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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 mars 2021, n° 18/03980

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Linde France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Chevret, Me Gringore, Me Vignes, Me Ceccaldi, Me Devanlay

T. com. Lyon, du 23 janv. 2018

23 janvier 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur A... J..., exerçant sous l'enseigne Cryogaz Services, a pour activité « l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie » et s'est spécialisé dans les installations de gaz industriel.

La société Linde France a notamment pour activité la fabrication, la distribution et la vente de gaz industriels.

Monsieur A... J... a assuré pour la société Linde France (et auparavant pour la société Linde Gaz du même groupe) des prestations à compter de l'année 2001 et jusqu'au 24 mars 2014. Ces relations commerciales n'ont pas été formalisées par un contrat cadre mais faisaient l'objet de factures successives.

Monsieur J... n'a plus reçu de commande de la société Linde France à compter du mois de avril 2014.

Par courrier du 24 octobre 2014 avec avis de réception, Monsieur J..., par l'intermédiaire de son conseil a sollicité l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi à la suite de la rupture des relations commerciales avec la société Linde France, intervenue en avril 2014.

Par acte d'huissier de justice du 21 mars 2016, Monsieur J... a fait assigner la société Linde devant le tribunal de commerce de Lyon afin de voir réparer le préjudice qu'il dit avoir subi du fait de la brusque rupture des relations commerciales.

Par jugement du 23 janvier 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :

- débouté Monsieur A... J... de ses demandes fondées sur la rupture brutale de la relation commerciale,

- débouté Monsieur A... J... de sa demande en paiement de la somme de 1 669,81 euros,

- condamné Monsieur A... J... à payer à la société Linde France la somme de 2 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur A... J... aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2018, Monsieur A... J... a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 30 octobre 2018, Monsieur A... J... demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce,

- déclarer Monsieur J... recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 janvier 2018 en ce qu'il a :

. débouté Monsieur A... J... de ses demandes fondées sur la rupture brutale de la relation commerciale,

. débouté Monsieur A... J... de sa demande en paiement de la somme de 1 669,81 euros,

. condamné Monsieur A... J... à payer à la société Linde France la somme de 2 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné Monsieur A... J... aux dépens.

Ce faisant,

- constater la brutalité de la rupture des relations commerciales par la société Linde France au préjudice de Monsieur J...,

En conséquence,

- condamner la société Linde France à payer à Monsieur J... les sommes de :

- 239 573,53 euros du fait du gain manqué lié à la brutalité de la rupture des relations commerciales sans respect de préavis,

- 47 914,71 euros au titre de la dépendance économique,

- 7 489 euros au titre de la perte subie,

- condamner la société Linde France à payer à Monsieur J... la somme de 1 669,81 euros du fait d'une commande impayée,

- débouter la société Linde France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à titre reconventionnel,

- condamner la société Linde France à payer à Monsieur J... la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 31 juillet 2018, la société Linde France demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce,

- confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant,

- condamner Monsieur A... J... à payer à la société Linde France, la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux dépens, lesquels seront distraits au profit de la SCP Gala société Linde Franceand Vignes, avocats, sur son affirmation de droit, en ce compris les frais de recouvrement forcé laissés à la charge du créancier, tels que visés à l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 septembre 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIF DE LA DÉCISION

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Monsieur J... allègue qu'est brutale la rupture des relations commerciales lorsque, comme en l'espèce, « elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis », que la société Linde France a soudainement cessé de lui confier toute prestation au mois de mars 2014, après des relations commerciales établies depuis 13 ans et demi et sans lui notifier un préavis écrit.

Monsieur J... soutient que la rupture est imputable à la société Linde France et brutale en ce qu'il n'avait pas prévu de mettre un terme à son activité, qu'il n'est donc pas à l'origine de la rupture, malgré le départ de l'un de ses salariés et son déménagement en Normandie, lequel n'est que personnel et administratif et ne l'empêchait pas de poursuivre l'exécution des prestations, ayant conservé des moyens matériels d'intervention dans l'Est et notamment un local, que l'appel d'offres lancé par la société Linde France n'était aucunement lié à ce déménagement mais visait à rationaliser le recours aux prestataires extérieurs, appel d'offres auquel il n'a pas été mis en mesure de répondre puisque la société Linde France ne le lui a pas communiqué, malgré ses relances.

Monsieur J... souligne ensuite que contrairement à ce qu'a retenu le jugement, il n'a aucune responsabilité dans les circonstances de la brusque rupture, les arguments invoqués à ce titre concernant le montant des factures n'étant pas avérés.

La société Linde France fait valoir que les modifications substantielles des conditions commerciales, telle que la modification du secteur d'activité proposée par une partie, caractérisent une rupture de sorte que l'autre partie est en droit de ne pas l'accepter, sans que la rupture ne lui soit imputable.

La société Linde France souligne qu'à compter d'avril 2013 Monsieur J... a fait le choix de transférer son activité qui s'exerçait dans l'Est de la France vers le Calvados en Normandie, lui rendant imputable la rupture, ce transfert ayant eu pour conséquence qu'il n'était plus en mesure d'assurer les prestations au profit de la société Linde France sur le secteur de l'Est de la France, notamment en raison du départ de son salarié mi-2013, qui était resté sur ledit secteur. Elle ajoute que ce transfert témoignait de la volonté de Monsieur J... de concentrer son activité sur le secteur du Calvados, que cette volonté aurait été confortée par le fait que Monsieur J... aurait refusé de concourir à l'appel d'offres qu'elle avait lancé, suite à ce départ.

La société Linde France soutient que ces éléments attestent du fait que la modification du secteur d'activité de Monsieur J... vers le Calvados constitue une modification substantielle de leur relation, notamment en raison d'une surfacturation engendrée par des déplacements supplémentaires.

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

M. J... verse aux débats des factures depuis octobre 2001 justifiant que les relations commerciales ont débuté à cette date et se sont poursuivies jusqu'au mois de mars 2014. Les parties entretiennent des relations commerciales établies depuis l'année 2001.

Par courriel du 20 février 2013, M. J... informait la société Linde France du transfert de son siège social dans le Calvados et il précisait : « pour mon activité sur la région Est rien ne change puisque je laisse en poste mon employé qui pourra répondre facilement à vos besoins. Pour ma part je serai en mesure d'assurer la continuité de mes services à partir de cette nouvelle implantation. »

Le 16 mai 2013, la société Linde France informait M. J... qu'elle avait bien reçu les informations de changement d'adresse ainsi que les divers documents administratifs.

Le 24 mai 2014, par mail, M. J... interrogeait sa cocontractante en lui précisant qu'il n'avait pas reçu l'appel d'offres concernant la sous-traitance et ajoutait : « cela laisse planer un doute quant à vos intentions de me laisser y répondre (si il y a appel d'offre). »

La société Linde France répondait le 26 mai 2014 : « je vous confirme que l'appel d'offres n'a pas encore été lancé. »

Par courriel du 13 mars 2014, M. J... confirmait le transfert de son siège social dans le Calvados à compter du mois d'avril 2014 et indiquait « suite à ce transfert dont Madame F... a été informée et sur les conseils de Monsieur E... B... je lui ai fait une proposition de service sur ce secteur. Celle-ci a été suivie d'une fin de non-recevoir et dès lors je ne vois pas dans quelle mesure je peux espérer une issue favorable à cet appel d'offres. »

Cependant, dans la mesure où le 24 mai 2014, soit deux mois plus tard, M.J... sollicitait être informé de l'appel d'offres, ce courriel du 13 mars 2014 ne peut en aucun cas, démontrer que M. J... entendait mettre fin aux relations commerciales qu'il entretenait avec la société Linde France .

De plus, alors que M. J... a transféré son siège social dans le Calvados à compter du 1er avril 2013, les relations se sont poursuivies tout au long de l'année 2013, avec un même volume d'activité que l'année précédente, et des commandes ont été également adressées au premier trimestre 2014.

La société Linde France qui se plaint du montant des frais de déplacement facturés à compter de 2014, a cependant accepté les devis qui lui étaient présentés sans justifier avoir adressé la moindre observation à M. J..., les prestations ayant été réalisées.

Donc, il y a lieu de constater que les relations ont cessé à la fin du premier trimestre 2014, la société Linde France n'ayant plus adressé de commande à M. J... postérieurement à cette date, sans justifier avoir informé son cocontractant, notamment qu'elle n'envisageait pas de continuer à lui confier des commandes en raison du transfert de son activité.

Le recours à l'appel d'offres, outre qu'il n'est pas établi, aurait en l'espèce, marquer le point de départ du préavis, justifié par la durée des relations commerciales entre les parties. Si le recours à l'appel d'offres rend la relation commerciale précaire, il n'en demeure pas moins que le contractant qui décide d'avoir recours à la procédure d'appel d'offres, alors qu'il entretenait une relation de plusieurs années avec un sous-traitant, doit, pour éviter toute rupture brusque des relations commerciales, lui notifier ce changement de fonctionnement et lui laisser un délai pour réorganiser son activité.

Le fait qu'un salarié de l'entreprise de M. J... ait quitté celle-ci au milieu de l'année 2013 et que ce salarié atteste qu'il devait reprendre l'activité à la suite du départ en retraite de M. J... est sans incidence sur la cause de la rupture des relations commerciales. Le départ de ce salarié n'est pas de nature à démontrer que M. J... est à l'origine de la fin des relations. Sur la reprise de l'activité par ce salarié, il y a lieu de faire observer que M. J... justifie avoir signé un contrat de travail le 1er février 2016 et a donc continué son activité d'entrepreneur durant deux ans postérieurement à la fin des relations commerciales.

Il y a lieu de constater que la société Linde France, en cessant d'adresser des commandes à M.J..., est à l'origine de la rupture des relations commerciales et qu'elle n'a accordé à son cocontractant aucun délai de préavis.

Le chiffre d'affaires réalisé entre les deux parties a été le suivant :

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Si jusqu'en 2008, l'entreprise de M. J... était dépendante de son activité avec la société Linde France, à compter de l'année 2009, la part de chiffre d'affaires réalisé par M. J... avec la société Linde France atteignait 25 à 30 %, alors que son chiffre d'affaires global est resté similaire. Il ne peut donc être retenu un état de dépendance.

Compte tenu de la durée de la relation commerciale d'octobre 2001 à mars 2014 et du secteur d'activité, la société Linde France aurait dû accorder à M. J... un préavis d'une durée de dix mois.

Sur le préjudice subi par Monsieur A... J...

Monsieur J... allègue que suite à cette rupture, il a été contraint de régulariser un contrat de travail pour continuer à faire face à ses charges et surtout que l'activité qu'il exerçait depuis 20 ans a dû être liquidée.

Monsieur J... soutient par ailleurs, qu'en cas de rupture brutale, il convient d'évaluer le préjudice selon la marge brute que la victime aurait pu dégager au cours de la période de préavis qui aurait dû lui être accordé, que le préavis aurait dû être fixé à 24 mois pour une relation ayant duré 14 ans comme en l'espèce. Il ajoute que la situation de dépendance économique est un facteur aggravant dont il convient de tenir compte pour fixer le montant de la réparation et que la fixation du préjudice doit tenir compte, outre le gain manqué, des pertes subies par la victime. Monsieur J... fait valoir que le gain manqué s'élève à 239 573,53 euros, que cette relation représentait jusqu'à 80 % de son chiffre d'affaires certaines années et qu'il était donc en dépendance économique, ce qui a pour effet de majorer le préjudice du gain manqué de 20 %, soit un montant supplémentaire de 47 914,71 euros ; il ajoute que la rupture a généré pour lui une perte de 7 489 euros au titre de pénalités sur des cotisations demeurées impayées et que la société Linde France ne lui a pas réglé une commande exécutée à hauteur de 1 670 euros.

La société Linde France allègue que pour le calcul du montant du préjudice issu de la rupture, il est pris en compte la perte de marge sur la période manquante de préavis, avec pour référence la marge moyenne réalisée sur les trois derniers exercices comptables, que Monsieur J... ne rapporte pas la preuve de la durée des relations, que Monsieur J... n'était pas en état de dépendance économique puisqu'il a toujours pu diversifier sa clientèle.

Sur ce,

Il convient de rappeler que l'on ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

La part du chiffre d'affaires réalisée par M. J... avec la société Linde France a subi une diminution en 2009 et est restée stable les années suivantes, son chiffre d'affaire global étant demeuré similaire ; en conséquence, le préavis accordé ayant pour but de remplacer le marché perdu auprès de la société Linde France, le préjudice de M. J... résultant du gain manqué doit être examiné en fonction de la part de marché réalisée durant les trois dernières années et non les 10 dernières années.

En l'espèce, le préjudice matériel subi par M. J... du fait du défaut de préavis à hauteur du gain manqué prévisible sur 10 mois tiré de sa relation d'affaires avec la société Linde France sera évalué en tenant compte des trois derniers années de chiffre d'affaires réalisées.

M. J... produit aux débats une attestation comptable en date du 12 septembre 2014 intitulée « attestation de marge brute » aux termes de laquelle, l'expert-comptable indique n'avoir aucune observation à formuler sur la concordance des informations figurant dans le document joint à la présente attestation avec la comptabilité.

Il sera fait observer que le document joint a été réalisé par M. J... sur pièce libre et aucune mention sur ce document établit que c'est celui qui a été soumis à l'expert-comptable, aucune mention de celui-ci ne figurant sur le document de relevé des chiffres d'affaires et de marges.

Or, la marge moyenne sur l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé par M. J... est évaluée à 88,92 %. Il est simplement indiqué « marge » ; la société Linde France qui conteste le taux de marge indique qu'il s'agit de la différence entre le prix d'achat des marchandises et le prix de vente de celui-ci. Or, l'activité réalisée par M. J... pour le compte de la société Linde France consiste en des prestations de services nécessitant du personnel. Celle-ci ajoute, chiffres à l'appui, que si on réintègre ces charges, le taux de marge s'élève à 40 %.

En conséquence, en tenant compte de ces différents éléments et au vu de l'activité de prestations de services exercée, la marge brute sera évaluée à 60 % du chiffre d'affaires réalisé sur les trois derniers exercices.

Le préjudice résultant du gain manqué est le suivant :

chiffre d'affaires :

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Total : 239 831 soit une moyenne annuelle de 79 943 /12 = 6 661,91 euros X 10 mois (délai de préavis) = 66 619 X 60 % (taux de marge brute) = 39 971,46

Il sera donc fait droit à la demande de M. J... en réparation du gain manqué à hauteur de 39 971,46 euros.

M. J... sollicite également le versement de la somme de 7 489 euros correspondant à des pénalités qu'il a été amenées à verser auprès du RSI et de la CCSF en raison de retards de paiement de dettes fiscales et sociales. Il résulte du plan d'apurement accordé à M. J... le 15 novembre 2013 qu'il a connu des difficultés de paiement dès le mois de mars 2013 alors que le chiffre d'affaires avec la société Linde France est resté stable tout au long de l'année 2013 ; M. J... a continué à accuser des retards de paiement en 2014 et 2015. Au vu de la période considérée, la preuve n'est pas rapportée que la société Linde France serait exclusivement responsable de l'aggravation de la situation financière de l'entreprise. En conséquence, outre que la somme accordée en indemnisation du préavis est destinée à compenser la désorganisation financière de l'entreprise résultant de la rupture brutale de la relation commerciale, M.J... ne démontre pas que ces pénalités auxquelles il a été condamné constituent un préjudice spécifique indemnisable. Il sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur la demande en paiement de M. J... d'un solde de factures

M. J... verse aux débats deux bons de commande en date du 3 décembre 2013 et les factures correspondantes pour un montant de 6 621,34 euros et de 5 970 euros. Par courriel du 14 février 2014, M. J... indiquait que sa prestation avait été réalisée et sollicitait le versement du solde de factures d'un montant de 1 669,80 euros en y mentionnant le montant des fournitures produites et le coût de la main-d’œuvre.

La société Linde France ayant déjà réglé partiellement les factures et ne formulant pas d'observation sur les prestations réalisées, la société Linde France sera condamnée à verser la somme de 1 669,81 euros au titre du solde des factures.

Sur les demandes annexes

La société Linde France sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et versera à M. J... la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que la société Linde France est responsable de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec M. J...,

DIT que la société Linde France aurait dû accorder à M. J... un préavis d'une durée de dix mois,

CONDAMNE la société Linde France à payer à M. J... la somme de 39 971,46 euros au titre du gain manqué résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies,

CONDAMNE la société Linde France à payer à M. J... la somme de 1 661,81 euros au titre du solde des factures en date du 4 décembre 2013 et du 6 janvier 2014,

DÉBOUTE M. J... de ses demandes au titre de la dépendance économique et des pénalités de retard,

CONDAMNE la société Linde France à payer à M. J... la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société Linde France aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.