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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 26 mars 2021, n° 17/02040

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Master Franchise Boucherie Réunion (SARL)

Défendeur :

Franchise Boucherie (SARL), Bach (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ozoux

Conseillers :

Mme Gaudy, Mme Flauss

Avocats :

Me Chane Meng Hime, Me Rigault

T. com. mixte Saint-Denis, du 26 déc. 20…

26 décembre 2012

La cour,

Par acte d'huissier du 25 juillet 2011, Me Badat, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Franchise la Boucherie Saint Denis (X), a fait assigner la SARL Master Franchise Boucherie Réunion (MFBR) devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis aux fins de voir :

A titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de franchise signé entre les parties le 5 août 2008 aux torts exclusifs du sous franchiseur ;

- condamner en conséquence B à lui payer 50 000 euros de droit d'entrée, 63 498 euros au titre des redevances, 132 393 euros au titre des pertes enregistrées au cours de ses 13 premiers mois d'exercice, 147 400 euros correspondant à la perte de son fonds de commerce, 50 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Subsidiairement,

- prononcer la résiliation dudit contrat aux torts exclusifs du sous franchisé ;

- condamner en conséquence B à lui payer 445 771,68 euros au titre de la clause pénale et, à défaut, les sommes susmentionnées au titre des pertes enregistrées, de la perte du fonds de commerce, du préjudice moral et 63 498 euros au titre des redevances ;

En tout état de cause,

- ordonner une expertise sur le montant de remises de fins d'années encaissées par le franchiseur outre une provision de 10 000 euros sur son préjudice à ce titre ;

- condamner la défenderesse à lui verser 10 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens.

De manière reconventionnelle, B a sollicité la fixation de sa créance à la liquidation judiciaire de la demanderesse à la somme de 589 919 euros au titre de l'atteinte à sa réputation par la diffusion dans la presse des difficultés rencontrées par Y

Par jugement du 26 décembre 2012, le tribunal mixte de commerce a :

- prononcé la nullité pour réticence dolosive du contrat signé le 5 août 2008 aux torts exclusifs du sous franchiseur ;

- condamné B à payer à Me Badat, ès qualités de liquidateur de X, les sommes suivantes :

. 50 000 euros correspondant au droit d'entrée ;

. 63 498,10 euros au titre des redevances, le tout avec intérêts au taux légal ;

- Débouté pour le surplus de la demande principale ;

- Rejeté la demande reconventionnelle ;

- condamné B à payer à Me Badat, ès qualités de liquidateur de X, la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la même aux dépens.

Par déclaration du 24 janvier 2013 au greffe de la cour d'appel de Saint Denis, B a formé appel du jugement.

Par arrêt du 21 janvier 2015, la cour a infirmé le jugement, débouté Me Badat, ès qualités de liquidateur de X, de ses demandes principales et subsidiaires, débouté B de ses demandes et condamné Me Badat, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

Par arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation, chambre commerciale, a cassé et annulé l'arrêt, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de B, et renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de céans, autrement composée.

Elle a relevé que la cour avait méconnu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, en jugeant que le prévisionnel communiqué par le franchiseur lors de la signature du contrat n'avait qu'un caractère indicatif, alors que si les comptes prévisionnels ne figurent pas dans le document d'information précontractuelle, ils doivent, lorsqu'ils sont communiqués, avoir un caractère sérieux.

Par déclaration du 15 novembre 2017, B a saisi la cour de renvoi.

Elle demande :

A titre principal :

- juger que le prévisionnel d'exploitation transmis au franchisé est sincère ;

- juger que le franchiseur n'a commis aucun manquement dans son obligation d'information précontractuelle ;

- juger que le franchisé a cessé toute activité et l'exploitation de la franchise à l'enseigne Boucherie depuis le mois de juillet 2010 ;

- juger que l'activité du franchisé n'a jamais repris, celui-ci ayant été placé en liquidation judiciaire le 6 octobre 2010 ;

- juger que le contrat de franchise a été rompu de facto de sorte qu'il ne peut en être prononcé la nullité ;

En tout état de cause,

- juger que le contrat a été exécuté pendant plusieurs années et que le grief d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information assortie d'un vice du consentement du franchiseur (dol), intervient pour la première fois après la liquidation judiciaire ;

- juger dès lors que la ratification du contrat de franchise par le franchisé emporte rejet de toute exception de nullité,

En conséquence :

- infirmer le jugement du Tribunal mixte de commerce de Saint Denis du 26 décembre 2012 en son intégralité,

- débouter la SELARL de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait caractériser un manquement du franchiseur à l'obligation précontractuelle d'information :

- juger que le caractère intentionnel d'un tel manquement n'est pas démontré ;

- juger qu'il n'aurait pas de caractère déterminant du manquement dans le consentement donné au regard des liens familiaux entre le franchisé et le franchiseur ;

- juger que le franchisé étant un professionnel averti, le caractère déterminant du manquement dans le consentement donné est de plus fort exclu ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du Tribunal mixte de commerce de Saint Denis du 26 décembre 2012 en son intégralité,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à prononcer la nullité du contrat de franchise :

- juger que la nullité du contrat de franchise emporte une obligation de restitution réciproque ;

- juger que la nullité du contrat de franchise met à la charge du franchisé une obligation de restitution par équivalent matériel, pécuniaire envers le franchiseur ;

- juger qu'une compensation doit s'opérer entre les demandes de restitution du franchisé et la créance du franchiseur au titre des prestations fournies durant le temps du contrat (exploitation de la marque et de l'enseigne, assistance et conseils, communication et publicité du réseau) ;

- juger en toute hypothèse que les agissements du franchisé à l'époque et la carence du liquidateur judiciaire ensuite, ont porté atteinte à son image commerciale,

- juger que les prestations du franchiseur dont a bénéficié le franchisé font obstacle à ce que le franchiseur soit condamné au paiement d'une somme à titre de restitution ;

- juger que le préjudice subi par le franchiseur du fait des agissements du franchisé à l'époque et du liquidateur ensuite, font de plus fort obstacle à ce que le franchiseur soit condamné au paiement d'une somme à titre de restitution ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du Tribunal mixte de commerce de Saint Denis du 26 décembre 2012 en son intégralité,

- débouter la SELARL de l'intégralité de ses demandes ;

- débouter la SELARL de l'intégralité de sa demande subsidiaire de résiliation du contrat aux torts du franchiseur et des demandes en découlant, à défaut de fautes imputables au franchiseur et de lien de causalité avec les sommes réclamées ;

En toute hypothèse et statuant à nouveau :

- condamner la SELARL à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SELARL aux entiers dépens.

La SELARL Franklin Bach, venant aux droits de Me Badat, sollicite de la cour de :

- juger irrecevables les demandes formulées par l'appelante devant la Cour de renvoi

- juger recevables les demandes de l'intimée

- confirmer le jugement du Tribunal Mixte de commerce de Saint Denis en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise signé entre les parties en date du 5 août 2008 aux torts exclusifs du sous franchiseur ;

- Le confirmer également en ce qu'il a condamné la société B au paiement des sommes de :

. 50 000 euros de droit d'entrée

. 63 498,10 euros au titre des redevances

. 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'infirmer pour le surplus

- condamner en conséquence B au paiement des sommes suivantes :

. 132 393 euros correspondant aux pertes enregistrées au cours de ses 13 premiers mois d'exercice

. 147 400 euros correspondant à la perte de son fonds de commerce

. 50 000 euros au titre du préjudice moral de la société Franchise la Boucherie Saint Denis

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le sous franchiseur a manqué à des obligations contractuelles substantielles avant et pendant l'exécution du contrat

- constater la résiliation du contrat de franchise signé entre les parties le 5 août 2010 aux torts exclusifs du sous franchiseur ;

- condamner B au paiement des sommes suivantes en indemnisation du préjudice subi du fait des manquements contractuels constatés :

. 445 771,68 €, au titre de la clause pénale prévue à l'article 23 du contrat de franchise, outre l'intérêt légal à compter de la notification de la décision à intervenir

A défaut d'application de la clause pénale, à titre subsidiaire :

. 132 393 euros correspondant aux pertes enregistrées au cours de ses 13 premiers mois d'exercice

. 147 400 euros correspondant à la perte de son fonds de commerce

. 50 000 euros de droit d'entrée

. 63 498,10 euros au titre des redevances

. 50 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral

En tout état de cause

- dire et juger que l'appelante n'a effectué aucune déclaration de créances entre les mains du liquidateur

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes ;

Ajoutant au jugement du 26 décembre 2012,

- condamner B au paiement de la somme de 20 000 euros en euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions de B déposées le 16 avril 2019 et celles de la SELARL du 19 juin 2019, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ;

Vu l'ordonnance de clôture du 18 septembre 2019 ;

Sur la demande en nullité du contrat de franchise.

X se prévaut de la nullité du contrat de franchise conclu avec B à raison du non respect de la loi Doubin, notamment en l'absence de communication d'une étude locale du marché, et de l'absence de prévisionnel exact, sérieux et sincère. Elle ajoute qu'il en résulte un vice de son consentement pour dol ou erreur sur les qualités substantielles.

Elle énonce en outre que le contrat est nul pour indétermination de son objet à raison de la nullité de la clause d'achat exclusif qu'il comporte, alors même que cette clause est essentielle au contrat, et de l'inexistence du savoir-faire du franchiseur que ce dernier s'était engagé à transmettre.

La cour rappelle que le contrat de franchise en litige, conclu le 5 août 2008, est soumis dans l'appréciation des conditions de sa conclusion aux dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

. Sur les demandes liminaires de B

Vu l'article 954 du code de procédure civile ;

B exergue de divers moyens de nature à écarter les prétentions de X sans examen au fond, à savoir :

- le fait que le contrat de franchise a été exécuté, de sorte que X l'ayant ratifié ne peut plus solliciter la nullité de celui-ci ;

- le fait que X ait de facto rompu le contrat de sorte que la nullité de ce dernier ne peut plus en être prononcée.

Pour autant, l'irrecevabilité des demandes de X n'est pas sollicitée dans le dispositif des conclusions de B alors même que les moyens susvisés n'apparaissent pas opérants au soutien de la demande de débouté formée par l'appelante.

En tout état de cause,

Vu l'article 1338 du code civil,

Ainsi que le fait observer X, l'exécution volontaire des obligations du contrat ne peut valoir confirmation ou ratification de celles-ci que dès lors que cette exécution est intervenue en connaissance par la partie exécutante du vice affectant ses obligations.

En l'espèce, le contrat de franchise a été exécuté par X entre le 5 août 2008 et le 26 août 2010, au plus tard, date à laquelle la fermeture du restaurant « La Boucherie », objet de la franchise en litige, a été constatée par huissier (pièce B). Le gérant de X a exposé l'existence de difficultés financières rencontrées par le restaurant en avril 2009 (pièce 11 X) et a adressé son premier bilan 2008-2009 au franchiseur le 10 mars 2010 (pièce 17 X), expliquant que le chiffre d'affaire prévisionnel qui lui avait été communiqué était bien supérieur à celui réalisé et qu'il ne pouvait poursuivre l'activité eu égard aux charges d'exploitation.

Eu égard à ces circonstances, il ne saurait être déduit que X avait connaissance des infractions à la loi Doubin dont elle se prévaut avant mars 2010 et qu'elle ait entendu renoncer à se prévaloir des nullités affectant le contrat en poursuivant son activité au-delà de cette date alors même qu'elle annonçait ne pouvoir la poursuivre et qu'elle s'est arrêtée courant 2010.

Par ailleurs, la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer. Si la fermeture du restaurant objet de la franchise par X a, de fait, mis un terme à l'exécution du contrat, cette inexécution ne peut s'analyser en une renonciation du franchisé à se prévaloir de la nullité dudit contrat. Aucune résiliation du contrat n'a été constatée ou prononcée antérieurement à la présente procédure ; la demande de nullité du contrat n'est ni sans objet, ni en contradiction avec le comportement antérieur de la demanderesse.

. Sur la méconnaissance des obligations légales d'information du franchiseur à l'égard du franchisé.

L'article L. 330-3 du code de commerce prévoit que, préalablement à la conclusion de tout contrat, un franchiseur doit communiquer au candidat à la franchise, un document donnant des informations sincères lui permettant de s'engager en connaissance de cause, vingt jours minimum avant la signature dudit contrat.

L'article R. 330-1 du code de commerce détaille les informations devant être transmises par le document d'information préalable :

« 1°) L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2°) Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;

3°) La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;

4°) La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants. [...]

5°) Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;

b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ; [...]

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;

d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;

6°) L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ».

En l'espèce, il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que les informations mentionnées aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce aient fait l'objet d'une remise formelle à X par B dans le délai de 20 jours avant la signature du contrat, la seule mention figurant au contrat de franchise suivant laquelle « [le franchisé]a pris connaissance des éléments d'information mis à sa disposition dans le cadre de la loi du 31 décembre 1989 dite Doubin, et de son décret d'application du 4 avril 1991 » (pièce 1 X) étant insuffisante à apporter cette preuve.

En outre, si des éléments d'information sont communiqués au candidat à la franchise en sus des éléments légaux d'information, ils doivent revêtir un caractère sincère et sérieux.

En l'espèce, B a transmis au futur gérant de X un prévisionnel comptable de l'exploitation d'un restaurant la Boucherie, le 28 avril 2008 (pièces 2 et 3 X). Ce prévisionnel fait état d'un chiffre d'affaires HT annuel de 1 177 548 euros avec un résultat d'exploitation annuel de 352 100 euros, pour un investissement de départ compris entre 1, 2 et 1,5 million d'euros.

Le bilan de X après un an d'exploitation de la franchise « La boucherie » (pièce 18 X comptes de l'exercice clos au 30 sept. 2009) fait état d'un chiffre d'affaires de 756 632 euros et d'un résultat d'exploitation négatif de – 117 363 euros.

En comparant prévisionnel et compte de résultat, la perte d'exploitation s'explique par un chiffre d'affaires réalisé nettement moindre (400 000 euros) et des charges diverses bien plus élevées (320 266 euros pour 123 986 euros projetés) que ceux figurant dans les projections fournies par le franchiseur.

B soutient que le faible chiffre d'affaires réalisé s'explique par les fautes de gestion du franchisé consistant à ne pas avoir réglé les indemnités contractuelles de franchise, à ne pas avoir respecté le savoir-faire et prescriptions du franchiseur, à avoir cessé de manière anticipée son activité et à ne pas s'être impliqué dans l'affaire. Néanmoins, le fait pour X de ne pas avoir réglé les redevances et d'avoir stoppé son activité en 2010 sont sans incidence sur le chiffre d'affaires réalisé en 2009. De même, si B démontre avoir été destinatrice de réclamations de clients en 2010 et avoir alerté le franchisé en mars 2010 d'avoir à redynamiser son équipe, ces éléments postérieurs à l'établissement des comptes 2008/2009 ne peuvent en expliquer les chiffres ou résultats.

Aussi, B ne démontre pas l'existence de fautes de gestion susceptibles d'expliquer la très forte minoration du chiffre d'affaires réalisé par rapport aux prévisions.

Par ailleurs, si elle soutient que le franchisé a, de sa propre initiative, conclu un bail d'un montant annuel de 20 000 euros plus cher que prévu et qu'il aurait acquis des matériels plus onéreux de sa propre initiative, ces éléments sont insuffisants à expliquer la très forte sous-estimation des charges diverses par le prévisionnel transmis.

Il est à noter que ce prévisionnel ne mentionne nullement les données auxquelles il a pu se référer pour être établi, telles que les comptes d'autres restaurants déjà exploités sous la même franchise.

Comme le relève X, il comporte en outre une erreur évidente puisqu'il fait état de redevances s'élevant à 4 % du chiffre d'affaires HT alors même que le contrat signé quelques mois plus tard prévoit une redevance de 6 %.

Il se déduit de ce qui précède que le prévisionnel transmis par B en vue de la conclusion du contrat de franchise ne présentait pas les caractères sérieux et sincère requis par les dispositions de l'article L. 330-1 précité.

. Sur le caractère déterminant du consentement de ces manquements aux obligations précontractuelles.

L'absence de transmission de ces informations ou l'absence de sérieux du prévisionnel doivent cependant avoir vicié le consentement du franchisé pour entrainer la nullité du contrat en application des articles 1110 ou 1116 du code civil, respectivement afférents à l'erreur sur les qualités substantielles et au dol.

En l'espèce, il est constant que les gérants respectifs des sociétés en litige entretenaient à l'époque de la conclusion du contrat des liens commerciaux et familiaux étroits, le gérant de B étant aussi gérant d'une autre société de franchise « DCP » pour des restaurants de poissons établis à la Réunion, dont certains gérés par le gérant de X, également gendre du premier.

Il est établi que le futur gérant de X a participé en août 2007 (pièce 50 B) a un rendez-vous organisé par le futur gérant de B au siège social métropolitain de la société détentrice de la franchise « La Boucherie » en vue de préparer l'implantation de l'enseigne à la Réunion.

Il s'en déduit que X, par l'intermédiaire de son gérant, disposait, lors de la conclusion du contrat d'informations générales sur le montage de l'opération d'implantation de la franchise à la Réunion mais non les informations précises requises par l'article R. 330-1 précité, notamment en ce qui concerne les frais spécifiques d'installation.

Par ailleurs, s'il est avéré que le gérant de X disposait déjà d'une expérience dans la gestion d'un restaurant, il ne peut être présumé averti des spécificités des restaurants de viande lui ayant permis d'avoir une analyse critique du bilan prévisionnel lui ayant été transmis.

La transmission d'éléments de prévision comptable très prometteurs d'une part et l'absence d'informations précises sur le contexte de l'opération, s'agissant notamment des frais d'installation, d'autre part, sont de nature à avoir déterminé le consentement de X à signer le contrat de franchise.

En outre, B ne pouvait ignorer ni les obligations légales d'information encadrant la conclusion du contrat de franchise, ni le caractère spéculatif et non étayé des hypothèses sur lesquelles elle a établi le prévisionnel transmis à Y

La réticence dolosive et le dol ayant vicié le consentement de X sont donc établis.

Le jugement ayant prononcé la nullité du contrat de franchise doit par conséquent être confirmé.

Sur les demandes en paiement.

Vu l'article 1184 du code civil ;

La nullité du contrat implique la remise en état des parties ainsi qu'elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat.

. Sur les demandes formées par B

B sollicite la compensation des sommes devant être restituées à X en conséquence de l'annulation du contrat avec :

- sa créance au titre des prestations fournies à X le temps de l'exploitation du contrat (indemnités de franchise et indemnité de publicité non versées après avril 2010) ;

- sa créance au titre du préjudice subi à raison des agissements du franchisé et de la carence du liquidateur ayant porté atteinte à son image commerciale ;

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Vu l'article 1355 du code civil ;

Si les demandes en compensation sont recevables en appel, X est fondée à soutenir que les demandes susvisées se heurtent au caractère irrévocable de l'arrêt de la cour d'appel de céans en ce qu'il a rejeté les demandes de B tendant à voir condamner X au titre des prestations réalisées non payées du contrat et au titre du préjudice subi à raison des agissements du franchisé et de la carence du liquidateur ayant porté atteinte à son image commerciale. Il est en effet observé que devant la cour, avant qu'elle ne rende son premier arrêt du 21 janvier 2015, B avait formé des demandes en paiement établies sur les mêmes fondements que les demandes aujourd'hui formées en compensation avec les sommes sollicitées par X en restitution après annulation du contrat de franchise. Ces demandes en paiement de B ont été rejetées par l'arrêt du 21 janvier 2015, par des chefs du dispositif non atteints par la cassation prononcée suivant arrêt du 13 décembre 2017 ayant examiné ces chefs.

Les demandes formées par B des chefs précités sont donc irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour du 21 janvier 2015.

. Sur les demandes formées par X

Vu l'article 954 du code de procédure civile ;

X sollicite :

. 50 000 euros au titre des droits d'entrée de franchise ;

. 63 498,10 euros au titre des redevances ;

. 132 393 euros au titre des pertes enregistrées au cours des 13 premiers mois d'exercice ;

. 147 400 euros au titre de la perte du fonds de commerce ;

. 50 000 euros au titre du préjudice moral.

Par ailleurs, si X évoque, dans le corps de ses conclusions, un préjudice de 430 000 euros lié aux emprunts qu'elle a contractés pour initier son activité de franchiseur, la cour n'est pas saisie d'une demande indemnitaire à ce titre dès lors qu'aucune demande à ce titre n'est reprise dans le dispositif des conclusions de l'intimée.

. sur la demande au titre des droits d'entrée de franchise.

La demande de paiement de la somme est en lien direct avec l'annulation du contrat et la remise en état des parties.

C'est ainsi à bon droit que le premier juge a ordonné le versement de ladite somme en restitution du droit d'entrée à Y

. sur la demande au titre des redevances

Vu l'article L. 352-8 dans sa rédaction applicable après le 1er octobre 2016 ;

Vu les articles L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce ;

Dès lors que l'annulation du contrat implique la remise en état des parties et restitutions réciproques, B est fondée à soutenir qu'elle détient une créance à l'encontre de X au titre des prestations qu'elle a fournies en contrepartie des redevances.

L'évaluation du montant de ces prestations, eu égard aux contestations présentées par X, appartient à la cour.

Néanmoins, cette créance, qui n'a pu faire l'objet d'une compensation légale antérieure à l'ouverture de la procédure collective du franchisé, est, comme l'invoque X, soumise à déclaration à la procédure collective.

En l'absence de déclaration d'une créance liée à l'accomplissement de ses prestations durant la période en cause (pièce 52 B), la demande liée à la compensation de cette créance avec celle de restitution des prestations acquittées est irrecevable.

Il convient donc de confirmer le jugement ayant condamné B à verser à X la somme de 63 498 euros au titre de la restitution des redevances acquittées.

. sur la demande au titre de la perte du fonds de commerce.

Ainsi que le relève l'appelante, la demande indemnitaire au titre de la perte du fonds de commerce ne peut être rattachée aux restitutions dans le cadre de l'annulation du contrat, X ne disposant d'ailleurs d'aucun fonds de commerce lors de l'établissement du contrat de franchise, la société n'ayant eu aucune activité antérieure.

Vu l'article 1240 du code civil ;

Si X soutient à bon droit qu'elle peut être indemnisée des dommages causés par les manœuvres dolosives de B en sus de l'annulation du contrat et des restitutions consécutives, elle ne justifie d'aucun lien de causalité entre le dol qu'elle a subi lors de la conclusion du contrat de franchise et la perte de son fonds de commerce, rappel étant fait que ce dernier ne préexistait pas à la conclusion dudit contrat.

Le jugement entrepris ayant rejeté la demande formée à ce titre sera confirmé.

. Sur la demande au titre des pertes enregistrées sur les 13 mois d'exercice :

Cette demande ne peut se rattacher aux restitutions liées à l'annulation de la vente et doit s'analyser comme une demande de réparation des manœuvres dolosives de B sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun.

En revanche, comme le souligne cette dernière, le préjudice matériel en lien avec les manœuvres dolosives ne consiste qu'en une perte de chance de ne pas avoir contracté et le montant des pertes enregistrées après la conclusion du contrat de franchise est sans lien direct avec le dol lié à la communication d'information incomplètes et insincères.

Le jugement entrepris ayant rejeté la demande formée à ce titre sera également confirmé.

. Sur la demande au titre du préjudice moral

Vu l'article 1240 du code civil ;

Les manœuvres dolosives consistant pour l'essentiel en la transmission d'informations non vérifiées et non étayées sur les perspectives de profit de l'exploitation de l'enseigne « La Boucherie », l'existence d'un préjudice moral pour X, liquidée deux ans après le début de l'exploitation de l'enseigne pour défaut de rentabilité et avec une perte de 132 393 euros en un peu plus d'un an, est établi.

Le dol est en outre intervenu dans un contexte de relations de proximité familiale et d'affaires entre les gérants des sociétés en litige, exploitant antérieurement une autre franchise de restaurants.

Dans ce contexte, le préjudice moral de X sera justement évalué à la somme de 10 000 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

B, qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens.

L'équité commande en outre de la condamner à verser à X la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Vu le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint Denis du 26 décembre 2012 ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de céans du 21 janvier 2015 ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2017 ;

La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort, dans les limites de la cassation prononcée

- Déclare recevable la demande en nullité du contrat de franchise du 5 août 2008 ;

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise du 5 août 2008 ;

- Déclare irrecevables les demandes en compensation formées par B au titre de :

. sa créance au titre des prestations fournies à X le temps de l'exploitation du contrat (indemnités de franchise et indemnité de publicité non versées après avril 2010) ;

. sa créance au titre du préjudice subi à raison des agissements du franchisé et de la carence du liquidateur ayant porté atteinte à son image commerciale ;

. sa créance au titre des prestations du franchiseur réalisées en contrepartie des redevances ;

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné B aux dépens et à payer à X, représentée par son liquidateur, les sommes de :

. 50 000 euros au titre du droit d'entrée ;

. 63 498 euros au titre de la restitution des redevances acquittées ;

. 4 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté X de ses demandes en paiement au titre des pertes enregistrées au cours des 13 premiers mois d'exercice et de la perte du fonds de commerce ;

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Z au titre de son préjudice moral ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Condamne B à payer à X, représentée par son liquidateur, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral ;

- Condamne B à payer à X, représentée par son liquidateur, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne B aux dépens.