Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-16.207
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Compagnie de Représentation Export Vêtements Enfants (Sté)
Défendeur :
Kidiliz Group (Sasu), Hunsinger (ès qual.), Perdereau (ès qual.), Berti (ès qual.), Ruth (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Boisselet
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Reprise d'instance
1. Par mémoire du 3 décembre 2020, la société Compagnie de représentation export vêtements enfants a repris l'instance, interrompue par le redressement judiciaire de la société Kidiliz Group, contre les organes de la procédure collective.
2. La société Kidiliz Group ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire et d'un plan de cession, cette reprise d'instance a été limitée aux liquidateurs judiciaires, soit la société Bescheret, Thierry, Gorrias et Gasnier (BTSG), prise en la personne de M. Barti, et la société Mandataires judiciaires associés (MJA), prise en la personne de Mme Ruth.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 20 novembre 2018), la société Catimini, aux droits de laquelle se trouve la société Kidiliz Group (la société Kidiliz), a confié à la société Compagnie de représentation export vêtements enfants (la société Cie Reve), à effet du 1er juin 1997, le mandat de vendre diverses collections de vêtements à des clients multi-marques, à des grands magasins et, en général, à toute surface de vente, à l'exception des franchises et succursales Catimini.
4. L'article 4 du contrat d'agence commerciale ainsi conclu concédait à la société Cie Reve l'exclusivité sur le secteur géographique de la Suisse et du Liechtenstein et son article 7 stipulait qu'en raison de cette exclusivité, une commission serait due à l'agent sur l'ensemble des ventes effectuées dans son secteur, « que les commandes aient été transmises par lui ou soient parvenues autrement au mandant. »
5. Après avoir constaté que des produits de la marque Catimini étaient proposés à la vente sur le site internet « Zalando.ch » accessible à la clientèle suisse, la société Cie Reve a vainement demandé à sa mandante de lui communiquer le chiffre d'affaires réalisé par l'intermédiaire de ce site afin de calculer les commissions lui revenant sur les ventes ainsi réalisées, puis l'a assignée devant un tribunal de commerce.
Examen des moyens
Sur les deux moyens, réunis
Enoncé des moyens
6. Par son premier moyen la société Cie Reve fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°) que l'agent commercial chargé d'un secteur géographique a droit à la commission afférente aux opérations conclues avec des clients qui déploient leurs activités commerciales effectives dans ce secteur, même si elles l'ont été sans son intervention ; qu'en jugeant qu'aucune commission n'était due à la société Cie Reve au titre des ventes des produits de la marque Catimini dès lors qu'elles n'avaient pas été conclues par la société Catimini auprès d'un client suisse, mais avec la société Zalando, dont le siège social est en Allemagne, après avoir relevé que cette dernière avait offert les produits acquis de la société Catimini aux particuliers sur le territoire suisse via son site internet Zalando.ch, ce dont il résultait qu'elle avait déployé ses activités commerciales effectives en Suisse, à l'intérieur du secteur géographique de la société Cie Reve, ce qui ouvrait droit à celle-ci à la commission afférente aux opérations ainsi conclues, la cour d'appel a violé l'article L. 134-6 du code de commerce ;
2°) que l'agent commercial chargé d'un secteur géographique a droit à la commission afférente aux opérations conclues par des clients appartenant à ce secteur avec un tiers en cas d'intervention, même indirecte, du commettant ; qu'en jugeant qu'aucune commission n'était due à la société Cie Reve au titre des ventes des produits de la marque Catimini conclues sur le territoire suisse avec la société Zalando, bien que la société Catimini ait elle-même directement cédé ses produits à cette dernière, ce dont il résultait qu'elle était intervenue, fût-ce indirectement, dans les opérations conclues en Suisse, ce qui ouvrait droit au versement de commissions pour l'agent commercial, la cour d'appel a violé l'article L. 134-6 du code de commerce. »
7. Par son second moyen la société Cie Reve fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°) qu'aux termes de l'article 4 du contrat d'agent commercial conclu le 28 mai 1997 entre la société Cie Reve et la société Catimini que "le secteur danslequel l'agent est chargé du mandat est constitué par les pays suivants : Suisse/Lichtenstein qui lui sont attribués en exclusivité" et que "l'agent exerce son mandat auprès des catégories de clients ci-après : clients multimarques et grands magasins et en général toute surface de vente, à l'exception des franchises et succursales Catimini", de sorte qu' "en conséquence, toutes correspondances, en provenance de ce secteur, qui seraient adressées au mandant, seront immédiatement transmises par lui à l'agent et les doubles de toutes correspondances, propositions ou factures émises par le mandant à destination du secteur lequel l'exclusivité est accordée à l'agent seront adressées à celui-ci " ; que l'article 7.2, relatif à la rémunération, ajoutait qu' "en raison de l'exclusivité accordée à l'agent et de la représentation permanente qu'il assure dans son secteur, la commission est due à l'agent sur l'ensemble des ventes effectuées dans son secteur, que les commandes aient été transmises par lui ou soient parvenues autrement au mandant" ; qu'il en résulte que la société Catimini s'interdisait de vendre des produits de sa marque en Suisse sans passer par l'intermédiaire de la société Cie Reve ; qu'en considérant néanmoins que les ventes consenties par la société Catimini en Allemagne, à la société Zalando, ne contrevenaient pas à cette clause d'exclusivité, bien que cette dernière les ait ensuite revendus en Suisse et en jugeant que la société Cie Reve ne pouvait faire reproche à la société Catimini de ne pas s'être abstenue de vendre des produits à la société Zalando au motif que cette dernière aurait eu vocation à revendre la marchandise vendue sur le territoire suisse, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil ;
2°) que le mandant est tenu envers l'agent commercial d'une obligation de loyauté qui implique celle de ne pas le concurrencer ; que la clause par laquelle le mandant attribue à l'agent commercial une exclusivité sur un secteur géographique déterminé lui interdit de le concurrencer sur ce secteur ; qu'en affirmant que la société Catimini n'avait pas manqué à ses obligations de loyauté et d'information ni méconnu la clause d'exclusivité lui interdisant de vendre les produits de sa marque sur le territoire suisse, après avoir pourtant relevé qu'elle avait vendu ses produits à la société Zalando qui les avaient revendus sur le territoire suisse, ce dont il résultait qu'elle avait manqué à ses obligations envers son agent commercial en n'empêchant pas la revente des produits qu'elle cédait sur le territoire suisse, la cour d'appel a violé les articles L. 134-4 du code de commerce, et 1134 devenu 1103 et 1104 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Après avoir énoncé que l'article 7-2 du contrat n'ouvrait droit à commission à la société Cie Reve que pour les ventes que la société Catimini aurait effectuées, même sans son intermédiaire, sur son secteur, soit la Suisse et le Liechstenstein, et auprès de la clientèle confiée, l'arrêt relève que les pièces produites ne démentaient pas les allégations de la société Catimini, selon lesquelles elle avait vendu les marchandises litigieuses à la société allemande Zalando, qui a son siège social à Berlin, en Allemagne, et non, comme le soutenait la société Cie Reve, directement ou indirectement au site marchand Zalando.ch qui, selon elle, constitue une boutique en ligne multi-marques destinée aux particuliers.
9. Ayant ainsi fait ressortir que les produits visés par le contrat avaient été commercialisés en Suisse, auprès d'une clientèle distincte de celle qui lui avait été confiée par le contrat, sans que la société Catimini ait eu un contrôle direct ou indirect sur cette commercialisation, intervenue à l'initiative des consommateurs après qu'elle eût perdu tout droit sur ces produits, l'arrêt retient exactement que la société Cie Reve, qui n'avait aucune exclusivité sur la clientèle allemande et dont la clientèle confiée par le mandat ne comprenait pas les consommateurs, ne pouvait se prévaloir d'un droit à commission sur les ventes litigieuses ni faire reproche à la société Catimini de ne pas s'être abstenue de vendre des produits à un client situé sur sa zone d'exclusivité. La cour d'appel en a déduit à bon droit qu'aucune violation de la clause d'exclusivité ni de l'obligation de loyauté s'imposant au mandant n'était démontrée.
10. Les moyens ne sont donc pas fondés.
PAR CES MOTIFS,
la Cour :
REJETTE le pourvoi.