CA Lyon, 3e ch. civ., 31 mai 2006, n° 06/02245
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Euler Hermes SFAC (SA)
Défendeur :
Intexa (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robert
Conseillers :
M. Santelli, Mme Clozel-Truche
Avocats :
SCP Lehman & Associés, SCP Deygas Perrachon Bès & Associés
LES FAITS, LA PROCÉDURE ET LES DÉCISIONS ANTÉRIEURES
Saisi par déclaration en date du 14 février 2006, après avoir entendu la représentante des salariés et sur avis favorable donné à l'audience par le Ministère Public, le Tribunal de Commerce de ROANNE a par jugement en date du 15 février 2006 notamment :
- ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société INTERNATIONAL TEXTILES ASSOCIES dite INTEXA, société anonyme au capital de 1. 619. 200 euros, créé en 1987 avec pour activité l'ennoblissement, la fabrication et le négoce de tissus, et cotée au second marché de la Bourse de PARIS depuis juillet 1998,
- désigné la SELARL X...-Y... aux fonctions d'administrateur avec mission d'assistance et Maître Z... à celles de mandataire judiciaire,
- fixé au 15 août 2006 la durée de la période d'observation,
- dit que le mandataire judiciaire et l'administrateur devraient adresser dans le délai de deux mois leurs rapports sur le déroulement de la procédure et la situation économique et financière et que l'affaire serait rappelée à l'audience du 3 mai 2006.
Par déclaration au greffe en date du 6 mars 2006 la société EULER HERMES SFAC a formé tierce opposition à ce jugement qui n'avait pas encore fait l'objet de publication.
Elle a demandé au Tribunal de dire qu'il n'y avait pas lieu à ouverture d'une procédure de sauvegarde au profit de la société INTEXA.
Après débats à l'audience du 22 mars 2006 auxquels ont été appelés la SA INTEXA, son administrateur et le Ministère Public, le Tribunal de Commerce de ROANNE a par jugement du 28 mars 2006 :
- déclaré la tierce opposition recevable en la forme et " au fond ",
- déclaré la société EULER HERMES SFAC infondée en sa tierce opposition,
- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive au profit de la SA INTEXA,
- condamné la société EULER HERMES SFAC à payer à la SA INTEXA la somme de 3. 500 euros en application de l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens.
Le Tribunal a estimé que la société EULER HERMES SFAC, assureur crédit de fournisseurs de la société INTEXA, et dont les garanties pouvaient être mises en jeu du fait de l'ouverture de la procédure avec subrogation aux droits des créanciers, démontrait un intérêt à former tierce opposition au sens de l'article 583 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Relevant la baisse importante du chiffre d'affaires de la société INTEXA entre le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2005, la perte de 200. 000 euros enregistrée en janvier 2006 par l'entreprise, le montant de la trésorerie positive de 500. 000 euros ne pouvant couvrir l'exploitation que pendant une durée de 2 à 3 mois au vu des résultats de janvier 2006, l'existence et les raisons de la procédure d'alerte initiée le 29 novembre 2005 par les commissaires aux comptes, le Tribunal a estimé que la société EULER HERMES SFAC ne démontrait ni la fraude de la société INTEXA, ni un préjudice distinct de celui de tous les créanciers de sorte qu'elle devait être déclarée infondée en sa tierce opposition.
Par déclaration remise au greffe le 5 avril 2006 la société EULER HERMES SFAC a interjeté appel du jugement rendu le 28 mars 2006 en toutes ses dispositions en intimant :
- la SA INTEXA,
- Maître X...-Y... administrateur,
- Monsieur le Procureur Général.
Sur requête déposée le 11 avril 2006 par la société EULER HERMES SFAC qui exposait que ses droits étaient en péril alors qu'elle se trouvait d'ores et déjà contrainte d'indemniser des assurés fournisseurs de la SA INTEXA et qu'elle était en mesure de démontrer que la procédure de sauvegarde ne s'imposait pas, l'affaire a été fixée à bref délai par ordonnance du 12 avril 2006.
Par exploits délivrés le 27 avril 2006 et mis au rôle le 5 mai 2006 la société EULER HERMES SFAC a fait citer la SA INTEXA et Maître X...-Y... administrateur à comparaître à l'audience du 10 mai 2006 afin qu'il soit statué sur les mérites de son appel.
Par conclusions signifiées le 10 mai 2006 Maître Z... mandataire judiciaire est intervenu volontairement à l'instance.
LES PRETENTIONS ET LES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions No2 signifiées le 10 mai 2006, la société EULER HERMES SFAC demande à la Cour au visa des articles 582 et 583 du NCPC, 329 du décret du 27 décembre 1985 et L. 661-2 du Code de Commerce de :
- confirmer le jugement rendu le 28 mars 2006 en ce qu'il l'a déclarée recevable en sa tierce opposition,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclarée mal fondée,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société INTEXA.
Tout d'abord l'appelante expose que si l'activité de la SA INTEXA, spécialisée dans le tissu jeune femme et sportwear avec pour clients les enseignes CAMAIEU, ZARA, PROMOD, JENNYFER s'inscrit dans le contexte général de la filière textile, les dirigeants de cette entreprise ont pris des mesures de restructuration adaptées en adoptant une stratégie de changement de métier vers l'externalisation ;
que si la sauvegarde a été demandée pour faciliter certaines démarches notamment pour obtenir la mise en place d'un carry back avec l'administration fiscale, il n'y a pas eu de dégradation de la situation de la SA INTEXA susceptible de justifier une procédure de sauvegarde, l'année 2006 devant permettre de constater une rentabilité normale.
Elle souligne qu'au jour de la déclaration de sauvegarde il n'existait ni mises en demeure, ni impayés, les fonds propres de la SA INTEXA ayant permis de supporter la perte 2004, et la société disposant en février 2006 d'une trésorerie positive de l'ordre de 500. 000 euros, ni demande d'étalement de dette, ni menaces de dénonciation de concours d'organismes financiers, ni problème fiscal.
Elle observe que l'état des privilèges ne révèle pas d'inscriptions du Trésor Public ni des organismes sociaux.
Elle soutient donc que la SA INTEXA n'éprouvait pas de difficultés ne pouvant être surmontées et de nature à la conduire à un état de cessation des paiements et que si la sauvegarde devait être maintenue dans cette procédure " cela l'interpellerait sur le maintien de ses garanties sur les entreprises évoluant dans le même secteur d'activité et présentant les mêmes caractéristiques ".
Sur la recevabilité ensuite la société EULER HERMES SFAC précise qu'elle a formé tierce opposition sur le fondement du premier alinéa de l'article 583 du NCPC qui lui impose de démontrer les moyens qui lui sont personnels alors qu'elle n'a été ni partie ni représentée au jugement de sauvegarde ; qu'elle n'a jamais prétendu que le jugement de sauvegarde a été rendu en fraude à ses droits.
Elle soutient qu'elle doit seulement justifier d'un intérêt au moment de l'exercice de la tierce opposition, sans qu'il soit nécessaire que le préjudice qui le fonde soit déjà réalisé.
Elle expose qu'elle a formé tierce opposition en sa double qualité d'assureur crédit et de créancier subrogé dans les droits des fournisseurs ayant déclaré tout à la fois leurs créances et les sinistres auprès d'elle, de sorte que son intérêt ne peut pas se confondre avec celui d'un créancier chirographaire ; qu'elle n'a donc pas à démontrer un préjudice distinct de celui de tous les créanciers.
Elle ajoute qu'outre le fait qu'elle est subrogée dans les droits de ses assurés, eux-mêmes créanciers de la société INTEXA, elle a de surcroît un intérêt à agir qui lui est propre en sa qualité d'assureur crédit.
Elle fait valoir qu'une société qui n'est pas créancière a intérêt à agir en tierce opposition pour ne pas courir le risque de devenir débitrice ;
que l’assureur crédit a pour rôle de garantir et d'indemniser mais également de prévenir le risque d'impayés par les entreprises clientes ou assurées ;
qu'en conséquence de par même son activité l'assureur crédit a intérêt à agir lorsqu'une entreprise qui demande à être déclarée en sauvegarde ne rencontre pas de difficultés risquant d'aboutir à une cessation des paiements, une telle dérive étant de nature à fausser l'appréciation des risques et des garanties à accorder.
Elle précise avoir été destinataire de dossiers de ses assurés pour un montant de 212. 281, 94 euros qu'elle va devoir indemniser sur la base des garanties qu'elle avait accepté de donner au vu de son analyse financière de la SA INTEXA.
Par conclusions signifiées le 5 mai 2006 la SA INTEXA et Maître X...-Y... administrateur demandent à la Cour :
- à titre principal de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé recevable en son recours la société EULER HERMES SFAC et, statuant à nouveau, de juger irrecevable la tierce opposition,
- à titre subsidiaire de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EULER SFAC de ses demandes,
- en toutes hypothèses de dire et juger abusif le recours et de condamner la société EULER HERMES SFAC à payer à la société INTEXA la somme de 15. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 6. 000 euros en application de l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens.
Tout d'abord la SA INTEXA et son administrateur rappellent :
- les difficultés rencontrées pendant l'exercice 2004 au cours duquel la SA INTEXA a constaté un net recul du chiffre d'affaires et de la marge, l'exploitation dégageant une perte substantielle de 870. 000 euros alors que la liquidation judiciaire de la filiale NOVELTIS était prononcée,
- les importantes mesures de restructuration et de maîtrise des charges entreprises conduisant à une réduction des effectifs nécessitant encore la mise en oeuvre d'un plan social et la réorganisation de son activité dans le négoce,
- la procédure d'alerte déclenchée par son commissaire aux comptes vu l'ampleur des pertes constatées en 2004, la baisse chronique du chiffre d'affaires et le danger pesant sur la trésorerie du fait de la brutale augmentation des délais de rotation des stocks,
- la perte d'exploitation de 154. 220 euros et le résultat négatif de 1. 932. 427 euros constatés au 31 décembre 2005, la perte d'exploitation de 210. 260 euros encore enregistrée en janvier 2006, la situation de l'entreprise étant alors extrêmement tendue.
Ils font observer que dès le mois de mars 2005, la société EULER HERMES SFAC assureur crédit a d'ailleurs a estimé devoir réduire de façon drastique ses garanties au titre de la SA INTEXA.
Sur la recevabilité de la tierce opposition la SA INTEXA et Maître X...-Y... soutiennent que :
- en sa qualité de créancière ou de subrogée dans les droits de créanciers la société EULER HERMES SFAC n'a pas rapporté la preuve qui lui incombe que le jugement attaqué aurait été rendu en fraude à ses droits ni invoqué des moyens qui lui sont propres, et distincts de ceux collectifs des créanciers, en se contentant d'invoquer les conséquences de l'arrêt des poursuites individuelles,
- qu'à supposer que la société EULER HERMES SFAC n'ait ni la qualité de créancier ni celle de créancier subrogé, elle n'a pas justifié d'un intérêt personnel, la prétendue violation de l'article L. 620-1 du Code de Commerce ne pouvant constituer un tel intérêt.
Sur le caractère infondé du recours la SA INTEXA et Maître X...-Y... font valoir que l'article L. 620-1 du Code de Commerce a institué, afin de prévenir la défaillance définitive des entreprises et de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, une procédure de sauvegarde sur demande d'un débiteur qui justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements ;
que s'il appartient au juge du fond d'apprécier in concreto les difficultés rencontrées par le débiteur qui sollicite le bénéfice d'une procédure de sauvegarde, le dirigeant de l'entreprise est le seul à même de connaître dans le détail la réalité de l'exploitation, ses perspectives et ses besoins et qui ont été en l'espèce précisément exposés au Tribunal en audience non publique par le PDG de la SA INTEXA ;
qu'il incombe à la société EULER HERMES SFAC de ne pas procéder par affirmations péremptoires et rapporter la preuve que la SA INTEXA serait en mesure sans l'assistance de la loi d'ordre public de surmonter les difficultés qu'elle rencontre.
Ils exposent la réorganisation entreprise depuis le jugement d'ouverture, avec redéploiement des moyens commerciaux, fermeture du site de production et mise en place d'un plan social partiel et rappellent les termes du rapport établi par le cabinet d'expertise comptable SOGESCO missionné par les représentants du personnel.
Ils ajoutent que le bilan économique et social déposé le 26 avril 2006 par l'administrateur mentionne notamment des soldes de trésorerie négatifs de 190. 000 euros à fin juillet 2006 en l'absence d'avances AGS, et la nécessité de procéder à la cession de machines et de l'immeuble alors que les ressources de l'exploitation ne suffisent pas à rembourser le passif.
La SA INTEXA souligne enfin que la société EULER HERMES qui ne peut ignorer ses difficultés n'a pas hésité à inscrire abusivement une voie de recours extraordinaire comme une action militante contre la loi nouvelle, lui occasionnant ainsi un préjudice réel et sérieux.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2006 le Ministère Public prie la Cour de bien vouloir :
- statuer sur l'intérêt à agir de la société EULER HERMES et le dire insuffisamment justifié pour pouvoir soutenir une tierce opposition,
- en tant que de besoin confirmer le jugement entrepris qui a rejeté la tierce opposition et confirmer l'opportunité de la procédure initiale de sauvegarde.
Sur la recevabilité le Ministère Public convient que la tierce opposition a été mise en oeuvre dans les formes et délais prescrits par la loi mais observe que ni le mandataire judiciaire, ni la représentante des salariés n'ont été appelés à l'instance.
Il relève qu'aux termes de ses explications la société EULER HERMES se prévaut d'une part de la subrogation dans les droits de ses assureurs fournisseurs et créanciers de la SA INTEXA, d'autre part du risque de devenir débitrice aux lieu et place de ses assurés ;
que si le risque de voir naître une obligation d'indemnisation n'est pas contestable, ce risque est de nature contractuelle et lié à des créances qui ne sont pas en péril puisque le débiteur n'est pas en état de cessation des paiements.
Il s'interroge donc sur le point de savoir si en l'absence de toute fraude alléguée l'assureur crédit est recevable à exercer une tierce opposition alors que les créanciers principaux n'ont pas contesté la procédure de sauvegarde et qu'aucune somme n'apparaît avoir été versée en exécution des contrats liant EULER HERMES à ses assurés.
Sur le fond le Ministère Public estime que la société EULER HERMES ne démontre pas les erreurs qu'elle impute au jugement d'ouverture et qui seraient de nature à le faire rétracter.
Il observe que la société EULER HERMES qui soutient que la situation de la SA INTEXA était saine, admet avoir procédé en mars 2005 à une réduction de ses garanties " pour tenir compte des encours réels des fournisseurs / assurés et des besoins de l'entreprise " ;
que la SA INTEXA est confrontée à une baisse sensible d'activité et à un problème fiscal.
Il estime que le rapport de l'administrateur et l'audition du dirigeant de la SA INTEXA seraient de nature à éclairer la Cour sur le choix de recourir à une procédure de sauvegarde.
Par conclusions signifiées le 10 mai 2006 Maître Z... mandataire judiciaire demande qu'il lui soit donné acte de son intervention volontaire et de ce qu'il entend s'en rapporter à la sagesse de la Cour.
SUR CE LA COUR
Sur la recevabilité de la tierce opposition
Attendu qu'aux termes de l'article L. 661-2 du Code de Commerce les décisions statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde sont susceptibles de tierce opposition ;
Attendu que l'article 583 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose qu'en matière contentieuse est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ;
Que les créanciers et ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude à leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ;
Attendu que la société EULER HERMES SFAC s'estime intéressée à former opposition tant en qualité d'assureur crédit, tiers à l'instance initiale, que comme future subrogée dans les droits de ses assurés créanciers chirographaires de la SA INTEXA ;
Attendu que l'assureur crédit accepte de garantir ou de continuer à garantir les opérations passées par ses assurés avec une entreprise tierce, selon des modalités qu'il fixe, après une analyse économique et financière, régulièrement menée par ses services, au vu notamment des documents publiés ou communiqués par les dirigeants des entreprises qui souhaitent que leurs co-contractants bénéficient de sa garantie ;
Que l'assureur-crédit, qui ne peut être assimilé à un créancier, a donc un intérêt propre à agir contre une décision d'ouverture d'une procédure à laquelle il n'a pas été représenté et qui peut constituer l'un des faits générateurs du risque d'impayés qu'il a accepté de supporter ;
Que la société EULER HERMES SFAC qui a accepté de garantir le risque d'impayés de plusieurs fournisseurs de la SA INTEXA justifie donc d'un intérêt au sens de l'article 583 du Nouveau Code de Procédure Civile à former tierce opposition au jugement qui a ouvert la procédure de sauvegarde ;
Sur le bien-fondé de la tierce opposition
Attendu que l'article L. 620-1 du Code de Commerce dispose :
" Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article 620-2 qui justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements.
Cette procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif " ;
Attendu qu'il résulte de l'analyse des travaux préparatoires de la Loi du 26 juillet 2005 que le législateur n'a pas entendu imposer au débiteur de justifier de la réception de mises en demeure, de demandes de moratoires non satisfaites, ni de la mise en oeuvre préalable d'une procédure de conciliation ;
Qu'il n'a pas non plus recouru à la notion de bref délai en inscrivant la procédure de sauvegarde comme une procédure de prévention ;
Qu'il convient à la juridiction saisie de la demande d'un débiteur d'apprécier in concreto le caractère insurmontable des difficultés exposées ;
Attendu que la SA INTEXA a été crée en 1987 avec pour activités d'une part la fabrication et d'autre part le négoce de produits textiles ;
Que cette entreprise qui a atteint au début des année 2000 un chiffre d'affaires de plus de 20 millions d'euros, a enregistré, comme plus généralement la branche textile en FRANCE, un net recul puisque le chiffre d'affaires 2003 s'élevait encore à 19. 103. 279 euros mais les chiffres d'affaires 2004 et 2005 seulement à 13. 482. 381 euros et à 9. 140. 714 euros ;
Qu'au cours de l'exercice 2004 sont intervenues les liquidations judiciaires des filiales sociétés de production TEXATEX et NOVELTIS ;
Qu'au vu :
- du résultat déficitaire de 873. 000 euros de l'exercice clos au 31 décembre 2005,
- de la situation comptable au 30 juin 2005 qui faisait ressortir un chiffre d'affaires de 5. 592. 000 euros et un bénéfice de 20. 000 euros, contre 272. 000 euros au 30 juin 2004 alors qu'une perte exceptionnelle d'environ 150. 000 euros liée à un litige devait être envisagée,
- de l'allongement considérable du délai de rotation des stocks,
- de la diminution de près de 409. 000 euros de la trésorerie entre le 30 juin 2004 et le 30 juin 2005,
le commissaire aux comptes de la SA INTEXA a déclenché une procédure d'alerte le 29 novembre 2005 ;
Que si les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2005 de la SA INTEXA mentionnent encore des capitaux propres positifs de 2. 312. 498 euros lui conférant une certaine marge de manoeuvre, la perte d'exploitation enregistrée au cours de cet exercice s'élève à 154. 220 euros ;
Qu'ainsi si l'état de cessation des paiements n'était pas avéré au jour de la requête aux fins d'ouverture de la sauvegarde, l'actif disponible et le passif exigible pouvant être respectivement évalués à 409. 000 et à 321. 000 euros, la situation de l'entreprise était extrêmement tendue ;
Que compte tenu du contexte économique le dirigeant de l'entreprise a envisagé de redéfinir sa stratégie commerciale et d'arrêter l'activité de production dont les produits ne suffisent plus à apurer les charges ;
Que les effectifs sont passés entre 2002 et février 2006 de 77 à 40 salariés alors que la mise en oeuvre du plan social en cours prévoit encore 23 licenciements de salariés affectés à la production ;
Que les prévisions élaborées par l'administrateur font ressortir un solde de trésorerie négatif de 190. 000 euros à fin juillet 2006 en cas d'absence d'avance de la part de l'AGS ;
Attendu en conséquence qu'après avoir constaté l'existence des difficultés avérées de nature à la conduire à la cessation des paiements que la société requérante justifiait ne pas être en mesure de surmonter, le Tribunal a à juste titre ouvert le 15 février 2006 une procédure de sauvegarde au profit de la SA INTEXA ; que cette procédure est précisément adaptée à une situation comme celle de la société INTEXA, que le contexte économique du secteur prive des moyens de surmonter seule les graves difficultés apparues ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclarée mal fondée la tierce opposition formée par la société EULER HERMES SFAC à l'encontre du jugement qui a ouvert la procédure de sauvegarde de la SA INTEXA ;
Attendu qu'en formant tierce opposition au jugement d'ouverture, puis en interjetant appel du jugement l'ayant rejetée, sans articuler de moyens sérieux de fond, la société EULER HERMES SFAC parfaitement au fait de la situation de la situation de la SA INTEXA dont elle a une nouvelle fois rencontré le dirigeant après le prononcé du jugement de sauvegarde, a rendu encore plus difficile la poursuite de l'exploitation, la réorganisation en cours, la mise en oeuvre du plan social et l'élaboration d'un plan de sauvegarde ;
Que toutefois les documents versés aux débats par la SA INTEXA ne permettent pas de quantifier le préjudice financier que lui a occasionné l'attitude fautive de la SA EULER HERMES SFAC ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA INTEXA les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SA INTEXA, et lui a alloué une indemnité de procédure ;
Qu'il y a lieu de condamner la société EULER HERMES SFAC à payer à la SA INTEXA une indemnité complémentaire de 5. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au titre de la procédure d'appel et à supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Donne acte à Maître Z... mandataire judiciaire de son intervention volontaire ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mars 2006 par le Tribunal de Commerce de ROANNE ;
Y ajoutant
Condamne la société EULER HERMES SFAC à payer à la SA INTEXA une indemnité complémentaire de 5. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société EULER HERMES SFAC aux dépens et accorde contre elle à la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, Avoués, le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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