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Décisions

Cass. 1re civ., 24 mars 2021, n° 19-21.944

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Valton (Epoux)

Défendeur :

Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Troyes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Vitse

Avocat général :

M. Lavigne

Avocats :

SCP Bouzidi et Bouhanna, Me Le Prado

Reims, ch. civ. sect. 1, du 18 juin 2019

18 juin 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 18 juin 2019), la caisse de Crédit mutuel de Troyes, devenue la caisse fédérale de Crédit mutuel de Troyes (la banque), a, suivant offre acceptée le 22 juillet 1999, consenti un crédit immobilier à M. et Mme Valton (les emprunteurs), lequel a fait l'objet d'un avenant accepté le 5 avril 2007.

2. Le 6 juin 2014, les emprunteurs ont assigné la banque en remboursement d'intérêts indus et en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à déclarer abusive la combinaison des articles 5.3.2 et 13.3 du contrat de crédit souscrit le 22 juillet 1999, alors « que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’en l’espèce, les emprunteurs soutenaient que les dispositions du contrat qu’ils dénonçaient se référaient à « l’amortissement du prêt », alors que celui-ci ne s’amortissait pas, que les clauses évoquaient également un « remboursement constant à paliers », ce qui était financièrement erroné, un prêt étant soit à remboursement constant, soit à paliers, mais ne pouvant être à la fois l’un et l’autre ; que les emprunteurs soulignaient encore qu’il était prévu des paliers de remboursement du capital, sans jamais indiquer que le crédit fonctionnait en amortissement négatif sur cent quatre-vingt-dix-huit mois puisque le terme des paliers ne suffisait pas à couvrir les intérêts mensuels ; qu’ils démontraient que par le jeu de ces dispositions combinées et complexes, dont ils n’avaient pu, au moment de la conclusion du contrat, mesurer l’impact sur le coût du crédit, la banque avait pu percevoir, de façon déguisée, un taux d’intérêt réel que l’expert qu’ils avaient mandaté avait fixé 8,014 % soit pratiquement le double de celui qui était indiqué dans l’offre ; qu’en jugeant que l’existence d’une clause abusive n’était pas caractérisée au seul et unique motif que les emprunteurs « ne peuvent ignorer que le prêt qu’ils ont souscrit est un prêt à remboursement constant à paliers », sans avoir procédé à une analyse des clauses du contrat dénoncées par les emprunteurs au regard des moyens que ceux-ci soulevaient, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-1 et suivants du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt relève que l'article 5.3.2 du contrat de crédit souscrit le 22 juillet 1999 précise de manière claire que l'amortissement se réalise en cent quatre-vingt dix-huit termes successifs, se répartissant en trois paliers dont les mensualités sont détaillées, puis énonce que l'article 13.3 reprend l’ensemble des situations possibles en cas de remboursement. Il constate enfin que les emprunteurs ne démontrent pas en quoi l'application des articles précités aboutirait à une augmentation déguisée du coût du crédit.

6. De ces constatations et énonciations, dont il résulte qu’elle a procédé à l’analyse des clauses litigieuses, la cour d'appel a déduit que leur combinaison n'avait pas pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action en déchéance du droit aux intérêts tirée de l'irrégularité de l'offre et de l'erreur affectant le calcul du taux effectif global, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité que renferme l'offre de crédit ; qu'en l'espèce, les emprunteurs faisaient valoir que c'est seulement en ayant pris connaissance du rapport de M. Ruff qu'ils avaient été à même de constater les irrégularités que contenait l'offre de prêt, et en particulier l'erreur qui affectait le mode de calcul du taux effectif global ; qu'en énonçant que « la demande en déchéance du droit aux intérêts du prêteur présentée sur le fondement de l'article L. 312-33 du code de la consommation se prescrit dans le délai de dix à compter de la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé » et « qu'aucune distinction ne doit être faite selon que l'irrégularité était ou non décelable au moment de la conclusion du contrat », et en déclarant par conséquent prescrites, comme ayant été formées plus de dix ans après la conclusion du prêt, les demandes des emprunteurs tendant au prononcé de la déchéance, sans distinguer entre les différentes irrégularités invoquées par les demandeurs, ni rechercher dans quelles circonstances elles avaient pu leur être révélées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2244 et 1907 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La banque soutient que le moyen est partiellement irrecevable, les emprunteurs n'ayant pas contesté, devant la cour d'appel, la disposition du jugement déclarant prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts tirée de l'irrégularité de l'offre.

9. En ce qu'il conteste la disposition de l'arrêt confirmant celle précitée du jugement, le moyen est contraire à la position adoptée par les emprunteurs en cause d'appel.

10. Il est donc partiellement irrecevable.

Bien-fondé du moyen en ce qu’il concerne l’inexactitude du taux effectif global

Vu l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

11. Le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global.

12. Pour déclarer prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts tirée de l'erreur affectant le calcul du taux effectif global, l'arrêt retient que cette action se prescrit à compter de la date à laquelle le contrat est définitivement formé.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts tirée de l'erreur affectant le calcul du taux effectif global, l'arrêt rendu le 18 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims autrement composée.