CA Grenoble, ch. com., 18 mars 2021, n° 19/00572
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Patio-Nés (SAS)
Défendeur :
Le Cellier Distribution (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Bruno
Avocats :
Me Cruz, Me Barbier
EXPOSE DU LITIGE :
La Sas le Cellier distribution est un distributeur de boissons faisant partie du groupe Montaner Pietrini Boissons, leader sur la région Sud-Est.
L'Eurl Jean Roch, exploitant un fonds de commerce de bar brasserie restaurant à Grenoble, connue sous l'enseigne « Entre terre et mer » s'approvisionne auprès de la société le Cellier distribution en boissons (bières en fût et bouteilles) et boissons sans alcool depuis plusieurs années.
Le 17 mai 2010, la société Le Cellier Fontenois aux droits de laquelle vient désormais la société le cellier distribution (et ci-après société le Cellier) a régularisé avec la société Jean Roch trois contrats de mise à disposition à titre de prêt portant sur le matériel suivant :
- Enseignes + vitrines selon contrat du 17 mai 2010
- Un tirage pression selon contrat du 17 mai 2010
- Une armoire Bivinox. Selon contrat du 17 mai 2010.
En contrepartie de cette mise à disposition, la société Jean Roch s'engageait pendant toute la durée dudit prêt « à pérenniser et à développer sa collaboration commerciale avec l'entrepositaire et à débiter dans l'établissement en exclusivité les bières en fût et bouteilles de la gamme et les boissons annexes commercialisées par la société Le Cellier ».
En 2014, la société Jean Roch a cédé son fonds de commerce à la société Les Patio-nés.
Par acte sous seing privé en date du 31 mai 2016, la société Les Patio-nés a conclu avec la société Karsbräu un contrat d'approvisionnement exclusif en bières pour une durée initialement fixée à 7 années, prolongée à 9 années par deux avenants respectivement datés du 26 juin 2017 puis du 09 juin 2018, à raison de 70 hl par an, en contrepartie de divers avantages économiques et/ou financiers. Aux termes de ce contrat, la société Le Cellier était désignée comme distributeur exclusif.
Le 20 juin 2016, la société Les Patio-nés a régularisé avec la société Le Cellier un contrat de mise à disposition portant sur une terrasse.
Le 1er juin 2017, la société Les Patio-nés a régularisé avec la société Le Cellier un contrat de mise à disposition portant sur un groupe froid et un tirage bière, 5 tirages.
Par la suite, la société Les Patio-nés a cessé de s'approvisionner auprès de la société Le Cellier.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 septembre 2018, la société le Cellier a mise en demeure la société Les Patio-nés de reprendre les approvisionnements prévus par le contrat en lui précisant qu'à défaut de commande de sa part, dans les mêmes proportions qu'auparavant, elle solliciterait la résiliation des contrats à ses torts exclusifs ainsi que le remboursement du prix de l'intégralité du matériel mis à sa disposition, conformément aux stipulations des contrats signés.
La société les Patio-nés n'a pas obtempéré.
La société Le Cellier a saisi le tribunal de commerce aux fins de solliciter d'une part, la résiliation des contrats de mise à disposition à titre de prêt la liant à la société les Patio-nés et d'autre part, la condamnation de cette dernière à la somme de 22 445,73 au titre du remboursement du matériel objet desdits contrats.
Par jugement en date du 18 janvier 2019, le Tribunal de Commerce de Grenoble a :
- condamné la société Les Patio-nés à payer à la société le cellier la somme de 19 013,61 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts, par année entière, à chaque date anniversaire du présent jugement ;
- condamné la société les Patio-nés à payer à la société le Cellier la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code procédure civile ;
- condamné la société Les patio-nés aux entiers dépens de l'instance.
La société Les patio-nés a relevé appel de ce jugement selon déclaration d'appel du 1er février 2019.
La clôture est intervenue le 7 janvier 2021.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 19 novembre 2019, la société Les Patio-nés demande à la cour de :
Vu les articles 1104, 1217, 1875 à 1891 du code civil,
- réformer le jugement querellé,
- dire que le contrat de mise à disposition d'une terrasse du 20 juin 2016 est l'unique contrat signé entre les parties,
- dire qu'en conséquence, le jugement querellé qui la condamne à la somme de 19 013,61 euros correspondant au prix du matériel qui en réalité n'a pas été contractuellement mis à sa disposition hormis le prêt de la terrasse, ne peut être confirmé,
- dire que si elle a dérogé à ses engagements contractuels, c'est uniquement en réaction à l'attitude de son distributeur qui l'a empêchée d'appliquer la clause d'exclusivité qui les liait,
- dire qu'elle était en droit de suspendre ses obligations faute par la société Le Cellier distribution de respecter son obligation de fournir de la bière de marque Karlsbräu,
- condamner la société le Cellier distribution à lui payer la somme de 2 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Elle soutient que :
- elle a commandé de la bière à maintes reprises mais elle a reçu une autre marque Grimbergen, elle a donc dû rechercher un autre fournisseur, étant dans l'illégalité vis à vis de Karlsbräu du fait de la société Le Cellier,
- l'exploitant doit respecter les obligations sauf si le fournisseur ne veut plus ou ne peut plus livrer le produit réclamé par la clientèle et elle a demandé un changement d'entrepositaire à Karlsbrau,
- si le contrat de bière (entre elle et Karlsbräu) n'était pas respecté, il appartenait à Karlsbrau d'agir, et si le contrat de mise à disposition est en cause, il n'y a pas de quantité minimale fixée,
- l'armoire a été rendue et deux premiers contrats ne la concernent pas,
- la société le Cellier n'a participé que pour la moitié aux sommes engagées, (50% étant refacturé à Karsbrau).
Aux termes de ses dernières conclusions du 23 juillet 2019, la société Le Cellier distribution demande à la cour de :
Vu l'article 1104 du Code Civil,
Vu l'article 1875 du Code Civil,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce le 18 janvier 2019 dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner la société Les Patio-nés à lui payer la somme de 2 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner la société Les Patio-nés aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- son adversaire ne conteste pas son approvisionnement auprès d'un autre distributeur, elle a violé ses obligations de sorte que la résiliation est de plein droit et dans ce cas, il y a remboursement du matériel ou restitution aux frais du client, et indemnité forfaitaire,
- il n'y a pas de preuve des affirmations adverses et la société appelante n'a pas réagi pendant quatre ans,
- elle a toujours assuré l'approvisionnement en bière Kalsbräu et ponctuellement livré une bière non fabriquée par cette société ; elle indiquait les ruptures de stock.
Il convient pour un plus ample exposé des prétentions et arguments des parties de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l'article 1875 du code civil, le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge pour le preneur de la rendre après s'en être servi.
Aux termes des contrats de mise à disposition, le prêt de matériels est conditionné à l'approvisionnement exclusif en boissons de la société Les Patio-nés auprès de la société Le Cellier.
La société Le Cellier verse aux débats les récapitulatifs comptables des quantités commandées par la société les Patio-nés du 1 er juin 2016 au 7 septembre 2018 qui établissent selon elle que cette dernière n'a pas respecté ses obligations contractuelles.
La société les Patio-nés reconnaît effectivement avoir fait volontairement appel à un autre distributeur de sorte qu'elle ne s'est pas approvisionnée de manière constante et exclusive auprès de son co-contractant, violant ainsi ses obligations contractuelles.
Pour imputer la faute de cette violation à son adversaire et se prévaloir de l'exception d'inexécution, la société les Patio-nés produit un courrier du 22 novembre 2018 adressé à la société Karsbräu et se plaignant de l'incapacité du distributeur de livrer sa marque, indiquant avoir dû trouver un autre distributeur car la société le Cellier lui livrait des produits de marques concurrentes malgré son hostilité et demandant un changement d'entrepositaire. L'appelante faisait état dans ce courrier de la procédure pendante devant le tribunal de commerce. Il apparaît donc que ce courrier a manifestement été établi pour les besoins de la cause dans le cadre de la procédure judiciaire et il n'a aucun caractère probant.
Elle ne justifie d'aucun courrier ou mise en demeure adressée à la société Le Cellier pendant toute la durée de l'exécution du contrat. Elle ne produit qu'une facture de l'intimée portant sur l'achat de bière Grimbergen cuvée ambrée, un fût de Karsbräu des bières « desperados ». Cette pièce est insuffisante à établir un refus de vente de la part de l'intimée, s'agissant de catégories de bières non fabriquées par Karlsbräu.
En outre, aucune livraison n'a fait l'objet d'un refus.
La société les Patio-nés ne justifie donc pas de l'imputabilité du non-respect du contrat à son adversaire ; c'est donc à juste titre que la société le Cellier se prévaut de la résiliation de plein droit du contrat aux torts de son adversaire.
Cette résiliation permet à l'intimée de demander à son choix :
- soit le remboursement du matériel mis à disposition à sa valeur d'origine,
- soit la restitution du matériel prêté, les frais de démontage et de transport étant à charge du client,
- une indemnité forfaitaire de 1% du prix du matériel
S'agissant du matériel dont le coût d'origine est réclamé, le jugement querellé a retenu un montant Ht de 19 013,61 euros, montant dont l'intimée demande confirmation.
La société intimée produit les cinq contrats de mise à disposition.
Le prêt des matériels était conditionné par l'approvisionnement exclusif de la société les Patio-nés auprès de la société le Cellier.
Si la société les Patio-nés n'a conclu directement que deux contrats avec la société le Cellier, il n'est pas contesté que les autres équipements sont rentrés en possession de l'appelante dans le cadre de la cession des contrats en cours lors de la cession du fonds de commerce.
La société appelante ne rapporte pas la preuve de la restitution de matériels.
En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a condamné en application du contrat liant les parties la société les Patio-nés à payer à la société le Cellier la somme de 19 013,61 euros correspondant à la valeur d'origine hors taxes de tous les matériels mis à disposition.
Le jugement est en conséquence confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L’appelante qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d'appel et versera à son adversaire la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme la décision querellée.
Condamne la société les Patio-nés à payer à la société le Cellier distribution la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel.