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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 6 avril 2021, n° 19/07810

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Atevim (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Manes

Conseillers :

Mme Lelievre, Mme Lauer

TGI Nanterre, du 18 avr. 2019

18 avril 2019

FAITS ET PROCÉDURE

Selon mandat du 28 août 2013, Mme U. a confié à la société Atevim, agence immobilière exerçant son activité sous le nom commercial « Terrasses-en-vue », le soin de trouver un acquéreur pour son bien immobilier situé [...] et composé d'un studio comportant la « jouissance exclusive à la terrasse donnant sur le jardin » (lot n° 1) et d'une cave (lot n° 9).

L'agence immobilière a alors publié une annonce sur internet pour la vente de ce bien, transmise par courriel à Mme F. et rédigée comme suit :

« A vendre 92100 Boulogne Nord Venez découvrir ce charmant studio agrémenté de sa terrasse de 10 m² et de son jardin arboré de 20 m². A deux pas du marché Escudier, vous serez séduit par son calme, sa luminosité et ses volumes. Possibilité d'un double emplacement de parking en location dans l'immeuble. A visiter très vite ! ».

Intéressée par ce bien pour y loger sa fille, Mme P. veuve F. a conclu une promesse de vente sur celui-ci devant notaire le 4 octobre 2013 avec Mme U., comprenant en outre la cession de différents éléments mobiliers dont une table de jardin accompagnée de quatre chaises, pour un montant total de 340 000 euros.

La vente des biens immobiliers et mobiliers a été finalisée par acte authentique du 13 décembre 2013 au prix convenu dans la promesse de vente, le lot numéro un cédé étant décrit comme suit : « dans le bâtiment A, au rez-de-chaussée, un studio composé de : une entrée, une pièce, cuisine, salle de bains, WC, dégagement, trois placards et le droit de jouissance exclusive à la terrasse donnant sur le jardin » pour une superficie de 39,89 m².

A cet acte a été annexé un diagnostic technique de la société BC2E comprenant notamment une attestation de superficie établie le 11 juillet 2011 mentionnant une surface privative de 39,89 m² et une surface totale au sol, la terrasse et le jardin inclus, de 73,59 m².

Après son acquisition, Mme F. a constaté que les haies du jardin avaient été coupées en raison de la gêne qu'elles causaient pour le fonds faisant face au sien.

Les différentes lettres échangées entre les parties n'ayant pas permis de trouver une issue amiable à leur litige, Mme F. a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre, par actes d'huissier de justice du 11 décembre 2015, Mme U. ainsi que l'agence Terrasses-en-vue, nom commercial de la société Atevim, afin d'obtenir à titre principal l'indemnisation des préjudices qu'elle prétend avoir subis à l'occasion de l'achat de ce bien immobilier.

Par jugement contradictoire rendu le 18 avril 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

-Dit que Mme P., veuve F., ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par Mme U. et engageant sa responsabilité,

- Dit que Mme P., veuve F., ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien direct de causalité avec la faute retenue de la société Atevim pour publicité trompeuse et manquement à son obligation d'information loyale et conforme au bien mis en vente,

- Débouté en conséquence Mme P., veuve F., de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné Mme P., veuve F. à payer à Mme U. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné Mme P., veuve F., aux dépens.

Mme P. veuve F. a interjeté appel de cette décision le 8 novembre 2019 à l'encontre de Mme U. et de la société Atevim.

Par ses dernières conclusions signifiées le 5 novembre 2020, Mme P., veuve F., invite cette cour, au visa des articles 1110, 1111, 1116, 1382 anciens du code civil, L121-5 du code de consommation, 6- I de la loi n° 70-09 du 2janvier 1970, ensemble l'article 1999 du code civil, à :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre en date du 18 avril 2019, en ce qu'il :

Dit qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par Mme Emilie U. et engageant sa responsabilité,

Dit qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec la faute retenue de la société Atevim pour publicité trompeuse et manquement à son obligation d'information loyale et conforme au bien mis en vente,

La déboute de l'ensemble de ses demandes,

La condamne à payer à Mme Emilie U. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes,

La condamne aux dépens ;

- Le confirmer en ce qu'il retient la faute de la société Atevim.

Et statuant à nouveau pour le surplus :

- Juger qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes ;

- Juger que son consentement a été vicié par le dol et/ou l'erreur ;

- Condamner in solidum Mme U. et la société Atevim (Agence Terrasses-en-vue) au versement d'une somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner la société Atevim seule, au paiement d'une somme de 17 000 euros au titre du remboursement de la commission d'agence indûment perçue ;

A titre subsidiaire, au fondement des articles L.111-1 du code de consommation, 1382 du code civil, 6- I de la loi n° 70-09 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 1999 du code civil,

- Condamner la société Atevim seule :

Au versement d'une somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour publicité mensongère et trompeuse ;

A lui rembourser la totalité de la commission d'agence indûment perçue, soit la somme de 17 000 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation ;

Très subsidiairement,

- Condamner la société Atevim à une somme de 40 000 euros au titre de sa perte de chance soit de renoncer à l'acquisition, soit d'en négocier le prix en pleine connaissance de cause ;

- Déclarer la société Atevim mal fondée en son appel incident et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions faisant grief à la concluante ;

- Débouter Mme U. de toutes ses demandes, fins et conclusions lui faisant grief ;

- Condamner tous succombant au versement in solidum d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum, Mme U. et la société Atevim, aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions signifiées le 20 octobre 2020, la société Atevim demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 18 avril 2019 sauf en ce qu'il a retenu sa faute et l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- Débouter Mme F. de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire

- Condamner Mme U. à la garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre ;

- Réduire le quantum des demandes à de plus justes proportions ;

En tout état de cause

- Condamner la partie succombante à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 10 juillet 2020, Mme U. invite cette cour, au fondement de l'article 1319 du code civil, à :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre dans l'ensemble de ses dispositions,

En conséquence :

- Débouter Mme F. de l'ensemble de ses demandes,

- Débouter la société Atevim de son appel incident de la voir condamnée à la garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre.

Subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement,

- Donner acte à Mme F. de ce qu'elle ne soulève aucun vice affectant l'acte de vente du 13 décembre 2013,

En conséquence,

- Dire et juger que :

Elle n'a pu engager sa responsabilité contractuelle,

Qu'elle n'a commis aucune faute,

Le préjudice allégué est sans lien de causalité avec l'éventuelle faute commise,

Le quantum du préjudice n'est pas justifié,

En conséquence,

- Débouter Mme F. de toute demande de dommages-intérêts.

A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que :

Seule la société Atevim a commis une faute à l'égard de Mme F.,

Elle sera garantie de toute condamnation par la société Atevim ;

En tout état de cause,

- Condamner Mme F. ou toute partie succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 décembre 2020.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel,

Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.

Sur la responsabilité de Mme U.

- Moyens des parties

Se fondant sur les dispositions de l'article 1116 ancien du code civil, Mme P. veuve F. soutient que l'attitude trompeuse et dolosive de Mme U., professionnelle de l'immobilier, l'ont conduite à contracter. Elle ajoute en outre avoir été victime d'une erreur sur la substance même de la chose provoquée par le dol.

Pour démontrer l'attitude dolosive et trompeuse de Mme U., en ce que, selon l'appelante, elle aurait tout fait pour l'entretenir dans la certitude que le jardin faisait partie du bien vendu, l'appelante fait valoir que celle-ci :

N'a pas demandé à l'agence de rectifier l'annonce alors qu'elle la savait mensongère,

A présenté le bien à des prestataires en incluant la superficie du jardin qui a été mentionné dans le certificat « Loi Carrez » et les diagnostics, sans leur remettre le règlement de copropriété,

Lui a vendu le mobilier extérieur qui était placé parmi les plantes, dans son jardin, lors de sa visite de l'appartement,

A réalisé une plus-value de 130 000 euros en seulement cinq ans qui représente 60% du prix d'acquisition de ce bien en octobre 2008 puisqu'elle a acheté ce bien en 2008 au prix de 210 000 euros et l'a vendu en 2013 au prix de 340 000 euros comme en atteste l'acte de vente en page 5 (pièce 7) ; selon l'appelante, cette plus-value mirifique ne s'explique que par la prise en compte du jardin d'une superficie de 22 m² soit une surface supplémentaire de 50% par rapport à la surface du studio lui-même.

Elle prétend ne pas avoir négocié le prix proposé par l'agence parce qu'elle pensait que le jardin faisait partie du bien ce que les différents éléments susmentionnés ne faisaient que corroborer.

Subsidiairement, se fondant sur les dispositions de l'article 1110 ancien du code civil, elle soutient avoir voulu acquérir un bien composé d'un studio, d'une terrasse et de la jouissance privative d'un jardin comme le mentionnait l'annonce immobilière et qu'après l'avoir acquis, elle s'est rendue compte ne pas bénéficier de la jouissance privative de celui-ci. Ce faisant, selon elle, elle établit que cette erreur sur la composition du bien constitue une erreur sur ses qualités substantielles.

Elle soutient que son erreur est excusable puisqu'elle y a été induite par un tiers, à savoir l'agence immobilière qui a publié une annonce mensongère. Elle ajoute que Mme U. lui a fourni une attestation de loi Carrez faisant état de la superficie de chaque pièce composant le bien en y ajoutant celle du jardin au même titre que la terrasse de sorte que cette attestation a entretenu la croyance de l'acheteur sur le fait qu'il achetait un appartement comprenant un jardin. Selon elle, la mention figurant sur l'attestation « partie exclue » doit être lue comme excluant du calcul de la superficie dite Carrez la terrasse et le jardin, mais pas du bien vendu.

Elle relève que la confusion a également été entretenue par les mentions contenues dans l'état relatif à la présence de termite rapportant que les vérifications avaient été effectuées dans l'ensemble du bien y compris dans le jardin et que celui-ci était exempt de toute présence de termite.

Elle soutient que la jouissance du jardin était primordiale pour elle et sa fille et que cette erreur provoquée a été déterminante de son consentement parce que, si elle avait su qu'elle ne pourrait pas en bénéficier, elle n'aurait pas acheté ce bien à ce prix.

Elle indique que puisque le régime de l'erreur lui permet de solliciter soit la nullité du contrat soit l'indemnisation du préjudice subi, elle a décidé de réclamer des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis qu'elle évalue à 48 181,60 euros correspondant à la valeur du jardin. Elle ajoute avoir dû effectuer des travaux pour se masquer de son vis-à-vis qui portent ce montant à la somme totale de 50 000 euros, travaux dont la réalité est, selon elle, démontrée par les photographies qu'elle verse aux débats. Enfin, elle réclame l'indemnisation de son préjudice moral à concurrence de la somme de 10 000 euros.

Mme U. poursuit la confirmation du jugement de ce chef et rétorque qu'il résulte des écritures de son adversaire qu'elle fonde ses demandes sur la responsabilité contractuelle de son cocontractant alors qu'elle se plaint de vices qui, selon elle, entacheraient les discussions précontractuelles et ne fait aucun grief à l'acte de vente lui-même. Pour cette seule raison, selon elle, les demandes de Mme P. veuve F. sont infondées.

Au surplus, elle ajoute que les éléments produits par son adversaire ne sont pas de nature à permettre à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de toutes ses demandes dirigées contre elle.

A titre principal, la société Atevim poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il déboute Mme P. veuve F. de l'intégralité de ses demandes.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire, dans l'éventualité de sa condamnation, qu'elle sollicite la garantie de Mme U. dès lors qu'elle est la seule à avoir bénéficié du prix de vente prétendument surévalué et qu'elle a, contrairement à ce qu'elle persiste à soutenir, validé les termes de l'annonce. Elle ajoute que Mme U., propriétaire de ce bien depuis cinq années, n'ignorait pas ne pas disposer de la jouissance privative du jardin au vu de la simple consultation de ses appels de charge de sorte qu'elle est mal fondée à soutenir ne pas être responsable du contenu de l'annonce diffusée par le canal d'internet postérieurement à sa validation.

- Appréciation de la cour

- Le dol

Conformément aux dispositions de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

L'existence du dol s'apprécie lors de la formation du contrat.

En l'espèce, il est démontré que Mme P. veuve F. a reçu préalablement à la vente de l'immeuble les documents nécessaires à la conclusion de celle-ci de nature à l'informer précisément sur la consistance du bien qu'elle achetait et qui indiquaient expressément que le lot n° 1 acquis comprenait un appartement et la jouissance exclusive à la terrasse donnant sur le jardin. Ces documents et les actes conclus (promesse de vente et vente) ne pouvaient pas être lus comme indiquant ou laissant supposer que l'acquéreur bénéficierait de la jouissance exclusive du jardin.

L'appelante n'établit pas que Mme U. est une professionnelle de la vente immobilière ou/et de l'immobilier et le seul fait qu'elle soit gérante d'une société civile immobilière n'est pas de nature à en justifier. Elle ne prouve pas que sa co-contractante a rédigé l'annonce adressée par la société Atevim. Du reste, il résulte des pièces produites que la description faite de son bien par Mme U. dans le mandat donné à l'agence était parfaitement claire et dénuée de toute ambiguïté en ce qu'elle reprenait exactement les termes du règlement de copropriété et précisait que le bien destiné à être vendu (lot 1) était composé (souligné par la cour) d'un « studio comprenant : entrée, une pièce, cuisine, salle de bains, wc, dégagement, 3 placards et jouissance exclusive à la terrasse donnant sur le jardin » (pièce 15 produite par l'appelante elle-même). Elle n'invitait donc pas l'agence immobilière à présenter le bien de manière erronée ou ambiguë en ce que le studio bénéficiait « d'un jardin arboré de 20 m² » dont l'acquéreur jouirait à titre exclusif.

De même, Mme P. veuve F. ne démontre pas que Mme U. a fourni des informations erronées aux rédacteurs de l'attestation loi Carrez et diagnostiqueurs susmentionnés.

En tout état de cause, les éléments ci-dessus rapportés ne permettent de caractériser l'existence ni des manœuvres dolosives ni une réticence dolosive.

De plus, le simple fait qu'au moment de la visite du bien des meubles de jardin se trouvaient sur la terrasse à proximité immédiate du jardin ne caractérise pas plus l'existence d'une manoeuvre dolosive de nature à convaincre le visiteur que le jardin appartenait au vendeur, ces meubles présentant également une utilité sur une terrasse sur laquelle l'acquéreur bénéficiait d'un droit de jouissance exclusive.

En outre, Mme P. veuve F. ne démontre pas, par les pièces produites, que l'existence d'un jardin sur lequel elle disposerait d'un droit de jouissance exclusive déterminait son consentement à l'achat de ce bien. A cet égard, la cour constate qu'elle ne produit aucun courriel adressé à la propriétaire du bien ou à l'agence sur ce point, aucune lettre, aucun échange relatif au fait qu'elle y attachait une importance déterminante.

De même, elle se borne à affirmer que le prix du bien acquis par elle était trop élevé pour correspondre à celui d'un appartement de 39,89 m² avec jouissance exclusive d'une terrasse de 10,17 m² et correspondait plus vraisemblablement à celui d'un appartement, terrasse et jardin de 21,72 m² sur lesquels l'acquéreur bénéficiait d'une jouissance exclusive. En effet, aucun élément de preuve ne vient corroborer cette affirmation.

Elle n'établit donc ni l'existence de manoeuvres positives, ni de mensonges, ni de réticence dolosive ni la conscience qu'aurait eu Mme U. du fait que sans l'existence de ce jardin sur lequel Mme P. veuve F. pourrait disposer d'un droit de jouissance privatif ou exclusif, sa co-contractante n'aurait pas conclu cette vente à ce prix.

En définitive, ses demandes fondées sur le dol ne sont pas justifiées et ne pourront être accueillies.

- L'erreur

Selon l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

L'erreur au sens de cette disposition correspond à une fausse représentation de la réalité ; elle porte sur les qualités substantielles de la chose et s'apprécie au moment de la formation du contrat.

En l'espèce, Mme P. veuve F. est mal fondée à soutenir ne s'être rendue compte de son absence de la jouissance privative du jardin qu'après avoir acquis le bien. En effet, ainsi que rappelé précédemment, il est démontré qu'elle a reçu préalablement à la vente les documents nécessaires à la conclusion de celle-ci de nature à l'informer précisément sur ce qu'elle allait acquérir, documents indiquant expressément que le lot acquis comprenait un appartement et la jouissance exclusive à la terrasse donnant sur le jardin. Ces documents et les actes conclus (promesse de vente et vente) ne permettaient nullement à l'acquéreur de comprendre qu'il bénéficierait de la jouissance exclusive du jardin.

En outre, Mme P. veuve F. ne démontre pas, par ses productions, que sans l'erreur alléguée, elle n'aurait pas conclu ou l'aurait fait à d'autres conditions. Elle n'établit pas plus que sa co-contractante savait que la jouissance exclusive du jardin était déterminante pour elle.

Enfin, l'erreur alléguée n'est pas excusable puisque, au moment de la formation du contrat, Mme P. veuve F. disposait de tous les moyens pour appréhender la substance du bien qu'elle achetait, qui était explicitée clairement dans les actes notariés. Elle pouvait, le cas échéant, s'informer plus amplement si elle en ressentait la nécessité.

En définitive, ses demandes fondées sur l'erreur ne sont pas justifiées et ne pourront être accueillies.

Le jugement en ce qu'il déboute Mme P. veuve F. de ses demandes dirigées contre Mme U., infondées, sera confirmé.

Sur la responsabilité de la société Atevim

Le tribunal a retenu l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société Atevim pour avoir diffusé une annonce contenant des mentions de nature à tromper un candidat acquéreur sur la contenance exacte du bien mis en vente.

Selon lui, l'annonce litigieuse constituait une publicité mensongère au sens de l'article L.121-1 ancien du code de la consommation, devenu L. 121-2 du même code, et la société Atevim n'avait pas délivré à Mme P. veuve F. une information loyale dans le cadre du mandat que lui avait confié Mme U..

Il retenait que la société Atevim ne démontrait pas l'existence de fautes commises par Mme U. ou/et Mme P. veuve F. de nature à l'exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité.

Constatant que la faute de l'agence immobilière consistait en un manquement à son obligation d'information loyale et conforme du bien qui n'avait pu être à l'origine que d'une perte de chance pour Mme P. veuve F. soit de renoncer à l'acquisition, soit d'en négocier le prix en pleine connaissance de cause, et que la demanderesse ne sollicitait pas l'indemnisation de cette perte de chance, mais la réparation de préjudices matériels et moral sans lien de causalité avec la faute ainsi retenue, le tribunal a débouté Mme P. veuve F. de ses demandes.

- Moyens des parties

Mme P. veuve F. demande la confirmation du jugement en ce qu'il retient la faute de la société Atevim pour les motifs adoptés par le tribunal (page 6 des écritures de l'appelante).

En réparation de la faute commise par la société Atevim, elle persiste à solliciter sa condamnation à lui verser des sommes en réparation de ses préjudices tant matériels que moral et consistant à avoir dû payer un jardin dont elle n'avait pas la jouissance exclusive contrairement à la présentation qui lui en avait été faite par l'agence, préjudice qu'elle évaluait à la somme de 48 181,60 euros. S'ajoutait à ce préjudice, le coût des travaux qu'elle avait dû effectuer pour se masquer de ses vis-à-vis, soit une certaine somme portant à 50 000 euros le montant de son préjudice matériel. Elle sollicite encore la condamnation de la société Atevim à lui verser 10 000 euros au titre de son préjudice moral en raison de la déception ressentie pour ne pas avoir de jardin, de vis-à-vis, et la tristesse de sa fille obligée de vivre avec ses deux chiens sans pouvoir profiter d'un jardin. Enfin, elle prétend pouvoir obtenir la restitution de la somme de 17 000 euros indûment payée à titre de commission.

Très subsidiairement, elle demande la condamnation de la société Atevim à lui verser 40 000 euros au titre de la perte de chance pour elle soit de renoncer à l'acquisition soit d'en négocier le prix en pleine connaissance de cause.

La société Atevim demande la confirmation du jugement qui rejette les demandes indemnitaires de Mme P. veuve F..

Elle fait en particulier valoir que Mme P. veuve F. se borne à affirmer, sans preuve, avoir payé ce bien au-dessus du prix du marché ; de même, selon l'intimée, l'appelante soutient, sans preuve, avoir engagé des frais pour se masquer du vis-à-vis ; enfin, c'est encore, sans aucun élément de preuve qu'elle affirme avoir subi un préjudice moral.

La société Atevim ajoute que l'existence d'une faute du fait de la rédaction erronée de l'annonce est sans lien de causalité avec le préjudice invoqué par Mme P. veuve F. puisque cette erreur a été régularisée lors de la signature de l'acte authentique. Les demandes de dommages et intérêts présentées à titre principal par Mme P. veuve F. sont dès lors infondées car sans lien de causalité avec le manquement retenu par le tribunal.

En outre, l'intimée sollicite également le rejet des demandes indemnitaires au titre d'une perte de chance. Selon elle, le fait de ne pas solliciter la nullité de la vente prive de toute crédibilité l'allégation selon laquelle elle aurait été privée d'une chance de renoncer à celle-ci. De même, elle soutient que l'appelante ne peut pas sérieusement soutenir avoir perdu une chance de négocier le prix en pleine connaissance de cause sans préalablement établir qu'elle aurait pu payer moins cher un bien similaire.

- Appréciation de la cour

C'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté les demandes indemnitaires de Mme P. veuve F..

En outre, comme le relève fort justement la société Atevim, la faute retenue à son encontre par la cour est sans lien avec les préjudices allégués, y compris le remboursement de la commission versée à la société Atevim, puisque le défaut d'information donnée par l'agence immobilière a été corrigé au moment de la signature de la promesse de vente.

Le seul préjudice indemnisable ne pourrait consister qu'en une perte de chance soit de renoncer à l'acquisition du bien soit d'en négocier le prix.

Or, force est de constater que Mme P. veuve F. ne démontre pas qu'elle aurait renoncé à son acquisition si elle avait été correctement informée par l'agence immobilière sur la contenance du bien mis en vente, ni qu'elle aurait perdu une chance de négocier le prix de ce bien, ni qu'elle aurait pu acheter un bien équivalent à celui ainsi acheté à un prix moindre.

Le jugement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires de Mme P. veuve F. sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme P. veuve F., partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'accueillir la seule demande de Mme U. fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter toutes autres demandes de ce chef.

Mme P. veuve F. sera par voie de conséquence condamnée à verser à Mme U. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

CONFIRME le jugement.

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme P. veuve F. aux dépens d'appel.

DIT qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

CONDAMNE Mme P. veuve F. à verser à Mme U. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE toutes autres demandes.