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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 1 avril 2021, n° 19/04547

DOUAI

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

Mme Dellelis, Mme Boutié

TI Lille, du 17 juin 2019

17 juin 2019

Le 30 août 2016, M. Thierry M. a acheté à M. Gildas M., exerçant sous la dénomination « haras de Boscherville », un cheval dénommé Hurricane Valley au prix de 3 000 euros, qu'il destinait à la pratique du horse ball.

Le 4 janvier 2017, il a échangé ce cheval avec un autre, dénommé Éternel Mambo, lequel avait été précédemment acheté par M. M. à M. Jean-Victor C. le 20 décembre 2016.

Dès le 16 février 2017, après son ferrage, le cheval a présenté une boiterie persistante qui a donné lieu à des examens et des soins.

Le 16 novembre 2018, le docteur vétérinaire Valérie G. écrivait qu'Eternel Mambo ne pouvait plus être monté et ne pouvait plus être considéré comme un cheval de sport, même de loisirs.

Pour courrier recommandé du 13 novembre 2018 reçu le 20 novembre 2018, M. M. a demandé à M. M. la résolution de la vente et le remboursement du prix de vente, en vain.

Par actes des 28 décembre 2018 et 2 janvier 2019, M. M. a assigné M. M. et M. C. devant le tribunal d'instance de Lille aux fins de voir :

- prononcer la résiliation judiciaire de la vente peut défaut de conformité et, à défaut, pour vice caché,

En conséquence,

- condamner solidairement M. M. et M. C., ou l'un à défaut de 1'autre, au paiement de la somme de 3 000 euros en restitution du prix de vente,

- les condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, au paiement de la somme de 3 156,36 euros en réparation de son préjudice financier, et celle de 1 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 17 juin 2019 le tribunal d'instance de Lille a :

- Débouté M. M. de sa demande tendant à voir déclarer nulle l'assignation qui lui a été signifiée par M. M.,

- Constaté que M. M. se désiste de toutes ses demandes contre M. C.,

- Débouté M. M. de sa demande tendant à obtenir la résiliation de la vente au titre du non-respect de l'obligation de délivrance,

- Déclaré M. M. irrecevable en son action fondée sur les vices rédhibitoires,

- Condamné M. M. à payer M. M. la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. M. à payer M. C. la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. M. au paiement des dépens

M. M. a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de M. M..

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 juillet 2020, il demande à la cour, au visa des articles L. 213-1 du code rural, L. 217.4 et L. 217.5 du code de la consommation, 217-10 du code de la consommation, L. 217.7 et L 217.12 du code de la consommation et 1641 du code civil, de :

- juger qu'aucune exception de prescription ne peut être opposée à l'action de M. M.,

- juger que M. M. justifie d'un défaut de conformité du cheval vendu,

- juger que le défaut de conformité est présumé existant dès la délivrance,

- juger que M. M. n'apporte aucune preuve contraire d'un défaut de conformité présumé existant au moment de la délivrance,

En conséquence,

- infirmer la décision déférée et jugeant à nouveau :

- prononcer la résiliation judiciaire de la vente pour défaut de conformité du cheval « Éternel Mambo »

En conséquence,

- juger qu'à peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, M. M. sera tenu de procéder ou faire procéder à la reprise du cheval à ses frais ; se réserver la faculté de liquider l'astreinte,

- condamner M. M. au paiement de la somme de 3 000 euros en restitution du prix d'acquisition du cheval « Éternel Mambo »,

- le condamner au paiement de la somme de 3 156,36 euros en réparation du préjudice financier subi par M. M.,

- le condamner au paiement de la somme de 2 700 euros en réparation du préjudice subi par M. M., outre intérêts à compter de l'arrêt,

Subsidiairement,

- prononcer la résiliation judiciaire de la vente pour vice cachés du cheval « Éternel Mambo »,

En conséquence,

- juger qu'à peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, M. M. sera tenu de procéder ou faire procéder à la reprise du cheval à ses frais, et se réserver la faculté de liquider l'astreinte,

- condamner M. M. au paiement de la somme de 3 000 euros en restitution du prix d'acquisition du cheval « Éternel Mambo »,

- le condamner au paiement de la somme de 3 156,36 euros en réparation du préjudice financier subi par M. M.,

- le condamner au paiement de la somme de 2 700 euros en réparation du préjudice subi par M. M., outre intérêts à compter de l'arrêt,

En tout état de cause,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. M. au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 et aux dépens,

- débouter M. M. de sa demande reconventionnelle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le débouter de toutes demandes,

- le condamner au paiement des frais et les dépens de première instance et d'appel en ce compris la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 juin 2020, M. M. demande à la cour, au visa des articles L. 213-1 du code rural, L. 217-4, 217-5, 217-10, 217-7 et 217-12 du code de la consommation et 1641 du code civil, de :

- rejeter l'ensemble des demandes de M. M.,

- condamner M. M. à lui régler la somme de 2 100 euros et pas seulement 700 euros retenue par le tribunal d'instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- condamner M. M. à lui régler la somme de 1 980 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de constater que le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation et constaté le désistement de M. M. de ses demandes dirigées contre M. C..

Il est constant que la vente du cheval Eternel Mambo, dont M. M. demande la résolution, a été conclue le 4 janvier 2017 par l'échange intervenu à cette date suite à la première vente conclue le 30 août 2016.

Il n'est pas non plus discuté que le cheval a été acheté pour pratiquer le loisir du horse ball.

Comme en première instance, M. M. fonde son action en résolution de la vente à titre principal sur la garantie de conformité régie par le code de la consommation, à titre subsidiaire sur la garantie légale des vices cachés.

L'article L213-1 du code rural énonce :

« L'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice ni de l'application des articles L. 217-1 à L. 217-6, L. 217-8 à L. 217-15, L. 241-5 et L. 232-2 du code de la consommation ni des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol.

La présomption prévue à l'article L. 217-7 du même code n'est pas applicable aux ventes ou échanges d'animaux domestiques. » (Souligné par la cour)

Aux termes de l'article L. 217-5 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce issue de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2016, « Le bien est conforme au contrat :

1°) S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :

- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;

- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;

2°) Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté. »

Selon l'article L. 217-7 du même code :

« Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.

Pour les biens vendus d'occasion, ce délai est fixé à six mois.

Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué. »

L'article L.217-12 énonce que « L'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien. »

En l'espèce, c'est à raison que le premier juge, après avoir constaté que le cheval Eternel Mambo est né le 1er mai 2012, a conclu que la vente litigieuse porte sur un « produit » d'occasion.

En revanche, c'est à tort qu'il a dit prescrite l'action en résolution de la vente dès lors que plus de six mois s'étaient écoulés entre la vente et l'assignation introductive d'instance, le délai de six mois prévus par l'article L. 217-7 n'étant pas un délai de prescription mais un délai de présomption du défaut de conformité.

Le délai de prescription applicable à l'action est de deux ans comme prévu à l'article L 217-12, et il a bien été respecté en l'espèce, l'action ayant été introduite avant l'expiration du délai de deux ans courant à compter de la délivrance du bien, les parties ne le discutant d'ailleurs pas.

Il y a donc lieu de rechercher au cas d'espèce si le défaut de conformité est apparu dans les six mois de la délivrance du cheval, auquel cas il est présumé existant au jour de la vente, et dans l'affirmative, si le vendeur parvient à renverser cette présomption.

Un compte rendu d'examen du 9 mars 2017 du docteur Valérie G. de la clinique vétérinaire de la Pévèle établit que dès le 16 février 2017, soit six semaines après la vente, le cheval présentait une boiterie des antérieurs. La vétérinaire référait l'animal à son confrère le docteur Michael M. qui le 14 mars 2017 diagnostiquait deux pathologies : une arthropathie de l'articulation intercarpienne et une dermite du ligament intercarpien dorsal.

Malgré divers soins ces pathologies persistaient comme en attestent plusieurs compte-rendus médicaux versés aux débats, et aux termes d'un compte-rendu du 16 novembre 2018 le docteur G. concluait qu'Eternel Mambo ne pouvait plus être monté et ne pouvait plus être considéré comme cheval de sport, même de loisirs, ce qui conduisait M. M. à demander la résolution de la vente.

Dans une attestation du 27 janvier 2020, le docteur G. expose que les acheteurs ont bien respecté toutes les recommandations pour soigner le cheval et elle écrit : « Ces deux types de lésions ne se forment pas rapidement. Mambo a boité très vite après son achat. Je pense que ces lésions sont antérieures à la vente. »

Il est ainsi établi que dans les six mois de la vente, le cheval s'est avéré atteint de deux pathologies incurables le rendant impropre à la pratique du horse ball pour laquelle il avait été acheté. Le défaut de conformité est donc caractérisé et présumé exister au moment de la délivrance.

Le compte-rendu d'expertise vétérinaire dont se prévaut le vendeur, établi le 28 décembre 2016 avant la vente et remis à l'acquéreur, dont le pronostic est favorable et ne mentionne pas les pathologies en cause, est insuffisant à renverser la présomption de défaut de conformité compte tenu, d'une part du court délai dans lequel des symptômes sont apparus et les pathologies ont été diagnostiquées, d'autre part de la nature de ces pathologies telles que décrites par le docteur G., lequel exclut leur apparition soudaine après la vente de même que leur imputation à un mauvais usage du cheval.

M. M. est par conséquent bien fondé à se prévaloir de la garantie de non-conformité et à obtenir la résolution de la vente sur le fondement des articles L 217-9 et L 217-10 du code de la consommation, celle-ci entraînant la restitution du cheval par M. M. et le remboursement du prix de vente par M. M., le prononcé d'une astreinte n'étant pas nécessaire.

L'acheteur est en outre bien fondé à obtenir la réparation de son entier préjudice en application des dispositions de l'article L 217-11 du code de la consommation.

M. M. justifie par la production de factures avoir exposé des frais vétérinaires pour un montant total de 3 156,36 euros, dont il est fondé à obtenir le remboursement.

Par ailleurs, il a subi un préjudice de jouissance caractérisé par l'impossibilité de faire du cheval l'usage qu'il avait prévu, préjudice qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 800 euros.

Partie perdante, M. M. sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, débouté de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer sur ce fondement à M. M. la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- débouté M. M. de sa demande tendant à voir déclarer nulle l'assignation qui lui a été signifiée par M. M.,

- constaté que M. M. se désiste de toutes ses demandes contre M. C.,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Reçoit et dit bien fondé M. Thierry M. en son action principale en résolution de la vente sur le fondement de la garantie de non-conformité,

Prononce la résolution de la vente conclue le 4 janvier 2017 entre M. Thierry M. et M. Gildas M. sur le cheval Eternel Mambo,

Condamne M. M. à payer à M. M. :

- la somme de 3 000 euros en remboursement du prix de vente,

- la somme de 3 156,36 euros en réparation du préjudice financier

- la somme de 800 euros en réparation du préjudice de jouissance,

Dit que M. M. devra restituer le cheval à M. M. dès remboursement du prix de vente,

Condamne M. M. aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Le condamne à payer à M. M. la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.