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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 7 avril 2021, n° 20/03616

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Renault (SAS), Renault Retail Group Nimes (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Denjean, Mme Youl-Pailhes

TGI Nîmes, du 13 déc. 2016

13 décembre 2016

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

1. Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nîmes du 13 décembre 2016 qui, statuant dans l'instance opposant Eric B. à la SA RENAULT RETAIL GROUP NÎMES, vendeur, et à la SAS RENAULT FRANCE, fabriquant de la Clio Estate acquise par lui le 21 novembre 2013, l'a débouté de son action fondée sur les vices cachés et l'a condamné aux dépens.

2. Vu l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 novembre 2018 qui confirme le jugement dans toutes ses dispositions et y ajoute en condamnant Eric B. à payer aux intimées la somme de 1 700 € au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat qui en affirme le droit.

3. Vu l'arrêt n°19-11.119 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 1er juillet 2020 qui, statuant sur le pourvoi de Eric B., casse et annule, sauf en ce qu'il rejette les demandes formées par M. B. sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'arrêt rendu le 08 novembre 2018 entre les parties par la cour d'appel de Nîmes et remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, condamne les sociétés Renault Retail Group et Renault SAS aux dépens ainsi qu'à payer à Eric B. la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de cette cassation partielle, la Cour répondait au second moyen de Eric B. dans les termes suivants :

« Vu l'article L. 211-1, devenu L. 217-4 du code de la consommation et l'article L. 211-13, devenu L. 217-13 du même code

7. Aux termes du premier de ces textes, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il résulte du second que l'action fondée sur la garantie légale de conformité ne prive pas l'acheteur du droit d'exercer l'action résultant des vices rédhibitoires telle qu'elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi.

8. Pour rejeter la demande de l'acquéreur sur le fondement de la garantie légale de conformité, l'arrêt retient que la demande subsidiaire formée sur le fondement de l'article L. 211-1, devenu L. 217-4 du code de la consommation ne peut prospérer, en vertu du principe de non-cumul des actions fondées sur le vice caché et le défaut de conformité.

9. En statuant ainsi, alors que le choix d'invoquer la garantie des vices cachés ne prive pas l'acquéreur de la possibilité d'invoquer la garantie de conformité prévue par le code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

4. vu la déclaration de saisine du 27 août 2020 par Eric B..

5. Vu ses dernières conclusions du 11 décembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, aux termes desquelles il demande, de :

« REFORMER le jugement dont appel du Tribunal de Grande Instance de NÎMES du 13 décembre 2016 en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de vente.

Vu les articles L.217-4 à L 217-10 du Code de la consommation.

DIRE ET JUGER que le véhicule Clio Estate immatriculé DA.412.KW est entaché d'un défaut de conformité au sens de l'article L 217-5 du Code de la Consommation

ORDONNER la résolution de Ia vente du véhicule Clio Estate immatriculé DA - 412 - KW acheté neuf par Monsieur B. auprès de la concession Nîmes Renault le14 novembre 2013 pour la somme de 19 800 €.

CONDAMNER la S.A. RENAULT RETAIL GROUP NÎMES en présence de la S.A.S RENAULT France à payer à Monsieur B. la somme de 19 800 € avec intérêts au taux légal à compter de la 1ère demande d'échange de véhicule du 28 avril 2015 (pièce 9) ou subsidiairement de l'assignation du 9 novembre 2015.

IMPARTIR à la S.A. RENAULT RETAIL GROUP NÎMES un délai d'un mois à compter de la matérialisation du paiement susvisé pour récupérer le véhicule litigieux au domicile de Monsieur B. ou en tout autre lieu que celui-ci pourra leur préciser, et Dire qu'à défaut par elle d'y procéder dans ce délai Monsieur B. sera alors autorisé à vendre le véhicule.

DÉBOUTER la S.A. RENAULT RETAIL GROUP NÎMES et la S.A.S RENAULT de leurs demandes, fins et conclusions ;

Vu les articles 1240 et 1242 du Code Civil,

CONDAMNER in solidum la S.A. RENAULT RETAIL GROUP NÎMES et la S.A.S RENAULT France

- à publier à leurs frais le jugement à intervenir dans l'Autojournal et l'AutomobiIe Magazine, et ce sous peine d'astreinte provisoire de 500 € par jour de retard à l''expiration d'un délai de quinze jours courant depuis la signification de I'arrêt à intervenir.

- à payer à Monsieur B. la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts.

CONDAMNER in solidum la S.A. RENAULT RETAIL GROUP NÎMES et la S.A.S RENAULT France à payer à Monsieur B. la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE.

CONDAMNER in solidum la S.A. RENAULT RETAIL GROUP NÎMES et la S.A.S RENAULT FRANCE aux entiers dépens avec Condamner, en application de l'article 699 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP L. & Associés, Avocat près la Cour d'Appel de MONTPELLIER. »

6. Vu les dernières conclusions déposées le 21/12/2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur leurs moyens, aux termes desquelles la SA RENAULT RETAIL GROUP NÎMES et la SAS RENAULT FRANCE demandent de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Eric B. de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 2 500 euros chacune au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

7. Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 janvier 2021.

MOTIFS :

Sur la garantie légale de conformité

8. Eric B. soutient que le bruit anormal du véhicule constitue une non-conformité au sens des articles L. 217-4 et L. 217-5 du code de la consommation. Le véhicule ne présente pas les qualités que l'acquéreur pouvait légitimement attendre car il attendait, après l'achat d'un véhicule neuf à 19 800 euros, un véhicule exempt de tout bruit.

S'agissant de la sanction applicable, il affirme que le remplacement du bien et sa réparation sont impossibles puisque différentes interventions du garagiste ont tenté en vain de réparer ce défaut.

Il prétend en outre que le défaut de conformité ne saurait être considéré comme étant mineur, et donc empêcher la résolution, puisque le bruit est important, qu'il entraîne une inquiétude légitime d'une panne à venir, que le véhicule est invendable en raison de ce bruit, que le constructeur en première réaction lui avait proposé de procéder à un échange et qu'il utilise en conséquence très peu le véhicule.

La société Renault France et la concession Renault Nîmes soutiennent que la garantie légale de conformité est inopposable à la société Renault France puisqu'aux termes de l'article L. 211-3 du code de la consommation, les dispositions sont uniquement applicables entre le vendeur professionnel, à savoir la concession automobile, et l'acheteur.

Elles soutiennent que la demande en résolution ne saurait prospérer au motif qu'il ressort des nombreuses interventions que le bruit n'affecte nullement le fonctionnement du véhicule. La preuve de l'existence d'une non-conformité ne serait nullement établie. Le seul rapport d'expertise amiable ne saurait conclure à la non-conformité puisque son auteur, diligenté par l'assurance protection juridique de Eric B., ne présente pas toutes les garanties d'indépendance et d'objectivité.

S'agissant des demandes de publication, elles soutiennent qu'elles ne sont pas fondées en droit.

Réponse de la cour

9. Eric B. dirige sa demande en résolution de la vente fondée sur la garantie légale de conformité uniquement à l'encontre de son vendeur, seul débiteur.

10. Contrairement à ce que soutiennent les intimées, la preuve d'un défaut de conformité lié à la récurrence d'un bruit est caractérisée par la multiplicité des interventions techniques destinées à y parer, par la reconnaissance de l'existence de ce bruit par des courriers des 17 mars 2014 et 25 avril 2014 et ne repose donc pas sur le seul rapport non judiciaire de l'expert R..

11. Reste à apprécier l'intensité de ce bruit pour déterminer s'il s'agit d'un défaut de conformité mineur au sens de l'article L211-10 du code de la consommation dans sa rédaction applicable.

Il convient d'observer que malgré les interventions réalisées, le bruit dénoncé n'a pas disparu et n'a pas évolué.

L'expert R. le décrit ainsi : bruit, grondement au niveau du tableau de bord et de la console centrale à la mise en route du moteur et essais du véhicule. Il emploie le terme « anormal ». Si le terme grondement implique une intensité certaine, il est toutefois insuffisant à caractériser le volume et la gêne occasionnée, dont l'appréciation est nécessairement subjective, lesquels ne sont pas définis, pas plus que la fréquence d'apparition et sa durée.

La cour n'a alors d'autre repère sonore que la description plus affinée du bruit réalisée par le constructeur dans son courrier du 25 avril 2014 qui indique que « d'après nos ingénieurs, le bruit provient quand certaines pièces dans le circuit sont plus chaudes que les autres qui sont refroidies pendant l'arrêt du véhicule. Il se forme donc quelques bulles. »

Le bruit n'est donc pas fréquent pour ne survenir que dans certaines circonstances que Eric B. décrivait dans son courrier du 6 mars 2014, soit un problème persistant de bruit sous la boîte de vitesses lors d'un redémarrage après un long parcours.

Ainsi, en l'état du peu d'éléments dont dispose la cour pour apprécier l'intensité sonore et la fréquence d'apparition du bruit, tous éléments à la charge probatoire de Eric B., il ne peut recevoir d'autre qualification que celle d'un défaut de conformité mineur, l'impossibilité de le vendre n'étant pas rapportée en l'état du seul refus opposé sur le seul descriptif qui en était donné par Eric B. à l'acheteur potentiellement intéressé, sans essai et constat personnel de sa part.

La perte de confiance de Eric B. dans le véhicule et le constructeur le conduisant à peu utiliser le véhicule sont des éléments subjectifs non susceptibles d'être pris en compte.

Eric B. sera en conséquence débouté de sa demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie légale de conformité.

12. Succombant dans son appel, il en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation définissant la saisine de la cour de renvoi,

Rejette l'action de Eric B. fondée sur la garantie légale de conformité,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Eric B. aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat qui affirme son droit de recouvrement,