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Décisions

Cass. crim., 7 avril 2021, n° 20-80.668

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Isnard, Payan

Défendeur :

Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires et du Syndicat National de l’Ordre des Vétérinaires d’Exercice Libéral, Société Protectrice des Animaux Vauclusienne (Sté), Société Protectrice des Animaux (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Samuel

Avocat général :

M. Quintard

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Rousseau et Tapie, SAS Cabinet Colin - Stoclet

Nîmes, ch. corr., du 31 oct. 2019

31 octobre 2019

Sur la recevabilité du mémoire en défense en tant qu’il est produit par la société protectrice des animaux (SPA)

1. Cette association ayant été déclaré irrecevable en son intervention en cause d’appel, n’est plus partie à la procédure. Ainsi, le mémoire en défense est irrecevable, mais seulement en ce qu’il est produit par la SPA.  Faits et procédure

2. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

3. A la suite d’une plainte déposée par la cellule anti-trafic de la SPA une enquête préliminaire a été ordonnée sur les activités, d’une part, de la société de M. Frédéric Isnard, professionnel de la vente de chiens, qui introduisait et vendait sur le territoire français des chiens provenant d’entreprises sises en Slovaquie, d’autre part, sur l’activité de Mme Laure Payan, vétérinaire chargée du suivi du chenil.

4. A l’issue de l’information ultérieurement ouverte sur ces faits, le juge d’instruction a renvoyé M. Isnard devant le tribunal correctionnel notamment des chefs, d’une part, d’exercice illégal de la médecine vétérinaire, d’autre part, d’introduction sur le territoire métropolitain d’animaux vivants ne répondant pas aux conditions sanitaires ayant trait à la protection des animaux, soit quarante-trois chiens non valablement vaccinés contre la rage, enfin de tromperie sur les qualités substantielles de deux chiens vendus, avec cette circonstance aggravante que la tromperie en faisait des produits dangereux pour l’homme. Il a renvoyé Mme Payan devant le même tribunal des chefs de complicité des deux derniers délits.

5. Le tribunal les a relaxés et a débouté diverses parties civiles de leurs demandes, parmi lesquelles la société protectrice des animaux (SPA) et la société protectrice des animaux (SPA) vauclusienne.

6. Le ministère public, Mme Payan et des parties civiles, parmi lesquelles la SPA vauclusienne, ont relevé appel de cette décision.

Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l’arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 15 décembre 2011

7. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 31 octobre 2019

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième et sixième branches, et le quatrième moyen

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour M. Isnard

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. Isnard coupable d’importation d’animaux vivants non conformes aux conditions sanitaires ou de protection et Mme Payan coupable de complicité de ce délit, alors :

« 1°) que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que l’importation sur le territoire français d’animaux provenant d’un autre Etat membre est conditionnée au respect des conditions sanitaires ou ayant trait à la protection des animaux fixées par le ministre chargé de l'agriculture ou par des règlements ou décisions communautaires ; que cette réglementation communautaire et interne met à la charge de l’expéditeur ou exportateur de l’animal le respect des obligations de tatouage, de vaccination antirabique, d’établissement d’un passeport et d’examen clinique par un vétérinaire 24 heures avant l’expédition ; que celui qui réceptionne les animaux sur le territoire français, qui doit s’assurer de la présence de ces éléments, n’est pas tenu de vérifier la véracité des informations contenues dans ces documents ; que l’obligation de vérification de l’article L. 212-1 du code de la consommation concerne la vente d’une marchandise sur le territoire français et non l’opération d’importation en provenance d’un Etat membre ; qu’en retenant, pour condamner M. Isnard du chef d’importation d’animaux ne répondant pas aux conditions sanitaires et Mme Payan de complicité de cette infraction, que M. Isnard, professionnel de la vente de chiens, en tant que responsable de la première mise sur le marché des animaux sur le territoire national, était tenu en vertu de l’article L. 212-1 du code de la consommation de vérifier que toutes les prescriptions réglementaires avaient été respectées et qu’il n’avait pu lui échapper que les chiots n’avaient pas l’âge figurant sur leur passeport (arrêt p. 14-15), la cour d’appel a violé le principe d’interprétation stricte de la loi pénale et les articles 111-4 du code pénal, L. 236-1, L. 237-3 du code rural et de la pêche maritime, l’arrêté ministériel du 20 mai 2005 relatif aux conditions de police sanitaire régissant les échanges intracommunautaires commerciaux et non commerciaux de certains carnivores, le règlement (CE) n° 998/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 et la directive 92/65/CEE du Conseil du 13 juillet 1992, ensemble les articles L. 212-1 devenu L. 411-1 du code de la consommation et 591 du code de procédure pénale ;

2°) que les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent sont interdites entre les États membres ; que les restrictions d'importation justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ; que l'application de l’obligation, imposée au responsable de la première mise en vente d’une marchandise sur le territoire national, de vérifier la conformité des produits aux prescriptions en vigueur sur le marché concerné à l'égard de produits fabriqués dans un autre État membre doit, conformément au principe de proportionnalité, tenir compte, d'une part, de l'importance de l'intérêt général en cause, d'autre part, des moyens de preuve normalement disponibles pour un importateur ; que l’importateur doit pouvoir se fier au certificat concernant la composition du produit délivré par les autorités de l'État membre exportateur ; qu’en déclarant M. Isnard coupable d’importation d’animaux ne répondant pas aux conditions sanitaires et Mme Payan de complicité de cette infraction au motif qu’il était tenu, en tant que responsable de la première mise sur le marché des animaux sur le territoire national, de vérifier la conformité de ceux-ci aux prescriptions réglementaires en vigueur et qu’il n’avait pu lui échapper que les chiots étaient plus jeunes que l’âge indiqué sur leur passeport, lorsque M. Isnard a fait valoir qu’il devait se fier aux informations mentionnées sur le passeport et le certificat vétérinaire établis dans l’Etat membre expéditeur, en l’espèce la Slovaquie, relatifs à l’âge du chiot et à sa vaccination contre la rage, la cour d’appel a violé les articles 34 et 36 du TFUE, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Pour déclarer M. Isnard coupable d’introduction sur le territoire métropolitain d’animaux vivants ne répondant pas aux conditions sanitaires, l’arrêt énonce qu’il résulte des dispositions de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 20 mai 2005 relatif aux conditions de police sanitaire régissant les échanges intracommunautaires commerciaux et non commerciaux de certains carnivores, pris en application de l’article L. 236-1 du code rural et de la pêche maritime, que les animaux doivent avoir été soumis à une vaccination antirabique en cours de validité aux termes du protocole en vigueur dans l'état membre où est pratiquée l'injection.

11. Les juges ajoutent qu’il résulte des expertises et des investigations sur les vignettes relatives au vaccin apposées sur les passeports que, malgré les visas des autorités vétérinaires slovaques, il ne pouvait être accordé que très peu de crédit aux mentions figurant sur ces documents tenant à l'âge des chiots importés de Slovaquie et, partant, de l'effectivité de la primo-vaccination antirabique. Ils relèvent encore qu’il résulte du protocole vaccinal slovaque que les chiots ne peuvent être importés qu'à quatorze semaines et que les résultats des analyses en laboratoire vétérinaire sur les prélèvements effectués sur cinquante chiots établissent que quarante-trois d’entre eux n'étaient pas protégés face à une éventuelle contamination par le virus rabique.

12. Ils précisent, en outre, que les employés du prévenu, chargés de simples tâches de nettoyage, ont déclaré pouvoir se rendre compte du très jeune âge des chiots et de leur fragilité, que les autorités vétérinaires départementales l’avaient mis en garde sur la validité des vaccinations antirabiques et l’âge de chiots en provenance de Slovaquie et que des éléments facilement observables en ce sens avaient été détaillés par un vétérinaire requis à cette fin.

13. La cour d’appel en conclut qu’il n’avait pu échapper au prévenu, professionnel aguerri dans la vente des chiots, que ceux-ci n'avaient pas l'âge mentionné sur leur passeport et n’avaient donc pas atteint les quatorze semaines exigées.

14. En l’état de ces seules énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision.

15. Ainsi, le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. Isnard coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme ou de l’animal et Mme Payan coupable de complicité de tromperie, alors :

« 3°) que le certificat vétérinaire, exigé par les articles L. 214-8 et D. 214-32-2 du code rural et de la pêche maritime lors de toute vente d’un animal de compagnie, est établi au regard des informations portées à la connaissance du vétérinaire et d’un examen clinique du chien ayant pour objet d’établir un diagnostic de santé du chien et de vérifier uniquement la race de celui-ci en faisant part d’éventuelles incohérences quant à celle-ci ; que ces dispositions n’exigent pas que le vétérinaire procède à des vérifications pour établir l’âge du chien ; qu’en reprochant à Mme Payan, pour la déclarer coupable de complicité de tromperie, de ne pas avoir fait part de doutes sur l’âge des deux chiens dans le certificat de santé, la cour d’appel a violé les articles L. 214-8 et D. 214-32-2 du code rural et de la pêche maritime, L. 213-1 devenu L. 441-1 du code de la consommation, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale,

« 4°) que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que la réticence dolosive suppose que le contractant ait su la vérité et l’ait dissimulée ; qu’il ne suffit pas qu’il ait eu un doute ; que la cour d’appel a relevé qu’il n’existait aucun élément suffisant de preuve pour affirmer que Frédéric Isnard savait parfaitement, s’agissant des chiens achetés par Mme Casci et M. Plasse, que les indications mentionnées sur leur passeport relatives à l’âge et à la primo-vaccination antirabique étaient fausses (arrêt p. 16) ; qu’en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations dont il se déduisait qu’il n’était pas établi que M. Isnard avait su que les indications mentionnées sur le passeport des chiens relatives à leur âge et à la primo-vaccination antirabique étaient fausses et en se bornant à lui reprocher de ne pas avoir fait part à son cocontractant de ses doutes sur ces éléments, la cour d’appel a violé les articles 111-4 du code pénal et L. 213-1 devenu L. 441-1 du code de la consommation, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

17. Pour déclarer M. Isnard coupable de tromperie sur les qualités substantielles de marchandises, l’arrêt énonce que, par respect du principe de transparence qui prévaut en matière contractuelle, des doutes sur des éléments substantiels doivent être signalés au cocontractant s'ils sont connus de l'autre cocontractant, au-delà même d’éventuelles obligations réglementaires spécifiques.

18. Les juges ajoutent que caractérise la tromperie la non révélation de doutes sur les éléments substantiels que sont l’âge des deux chiots vendus et leur primo-vaccination antirabique, doutes d'autant plus sérieux que, dans l'un et l'autre cas, le prévenu savait pertinemment, au vu des dates de naissance portées sur les passeports, que la primo-vaccination antirabique était intervenue avant l'expiration du délai de trois mois requis, anormalité que les docteurs vétérinaires consultés par les victimes ont d'ailleurs aisément relevée.

19. En se déterminant ainsi, par des motifs qui caractérisent l’élément intentionnel de la tromperie, la cour d’appel a justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

20. Pour déclarer Mme Payan coupable de complicité de tromperie sur les qualités substantielles de marchandises, l’arrêt, après avoir rappelé que M. Isnard savait pertinemment, au vu des dates de naissance portées sur les passeports des chiens, qu’ils avaient reçu une primo-vaccination antirabique avant l'expiration du délai de trois mois requis et que cette anormalité avait été aisément révélée par les docteurs vétérinaires consultés par les victimes énonce que la prévenue, en raison de sa profession, avait nécessairement, à tout le moins des doutes pareils à ceux de M. Isnard sur l’âge des chiens et la primo-vaccination antirabique, mais qu’elle s'est gardée de les consigner dans les documents officiels, notamment le certificat de santé, qu'elle était tenue de remplir pour les deux chiens vendus, ce qui aurait eu pour effet de différer la vente.

21. En se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.

22. Dès lors, le moyen n’est pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour Mme Payan

Enoncé du moyen

23. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. Isnard coupable d’importation d’animaux vivants non conformes aux conditions sanitaires ou de protection et Mme Payan coupable de complicité de ce délit, alors :

« 3°) que lors de l’importation en France d’un chien provenant d’un Etat membre, la bonne santé de l’animal est attestée uniquement par le vétérinaire de l’Etat membre ; que le vétérinaire français n’établira un certificat de bonne santé que lors de la vente ultérieure de l’animal en France ; qu’en retenant, pour déclarer Mme Payan coupable de complicité d’importation d’animaux ne répondant pas aux conditions sanitaires, que celle-ci avait repris les informations quant à la date de naissance et de la primo-vaccination antirabique portées sur les passeports des chiots, dont elle a procédé à l’examen minutieux, dans les certificats de bonne santé sans alimenter les rubriques « conclusions de l’examen de l’animal » et « observations » (arrêt p. 15), lorsque l’établissement de ces documents est relatif à la vente de l’animal sur le territoire national et non à l’importation en provenance d’un Etat membre et que Mme Payan était parfaitement étrangère à l’opération d’importation au titre de laquelle intervient exclusivement le vétérinaire de l’Etat membre expéditeur, la cour d’appel a violé les articles L. 236-1, L. 237-3, L. 214-8 et D. 214-32-2 du code rural et de la pêche maritime, 121-6 et 121-7 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

24. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

25. Pour dire la prévenue coupable de complicité d’introduction sur le territoire métropolitain d’animaux vivants ne répondant pas aux conditions sanitaires, l’arrêt énonce que, bien qu'étant capable, plus encore que M. Isnard, de savoir les indications quant aux dates de naissance et de primo vaccination antirabique portées sur les passeports des chiots dont elle a procédé à l'examen minutieux peu convaincantes, sinon fausses, la prévenue les a pourtant reprises sur les fiches de la société d’identification électronique vétérinaire (SIEV) et, surtout, sur les certificats de bonne santé dont elle n'a pas alimenté les rubriques « conclusions de l'examen de l'animal » et « observations ».

26. Les juges ajoutent que le signalement à tout le moins d'un doute quant à l'âge réel ou d’une anomalie aurait eu pour effet de retarder, voire empêcher, la vente et que la prévenue ne pouvait ignorer que son intervention en qualité de vétérinaire constituait, pour les acheteurs, un gage évident de qualité et de sécurité.

27. En se déterminant ainsi, par des motifs se rapportant à des diligences requises au seul stade de la vente ou la cession de chiots et impropres à caractériser la complicité du délit en cause, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

28. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

29. La cassation des dispositions de l'arrêt ayant reconnu Mme Payan coupable de complicité d’introduction sur le territoire métropolitain d’animaux vivants ne répondant pas aux conditions sanitaires entraîne celle des dispositions relatives aux peines et aux dispositions civiles prononcées à son encontre.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. Isnard contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 15 décembre 2011 :

Le DÉCLARE NON-ADMIS ;

Sur les pourvois formés par M. Isnard et Mme Payan contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, en date du 31 octobre 2019 :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 31 octobre 2019, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité de Mme Payan du chef de complicité d’introduction sur le territoire métropolitain d’animaux vivants ne répondant pas aux conditions sanitaires, aux peines prononcées à son encontre et aux dispositions civiles la concernant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.