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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 mars 2021, n° 19/09911

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Com 2000 (SARL)

Défendeur :

Provence Golf Prestige (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Marseille, du 20 mars 2019

20 mars 2019

Vu le jugement rendu le 20 mars 2019 par le tribunal de commerce de Marseille qui a :

- dit que les conventions conclues entre la société Com 2000 et la société Provence golf prestige le 26 novembre 2015 ont été résiliées aux torts de la société Com 2000 « le 20 novembre 2016 » en réalité le 20 octobre 2016,

- en conséquence, débouté la société Com 2000 de toutes ses demandes,

- condamné la société Com 2000 à payer à la société Provence golf prestige la somme de 4 000 €, à titre de dommages-intérêts, et celle de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la société Com 2000,

- ordonné l'exécution provisoire pour le tout,

- rejeté toutes autres demandes des parties ;

Vu l'appel relevé par la société Com 2000 et ses dernières conclusions notifiées le 31 juillet 2019 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce et de l'article 1134 (ancien) du code civil de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que la société Provence golf prestige a révoqué de mauvaise foi et pour des motifs qui ne lui sont pas imputables les conventions conclues entre les parties le 26 novembre 2015,

- dire que la société Provence golf prestige a rompu brutalement et sans préavis la relation commerciale entretenue avec elle,

- condamner la société Provence golf prestige à l'indemniser de son entier préjudice qui sera fixé à la somme de 68 236 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- condamner la société Provence golf prestige aux entiers dépens et à lui payer la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2019 par la société Provence golf prestige qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce ainsi que des articles 1134 ancien et 1184 ancien du code civil :

1) sur l'absence de fondement des demandes de la société Com 2000 puisque la relation contractuelle n'a pas été rompue brutalement ou de mauvaise foi, de :

- débouter la société Com 2000 de l'ensemble de ses demandes sur la contestation de la résolution des conventions conclues le 26 novembre 2015,

- la débouter de l'ensemble de ses prétentions sur sa demande en réparation de son préjudice,

- dire que la société Com 2000 n'a pas exécuté ses obligations découlant des conventions, prendre acte de ce que ces conventions sont résolues depuis le 20 octobre 2016,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

2) sur le préjudice subi par la société Provence golf prestige du fait de l'inexécution de ses engagements par la société Com 2000 :

- constater qu'elle a subi un préjudice d'image puisque sa clientèle a réclamé les cartes de scores et les carnets de parcours que le golf ne pouvait fournir,

- constater qu'elle a reçu des plaintes de ses partenaires réguliers au motif qu'ils ont versé des sommes à la société Com 2000 qui les conserve indûment,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Com 2000 à lui payer la somme de 4 000 € en réparation de son préjudice d'image,

- débouter la société Com 2000 de l'ensemble de ses prétentions sur la contestation de la fin des conventions conclues le 26 novembre 2015,

3) en tout état de cause, condamner la société Com 2000 aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Le 26 novembre 2015, la société Provence golf prestige, qui exploite un golf de 18 trous à Fuveau (1370) sous le nom commercial « Sainte Victoire Golf Club », a signé 3 contrats avec la société Com 2000 qui exerce l'activité d'agence de communication.

Dans le premier contrat, intitulé « Convention établie en vue de l'édition gratuite de vos cartes de scores », il était prévu :

- que le golf, qui avait décidé de faire paraître des cartes de scores, en confiait l'édition à Com 2000 et la réalisation à la société Paraddict signalétique,

- que Com 2000 prenait à sa charge tous les frais d'édition,

- que le golf s'engageait à fournir à la société Com 2000, dès la signature du contrat, une lettre accréditive et la liste des fournisseurs,

- que la fréquence de parution était fixée à 1 an, que les textes devaient être remis le 15 avril 2016 et la livraison intervenir au plus tard le 15 mai 2016,

- que la convention était établie pour une édition.

Dans le deuxième contrat intitulé « Convention établie en vue de l'édition gratuite d'un carnet de parcours », il était convenu :

- que le golf avait décidé de faire paraître un carnet de parcours réalisé par la société Parradict signalétique et dont elle confiait l'édition à la société Com 2000,

- que la société Com 2000 s'engageait à prendre à sa charge tous les frais d'édition,

- que le golf s'engageait à fournir à la société Com 2000, dès la signature du contrat, une lettre accréditive et la liste des fournisseurs,

- que la fréquence de parution était fixée à 1 an, que les textes devaient être remis le 15 avril 2016 et la livraison intervenir au plus tard le 15 mai 2016,

- que la convention était établie pour une édition.

Le troisième contrat, intitulé « Convention d'installation de panneaux de parcours » contenait, notamment, les stipulations suivantes :

- le golf mandate Com 2000 aux fins d'implanter sur chaque parcours 18 panneaux de départ et un panneau pour le plan général,

- Com 2000 s'engage à prendre entièrement à sa charge les frais de fabrication, transport et livraison,

- le golf s'engage à fournir à Com 2000 une lettre accréditive lui permettant la recherche d'annonceurs et la liste de ses partenaires et fournisseurs,

- la date d'installation des panneaux est fixée au mois d'avril 2016,

- la convention est valable pour « une durée de 6 (cinq) ans », renouvelable une fois et au terme du contrat, soit 12 ans, les panneaux appartiendront au golf.

Le 8 février 2016, la société Provence golf prestige a envoyé à la société Com 2000 une lettre lui donnant accréditation aux fins de la vente d'espaces publicitaires sur ses supports de communication, à savoir :

- ses panneaux de parcours,

- ses carnets de parcours et cartes de scores pour une période de 12 mois à compter du 1er mai 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 octobre 2016 adressée à la société Com 2000, la société Provence Golf prestige lui a reproché de ne pas avoir exécuté ses prestations aux dates convenues et lui a notifié la résolution des conventions pour inexécution de ses obligations.

La société Com 2000 lui a répondu, le 25 octobre 2016 :

- que son service technique avait toujours été le relais dans la réalisation du mobilier et qu'il lui avait transmis les validations des panneaux à plusieurs reprises pour obtenir le bon à tirer,

- qu'elle était persuadée qu'un malentendu s'était installé et souhaitait une rencontre dans les meilleurs délais.

Puis, par lettre du 2 novembre 2016, la société Com 2000 a précisé à la société Provence golf prestige :

- qu'elle lui avait adressé les maquettes de ses panneaux avec les visuels publicitaires,

- que les courriels de son prestataire étaient restés sans aucun retour en dépit de ses relances,

- qu'il était vrai qu'elle avait du retard dans l'exécution mais qu'elle ne pouvait pas mettre les panneaux en usine tant qu'elle n'avait pas reçu le bon à tirer,

- qu'elle proposait une rencontre pour apporter les solutions, implanter les panneaux au plus tard début décembre et lui offrir un panneau horloge à placer à sa convenance.

Aucun accord n'étant intervenu entre les parties, la société Com 2000 a assigné la société Provence golf prestige le 28 décembre 2016 devant le tribunal de commerce d'Aix en Provence aux fins d'obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1134 ancien du code civil et de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce ; ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille.

Le tribunal de commerce de Marseille, par le jugement déféré, a débouté la société Com 2000 de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Provence golf prestige la somme de 4 000 €, à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Com 2000 :

La société Com 2000, appelante, expose que l'installation des panneaux était prévue pour le mois d'avril 2016, que la prospection publicitaire a été finalisée entre le 16 mars et le 26 mai 2016 et que les châssis des panneaux sur lesquels devaient être insérés la signalétique des parcours avec les annonces publicitaires, ont été installés sur le golf en mai 2016; elle en déduit que les délais contractuels ont été respectés de sorte que la société Provence golf prestige n'avait plus qu'à valider le visuel des panneaux ; elle ajoute que les versions définitives des maquettes ont été communiquées à la société Provence golf prestige le 12 juillet 2016, sous la forme de fichiers numériques, pour validation et/ou modification, puis encore les 13 et 19 octobre 2016 avec indication que le retour de cette société était toujours attendu.

L'appelante reproche à la société intimée de ne pas avoir répondu à son envoi du 12 juillet 2016 et d'avoir résilié unilatéralement les conventions trois mois plus tard; elle prétend que la société intimée a agi de mauvaise foi et qu'elle s'est rendue coupable d'une résiliation abusive et brutale au sens de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce ; elle allègue que l'intention commune des parties était de mettre en place une relation commerciale établie et pérenne, la durée des conventions ayant été fixée à 5 ans et la société Provence golf prestige étant destinée à devenir propriétaire des panneaux à l'issue de la période contractuelle.

En premier lieu, la société Provence golf prestige conteste la demande indemnitaire fondée sur l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce en faisant valoir :

- que le litige porte sur la fin de premiers contrats à durée déterminée et que l'article L. 442-6-1 5 ° du code de commerce ne s'applique qu'aux cas de non renouvellement abusif d'une relation contractuelle établie,

- qu'il n'y a pas eu de relation commerciale établie, les relations n'ayant duré que 11 mois et n'ayant pas été réellement entretenues,

- que la rupture n'a pas été brutale mais que la dénonciation des contrats, lesquels sont interdépendants et relatifs à une même prestation globale, est intervenue après leur terme extinctif et l'expiration des délais de livraison,

- que la fin de la relation résulte d'une inexécution par la société Com de ses obligations contractuelles.

En second lieu, l'intimée soutient qu'elle n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi et que la résolution unilatérale des contrats est justifiée par les manquements de la société Com 2000 qui n'avait pas livré les cartes de scores et carnets de parcours à la date du 15 mai 2016 et n'avait pas installé les panneaux en avril 2016.

Il apparaît que par les conventions signées entre les parties, la société Com 2000 s'est engagée à fournir à la société Provence golf prestige, à titre gratuit, des cartes de score, des carnets de parcours et des panneaux de parcours et que, en contrepartie, la société Provence golf prestige s'engageait à accréditer la société Com 2000 auprès de ses fournisseurs pour permettre la vente d'espaces publicitaires sur les éléments fournis gracieusement.

Ces conventions stipulent clairement des délais de livraison : avril 2016 pour les panneaux et 15 mai 2016 pour les cartes de scores et carnets de parcours.

Le tribunal a justement relevé :

- s'agissant des cartes de scores et des carnets de parcours, que ces documents n'ont jamais été livrés,

- s'agissant des panneaux de parcours, que la prospection publicitaire n'a été finalisée que le 26 mai 2016 et les châssis des panneaux installés en mai 2016, que la présentation de maquettes de panneaux effectuée par la société Com 2000 le 12 juillet 2016 ne consistait qu'à valider les longueurs officielles de chaque trou, que la société Com 2000 n'a envoyé les maquettes représentant les visuels des trous ainsi que les visuels des annonceurs que les 13 et 19 octobre 2016, soit avec un retard de 6 mois.

Dès le 28 mai 2016, la société Provence golf prestige avait adressé un courriel à la société Parradict signalétique pour lui demander sous quel délai les panneaux pourraient être installés; en septembre 2016, elle a encore contacté cette société qui lui a répondu, par courriel du 24 septembre 2016, être toujours en attente des fichiers pubs de la société Com 2000 pour lui envoyer le bon à tirer et mettre en production les panneaux, en précisant que ces fichiers devaient normalement lui parvenir la semaine suivante.

Ainsi, c'est sans agir de mauvaise foi ou de façon abusive que la société Provence golf prestige a mis fin aux trois contrats en raison des manquements de la société Com 2000 à ses obligations contractuelles, étant souligné que les délais de livraison avaient une grande importance, la haute saison de golf s'étendant d'avril à octobre.

A supposer même l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties, l'inexécution par la société Com 2000 à ses obligations est suffisamment grave pour justifier sa rupture sans préavis comme prévu par l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce.

En conséquence, la société Com 2000 sera déboutée de toutes ses demandes,

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Provence golf prestige :

La société Com 2000, qui demande l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions dont sa condamnation à des dommages-intérêts, ne formule cependant aucune critique sur ce chef de décision, ni aucune contestation sur la demande de la société Provence golf prestige.

C'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a dit que la société Provence golf prestige avait subi un préjudice d'image en raison des manquements contractuels de la société Com 2000 et lui a alloué la somme de 4 000 € en réparation de ce préjudice.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société Com 2000 qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 2 000 € à l'intimée et de rejeter la demande de l'appelante à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamne la société Com 2000 à payer à la société Provence golf prestige la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la société Com 2000 aux dépens d'appel.