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Décisions

ADLC, 30 novembre 2009, n° 09-DCC-65

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif de Tele2 Mobile par Omer Telecom Limited

ADLC n° 09-DCC-65

30 novembre 2009

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 23 octobre 2009, relatif à l’acquisition par Omer Telecom Limited de la totalité des actions composant le capital de Tele2 Mobile, formalisée par un contrat de cession d’actions, en date du 15 octobre 2009 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Omer Telecom Limited est un opérateur mobile virtuel (ou « MVNO ») qui commercialise ses offres sous deux marques, Breizh Mobile et Virgin Mobile, utilisant toutes deux le réseau Orange. Omer Telecom Limited est une société de droit anglais codétenue à hauteur de 48,5 % chacune, par BlueBottel UK (groupe Virgin) et par The Carphone Warehouse, société également présente sur le secteur de la distribution de produits et services de téléphonie mobile à travers le réseau The Phone House. En 2008, le chiffre d’affaires total hors taxes d’Omer Telecom Limited s’est élevé à [>150] millions d’euros, exclusivement en France.

2. Tele2 Mobile est également un MVNO dont l’activité consiste en la vente de services de téléphonie mobile. Tele2 Mobile utilise le réseau Orange. Créée en juillet 2007 afin de recueillir l’activité de téléphonie mobile à la suite de la cession à SFR par le groupe Tele2 des activités de téléphonie fixe et d’accès internet, Tele2 Mobile est une filiale à 100 % de la société Tele2 Financial Services, elle-même filiale à 100 % de la société Tele2 Sverige. En 2008, le chiffre d’affaires total hors taxes de Tele2 Mobile s’est élevé à [>50] millions d’euros, quasi exclusivement en France.

3. L’opération consiste en l’acquisition par Omer Telecom Limited, de la totalité du capital et des droits de vote de Tele2 Mobile. Cette opération a été formalisée par un contrat de cession d’actions en date du 15 octobre 2009.

4. En ce qu’elle se traduit, au vu des éléments qui précèdent, par la prise de contrôle exclusif de la société Tele2 Mobile par Omer Telecom Limited, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la téléphonie mobile.

Conformément à la pratique des autorités nationales de concurrence1, le secteur de la téléphonie mobile peut être segmenté en trois marchés distincts :

- en amont, le marché de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles

- au stade intermédiaire, le marché de détail de la téléphonie mobile

- en aval, le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile

Au cas d’espèce, l’Opération ne conduira à un chevauchement d’activités que sur le marché de détail de la téléphonie mobile.

A. DÉLIMITATION PAR PRODUIT

1. LE MARCHÉ DE DETAIL DE LA TELEPHONIE MOBILE

6. Sur ce marché, comme l’ont précédemment relevé les autorités de concurrence nationales2, les opérateurs de téléphonie mobile disposant d’une licence d’exploitation et d’un réseau, ou « Mobile Networks Operators » (MNO) et les opérateurs virtuels ou « Mobile Virtual Network Operators » (MVNO) sont en concurrence pour la fourniture de services de téléphonie mobile aux consommateurs finals, qu’il s’agisse de particuliers ou de professionnels.

7. Par ailleurs, il n’a pas été jugé pertinent par les autorités de concurrence de segmenter plus finement le marché selon le type de consommateurs (entreprises/ particuliers) ou d’offres (abonnement prépayé/ abonnement postpayé) 3.

2. LE MARCHÉ DE GROS DE LACCÈS ET DU DÉPART DAPPEL SUR LES RÉSEAUX TÉLÉPHONIQUES MOBILES

8. Sur ce marché, déjà défini par les autorités de concurrence nationales4, se rencontre une offre, constituée par les opérateurs de réseaux mobiles hôtes, qui disposent d’une licence d’exploitation et d’un réseau mobile « ad hoc » (MNO) et une demande, constituée par les opérateurs virtuels (MVNO), qui s’approvisionnent en temps de communication. Il s’agit d’un marché caractérisé par la conclusion de contrats de gré à gré, suite à des négociations sur les tarifs et les services proposés par les MNO au futur MVNO utilisateur de son réseau.

3. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ET SERVICES DE TÉLÉPHONIE MOBILE

9. La pratique décisionnelle5 considère un marché global de la distribution de produits et services de téléphonie mobile qui regroupe la vente de temps de communication, de combinés de téléphonie mobile et d’autres services aux consommateurs finals.

10. Sur ce marché, les distributeurs sont soit « monomarques » (distribution des offres d’un seul opérateur) soit « multimarques » (distribution des offres de plusieurs opérateurs) avec un degré de spécialisation plus ou moins important. Les différents canaux de distribution peuvent être présentés selon la typologie suivante :

– réseaux intégrés des opérateurs de téléphonie mobile (agences France Télécom ; certains Espaces SFR et Clubs Bouygues Télécom) ;

– réseaux monomarques spécialisés liés, sans être intégrés, aux opérateurs de téléphonie mobile par un partenariat exclusif ou quasi-exclusif ;

– réseaux multimarques spécialisés, qu’il s’agisse de spécialistes télécom ou de grandes surfaces spécialisées (tels que notamment The Phone House, FNAC, Darty), intégrés ou non à des groupes de distribution ;

– réseaux mutlimarques généralistes (grandes surfaces alimentaires) ;

– réseaux de vente à distance (Internet, vente par téléphone, vente directe) ; les distributeurs ici regroupés peuvent être monomarques ou multimarques et présentent un degré de spécialisation plus ou moins élevé. Il convient de relever que les MNO et les MVNO disposent de leurs propres sites Internet et plateformes téléphoniques.

11. Cependant, il n’a pas été jugé pertinent par la pratique décisionnelle antérieure de subdiviser
le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile, en fonction du canal de distribution.

12. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de l’examen de la présente opération.

B.        DELIMITATION GÉOGRAPHIQUE

1. LE MARCHÉ DE DETAIL DE LA TELEPHONIE MOBILE

13. Selon la pratique décisionnelle6, le marché de détail de la téléphonie mobile doit être circonscrit à la France métropolitaine, les départements d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon possédant des particularités qui amènent à les distinguer de la métropole (éloignement géographique et isolement des îles ; caractéristiques météorologiques, environnementales et sociologiques ; pénétration et démarrage spécifiques de l’activité mobile ; cadre réglementaire en matière d’octroi de licences d’autorisation des fréquences GSM,...).

14. Au cas d’espèce, l’analyse sera menée au niveau de la France métropolitaine.

2. LE MARCHÉ DE GROS DE LACCÈS ET DU DÉPART DAPPEL SUR LES RÉSEAUX TÉLÉPHONIQUES MOBILES

15. La pratique décisionnelle7 antérieure donne au marché une dimension nationale.

16. En premier lieu, il apparait que la nature des services est homogène sur l’ensemble du territoire national.

17. En second lieu, il peut être relevé que les clients et les concurrents sont les mêmes dans toutes les régions françaises de métropole et ne diffèrent que marginalement, en fonction des produits ou services offerts.

18. En troisième lieu, les politiques tarifaires et de commercialisation des services de télécommunication sont généralement fixées au niveau national.

19. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente décision.

3. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ET SERVICES DE TÉLÉPHONIE MOBILE

20. Dans ses décisions SFR-Somart/Débitel et France Telecom/Compagnie Européenne de Téléphonie précitées, le ministre a relevé un certain nombre d’éléments confirmant la pertinence d’une délimitation infranationale du marché de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile, sans toutefois trancher définitivement la question.

21. Il n’est pas nécessaire de conclure sur la délimitation géographique pertinente dans la mesure où, quelle que soit la zone retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.

III. Analyse concurrentielle

1. LES EFFETS HORIZONTAUX : LE MARCHÉ DE DETAIL DE LA TELEPHONIE MOBILE

22. Au regard des activités exercées par les parties, l’opération emporte des chevauchements horizontaux sur le marché de détail de la téléphonie mobile.

23. A l’issue de l’opération, la part de marché de la nouvelle entité sera de [0-5] % ([0-5] % pour Omer Telecom et [0-5] % pour Tele2 mobile).

24. En outre, la nouvelle entité devra affronter la concurrence des trois MNO qui à eux seuls détiennent [90-100] % du marché soit [40-50] % pour Orange, [30-40] % pour SFR et [10­20] % pour Bouygues Telecom.

25. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

2. LES EFFETS VERTICAUX : LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ET SERVICES DE TÉLÉPHONIE MOBILE

26. The Carphone Warehouse est présent sur le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile à travers son réseau de points de vente The Phone House. Il convient dès lors d’analyser les effets verticaux potentiels de l’opération.

27. En premier lieu, la capacité de The Phone House de verrouiller l’accès des autres MNO et MVNO à la clientèle semble très limitée, la part de marché du réseau ne représentant que [5­10] % du marché de la distribution pour 300 points de vente. The Phone House est par ailleurs confronté à la concurrence d’autres distributeurs, qu’il s’agisse des réseaux intégrés des trois opérateurs MNO, représentant à eux seuls [50-60] % du marché, ou des autres distributeurs multimarques tels que Carrefour ([5-10] % du marché), Darty ([0-5] % du marché) ou Fnac ([0-5] % du marché).

28. Par ailleurs, The Phone House distribue, antérieurement à l’opération, les produits et les services d’Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Virgin Mobile. The Phone House ne peut se passer des trois MNO compte tenu de leur part de marché et sous peine de perdre une partie de sa clientèle. Concernant les MVNO, le réseau The Phone House ne distribue à ce jour que les produits et services de Virgin Mobile et il n’est pas envisagé que les offres Breizh Mobile et Tele2 Mobile soient distribuées au sein des magasins The Phone House à l’issue de l’opération, le réseau de distribution choisi par ces deux opérateurs étant celui de la vente à distance.

29. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par verrouillage de la clientèle.

30. En second lieu, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence en verrouillant l’accès aux offres de Tele2, Virgin Mobile et Breizh mobile pour les autres distributeurs dans la mesure où ces trois opérateurs disposent d’une part de marché cumulée de [0-5] %. De plus, il convient de souligner que Virgin Mobile ne saurait se passer des distributeurs alternatifs à The Phone House, ceux-ci représentant plus de [...] de ses ventes.

B. LES EFFETS VERTICAUX : LE MARCHÉ DE GROS DE L’ACCÈS ET DU DÉPART D’APPEL SUR LES RÉSEAUX TÉLÉPHONIQUES MOBILES

31. L’acquéreur et la cible ne sont pas actifs en amont, sur le marché de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles. En effet, l’opération ne consistant pas dans le rachat d’un MVNO par un opérateur de réseau, elle ne constitue pas une intégration verticale et n’est donc pas susceptible de produire des effets verticaux.

32. Par conséquent, il n’existe aucun risque de verrouillage du marché dans la mesure où :

- elle ne privera pas les autres MVNO présents sur le marché d’un accès aux MNO

- elle n’empêchera pas d’autres MVNO d’entrer sur le marché

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 09-0107 est autorisée.

NOTES

1 Opération SFR-Somart/Débitel autorisée par lettre du ministre le 23 novembre 2007
2 Décision 09-DCC-35 du 6 août 2009 relative à l’opération Cinq sur cinq par SFR ; Opération SFR-Somart/Débitel autorisée par lettre du ministre le 23 novembre 2007
3 Voir notamment l’opération T-Mobile Austria/Telering n°COMP/M.3916 autorisée par la Commission européenne le 26 avril 2006 ainsi que l’opération SFR-Somart/Débitel précitée.
4 Voir notamment l’opération Opération SFR-Somart/Débitel autorisée par lettre du ministre le 23 novembre 2007 précitée
5 Voir notamment l’opération Mannesmann/Orange n°COMP/M.1760 autorisée par la Commission le 20 décembre 1999 ainsi que les opérations France Telecom/Compagnie Européenne de Téléphonie autorisée par lettre du ministre du 4 janvier 2008 et SFR-Somart/Débitel et précitée ; Décision 09-DCC-35 du 6 août 2009 relative à l’opération Cinq sur cinq par SFR .
6Décision 09-DCC-35 du 6 août 2009 relative à l’opération Cinq sur cinq par SFR ; Opération SFR Somart/Débitel autorisée par lettre du ministre le 23 novembre 2007
7 Voir notamment l’opération Opération SFR-Somart/Débitel autorisée par lettre du ministre le 23 novembre 2007 précitée