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Décisions

Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-14.968

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pompes Funèbres Privées (SARL)

Défendeur :

OGF (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Balat, SCP Alain Bénabent

Paris, pôle 5 ch. 4, du 27 févr. 2019

27 février 2019

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 5 juillet 2017, pourvoi n° 15-20.924), la société OGF, qui exerce l'activité de pompes funèbres sur le territoire français, exploite à Saint-Maur-des-Fossés une agence commerciale d'organisation d'obsèques et gère l'unique chambre funéraire de cette commune. La société Pompes funèbres privées Lamotte, devenue la société Pompes funèbres privées (la société PFP), exerce son activité dans cette commune et utilise les services de la chambre funéraire gérée par la société OGF.  

2. Soutenant que la société OGF avait commis des actes de concurrence déloyale à Saint-Maur-des-Fossés de 2000 à 2004, la société PFP l'a assignée en réparation de son préjudice. En cause d'appel, la société PFP s'est prévalue d'agissements fautifs pour la période postérieure dans cette même ville ainsi que dans d'autres communes du Val-de-Marne.

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société PFP fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société OGF pour actes de concurrence déloyale à compter du mois de janvier 2004, alors « que les gestionnaires des chambres funéraires doivent veiller à ce qu'aucun document de nature commerciale n'y soit visible ; qu'en considérant que la société OGF n'avait pas manqué, s'agissant des communes de Bry-sur-Marne, Vitry-sur-Seine et Villeneuve-Saint-Georges, au principe de neutralité s'imposant aux gestionnaires de chambres funéraires, tout en constatant que la société OGF avait fait figurer son logo commercial à proximité immédiate des chambres funéraires de ces trois communes, la cour d'appel qui s'est bornée à relever pour justifier sa décision que les locaux de la société OGF étaient distincts des chambres funéraires elles-mêmes, s'est déterminée par un motif impropre à démontrer l'absence de violation du principe de neutralité à compter du mois de janvier 2004 et a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 2223-72 du code des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt constate que, s'agissant des griefs relatifs aux chambres funéraires du Val-de-Marne et, plus particulièrement pour celle de Bry-sur-Marne, il apparaît que le funérarium et les locaux commerciaux sont dans le même bâtiment mais qu'ils ont deux portes séparées, que le logo PFG apparaît sur les panneaux relatifs aux « services funéraires », un sur le portail et l'autre à l'entrée des locaux commerciaux mais aucunement sur les panneaux relatifs au funérarium et qu'il n'est pas associé au funérarium. Il relève que, s'agissant de la chambre funéraire de Vitry-sur-Seine, il apparaît que le funérarium et les locaux commerciaux sont dans deux bâtiments séparés côte à côte, qu'ils ont deux portes séparées, et que les panneaux sont distincts, seul un grand panneau « Pompes Funèbres Funespaces » figurant sur le bâtiment commercial et non pas sur celui accueillant le funérarium, ainsi que deux panneaux séparés « Funespace » et « pompes funèbres » à l'entrée du parking. Il relève, s'agissant de la chambre funéraire de Villeneuve-Saint-Georges, qu'il en est de même, sous réserve de ce que les deux grands panneaux « Services funéraires PFG » figurent sur le bâtiment commercial et sur la grille d'entrée et non pas sur celui accueillant le funérarium.  

6. En l'état de ces constatations, dont elle a déduit que le principe de neutralité avait été respecté par la société OGF dans ces funérariums, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.  

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La société PFP fait grief à l'arrêt de condamner la société OGF à lui payer  la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour des actes de concurrence déloyale commis entre les mois de mai 2000 et janvier 2004, avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2012, et de la débouter du surplus de sa demande indemnitaire, alors que « les gestionnaires des chambres funéraires doivent veiller à ce qu'aucun document de nature commerciale n'y soit visible ; qu'en relevant que, jusqu'au mois de juin 2004, la société OGF, de son propre aveu, avait laissé « devant la chambre funéraire » un panneau au logo PFG, nom commercial de la société OGF, puis en considérant toutefois que « cette seule mention n'est pas une circonstance constitutive d'une faute caractérisant des actes de concurrence déloyale », pour le motif inopérant qu'il n'était pas démontré que cette « pratique isolée » avait créé un « risque de confusion dans l'esprit des familles des défunts sur la réglementation relative à l'organisation des obsèques et la nature de la chambre funéraire », la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs impropres à démontrer l'absence de violation du principe de neutralité pour la période de 2000 à 2004, a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 2223-72 du code général des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 2223-72 du code général des collectivités territoriales :

9. Selon ce texte, les gestionnaires des équipements mentionnés à l'article R. 2223-68 du même code doivent veiller à ce qu'aucun document de nature commerciale n'y soit visible, sous réserve des dispositions des articles R. 2223-71 et R. 2223-88.

10. Pour rejeter partiellement la demande relative à la chambre funéraire de Saint-Maur-des-Fossés, l'arrêt constate que le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 20 janvier 2004 atteste de la présence du logo PFG au-dessus de la porte d'entrée de la chambre funéraire pour la période de mai 2000 à mai 2004 et indique que les locaux commerciaux PFG et la chambre funéraire partagent un parking commun. Il relève que les locaux sont néanmoins matériellement séparés, n'étant pas situés dans le même bâtiment, même si des entrées respectives donnent sur ce même parking, et que d'autres entrées sont existantes, directement sur rue. Il en déduit que n'est pas établie une confusion entre la salle d'attente du funérarium et le salon d'accueil de l'entreprise OGF. Il constate aussi que, lors de sa visite de la chambre funéraire le 30 novembre 2005, l'expert judiciaire a relevé que celle-ci était séparée des locaux « PFG » et y a noté l'affichage des opérateurs de pompes funèbres du département mais n'a pas constaté la présence de documentation publicitaire relative à l'organisation d'obsèques. Il estime que, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas démontré par la société PFP que l'apposition isolée du logo litigieux, sur la porte donnant sur rue et non sur la cour, crée un risque de confusion dans l'esprit des familles des défunts sur la réglementation relative à l'organisation des obsèques et la nature de la chambre funéraire, pouvant les inciter à recourir aux services de la même société, pour l'ensemble des prestations funéraires.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la faute alléguée, consistant en la présence du logo PFG, nom commercial de la société OGF, sur la porte d'entrée de la chambre funéraire dont la gestion lui est concédée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. La société PFP fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes à l'encontre de la société OGF pour actes de concurrence déloyale à compter du mois de janvier 2004, alors « qu'en outre, en statuant comme elle l'a fait s'agissant de la commune de Saint-Maur-des-Fossés pour la période postérieure au mois de janvier 2004, renvoyant à des motifs impropres à établir l'absence de manquement par la société OGF au principe de neutralité s'imposant aux gestionnaires des chambres funéraires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R. 2223-72 du code général des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour  

Vu l'article R. 2223-72 du code général des collectivités territoriales :

13. Pour rejeter la demande de la société PFP relative à la chambre funéraire de Saint-Maur-des-Fossés pour la période postérieure au mois de janvier 2004, l'arrêt retient que la société PFP formule des griefs identiques à ceux développés précédemment et que ces griefs doivent être écartés, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés.  

14. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la faute alléguée, consistant en la seule présence du logo PFG, nom commercial de la société OGF, constante après le mois de janvier 2004, sur la porte d'entrée de la chambre funéraire de Saint-Maur-des-Fossés dont la gestion lui est concédée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

15. L'arrêt n'est cassé qu'en ce qu'il exclut la faute prise de la violation de l'article R. 2223-71 du code général des collectivités territoriales s'agissant de la chambre funéraire de Saint-Maur-des-Fossés du fait de l'apposition du logo PFG sur la porte d'entrée de celle-ci, et rejette la demande de dommages-intérêts pour la période postérieure pour les mêmes faits et limite, en conséquence, à 40 000 euros les dommages-intérêts alloués à la société Pompes funèbres privées pour la période 2000 à 2004.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société OGF à payer à la société Pompes funèbres privées la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour des actes de concurrence déloyale commis entre les mois de mai 2000 et janvier 2004, avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2012, et déboute la société Pompes funèbres privées de ses demandes à l'encontre de la société OGF pour actes de concurrence déloyale à compter du mois de janvier 2004, l'arrêt rendu le 27 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.