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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 18 mars 2021, n° 18/02974

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Motive (SARL)

Défendeur :

Atav (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Chazalette

Avocats :

Me Spagnol, Me Boyer

T. com. Evreux, du 12 avr. 2018

12 avril 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société Motive (Sarl) dont le siège social est situé Parc d'activités des quatre routes 35390 Grand- Fougeray, commercialise de moteurs électriques et électroniques.

La société Cemp France devenue Atav est spécialisée dans la fabrication et la vente de moteurs asynchrones pour atmosphères explosives.

Se prévalant d'un contrat d'agent commercial en date du 1er octobre 2003 passé avec la société Cemp France, la société Motive a saisi le tribunal de commerce d'Evreux par assignation en date du 24 juin 2016, aux fins de voir constater la résiliation du contrat d'agence commerciale aux torts de la société Cemp France devenue société Atav, et de la voir condamner aux indemnités dues à ce titre.

Par jugement en date du 12 avril 2018, le tribunal de commerce d'Evreux a

- déclaré recevable les demandes de la société Motive pour examen sur le fond ;

- débouté la société Motive de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société Motive à payer à la société Atav la somme de 1 500 par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- constaté la résiliation du contrat du 18 octobre 2003 aux torts de la société Motive ;

- condamné la société Motive aux entiers dépens dont les frais de greffe Iiquidés à Ia somme de 77, 08.

La société Motive a formé appel de ce jugement, par déclaration reçue le

17 juillet 2018 au greffe de la cour.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 février 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Motive demande à la cour, au visa des articles L.134-1 à L.134-17 du code de commerce, de :

- dire et juger la société Motive recevable et bien fondée ;

En conséquence :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 12 avril

2018 en ce qu'il a jugé recevables les demandes de la société Motive ;

- réformer le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 12 avril 2018 pour le surplus ;

- constater la rupture du contrat du 1er octobre 2003 liant les sociétés Motive et Cemp France - Atav aux torts exclusifs de la société Cemp France - Atav à la date du 31 janvier 2015 ;

- condamner la société Cemp France - Atav à payer à la société Motive la somme de 35 148,00 à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ;

- condamner la société Cemp France - Atav à payer à la société Motive la somme de 5 272,20 TTC à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- condamner la société Cemp France - Atav à payer à la société Motive la somme de 6 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Cemp France - Atav aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Spagnol Deslandes Melo, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 13 novembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Atav demande à la cour, au visa des articles 30,31 et 122 du code de procédure civile, L.134-1 et L.134-17 du code de commerce, 9 du code de procédure civile et 1134 ancien du code civil, de :

A titre principal, réformant partiellement le jugement,

- déclarer irrecevable la société Motive en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire, confirmant le jugement du 12 avril 2018,

- débouter la société Motive de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- constater la résiliation du contrat aux torts de la société Motive ;

En toutes hypothèses :

- condamner la société Motive aux entiers dépens ;

- condamner la société Motive à payer à la société Atav la somme de 6 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

Suite à l'appel principal formé par la société Motive, la société Atav a elle-même formé appel incident reprenant devant la cour sa demande tendant à ce que l'action de la société Motive soit déclarée irrecevable.

Au soutien de cette fin de non-recevoir, la société Atav fait valoir notamment que la société Motive poursuit le paiement d'une indemnité de résiliation du contrat d'agent commercial lequel a été conclu

le 1er octobre 2003 entre elle même et M. B... F... exerçant à titre personnel sous le nom commercial Motive et non avec la société Motive, appelante.

Il résulte des articles 30 et 31 du code de procédure civile que l'action, droit pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée, est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La société Motive agit pour obtenir paiement de sommes dont elle se prétend personnellement créancière en qualité d'agent commercial de la société Atav ; elle a ainsi intérêt à agir et doit être déclarée recevable en son action, étant rappelé que la recevabilité d'une action n'est pas conditionnée par son bien-fondé.

Les moyens développés quant aux revendications de la SARL Motive sur le fondement du contrat d'agent commercial portent en réalité sur le bien-fondé de son action.

Il ressort des pièces produites que le contrat d'agent commercial, fondement de la demande de la société Motive, a été conclu en date du 1er octobre 2003 entre la société Cemp France, mandant et « M. B... F..., nom commercial Motive, inscrit au registre spécial des agents commerciaux sous le n° 390 217 537. »

Or, l'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux (RSAC) prévu par l'article R.134-6 du code de commerce ne se confond pas avec l'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés, la qualité de mandataire de l'agent de commercial n'imposant pas la qualité de commerçant, celui-ci agissant exclusivement comme mandataire indépendant et n'effectuant pas d'acte de commerce pour son propre compte.

Par ailleurs, si une personne morale peut exercer l'activité d'agent commercial, elle doit être inscrite à ce titre au RSAC, ce dont la société Motive ne justifie pas.

Aucun document n'est produit permettant de démontrer que la société Cemp France aurait eu conscience et intention de contracter avec la SARL Motive ; il est notable à ce sujet que l'annonce d'un projet de reprise de la société Cemp France par mail en date du 5 décembre 2014 a été faite à M. F... à l'adresse motive@..... fr et que le projet de nouveau contrat concernant la vente des moteurs fabriqués en Italie a été rédigé au nom de M. B... F....

Le contrat d'agent commercial en date du 1er octobre 2003 ayant été conclu entre la société Cemp France Sa et M. B... F..., agent commercial, nom commercial Motive ( sic), l'intuitu personae attaché au mandat exclut d'y voir l'intention de la société mandante de confier la mission d'agent commercial à une société commerciale dont la forme n'est pas précisée au contrat, ce qui n'est pas sans incidence sur l'exécution de la mission du mandataire, choisi pour sa compétence dans un domaine technique, en l'occurrence celui des moteurs asynchrones pour atmosphères explosives.

La SARL Motive a informé la société Atav, par courrier du 8 avril 2015 sous la double signature de M. F... et de M. G... H... en sa qualité de gérant, de la « cession de Motive » (sic) par M. B... F... ; il apparaît de son extrait Kbis que la société Motive est devenue une société unipersonnelle à compter du 1er avril 2015, ayant pour associé unique M. I...-G... H...; la société Motive agit représentée par M. I...-G... H....

Ce faisant, le mandataire a méconnu les termes du contrat d'agent commercial qui dispose expressément que celui-ci étant conclu « intuitu personae » tout changement dans la structure juridique de l'agent et tout projet de cession du contrat doit être soumis à l'agrément du mandant au plus tard dans le mois de la survenance soit du changement de structure, soit de la cession projetée.

En l'absence d'agrément de la cession, la SARL Motive n'est pas fondée à se prévaloir du bénéfice du contrat d'agent commercial pour la société Cemp France-Atav, et doit en conséquence être déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

Le jugement sera confirmé, en toutes ses dispositions.

La SARL Motive supportera les dépens d'appel ; ayant exposé la société Atav à des frais pour assurer sa défense, il y a lieu de condamner la société Motive au paiement de la somme de 4 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par décision rendue contradictoirement,

Confirme le jugement du 12 avril 2018,

Y ajoutant,

Condamne la société Motive à payer à la société Cemp France- Atav la somme de 4 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Motive aux entiers dépens.