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Décisions

Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-15.913

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Promeco (SA)

Défendeur :

Carrefour Marchandises Internationales (SAS), CSF (SAS), Carrefour Hypermarchés (SAS), Carrefour Supply Chain (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Piwnica et Molinié

Paris, pôle 1 ch. 8, du 1er mars 2019

1 mars 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2019), rendu en matière de référé, la société Carrefour marchandises internationales (la société CMI), centrale de référencement de produits non alimentaires commercialisés sous l'enseigne Carrefour, a conclu, le 1er avril 2017, en qualité de mandataire des autres sociétés du groupe Carrefour, avec la société de droit belge Promeco, spécialisée dans la création de campagnes marketing, un contrat-cadre, d'une durée d'un an, par lequel la seconde s'est engagée à fournir à la première du matériel promotionnel et des produits de grandes marques, à reprendre une partie des invendus et à émettre des avoirs correspondants  dont le montant viendrait en déduction de celui des factures.

2. La société CMI, reprochant à la société Promeco de refuser, à la suite d'un différend entre elles, la reprise des invendus d'opérations terminées et ayant elle-même bloqué les règlements dus à cette dernière, l'a assignée en référé en vue de l'obliger à reprendre, sous astreinte, ces invendus et à émettre les avoirs correspondants.

3. Les sociétés Carrefour hypermarchés, CSF et Carrefour Supply Chain, sont intervenues volontairement à l'instance devant la cour d'appel.

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. La société Promeco fait grief à l'arrêt de lui ordonner de reprendre, à ses frais et sous astreinte, les invendus des opérations terminées qu'il énumère et d'émettre les avoirs correspondant à leur valeur dans le délai maximal de trente jours après la date d'enlèvement, alors « que l'inexécution d'une obligation nulle ou réputée non écrite ne peut constituer un trouble manifestement illicite ; que toute clause imposée à un partenaire commercial qui créait à son détriment un déséquilibre significatif est nulle ou réputée non écrite ; qu'en l'espèce, la société Promeco soutenait que la clause du contrat-cadre du 1er avril 2017 lui imposant la reprise des invendus lui avait été imposée et créait un déséquilibre significatif, de sorte qu'elle devait être réputée non écrite en application de l'article L. 442-6 du code de commerce ; qu'en retenant que l'inexécution de cette clause constituait un trouble manifestement illicite sans rechercher si elle avait été imposée à la société Promeco et créait un déséquilibre significatif à son détriment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6, devenu L. 442-1, du code de commerce et l'article 873 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et 873 du code de procédure civile :

5. Si selon le second de ces textes, le président du tribunal peut, dans les limites de la compétence de celui-ci, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite même en présence d'une contestation sérieuse, il doit néanmoins procéder à l'analyse des droits en présence lorsque cette contestation porte sur le caractère manifestement illicite du trouble invoqué. Aux termes du premier, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, est réputée non écrite.

6. Pour ordonner à la société Promeco de reprendre, à ses frais et sous astreinte, les produits invendus des opérations terminées « Christian Lacroix, Relance, Edition Limitée », « Cyril Lignac Pâtisserie », « Couzon » et « Lamarthe » qui sont stockés dans ses entrepôts et d'émettre les avoirs correspondant à leur valeur dans le délai maximal de trente jours après la date d'enlèvement, l'arrêt, après avoir relevé que la société Promeco n'établissait pas avec l'évidence requise en référé les dysfonctionnements allégués à l'encontre de la société CMI, qui sont insuffisants pour démontrer la responsabilité de cette dernière dans le nombre des invendus, qui résulte des livraisons effectuées à son initiative et non pour répondre à des  commandes fermes des sociétés Carrefour, retient que la société Promeco, qui n'exécute pas sa propre obligation de reprise des marchandises, ne peut exiger le paiement de ses factures et que son exception d'inexécution n'est pas valablement invoquée. Il en déduit que son refus, en violation de son obligation contractuelle, de reprendre les produits invendus qui ne peuvent pas être écoulés par la société Carrefour et qui occasionnent à celle-ci des frais de stockage, constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause, dont l'exécution était demandée sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, présentait avec l'évidence requise en référé un caractère licite, qui lui était contesté au regard des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, de sorte que son inexécution serait exclusive du trouble manifestement illicite allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.