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Décisions

ADLC, 25 juillet 2009, n° 09-DCC-26

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à l’acquisition de la société Camif Collectivités par la société Manutan International

ADLC n° 09-DCC-26

25 juillet 2009

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 5 mars 2009 et déclaré complet le 19 juin 2009, relatif à l’acquisition par la société Manutan International de la société Camif Collectivités Entreprises, formalisée par l’offre de reprise en date du 9 mars 2009 et l’ordonnance du tribunal de commerce de Niort en date du 24 mars 2009 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Manutan International est la holding de tête du groupe Manutan (ci-après « Manutan »), actif dans le secteur de la vente à distance d’équipements destinés à une clientèle de professionnels avec notamment la distribution de fournitures et mobiliers de bureau, de matériels audiovisuels, d’outillage ou encore d’équipements de manutention. La société Manutan International est contrôlée par la famille Guichard qui détient directement ou indirectement 73,4 % de son capital, les 26,6 % restants correspondant à des actions cotées sur Euronext. Manutan, qui compte 23 filiales réparties dans 20 pays européens, commercialise près de 200 000 références aussi bien au travers de catalogues papier que de supports électroniques. Manutan est actif uniquement dans le secteur de la vente à distance. Le chiffre d’affaires total mondial hors taxes réalisé par Manutan en 2008, dernier exercice clos, s’élève à 502,4 millions d’euros, dont [>150] millions d’euros en France.

2. La société Camif Collectivités Entreprises (ci-après « Camif Collectivités »), filiale à 100 % de la société Camif SA, a pour principale activité la distribution d’équipements à destination des établissements scolaires, des collectivités locales, des associations et des administrations. Camif Collectivités, que ce soit à distance ou via son réseau d’agences, commercialise notamment, des fournitures et mobiliers de bureau, du matériel audiovisuel ou encore des équipements collectifs (cuisines, mobilier électoral...) et des équipements médico-sociaux. Le chiffre d’affaires total mondial hors taxes réalisé par Camif Collectivités en 2008, dernier exercice clos, s’élève à 146 millions d’euros, dont 141,4 millions d’euros en France.

3. La présente opération intervient dans le cadre de la mise en redressement judiciaire de la société Camif SA. A l’occasion de celle-ci, l’administrateur judiciaire a sollicité des offres de reprise des actifs de Camif SA, dont les titres de sa filiale Camif Collectivités, pour lesquels Manutan a déposé une offre de reprise en date du 9 mars 2009. Cette offre a été retenue par le tribunal de commerce de Niort, comme en atteste l’ordonnance dudit tribunal, datée du 24 mars 2009.

4. Il convient cependant de préciser que le repreneur de la société Camif Particuliers, la société Matelsom, s’est substitué à Manutan pour acquérir directement, auprès du liquidateur, la marque Camif.

5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par le groupe Manutan de la société Camif Collectivités, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils mentionnés par l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS CONCERNES

6. Les parties à la présente opération sont simultanément actives dans le secteur de la distribution à distance de matériel à destination des professionnels. Dans ce secteur, les parties sont à la fois présentes à l’amont en qualité d’acheteurs auprès des fabricants des différentes familles de matériels, et à l’aval sur le marché de la distribution de matériels auprès des professionnels.

B. DÉLIMITATION DES MARCHÉS EN TERMES DE PRODUITS ET SERVICES

1. LES MARCHÉS AMONT

7. Le groupe Manutan, ainsi que la société Camif Collectivités, achètent auprès de différents producteurs les matériels qu’ils distribuent ensuite à des professionnels.

8. Dans le domaine de la distribution, la pratique décisionnelle nationale considère que, dans la mesure où les producteurs ne peuvent se convertir facilement dans la fabrication d’autres produits que les leurs, il convient de distinguer autant de marchés qu’il existe de familles de produits1. Au cas d’espèce, les différents matériels distribués par les parties appartiennent aux familles suivantes :

- fournitures et mobiliers de bureau ;

- audiovisuel ;

- outillage ;

- manutention ;

- hygiène ;

- climatisation et chauffage ;

- équipement collectif ;

- équipement médico-social.

9. Il n’est toutefois pas nécessaire de segmenter précisément ces différents marchés dans la mesure où, quelle que soit la délimitation des familles de produits retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

2. LES MARCHÉS AVAL

10. Dans sa décision du 23 août 2007, le ministre de l’économie a rappelé que, s’agissant de la distribution d’équipements à destination des professionnels, « la pratique décisionnelle [nationale] tend à segmenter ce secteur en autant de marchés qu’il existe de familles de produits »2. Au cas d’espèce, les familles de produits concernées par la présente opération sont indiquées ci-avant au paragraphe 8.

11. Par ailleurs, s’agissant du segment particulier de la distribution de fournitures et mobiliers de bureau, les autorités de concurrence ont envisagé une segmentation par canaux de distribution3, vente à distance ou vente en magasins. Le fait que Manutan, par exemple, ne distribue ses produits que par le biais de la vente à distance pourrait conforter la pertinence d’une telle segmentation.

12. Enfin, compte tenu de la spécificité des appels d’offre du secteur public, soumis au code des marchés publics, les parties ont suggéré, en sus des critères retenus par la pratique décisionnelle, une délimitation des marchés de produits en fonction du type de clientèle concernée, à savoir publique ou privée. Là aussi, le fait que Manutan s’adresse essentiellement au secteur privé et la Camif au secteur public pourrait indiquer que la demande présente dans chaque cas des spécificités propres.

13. En tout état de cause, en l’absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte des marchés aval peut être laissée ouverte.

C. DELIMITATION GEOGRAPHIQUE DES MARCHES

1. LES MARCHÉS AMONT

14. Selon la pratique décisionnelle4, les différents marchés de l’approvisionnement sont de dimension nationale. il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

2. LES MARCHÉS AVAL

15. S’agissant de la distribution de matériels à destination de professionnels, le ministre de l’économie a retenu, dans de précédentes décisions5, une délimitation nationale, eu égard aux différences culturelles notables qui existent au niveau de la conception des catalogues (langues et présentation), aux habitudes des consommateurs ainsi qu’à l’organisation du système de distribution. Un raisonnement identique pourrait être adopté en ce qui concerne les différentes familles de produits concernés par l’opération.

16. D’après les parties notifiantes, les marchés aval sont de dimension nationale en raison des capacités de livraison dont elles disposent et qui leur permettent de couvrir l’ensemble du territoire français.

17. Au cas d’espèce, s’agissant aussi bien des marchés amont que des marchés aval, l’analyse sera menée au niveau national. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de délimiter avec précision la dimension géographique des marchés concernés par la présente opération dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse demeurent inchangées.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

1. LES MARCHÉS AMONT

18. A l’issue de la présente opération, la part des achats de la nouvelle entité dans le chiffre d’affaires des fournisseurs communs aux parties demeurera inférieure à [0-5] %. De plus, il convient de souligner la présence de nombreux opérateurs concurrents (Office Dépôt, Raja, Lyerco, UGAP...) dans le secteur de la distribution de matériels à destination des professionnels. Par conséquent, il apparait que l’opération envisagée n’aura pas pour effet de placer les fournisseurs de l’entité fusionnée, en situation de dépendance économique.

 

2. LES MARCHÉS AVAL

a) Segmentation par familles de produits

19. Au regard des différents matériels distribués par les parties, l’opération n’emporte un chevauchement que sur les quatre familles de produits suivantes : fournitures et mobiliers de bureau, audiovisuel, hygiène et équipements collectifs.

20. Le tableau ci-après présente, pour ces familles de produits, les parts de marché individuelles et cumulées de Manutan et la Camif Collectivités estimées sur l’année 2008 :

Familles de produits

Manutan

Camif

 

Parts de marché cumulées

Fourniture et mobilier de bureau

[0-5]

%

[0-5]

%

[0-5]

%

Audiovisuel

[0-5]

%

[0-5]

%

[0-5]

%

Hygiène

[0-5]

%

[0-5]

%

[0-5]

%

Equipements collectifs

[0-5]

%

[5-10]

%

[5-10]

%

21. Ainsi, au terme de l’opération envisagée, la part de marché de la nouvelle entité demeurera inférieure à 10 % sur chacun des segments pour lesquels l’opération emporte un chevauchement. Par ailleurs, sur le segment de l’équipement collectif, pour lequel la position de l’entité fusionnée sera la plus importante avec [5-10] % de part de marché, cette dernière sera notamment confrontée à la concurrence de l’UGAP dont la part de marché est estimée à [10-20] %.

22. S’agissant des modes de distribution, des données distinguant vente à distance et vente en magasins ne sont disponibles que pour les fournitures et mobiliers de bureau. De plus, l’opération n’emporte un cumul de parts de marché que pour la vente à distance. Sur un marché de la vente à distance de fournitures et mobiliers de bureau, la part de Manutan après l’opération serait au plus de [5-10] % (soit moins de [0-5] % pour la Camif Collectivités et [0-5] % pour Manutan). Sur les autres familles de produits, la distinction entre la vente à distance et la vente en magasins n’a pu être effectuée, mais, compte tenu des parts de marché indiquées ci-dessus pour les trois autres familles de produits, et du fait qu’après l’acquisition de la Camif Collectivités, les ventes à distance du groupe Manutan, toutes familles de produits confondues, seront limitées à [5-10] %, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés. On peut encore ajouter que d’autres opérateurs de taille importante proposent la vente à distance de matériels, tels qu’Office Dépôt, l’UGAP ou encore le groupe Raja.

23. Enfin, l’opération n’est pas susceptible d’avoir des effets plus importants que ceux envisagés ci-dessus sur des marchés qui seraient encore plus finement subdivisés selon le caractère public ou privé de la clientèle, dans la mesure où Manutan s’adresse essentiellement à une clientèle privée tandis que Camif Collectivités est spécialisée dans l’offre au secteur public.

C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX

24. La présente opération permettra au groupe Manutan de renforcer sa présence sur plusieurs segments de marché (fournitures et mobiliers de bureau, audiovisuel, hygiène et équipements collectifs) et d’élargir sa gamme avec l’offre d’équipements médico-sociaux. Cependant, bien que la détention d’une telle gamme puisse être un argument de vente déterminant pour certains clients, la nouvelle entité ne disposera pas, à l’issue de la présente opération, d’une position suffisamment importante sur l’une des familles de produits qu’elle distribue pour pouvoir exploiter un éventuel effet de levier.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sur le numéro 09-0003 est autorisée.

NOTES

1 Voir notamment l’opération SACI/Beils autorisée par lettre du ministre le 10 décembre 2002.
2 Opération Pragma Capital/Terana autorisée par lettre du ministre le 23 août 2007.
3 Voir notamment les opérations M.2286- Buhrmann/Samas Office Supplies du 11 avril 2001 et Beils/SACI précitée.
4 Voir l’opération SACI/Beils précitée.
5 Voir notamment les opérations Pragma Capital/Terana SACI/Beils précitées et Pierre Le Goff/Allo Dics et Diseco autorisée par lettre du ministre le 17 mars 2004.