outre été réglée partiellement. Elle soutient dès lors que l'absence de toute contestation de sa créance constitue une reconnaissance de la validité du contrat de franchise par la société FBPG, de sorte que celle-ci ne peut plus remettre en cause ce contrat, concluant ainsi au débouté de la demande de nullité.
La société FBPG affirme que l'admission de la créance de la société Laforêt au passif de sa liquidation ne constitue pas une renonciation à sa demande de nullité introduite avant le prononcé de la liquidation judiciaire. Elle indique notamment que le juge commissaire n'a pas compétence pour statuer sur la validité du contrat, et que sa décision ne peut avoir autorité de chose jugée alors que le débat sur cette validité n'a pas été tranché. Elle ajoute qu'en tout état de cause, cette autorité de chose jugée ne pourrait être opposée à Messieurs G. et B. qui n'étaient pas partie à l'instance devant le juge commissaire.
Il est constant que la créance de la société Laforêt a fait l'objet d'une décision d'admission par le juge commissaire, cette décision n'ayant donné lieu à aucun recours de sorte qu'elle est devenue définitive. Cette créance a même donné lieu à un paiement partiel, en fonction de l'actif disponible de la société FBPG.
L'action en nullité engagée, qui vise à mettre à néant le contrat de franchise qui a donné naissance à la créance irrévocablement admise, est incompatible avec le caractère définitif de la chose jugée concernant l'existence, la nature et le montant de la créance du franchiseur.
La société FBPG doit ainsi être déboutée de sa demande en nullité du contrat de franchise. Le jugement sera confirmé de ce chef.
2- sur la demande subsidiaire formée par la société FBPG sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle de la société Laforêt
La société FBPG met en cause la responsabilité extra-contractuelle de la société Laforêt en ce qu'elle aurait agi de manière dolosive à son égard, d'une part en méconnaissant son obligation légale d'information, l'empêchant d'apprécier le potentiel exact de la franchise, d'autre part en ce qu'elle lui a fourni un compte d'exploitation prévisionnel erroné.
. sur l'obligation légale d'information
La société FBPG reproche à la société Laforêt de lui avoir fourni - dans le Document d'Information Précontractuel (ci-après DIP) remis en mars 2006 - des informations erronées quant à l'état du marché et ses perspectives de développement. Elle fait principalement état d'omissions d'information, notamment sur la part des ventes réalisées entre particuliers, et l'impact des sites internet. Elle indique également que l'état du marché qui lui a été présenté est celui de 1999 alors même que le contrat a été signé en 2006.
La société Laforêt conteste tout manquement à son obligation d'information. Elle fait notamment valoir que l'état du marché comporte, certes des données de l'année 1999, mais également celles de l'année 2004, de sorte qu'il n'est nullement obsolète. Elle ajoute qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré en quoi ces informations auraient vicié le consentement de la société FBPG.
Il résulte de l'article L. 330-3 du code de commerce que toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. Ce document, dont le contenu est fixé par décret (article R. 330-1 du même code), précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. (...).
S'agissant de la présentation de l'état général du marché immobilier, il est exact que les données figurant dans le DIP sont, pour partie, datées de 1999, alors même que ce document a été remis à la société FBPG en mars 2006. Ces informations anciennes sont toutefois complétées par un document récent, à jour à fin décembre 2004, permettant de constater l'évolution des statistiques sur la période 1999 à 2004, en ce qui concerne les populations et les critères de logement. Il n'existe donc aucun défaut d'information à ce titre.
S'agissant de la montée de la concurrence des sites internet que la société Laforêt aurait occultée à la société FBPG, cette dernière ne produit aucune donnée précise qui permettrait d'établir qu'en mars 2006, cette concurrence pesait de manière significative sur le marché, étant en outre rappelé que l'obligation d'information du franchiseur ne dispense pas le franchisé de s'informer lui-même et de faire preuve de vigilance au regard des évolutions sociétales, telle que l'arrivée de la concurrence par internet.
S'agissant de l'état et des perspectives du marché local, les articles L. 330-3 et R. 330-1 précités mettent à la charge du franchiseur la communication d'un état et des perspectives du marché concerné, mais ils ne lui imposent pas la fourniture d'une véritable étude du marché local, ou étude d'implantation qui incombe au franchisé.
La cour observe en premier lieu que le DIP comprend un état du marché local de la ville de Senlis, composé de 8 pages d'informations, incluant les caractéristiques économiques de la ville, des statistiques sur la population et sur le type de logements, des informations sur les ventes immobilières récentes, sur le marché de la location. Il est notamment précisé dans ce document qu'il existe déjà une douzaine d'agences immobilières indépendantes, outre des agences appartenant à des réseaux concurrents (Orpi et Century 21).
En conclusion de ces informations sur le marché local, le franchiseur indique : « à l'étude de ce secteur, nous pouvons constater qu'il est particulièrement difficile, mais qu'il possède néanmoins un potentiel intéressant. » (Souligné par la cour) Il est notamment précisé que l'approche du consommateur est encore « artisanale, sans méthode », le franchiseur ajoutant : « une agence qui réussirait à développer une bonne image de marque en proposant à sa clientèle des services professionnels pourrait tout à fait dans ce type de marché trouver une très bonne place. Pour lutter contre la concurrence, cette agence devra mettre en place une politique dynamique d'embauche de ses commerciaux, avec un statut attrayant pour recruter les meilleurs (...). Cette agence devra aussi bien délimiter sa zone de prospection pour ne pas diluer son action par un territoire trop grand (..). » Le franchiseur termine en indiquant : « l'ensemble de cette politique est l'élément clé de la réussite sur ce marché à forte concurrence et pourra permettre de prendre des parts de marché aux agences déjà en place, aux services immobiliers des notaires et au marché des transactions entre particuliers ».
Il ressort de l'ensemble de ces informations que la société Laforêt a clairement avisé la société FBPG que le secteur était « particulièrement difficile » et « à forte concurrence », l'informant également des perspectives de développement en lui prodiguant les conseils utiles (importance du recrutement, délimitation de la zone...).
S'il est exact, comme le fait observer la société FBPG que ces « conclusions » sur l'état du marché et les perspectives de développement sont très proches, voire identiques dans les dossiers de deux autres franchisés sur les villes de Lisieux (14) et Dammartin (77), cette circonstance ne discrédite pas pour autant les informations qui y sont portées, dès lors notamment qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les zones concernées sont dissemblables. Le seul fait que le franchiseur affirme, dans plusieurs dossiers DIP, qu'un secteur est particulièrement difficile et à forte concurrence et qu'il prodigue au franchisé des conseils identiques peut tout à fait s'expliquer par un contexte similaire entre plusieurs sites, la preuve contraire n'étant pas rapportée ici par la société FBPG.
Au regard de ces éléments, la société FBPG n'est pas fondée à soutenir que la société Laforêt ne lui aurait présenté aucune perspective de développement, ou qu'elle serait « restée très vague sur les agences immobilières présentes dans la zone de chalandise », ou qu'elle n'aurait pas tenu compte du fait qu'une grande partie des ventes provient d'annonces entre particuliers (ce que le gérant de la société FBPG savait puisqu'il l'écrit dans une lettre de motivation du 9 août 2006), ou même qu'elle aurait totalement omis de l'informer des perspectives de développement, ces dernières étant au contraire précisées, sans que la difficulté du projet ne soit occultée par la société Laforêt.
La société FBPG soutient encore que la société Laforêt aurait omis de l'informer et de la mettre en garde quant au caractère atypique du marché immobilier en ce qu'il porte sur des maisons individuelles dont les prix sont élevés, avec une rotation lente des ventes. Outre le fait que la société FBPG ne produit aucun élément permettant de démontrer que les prix sont plus élevés et que la rotation est plus lente dans son secteur que sur d'autres secteurs, la cour observe que de telles données ne pourraient résulter que d'une étude approfondie du marché local qui ne ressort pas des obligations du franchiseur.
La société FBPG soutient enfin que la société Laforêt savait que le marché de l'immobilier « était dans une phase de surchauffe », et que son retournement, ainsi que la crise immobilière survenue en septembre 2008 étaient prévisibles, voire prévus, leur dissimulation par la société Laforêt étant déloyale et fautive. Elle se fonde en cela sur une note de conjoncture des agences Laforêt de novembre 2008, aux termes de laquelle : « après dix années de hausse ininterrompue durant lesquelles les prix avaient progressé de 140 %, les premiers signes d'essoufflement du marché sont apparus dans les derniers mois de 2007. L'immobilier étant régi par des cycles de 7 à 8 ans, c'est en réalité deux ans plus tôt que le coup d'arrêt aurait dû intervenir (...) ».
Cette seule analyse rétrospective du marché, postérieure de plus de deux années à la remise du DIP, est insuffisante à démontrer une intention de la société Laforêt, deux années plus tôt, de dissimuler une information à son franchisé.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas démontré que la société Laforêt ait failli à son obligation de fournir des informations sincères, qui permettent à son franchisé de s'engager en connaissance de cause, conformément aux dispositions précitées.
. sur la fourniture d'un compte d'exploitation prévisionnel erroné
La société FBPG reproche à la société Laforêt de lui avoir remis un compte d'exploitation prévisionnel trop optimiste présentant un chiffre d'affaire de 308 920 euros la première année, alors même que ce montant correspond au chiffre d'affaires moyen d'un point de vente déjà installé depuis de nombreuses années.
La société Laforêt rappelle que la fourniture d'un compte prévisionnel n'est pas une obligation du franchiseur. Elle soutient que le document produit par la société FBPG n'émane pas de ses services, cette société en étant le seul rédacteur, ajoutant d'une part qu'il ne s'agit pas d'un compte prévisionnel, mais de simples hypothèses, d'autre part que ce document est postérieur à la signature du contrat, de sorte qu'il n'a pu avoir aucune influence sur le consentement du franchisé.
Ainsi que le fait observer la société Laforêt, sans que cela soit discuté par la société FBPG, aucun élément ne permet d'affirmer que le document intitulé « hypothèses de compte prévisionnel » a été établi par la société Laforêt, étant rappelé que celle-ci n'est pas tenue de fournir un tel compte à ses franchisés.
Le reproche adressé au franchiseur d'un compte d'exploitation prévisionnel trop optimiste n'est donc pas fondé.
La preuve des manquements imputés à la société Laforêt n'étant pas rapportée, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes formées par la société FBPG à son encontre. Le jugement sera confirmé de ce chef.
3- sur la demande subsidiaire de la société FBPG en résiliation du contrat de franchise
La société FBPG sollicite à titre subsidiaire la résiliation du contrat de franchise au motif que la société Laforêt a manqué à son obligation d'assistance dans les difficultés qu'elle rencontrait. Elle invoque notamment l'existence de mauvaises pratiques au sein du réseau Laforêt qui auraient donné lieu au licenciement de certains de ses dirigeants. Elle fait valoir que la société Laforêt aurait elle-même reconnu ces pratiques.
La société Laforêt fait valoir que le contrat a uniquement été résilié du fait de la liquidation de la société FBPG en juin 2010. Elle conteste tout manquement à ses obligations contractuelles, ajoutant que la société FBPG ne vise aucun article du contrat qui n'aurait pas été respecté. Elle ajoute avoir effectué de nombreuses visites à l'agence et avoir fourni divers conseils dans un plan d'action.
La société FBPG ne précise pas en quoi le licenciement de certains dirigeants de la société Laforêt permettrait de démontrer un manquement de cette société à son égard. Elle n'invoque à ce titre aucune argumentation ni aucun fait précis permettant de caractériser un tel manquement.
La société Laforêt démontre au contraire, sans que cela soit discuté par la société FBPG, qu'elle effectuait régulièrement des visites dans l'agence FBPG et lui fournissait des conseils, justifiant ainsi du respect de son obligation d'assistance à son franchisé.
Aucun manquement à l'obligation d'assistance du franchiseur n'étant démontré, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société FBPG de sa demande de résiliation du contrat.
4 - sur les demandes formées par Messieurs G. et B. à l'encontre de la société Laforêt
Le premier juge a constaté l'irrecevabilité de l'action de Messieurs G. et B. en nullité et en résiliation du contrat de franchise, mais la recevabilité de leur action sur le fondement de la responsabilité de la société Laforêt. Ces questions de recevabilité ne sont plus discutées en cause d'appel, de sorte que la cour confirmera la décision de première instance sur ces points.
Messieurs G. et B. indiquent, qu'en leur qualité de dirigeants de la société FBPG, ils se sont portés caution des prêts bancaires qui lui ont été consentis. Ils affirment dès lors que les manquements de la société Laforêt sont à l'origine d'un préjudice (perte d'apports et mise en œuvre du cautionnement par la banque) dont ils demandent réparation, et qui leur est personnel et distinct de celui subi par les autres créanciers de la société FBPG.
La société Laforêt rappelle que l'action en responsabilité engagée par un associé, à l'encontre d'un co-contractant de la société, ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel et distinct de celui causé à la personne morale (qui ne peut être invoqué que par le liquidateur). Elle soutient que la perte des investissements faits par Messieurs G. et B. ne caractérise pas un tel préjudice, de sorte que leurs demandes doivent être rejetées.
Il résulte de l'article L. 622-20 du code de commerce que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul, qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Il résulte de l'article L. 641-4 du code de commerce que le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu'à la vérification des créances. Il peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.
La perte des apports faits par un associé ne constitue qu'une part du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers de la société, de sorte que Messieurs G. et B. ne sont pas fondés en leur action contre la société Laforêt.
En tout état de cause, l'action de Messieurs G. et B. est fondée sur les mêmes manquements que ceux imputés par la société FBPG à la société Laforêt, dont il a déjà été démontré qu'ils n'étaient pas constitués, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté leurs demandes indemnitaires.
5 - sur la demande reconventionnelle formée par la société Laforêt
La société Laforêt forme une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, soutenant que : « la mauvaise foi de Messieurs G. et B. est patente ».
Les seules affirmations de la société Laforêt aux termes desquelles Messieurs G. et B. auraient agi avec une légèreté blâmable ou avec une intention malicieuse, en ce qu'elles ne reposent sur aucun élément concret et ne sont étayées par aucune argumentation précise sont insuffisantes à caractériser un abus dans le droit d'exercer une action en justice. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Laforêt.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société FBPG qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel.
Il n'y a pas lieu, en cause d'appel, à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 23 novembre 2017 en toutes ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société FBPG, représentée par son liquidateur la société L. L. aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.