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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 avril 2021, n° 19/02761

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Anonyme Paris (SARL)

Défendeur :

IDMC Manufacture (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

Avocats :

Me Métayer Mathieu, Me Cohen

T. com. Paris, du 10 déc. 2018

10 décembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Anonyme Paris est une société qui commercialise des articles de maroquinerie et des accessoires.

La société IDMC Manufacture est une société spécialisée dans la fabrication d'articles de cuir de luxe.

La société Anonyme Paris a confié à la société IDMC Manufacture la fabrication d'articles de maroquinerie à compter de l'année 2013.

Lors d'une réunion le 5 novembre 2015, la société IDMC Manufacture a annoncé à la société Anonyme Paris son souhait de cesser progressivement leur collaboration.

Le 26 janvier 2016, la société Anonyme Paris a informé la société IDMC qu'elle venait de recevoir une commande portant sur des articles de maroquinerie et l'a sollicitée pour l'exécution de cette commande.

Le 27 janvier 2016, la société IDMC Manufacture a indiqué être dans l'impossibilité d'accepter cette commande.

Estimant que le refus d'honorer cette commande était constitutif d'une rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties, la société Anonyme Paris a demandé réparation à la société IDMC Manufacture du préjudice résultant de cette rupture ainsi que des préjudices résultant de divers manquements contractuels invoqués.

Par acte du 16 juin 2017, la société Anonyme Paris a assigné la société IDMC Manufacture devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir réparation de ses préjudices.

Par jugement du 10 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SARL Anonyme Paris de sa demande au titre de la rupture brutale ;

- débouté la SARL Anonyme Paris de sa demande au titre des prototypes ;

- débouté la SARL Anonyme Paris de sa demande au titre de la rupture abusive ;

- débouté la SARL Anonyme Paris de sa demande au titre des coûts supplémentaires ;

- débouté la SARL Anonyme Paris de sa demande au titre de la commande de pins ;

- débouté la SARL Anonyme Paris de sa demande au titre du préjudice d'image ;

- condamné la société IDMC Manufacture à payer à la SARL Anonyme Paris la somme de 20 654,10 euros au titre du manque à gagner ;

- ordonné l'anatocisme ;

- condamné la société IDMC Manufacture à payer à la SARL Anonyme Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- ordonné l'exécution provisoire sans caution ;

- condamné la SAS IDMC Manufacture aux dépens.

Par déclaration du 5 février 2019, la société Anonyme Paris a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a:

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre de la rupture brutale ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre des prototypes ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre de la rupture abusive ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre des coûts supplémentaires ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre de la commande de pins ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre du préjudice d'image ;

- limité le montant des dommages intérêts octroyés à Anonyme Paris à la somme de 20 654,10 euros.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 23 octobre 2019, la société Anonyme Paris demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil,

Vu l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce,

réformer le jugement en ce qu'il a :

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre de la rupture brutale ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre des prototypes ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre des outillages ;

- limité l'indemnisation d'Anonyme Paris au titre du manque à gagner à la somme de 20 654,10 euros ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre de la perte d'outillage ;

- débouté Anonyme Paris de sa demande au titre du préjudice d'image ;

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- reconnu le principe de la faute d'IDMC Manufacture et du manque à gagner pour Anonyme ;

- octroyé à Anonyme Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Ce faisant, statuant à nouveau,

- dire et juger qu'IDMC Manufacture a rompu brutalement les relations d'affaires avec Anonyme Paris ;

- condamner IDMC Manufacture au paiement de la somme de 49 422 euros au titre de la rupture brutale ;

- condamner sinon IDMC Manufacture au paiement de la somme de 35 301 euros au titre de la rupture anticipée fautive ;

- dire et juger en outre qu'IDMC Manufacture a commis plusieurs fautes au cours de sa relation d'affaires avec Anonyme Paris et engage à ce titre sa responsabilité contractuelle ;

- condamner IDMC Manufacture au paiement de la somme de 8 875,54 euros au titre des prototypes ;

- condamner IDMC Manufacture au paiement de la somme de 20 167,83 euros au titre de l'abus commis par IDMC Manufacture au moment de la rupture ;

- condamner IDMC Manufacture au paiement de la somme de 20 363,94 euros au titre des coûts supplémentaires ;

- condamner IDMC Manufacture au paiement de la somme de 63 000 euros au titre du manque à gagner ;

- condamner IDMC Manufacture au paiement de la somme de 933,25 euros au titre de la commande de pins ;

- condamner IDMC Manufacture au paiement de la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'image ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

Y ajoutant,

- condamner IDMC Manufacture à verser à Anonyme Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner IDMC Manufacture aux entiers dépens.

Par conclusions du 20 janvier 2020, la société IDMC Manufacture demande à la cour de :

Vu l'ancien article L. 442-6 I 5° du code de commerce,

Vu le nouvel article L. 442-1 du code de commerce,

Vu les anciens articles 1134, 1147 et suivants du code civil,

Vu les nouveaux articles 1103, 1104 et 1193 du code civil,

- confirmer le jugement rendu le 10 décembre 2018 en ce qu'il déboute la société Anonyme Paris des demandes suivantes :

- 57 750 euros au titre de la rupture brutale ;

- 8 875,54 euros au titre des prototypes ;

- 20 167,83 euros au titre de l'abus commis au moment de la rupture ;

- 20 363,94 euros au titre des coûts supplémentaires ;

- 63 000 euros au titre du manque à gagner ;

- 933,25 euros au titre de la commande de pins ;

- 20 000 euros au titre du préjudice d'image ;

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 10 décembre 2018 en ce qu'il condamne la société IDMC Manufacture à régler à la société Anonyme Paris les sommes suivantes :

- 20 654,10 euros au titre du manque à gagner ;

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- les dépens de l'instance.

Ce faisant, statuant à nouveau,

- dire et juger que la société IDMC Manufacture n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Anonyme Paris au titre d'une prétendue rupture brutale de relations commerciales établies,

- dire et juger que la société IDMC Manufacture n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Anonyme Paris,

- débouter la société Anonyme Paris de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel, à savoir :

- 49 422 euros au titre de la rupture brutale ;

- 35 301 euros au titre de la rupture anticipée fautive ;

- 8 875,54 euros au titre des prototypes ;

- 20 167,83 euros au titre de la rupture abusive ;

- 20 363,94 euros au titre des coûts supplémentaires ;

- 933,25 euros au titre de la commande de pins ;

- 20 000 euros au titre du préjudice d'image ;

Recevant la société IDMC Manufacture en ses demandes reconventionnelles,

- ordonner la restitution au profit de la société IDMC Manufacture des sommes perçues à hauteur de 25 038,81 euros en exécution du jugement rendu le 10 décembre 2018 par la société Anonyme Paris,

- condamner la société Anonyme Paris à payer à la société IDMC Manufacture la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Anonyme Paris aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 novembre 2020.

MOTIFS

Sur la rupture brutale des relations commerciales

L'article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, le caractère établi de la relation est discuté par la société IDMC Manufacture qui considère qu'eu égard à l'irrégularité du volume d'affaires existant avec la société Anonyme Paris, la relation était ponctuelle et aléatoire.

Il convient toutefois de relever que la société IDMC Manufacture a facturé à la société Anonyme Paris des commandes de pièces de maroquinerie pour un montant de 3 664 euros HT en 2013, 29 740,71 euros HT en 2014, 10 259,26 euros HT en 2015 et 1 116,30 euros HT en 2016, que nonobstant l'absence de conclusion d'un contrat cadre pour régir les relations entre les parties et la fluctuation des commandes entre 2013 et 2016, il n'en demeure pas moins que la société IDMC Manufacture avait demandé que la société Anonyme Paris investisse dans un outillage onéreux au mois de janvier 2015 pour substituer une coupe par presse à une coupe réalisée jusqu'alors à la main sur de nombreux modèles de sorte que la société Anonyme Paris pouvait raisonnablement prévoir que les relations perdureraient avec son partenaire commercial, tout au moins le temps de l'amortissement de l'outillage nouvellement acquis.

Or la société IDMC Manufacture ne conteste pas que lors d'une réunion du 5 novembre 2015, elle a fait part à la société Anonyme Paris de son souhait de cesser progressivement les relations commerciales.

Néanmoins, la société IDMC Manufacture n'a jamais matérialisé cette volonté par un écrit alors même que le texte susvisé sanctionne la rupture de relations commerciales établies en l'absence de tout préavis écrit.

La société IDMC Manufacture conteste par ailleurs être à l'origine de la rupture alléguée en prétendant que le fait d'avoir refusé une commande de la société Anonyme Paris au mois de janvier 2016 ne pouvait s'analyser en une rupture des relations.

Il résulte des documents versés aux débats que la réalisation des pièces de maroquinerie nécessitaient un outillage spécifique qui devait en outre être adapté à l'outil de production du fabricant. Ainsi en acceptant d'être le partenaire d'une jeune société et en la contraignant à réaliser d'importants investissements en outillage pour réaliser ses modèles, la société IDMC Manufacture s'engageait nécessairement à réaliser ses commandes.

Or, le fait pour la société IDMC Manufacture d'avoir refusé la commande du mois de janvier 2016 a contraint la société Anonyme Paris à transférer à un autre producteur l'ensemble de l'outillage spécifique à ses modèles et ce d'autant plus que la première venait d'annoncer trois mois auparavant qu'elle entendait cesser les relations.

En conséquence, la société IDMC Manufacture est bien à l'origine de la rupture de la relation commerciale.

En l'absence de préavis écrit précédent cette rupture, la responsabilité de la société IDMC Manufacture doit être retenue.

Le délai de préavis qui aurait dû être observé doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit concerné.

Il résulte des pièces versées au débats que les relations ont duré du mois de novembre 2013 au mois de janvier 2016, soit 27 mois.

La société Anonyme Paris qui se prévaut d'une dépendance économique à l'égard de la société IDMC Manufacture n'en rapporte pas la preuve notamment par la production de ses comptes qui établiraient qu'elle réalisait l'essentiel voire la totalité de son chiffre d'affaires, comme elle le prétend, grâce aux produits fabriqués par la société IDMC Manufacture.

Eu égard à la courte durée des relations et à la variabilité du flux d'affaires réalisé entre 2013 et 2016 avec la société IDMC Manufacture, le préavis qui aurait dû être respecté par cette dernière sera fixé à trois mois.

Le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue en considération de la marge brute escomptée durant cette période.

En l'espèce, la société Anonyme Paris ne verse aux débats aucun document comptable. L'attestation de son expert-comptable évaluant à 107 294 euros le chiffre d'affaires pour l'exercice du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 ne peut être retenue dans la mesure où elle ne correspond que partiellement à la période pendant laquelle la société Anonyme Paris travaillait avec la société IDMC Manufacture et ne permet pas d'isoler le chiffre d'affaires réalisé grâce aux produits fabriqués par cette dernière; la société Anonyme Paris ne vendant pas exclusivement des articles de maroquinerie. De même, l'attestation de l'expert-comptable précisant que le chiffre d'affaires réalisé par la société Anonyme Paris s'est élevé à 40.802 euros pour l'exercice du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 ne permet pas de démontrer que ce chiffre est exclusivement lié à la vente des produits fabriqués par la société IDMC Manufacture. En outre, la troisième attestation de l'expert-comptable concernant le manque à gagner de la société Anonyme Paris n'est fondée que sur des projections et non sur un chiffre d'affaires effectivement réalisé et ne peut pas davantage être prise en compte.

Néanmoins, cette attestation établit que le taux de marge brute s'élevait à 55 %. Les factures de la société IDMC Manufacture représentant l'essentiel de ses coûts de fabrication, il convient de reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par la société Anonyme Paris grâce aux produits fabriqués par la société IDMC Manufacture à partir desdites factures qui se sont élevées à 44 780,27 euros HT (3 664 euros + 29 740,71 euros + 10 259,26 euros + 1 116,30 euros) sur 27 mois, soit 1 658,52 euros HT par mois. En partant du postulat que ces factures représentaient 45 % (100 % - 55 % au titre de la marge brute) du chiffre d'affaires réalisé par la société Anonyme Paris grâce à la vente des produits fabriqués par la société IDMC Manufacture, ce chiffre d'affaires peut être estimé à 3 685,61 euros par mois (1 658,52 euros x 100/45) de sorte que la marge brute peut être évaluée à 2 027,09 euros par mois.

En conséquence, la perte de gains résultant du non-respect du préavis de trois mois qui aurait dû être observé par la société IDMC Manufacture sera réparé par l'allocation d'une somme de 6 081,27 euros (2 027,09 euros x 3 mois).

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

Sur les manquements contractuels

La société Anonyme Paris se prévaut de divers manquements contractuels de la part de la société IDMC Manufacture, manquements que cette dernière conteste.

Tout d'abord, la société Anonyme Paris réclame le remboursement d'une somme de 8 875,54 euros HT facturée par la société IDMC Manufacture au titre de frais de développement correspondant à l'adaptation des prototypes fournis aux standards de production de la société IDMC Manufacture. La société Anonyme Paris prétend n'avoir jamais donné son accord sur l'engagement de ces frais.

Toutefois, le règlement de cette facture sans la moindre contestation démontre l'accord de la société Anonyme Paris quant à l'engagement de ces frais de développement. Il sera de surcroît relevé que la société Anonyme Paris a attendu plus de trois ans après l'émission de la facture litigieuse pour en contester le bien-fondé. Enfin il convient d'observer que le nouveau fabricant de la société Anonyme Paris, la société Peaux Luxe, a lui-même facturé des frais de développement pour reprendre la production, ce qui manifeste que ces frais sont nécessairement induits pas le changement de fabricant.

Dans ces conditions, la société Anonyme Paris succombe à la charge de la preuve qui lui incombe quant à la démonstration du manquement contractuel allégué et sera déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Ensuite la société Anonyme Paris reproche à la société IDMC Manufacture d'avoir été contrainte d'investir dans des outillages onéreux compte tenu de la décision unilatérale de cette dernière d'arrêter la fabrication en coupe mains en violation de l'article L. 442-6 I 4° du code de commerce.

La société IDMC Manufacture prétend que la décision d'arrêter la production en coupe main a été prise d'un commun accord avec la société Anonyme Paris et sans contrainte.

L'article L. 442-6 I 4° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente.

Outre le fait que la société Anonyme Paris ne rapporte pas la preuve d'un accord pour que la production confiée à la société IDMC Manufacture soit, de manière pérenne, partiellement en coupe main, il ressort du compte rendu de réunion du 12 janvier 2015 établi par M. A, gérant de la société Anonyme Paris, que la décision d'arrêter la production en coupe main a été prise d'un commun accord.

Par ailleurs, la société Anonyme Paris ne démontre aucunement les pressions auxquelles elle aurait été soumise pour accepter l'arrêt de la production en coupe main et l'investissement dans de l'outillage.

La demande en responsabilité de ce chef à l'encontre de la société IDMC Manufacture sera rejetée.

Sur la demande de remboursement de cet outillage d'un montant de 20 167,83 euros, il sera relevé que la société Anonyme Paris n'établit pas que cet outillage n'était pas réutilisable par un autre fabricant. Au contraire, il ressort des pièces versées aux débats que ledit outillage a été transféré à la société Peaux Luxe, nouveau fabricant des articles de maroquinerie conçus par la société Anonyme Paris. En conséquence, ces frais d'outillage ne peuvent être mis à la charge de la société IDMC Manufacture au titre de sa responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales établies.

La société Anonyme Paris reproche ensuite à la société IDMC Manufacture d'être à l'origine de dépenses supplémentaires dans le cadre du transfert de la production à la société Peaux Luxe. Elle explique qu'alors que la transition devait s'échelonner sur plusieurs mois et que les frais de développement à payer au nouveau fabricant devaient être étalés dans le temps, le refus de la société IDMC Manufacture d'honorer la commande du mois de janvier 2016 a entraîné un transfert brutal de la production et la nécessité de mobiliser la trésorerie pour payer les frais de développement du nouveau fabricant. En outre, la société Anonyme Paris prétend que la société IDMC Manufacture a adressé l'outillage au nouveau fabricant sans aucune identification et de manière incomplète de sorte que la société Peaux luxe lui a facturé des frais de transfert, réception et classification des éléments de production. Elle revendique à ce titre le paiement d'une somme de 20 363,94 euros TTC.

Toutefois, la société Anonyme Paris ne démontre pas que les frais dont elle demande le remboursement sont imputables à la brutalité de la rupture, qui constitue le seul préjudice réparable au titre de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. Au contraire, il apparaît que les frais figurant sur la facture de la société Peaux Luxe du 24 mai 2016 (frais de transfert, réception et classification des éléments de production, frais de développement du nouveau fabricant, majoration pour production initiale, frais de commande de production) sont imputables à la rupture elle-même qui ne peut constituer un préjudice réparable dans le cadre des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

En outre, la société Anonyme Paris ne démontre pas que ces frais sont liés à une faute de la société IDMC Manufacture.

La demande d'indemnisation de ce chef sera rejetée.

La société Anonyme Paris se plaint encore de n'avoir pas pu récupérer auprès de la société IDMC Manufacture les « pins » ajoutés aux modèles de maroquinerie fabriqués de sorte qu'elle aurait été contrainte de passer une nouvelle commande pour un montant de 933,25 euros HT.

Pourtant la société Anonyme Paris ne démontre aucunement que des « pins » lui appartenant ne lui auraient pas été restitués par la société IDMC Manufacture ni même avoir mis en demeure cette société de les lui rendre.

La demande d'indemnisation de ce chef sera rejetée en l'absence de preuve d'une quelconque faute de la part de la société IDMC Manufacture.

La société Anonyme Paris se prévaut enfin d'un préjudice d'image dont elle revendique l'indemnisation à concurrence d'une somme de 20 000 euros. Elle affirme en effet avoir été dans l'impossibilité d'honorer certaines commandes.

Cependant, à l'appui de ses allégations, la société Anonyme Paris se contente de verser aux débats un courriel de la société Wischke daté du 13 juin 2016 qui n'établit nullement qu'une commande aurait été passée et n'aurait pu être honorée ainsi que des captures d'écrans de mini messages dont on ne peut identifier ni l'auteur ni le destinataire ni la date.

Dans ces conditions, le préjudice moral invoqué n'est pas établi et la demande de ce chef sera écartée.

Sur la restitution des sommes versées en exécution du jugement

La société Anonyme Paris demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, étant précisé que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les deux parties succombent partiellement en appel. Les dépens seront en conséquence partagés entre elles par moitié. Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront écartées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Anonyme Paris de sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales et condamné la société IDMC Manufacture à payer à la société Anonyme Paris la somme de 20 654,10 euros au titre du manque à gagner ;

Statuant à nouveau,

DIT que la société IDMC Manufacture est à l'origine de la rupture des relations établies avec la société Anonyme Paris le 27 janvier 2016 ;

DIT que la société IDMC Manufacture a rompu brutalement lesdites relations établies dès lors qu'aucun préavis écrit n'a été adressé à la société Anonyme Paris ;

DIT que la société IDMC Manufacture aurait dû respecter un préavis de trois mois préalablement à la rupture de ces relations ;

DÉCLARE la société IDMC Manufacture responsable à l'égard de la société Anonyme Paris du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales ;

CONDAMNE la société IDMC Manufacture à payer à la société Anonyme Paris une somme de 6 081,27 euros en réparation du gain manqué résultant de la brutalité de la rupture ;

DIT que les intérêts dus seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société Anonyme Paris et la société IDMC Manufacture aux dépens de l'instance d'appel qui seront répartis entre elles par moitié.