TUE, 10e ch. élargie, 14 avril 2021, n° T-379/20
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ryanair DAC
Défendeur :
Commission européenne, République française, Royaume de Suède, SAS AB
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. van der Woude
Juges :
M. Kornezov, M. Buttigieg, Mme Kowalik Bańczyk (rapporteure), M. Hesse
Avocats :
Me Vahida, Me Laprévote, Me Rating, Me Metaxas-Maranghidis, Me Blanc, Me Sjövall
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),
Antécédents du litige
1 Le 11 avril 2020, la Commission européenne a adopté la décision C(2020) 2366 final, relative à l’aide d’État SA.56812 (2020/N) – Suède – COVID-19 : régime de garanties de prêts en faveur des compagnies aériennes, par laquelle elle a considéré qu’une mesure d’aide sous la forme d’un régime de garanties de prêts à certaines compagnies aériennes (ci-après le « régime d’aide suédois »), notifiée par le Royaume de Suède le 3 avril 2020 conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, d’une part, était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Ce régime vise à apporter aux compagnies aériennes, qui sont importantes pour assurer la connectivité de la Suède et à qui les autorités suédoises ont délivré une licence d’exploitation, des liquidités suffisantes, au moyen d’une garantie publique, pour maintenir leurs activités économiques pendant et après la pandémie de COVID-19.
2 Le 21 avril 2020, le Royaume de Suède a notifié à la Commission, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide (ci-après la « mesure en cause ») sous la forme d’une garantie sur une ligne de crédit renouvelable d’un montant maximal de 1,5 milliard de couronnes suédoises (SEK) en faveur de SAS AB, au motif que cette dernière rencontrait des difficultés pour obtenir des prêts auprès des institutions de crédit dans le cadre du régime d’aide suédois. Cette mesure vise à indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
3 Le 24 avril 2020, la Commission a adopté la décision C(2020) 2784 final, relative à l’aide d’État SA.57061 (2020/N) – Suède – Indemnisation des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19 (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a considéré que la mesure en cause, d’une part, était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
Procédure et conclusions des parties
4 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2020, la requérante, Ryanair DAC, a introduit le présent recours.
5 Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé qu’il fût statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément aux articles 151 et 152 du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 15 juillet 2020, le Tribunal (dixième chambre) a fait droit à la demande de procédure accélérée.
6 Sur proposition de la dixième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.
7 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 juillet 2020.
8 En application de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante a présenté, le 13 août 2020, une demande motivée d’audience de plaidoiries.
9 Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 4, le 7 et le 21 septembre 2020, SAS, le Royaume de Suède et la République française ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 9, le 15 et le 30 septembre 2020, la requérante a demandé, conformément à l’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure, que certaines données contenues dans la requête et la version abrégée de celle-ci ne fussent pas communiquées à SAS, au Royaume de Suède et à la République française.
10 Par ordonnances du 7 octobre 2020, le président de la dixième chambre élargie du Tribunal a admis l’intervention de la République française, du Royaume de Suède et de SAS et a provisoirement limité la communication de la requête et de la version abrégée de celle-ci aux versions non confidentielles produites par la requérante, en attendant les éventuelles observations de ceux-ci sur la demande de traitement confidentiel.
11 Par mesures d’organisation de la procédure signifiées le 7 octobre 2020, la République française, le Royaume de Suède et SAS ont été autorisés, en application de l’article 154, paragraphe 3, du règlement de procédure, à déposer un mémoire en intervention.
12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
13 La Commission et SAS concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
14 La République française et le Royaume de Suède concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
En droit
15 Il convient de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 14 septembre 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑57/15, non publié, EU:T:2016:470, point 84). Dès lors, il convient, au regard, en particulier, des considérations ayant conduit à l’octroi d’un traitement accéléré de la présente procédure et de l’importance s’attachant, tant pour la requérante que pour la Commission et le Royaume de Suède, à une réponse rapide au fond, d’examiner d’emblée le bien-fondé du recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.
16 À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission a violé l’exigence selon laquelle les aides accordées au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne sont pas destinées à remédier aux dommages subis par une seule victime, le deuxième, de ce que la mesure en cause n’est pas fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et de ce que la Commission a considéré, à tort, que la mesure en cause était proportionnée au regard des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19, le troisième, de ce que la Commission a violé diverses dispositions relatives à la libéralisation du transport aérien au sein de l’Union, le quatrième, de ce que la Commission a violé ses droits procéduraux en refusant d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de difficultés sérieuses et, le cinquième, de ce que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a violé l’exigence selon laquelle les aides accordées au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne sont pas destinées à remédier aux dommages subis par une seule victime
17 La requérante soutient que les évènements extraordinaires au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE affectent, en principe, des régions ou des secteurs entiers, voire l’ensemble d’une économie. Ainsi, cette disposition serait destinée à réparer les dommages subis par l’ensemble des victimes de ces évènements, et non seulement certaines d’entre elles.
18 La Commission, la République française, le Royaume de Suède et SAS contestent l’argumentation de la requérante.
19 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, sont compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres évènements extraordinaires.
20 En l’espèce, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la Commission, retenue dans la décision attaquée, selon laquelle la pandémie de COVID-19 devait être regardée comme étant un « évènement extraordinaire » au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Par ailleurs, il résulte de la décision attaquée que la pandémie de COVID-19 a conduit à l’interruption de la majeure partie du transport aérien de passagers, eu égard, notamment, à la fermeture des frontières de plusieurs États membres de l’Union et à la recommandation des autorités suédoises d’éviter les déplacements non essentiels.
21 Il s’ensuit que la requérante relève, à juste titre, que SAS n’est pas la seule entreprise, ni la seule compagnie aérienne, à être affectée par l’évènement extraordinaire en cause.
22 Toutefois, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la Commission dans son mémoire en défense, il n’existe aucune obligation, pour les États membres, d’accorder des aides destinées à remédier aux dommages causés par un évènement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
23 Plus particulièrement, d’une part, si l’article 108, paragraphe 3, TFUE oblige les États membres à notifier à la Commission leurs projets en matière d’aides d’État avant leur mise à exécution, il ne les oblige pas, en revanche, à octroyer une aide (ordonnance du 30 mai 2018, Yanchev, C‑481/17, non publiée, EU:C:2018:352, point 22).
24 D’autre part, une aide peut être destinée à remédier aux dommages causés par un évènement extraordinaire, conformément à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, indépendamment du fait qu’elle ne remédie pas à l’intégralité de ces dommages.
25 Par conséquent, il ne découle ni de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ni de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE que les États membres seraient obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un évènement extraordinaire de sorte qu’ils ne sauraient non plus être tenus d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages.
26 Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a commis une erreur de droit du seul fait que la mesure en cause ne bénéficiait pas à l’ensemble des victimes des dommages causés par la pandémie de COVID-19.
27 Dès lors, le premier moyen de la requérante doit être écarté.
Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la mesure en cause n’est pas fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et de ce que la Commission a considéré, à tort, que la mesure en cause était proportionnée au regard des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19
28 Le deuxième moyen de la requérante se divise, en substance, en deux branches, tirées, la première, de ce que la mesure en cause n’est pas fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et, la seconde, de ce que la Commission a considéré, à tort, que la mesure en cause était proportionnée au regard des dommages causés par la pandémie de COVID-19.
Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de ce que la mesure en cause n’est pas fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE
29 La requérante relève que le régime d’aide suédois prévoit, à l’instar de la mesure en cause, une garantie bancaire en faveur de SAS ne pouvant pas dépasser 1,5 milliard de SEK et fait valoir que cette mesure est subsidiaire au regard audit régime. Or, celui-ci ayant pour objectif de remédier à une perturbation grave de l’économie au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, ladite mesure n’aurait pas pour objectif de remédier aux dommages causés par un évènement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
30 La Commission, la République française, le Royaume de Suède et SAS contestent l’argumentation de la requérante.
31 À cet égard, dans la décision C(2020) 2366 final, du 11 avril 2020, déclarant le régime d’aide suédois compatible avec le marché intérieur, fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et mentionnée au point 1 ci-dessus, la Commission a précisé que, sur les 5 milliards de SEK susceptibles de faire l’objet de la garantie publique, seul 1,5 milliard pourrait bénéficier à SAS. Ce montant correspond, ainsi que le relève, à juste titre, la requérante, à celui de la mesure en cause.
32 Dans la décision attaquée, la Commission a expliqué que le Royaume de Suède envisageait d’accorder des aides individuelles aux compagnies aériennes qui seraient éligibles au régime d’aide suédois, dans la mesure où, compte tenu de la baisse de la demande, ces dernières ne seraient pas dans une situation financière suffisamment favorable pour négocier des prêts auprès des institutions de crédit concernées. La mesure en cause constitue l’une de ces aides individuelles. La Commission a précisé que SAS ne pourrait pas bénéficier à la fois dudit régime et de ladite mesure. Cette dernière a été adoptée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
33 Il résulte ainsi de la décision attaquée et de celle mentionnée au point 31 ci-dessus que, comme le fait valoir, à juste titre, la requérante, la mesure en cause présente un caractère subsidiaire au regard du régime d’aide suédois, bien ce que cette mesure et ce régime ne soient pas fondés sur les mêmes dispositions de l’article 107 TFUE.
34 Toutefois, aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. Or, le traité FUE ne s’oppose pas à une application concomitante de l’article 107, paragraphe 2, sous b), et de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, pour autant que les conditions de chacune de ces deux dispositions soient réunies. Il en va notamment ainsi lorsque les faits et les circonstances donnant lieu à une perturbation grave de l’économie résultent d’un évènement extraordinaire.
35 Il s’ensuit que la Commission ne saurait être regardée comme ayant commis une erreur de droit du seul fait que le régime d’aide suédois et la mesure en cause ont été déclarés compatibles avec le marché intérieur sur la base, respectivement, de l’article 107, paragraphe 3, sous b), et de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
36 Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la première branche du deuxième moyen de la requérante.
Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de ce que la Commission a considéré, à tort, que la mesure en cause était proportionnée au regard des dommages causés par la pandémie de COVID-19
37 La requérante soutient que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE dans la mesure où elle a autorisé une possible surcompensation du dommage subi par SAS.
38 La Commission, la République française, le Royaume de Suède et SAS contestent l’argumentation de la requérante.
39 À cet égard, il y a lieu de relever que, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Dès lors, seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres évènements extraordinaires (arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, EU:C:2006:130, point 79).
40 Il s’ensuit que les aides susceptibles d’être supérieures aux pertes encourues par leurs bénéficiaires ne relèvent pas de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié, EU:C:2004:711, points 40 et 41).
41 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure en cause visait à indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Si elle a indiqué que l’étendue du dommage subi par SAS n’était pas encore connue lors de l’adoption de cette décision, elle a toutefois précisé qu’il s’agissait de la « perte de valeur ajoutée », qui consiste en la différence entre les revenus de la période allant de mars 2019 à février 2020 et ceux de la période allant de mars 2020 à février 2021, à laquelle ont été soustraits, d’une part, les coûts variables évités, qui ont été calculés sur la base des coûts encourus entre mars 2019 et février 2020, et, d’autre part, la marge bénéficiaire se rapportant à la perte de revenu. Le montant du dommage a été provisoirement évalué en tenant compte d’une baisse du trafic aérien comprise entre 50 et 60 % pour la période allant de mars 2020 à février 2021 par rapport à la période allant de mars 2019 à février 2020 et correspondrait à un montant compris entre 5 et 15 milliards de SEK.
42 Dans ces conditions, la Commission a considéré que, même dans l’hypothèse où le montant de l’aide résultant de la mesure en cause correspondrait au montant garanti, à savoir 1,5 milliard de SEK, ce montant resterait inférieur au dommage subi par SAS. À cet égard, elle a précisé qu’il en serait de même si ce montant était cumulé à celui d’une aide, en substance, identique à la mesure en cause, qui avait préalablement été accordée à SAS par le Royaume de Danemark, de sorte que le montant total des aides octroyées à SAS atteignait 3 milliards de SEK. En outre, la Commission a précisé que le Royaume de Suède s’était engagé à effectuer une évaluation ex post du dommage effectivement subi par SAS au plus tard le 30 juin 2021 et à demander le remboursement de l’aide perçue pour autant que celle-ci excèderait ledit dommage, compte tenu de l’ensemble des aides susceptibles d’être accordées à SAS du fait de la pandémie de COVID-19, y compris par des autorités étrangères.
43 En premier lieu, premièrement, la requérante soutient que la méthode de calcul visant à l’évaluation du dommage subi par SAS, présentée dans la décision attaquée, n’est pas suffisamment précise et ne permet pas d’apprécier correctement le dommage subi par cette entreprise. Elle reproche plus particulièrement à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons du choix de la période de référence (mars 2019 à février 2020), de ne pas avoir identifié les coûts devant être regardés comme variables ou fixes et de ne pas avoir indiqué ce qui permettait de garantir que les pertes de revenu étaient directement liées à la pandémie de COVID-19 et non à des décisions de SAS de réduire le trafic qui seraient guidées par d’autres raisons financières. Elle soutient que, dans ces conditions, la Commission a commis une erreur de droit ainsi qu’une erreur d’appréciation.
44 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte des dommages subis par les autres compagnies aériennes en Suède.
45 S’agissant, premièrement, de l’évaluation du dommage subi par SAS, il résulte du point 41 ci-dessus que la Commission a identifié, dans la décision attaquée, les éléments qui devraient être pris en considération afin de quantifier le dommage, à savoir la perte de revenu, les coûts variables évités et l’ajustement de la marge bénéficiaire, ainsi que la période au cours de laquelle ce dommage pourrait se matérialiser. Elle a, par ailleurs, précisé que la perte de revenu devait être déterminée en tenant compte de l’ensemble des revenus de SAS, et non seulement de ceux dérivés du transport aérien de passagers, et a présenté une liste non exhaustive des coûts encourus par SAS. En outre, ainsi qu’il ressort des paragraphes 35 à 38 de la décision attaquée, la Commission a noté l’engagement des autorités suédoises, d’une part, de procéder à la quantification ex post détaillée et concrète du dommage subi par SAS et du montant de l’aide dont elle aurait finalement bénéficié et, d’autre part, d’assurer que SAS remboursât une éventuelle surcompensation dudit dommage.
46 Par conséquent, il convient de considérer que, eu égard aux circonstances de l’espèce caractérisées par l’évènement extraordinaire, au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, que constitue la pandémie de COVID‑19, à son caractère évolutif et au caractère nécessairement prospectif de la quantification du dommage causé et du montant de l’aide finalement octroyée, la Commission a présenté avec suffisamment de précision, dans la décision attaquée, une méthode de calcul visant à l’évaluation du dommage subi par SAS.
47 Par ailleurs, force est de constater que la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que la méthode de calcul, telle que définie dans la décision attaquée, permettrait le versement d’une aide d’État supérieure au dommage réellement subi par SAS. À cet égard, la circonstance, invoquée par la requérante, que la Commission, dans le document intitulé « Aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles [article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE] Liste de contrôle pour les États membres », invite les États membres à fournir « un programme détaillé établissant une méthode de calcul pour l’évaluation des dommages » dans l’hypothèse où une telle méthode existerait déjà dans le droit national de l’État membre concerné n’est pas de nature à établir que la méthode de calcul définie dans la décision attaquée manquerait de précision aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
48 En outre, la requérante n’apporte aucun élément susceptible d’établir que la prise en compte des douze derniers mois précédant la mise en place des restrictions résultant de la pandémie de COVID-19 aux fins d’évaluer le dommage subi par SAS pouvait conduire la Commission à surévaluer ce dommage. De plus, si la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir précisément identifié les coûts fixes et variables dans la décision attaquée, et s’il est vrai que ces coûts constituent une donnée importante aux fins du calcul du dommage subi par SAS, tel que défini dans la décision attaquée, elle n’explique pas dans quelle mesure cette imprécision serait susceptible de conduire au versement d’une aide supérieure au dommage effectivement subi par SAS.
49 Enfin, s’il y a lieu de noter que la méthode définie par la Commission ne permet pas complètement d’éviter que l’évaluation dudit dommage inclue également les conséquences de décisions prises par SAS sans lien direct avec la pandémie de COVID-19, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément pouvant établir que, en l’absence de cette pandémie, les revenus de SAS auraient probablement baissé au cours de la période allant de mars 2020 à février 2021 par rapport à la période mars allant de 2019 à février 2020.
50 Dans ces conditions, eu égard aux éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation en ce qui concerne l’évaluation du dommage subi par SAS.
51 S’agissant, deuxièmement, du dommage subi par les autres compagnies aériennes en Suède, la requérante fait valoir, en se fondant sur son argumentation développée dans le cadre du premier moyen, que la Commission devait tenir compte de l’ensemble des victimes de l’évènement extraordinaire en cause visé à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été mentionné au point 25 ci-dessus, les États membres ne sont pas tenus d’accorder des aides à l’ensemble des victimes des dommages causés par un tel évènement extraordinaire. Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, l’octroi d’une aide au seul bénéfice de SAS ne dépendait pas de la démonstration, par la Commission, que le dommage causé par cet évènement n’affectait que cette entreprise.
52 En deuxième lieu, la requérante soutient qu’il ne serait pas possible pour la Commission de contrôler la proportionnalité de la mesure en cause avant le mois de mars 2021. Elle fait valoir que SAS bénéficie de l’intégralité de l’aide presque immédiatement après l’adoption de la décision attaquée alors que le dommage subi par SAS ne se matérialiserait que de manière progressive jusqu’au mois de mars 2021 et que le montant de ces dommages resterait hypothétique, compte tenu notamment de l’absence de méthode pour le calculer.
53 À cet égard, premièrement, il convient de relever que la mesure en cause est une garantie sur une ligne de crédit renouvelable. Il s’ensuit que le montant maximal de l’aide, à savoir le montant garanti de 1,5 milliard de SEK, ne sera versé que dans l’hypothèse où SAS serait dans l’incapacité de rembourser l’intégralité des sommes qui lui auraient été prêtées. Or, la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que, lorsque la décision attaquée a été adoptée, la Commission devait savoir que SAS se trouverait nécessairement dans une telle incapacité.
54 Il s’ensuit que, ainsi qu’il résulte d’ailleurs de la communication de la Commission sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10), le montant des aides en faveur de SAS correspondait, en réalité, à la différence de taux accordé à cette dernière avec ou en l’absence de la mesure en cause à la date de l’adoption de la décision attaquée.
55 La Commission a évalué le taux d’intérêt maximal, en l’absence de la mesure en cause, à 10,26 %, sans que cela soit contesté par la requérante. Par conséquent, le montant des aides versées à SAS ne saurait dépasser 153,9 millions de SEK la première année, auxquels il conviendrait, en outre, de soustraire le prix de cette mesure facturé à SAS, lequel s’élève, aux termes de la décision attaquée, au minimum à 15 millions de SEK par an, ainsi que le taux d’intérêt négocié par SAS, compte tenu de l’adoption de ladite mesure.
56 Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que SAS est susceptible de percevoir l’intégralité de l’aide dès l’adoption de la décision attaquée.
57 Deuxièmement, la Commission a considéré, en tout état de cause, que le dommage subi par SAS, évalué à au moins 5 milliards de SEK, serait supérieur au montant garanti par la mesure en cause, à savoir 1,5 milliard de SEK. Or, si l’évaluation du dommage dépend de prévisions relatives à la baisse du trafic aérien, la requérante n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation. Plus particulièrement, elle ne conteste pas l’hypothèse, retenue par la Commission, d’une baisse du trafic aérien comprise entre 50 et 60 % pour la période allant de mars 2020 à février 2021 par rapport à la période allant de mars 2019 à février 2020. Elle ne conteste pas non plus que le dommage subi par SAS du fait de la pandémie de COVID-19 s’élève au moins à 5 milliards de SEK.
58 Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à contester la proportionnalité de la mesure en cause.
59 En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas pris en considération les aides octroyées par le Royaume de Norvège et par le Royaume de Danemark, ni celles qui pourraient l’être avant le mois de mars 2021.
60 À cet égard, il suffit de relever que, d’une part, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que le dommage subi par SAS, évalué à au moins 5 milliards de SEK, serait supérieur aux montants garantis cumulés résultant de la mesure en cause et de la mesure précédemment adoptée par le Royaume de Danemark en faveur de SAS, à savoir 3 milliards de SEK. D’autre part, la Commission a expressément fait référence à l’ensemble des aides susceptibles d’être accordées à SAS en raison des dommages causés par la pandémie de COVID-19 avant le premier trimestre de 2021. Le Royaume de Suède s’est ainsi engagé à demander le remboursement de l’aide résultant de la mesure en cause, pour autant que celle-ci, cumulée avec d’autres, y compris celles accordées par des autorités étrangères, excèderait le dommage effectivement subi par SAS.
61 Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission n’a pas pris en considération les aides octroyées par le Royaume de Norvège et par le Royaume de Danemark, ni celles qui pourraient l’être avant le mois de mars 2021.
62 En quatrième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas tenu compte de l’avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire de la mesure en cause.
63 À cet égard, il convient de relever que, aux fins de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, l’avantage procuré par cette aide à son bénéficiaire n’inclut pas l’éventuel bénéfice économique réalisé par celui-ci par l’exploitation de cet avantage. Un tel bénéfice peut ne pas être identique à l’avantage constituant ladite aide, voire s’avérer inexistant, sans que cette circonstance puisse justifier une appréciation différente de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 92).
64 Par conséquent, il y a lieu de constater que la Commission a, à juste titre, tenu compte de l’avantage procuré à SAS, tel qu’il résulte de la mesure en cause, ainsi que cela ressort des points 52 à 58 ci-dessus. En revanche, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir déterminé l’existence d’un éventuel bénéfice économique résultant de cet avantage.
65 Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’un éventuel avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire qu’elle allègue.
66 Par conséquent, il convient d’écarter la seconde branche du deuxième moyen de la requérante et, par voie de conséquence, ledit moyen dans son intégralité.
Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission a violé diverses dispositions relatives à la libéralisation du transport aérien au sein de l’Union
67 La requérante soutient que la Commission a violé le principe de non-discrimination ainsi que la libre prestation de services et la liberté d’établissement, au motif que la mesure en cause offrirait des conditions plus favorables réservées aux entreprises établies en Suède.
68 La Commission, la République française, le Royaume de Suède et SAS contestent l’argumentation de la requérante.
69 Il convient de rappeler qu’une aide d’État qui viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51).
Sur la violation du principe de non-discrimination
70 Le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 49).
71 Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26).
72 Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55].
73 La requérante soutient que la décision attaquée autorise un traitement discriminatoire qui ne serait pas nécessaire pour atteindre l’objectif de la mesure en cause, à savoir réparer les dommages causés par la pandémie de COVID-19. Elle considère que l’objectif de préserver la connectivité de la Suède ainsi que la connectivité intrascandinave également mentionné dans cette décision méconnaît l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. De plus, cet objectif et celui de préserver la structure du marché requerraient de tenir compte d’autres compagnies aériennes dans la mesure où SAS représente moins de la moitié de l’ensemble du trafic aérien de passagers intérieur et international de la Suède. La requérante précise, par ailleurs, que le régime d’aide suédois garantit la connectivité de la Suède et que la mesure en cause crée une discrimination en faveur de SAS par rapport aux autres compagnies aériennes susceptibles de bénéficier dudit régime. Enfin, l’objectif de préserver la connectivité intrascandinave constituerait une discrimination fondée sur la nationalité.
74 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la mesure en cause n’a pas pour objectif, outre celui d’indemniser partiellement SAS du dommage résultant de la pandémie de COVID‑19, de préserver la connectivité de la Suède, l’« accessibilité intrascandinave » ou l’économie suédoise.
75 En effet, d’une part, il convient de relever que la requérante renvoie, à cet égard, au paragraphe 26 de la décision attaquée. Or, ce paragraphe se situe dans le point intitulé « Bénéficiaire », lequel se contente de décrire le bénéficiaire de la mesure en cause, à savoir SAS. D’autre part, il résulte du point intitulé « Objectif de la mesure » de cette décision, et plus particulièrement de son paragraphe 9, que la mesure en cause vise uniquement à indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
76 Il s’ensuit que la requérante n’est pas non plus fondée à soutenir que la mesure en cause aurait pour objectif le maintien de la structure du marché. À cet égard, il convient certes de relever que, à la première page du document intitulé « Aperçu des règles relatives aux aides d’État et aux obligations de service public applicables au secteur aérien durant la flambée de COVID‑19 », la Commission explique que, « [d]ans l’intérêt de l’économie et des consommateurs de l’Union, les États membres doivent élaborer leurs mesures sur une base non discriminatoire et d’une manière qui préserve les structures de marché d’avant la crise et ouvre la voie à une reprise économique rapide ». Néanmoins, si, du point de vue de la concurrence, il peut être préférable d’aider l’ensemble des acteurs économiques afin de prévenir une réduction de leur nombre, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 25 ci-dessus, que les États membres ne sont pas obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un évènement extraordinaire visé à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et, par voie de conséquence, d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages.
77 En deuxième lieu, il convient de relever qu’une aide individuelle, telle que celle en cause, ne bénéficie, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, de par sa nature, une telle aide individuelle instaure une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est pourtant inhérente au caractère individuel de ladite mesure. Or, soutenir, comme le fait la requérante, que l’aide individuelle en cause est contraire au principe de non-discrimination revient, en substance, à mettre en cause systématiquement la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait de son caractère intrinsèquement exclusif et par là discriminatoire, alors même que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer des aides individuelles, pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies.
78 À cet égard, il a d’ailleurs été relevé au point 25 ci-dessus que, s’agissant plus particulièrement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, les États membres ne sont pas obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un évènement extraordinaire et, par voie de conséquence, d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages.
79 En troisième lieu, il convient de relever que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 71 ci-dessus, la requérante fait valoir, à juste titre, que l’ensemble des compagnies aériennes qui opèrent en Suède ont été affectées par les restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 et qu’elles ont, par voie de conséquence, toutes subi, à l’instar de SAS, un dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de leurs vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
80 Toutefois, à supposer que, comme l’affirme la requérante, la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne bénéficie qu’à SAS, puisse être assimilée à une discrimination, il convient de vérifier si elle est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre (voir point 70 et 72 ci-dessus). De même, pour autant que la requérante fait référence à l’article 18, premier alinéa, TFUE, il convient de souligner que, selon cette disposition, toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » est interdite. Partant, il importe de vérifier si cette différence de traitement est permise au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision attaquée. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif de la mesure en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de la mesure en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne bénéficie qu’à SAS, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.
81 S’agissant de l’objectif de la mesure en cause, la requérante ne conteste pas que l’indemnisation d’un dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation des vols d’une compagnie aérienne à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19 permet de remédier aux dommages causés par cette pandémie. Ainsi qu’il a été relevé au point 20 ci-dessus, la requérante ne conteste pas non plus que la pandémie de COVID-19 constitue un évènement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
82 S’agissant des modalités d’octroi de la mesure en cause, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que SAS, dont les opérations se concentraient au Danemark, en Suède et en Norvège, représentait 67 % du trafic aérien intrascandinave et près de la moitié du trafic interne à la Suède (49,2 %). Or, la requérante reconnaît elle-même que « [l]a part de marché constitue un indicateur acceptable des dommages subis par [l]es compagnies aériennes ».
83 La requérante fait néanmoins valoir qu’une telle circonstance ne permet pas de justifier la différence de traitement résultant de la mesure en cause. Elle considère, en effet, que cette différence de traitement n’est pas proportionnée dans la mesure où cette mesure accorde à SAS l’intégralité de l’aide destinée à remédier au dommage causé par la pandémie de COVID-19 alors que SAS ne subirait que 35 % de ce dommage.
84 À cet égard, il résulte de la décision attaquée que SAS, du fait de ses parts de marché plus importantes, a été davantage affectée par les restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 que les autres compagnies aériennes présentes en Suède. Cela est d’ailleurs confirmé par les données figurant à l’annexe A.3.2 de la requête, dont il ressort que SAS possédait la plus grande part de marché en Suède, à hauteur de 35 %, et que cette part de marché était significativement plus élevée que celles de son plus proche concurrent et de la requérante, qui ne possédaient qu’une part de marché, respectivement, de 19 % et de 5 %.
85 En outre, il ressort plus particulièrement des données mentionnées au point 82 ci-dessus que SAS est, en proportion, significativement plus touchée par ces restrictions que ne l’est la requérante, qui ne réalisait, ainsi que cela résulte de l’annexe A.3.2 de la requête, qu’une partie minime de son activité à destination de la Suède et depuis cet État, à la différence de SAS, pour laquelle cette partie est beaucoup plus importante.
86 Par conséquent, il y a lieu de constater que la différence de traitement en faveur de SAS est appropriée aux fins de remédier aux dommages résultant de ces restrictions et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, conformément aux motifs déjà relevés aux points 52 à 61 ci-dessus.
87 De plus, la requérante n’établit pas que, compte tenu du faible montant de la mesure en cause, rappelé au point 55 ci-dessus, au regard de l’évaluation du dommage subi par SAS, rappelée au point 41 ci-dessus, répartir ledit montant entre l’ensemble des compagnies aériennes présentes en Suède n’aurait pas privé d’effet utile ladite mesure.
88 Enfin, s’il résulte effectivement de la décision attaquée que la mesure en cause a été accordée à SAS au motif notamment que cette dernière était également éligible au régime d’aide suédois et, par voie de conséquence, qu’elle était titulaire d’une licence délivrée par le Royaume de Suède, il convient de relever que l’objectif de cette mesure n’est que de remédier au dommage subi par SAS, et non à l’ensemble des compagnies aériennes éligibles audit régime. Dès lors que SAS a été davantage affectée par les restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 que l’ensemble des compagnies présentes en Suède, y compris celles qui sont titulaires d’une licence délivrée par un autre État membre que la Suède, il y a lieu de considérer que les critères d’éligibilité du régime d’aide suédois ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité de la décision attaquée.
89 Il s’ensuit qu’il était justifié de n’accorder le bénéfice de la mesure en cause qu’à SAS et que la mesure en cause ne viole pas le principe de non-discrimination.
Sur la violation de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services
90 Il convient de rappeler que, d’une part, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil (voir arrêt du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz, C‑66/14, EU:C:2015:661, point 26 et jurisprudence citée).
91 D’autre part, la libre prestation de services s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre, indépendamment de l’existence d’une discrimination selon la nationalité ou la résidence (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, point 25). Toutefois, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE. La libre prestation des services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 36). Par conséquent, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation de services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (arrêt du 25 janvier 2011, Neukirchinger, C‑382/08, EU:C:2011:27, point 22).
92 C’est dès lors uniquement sur la base de l’article 100, paragraphe 2, TFUE que des mesures de libéralisation des services de transports aériens peuvent être adoptées (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 38). Or, ainsi que le relève, à juste titre, la requérante, le législateur de l’Union a adopté le règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), sur le fondement de cette disposition, qui a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, points 23 et 24).
93 En l’espèce, il convient de relever que la requérante soutient, en substance, que la mesure en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services du fait de son caractère discriminatoire.
94 Or, s’il est vrai que la mesure en cause porte sur une aide individuelle qui ne bénéficie qu’à SAS, la requérante n’établit pas en quoi ce caractère exclusif est de nature à la dissuader de s’établir en Suède ou d’effectuer des prestations de services depuis ce pays et à destination de celui-ci. La requérante reste notamment en défaut d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que cette mesure produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais qui, ainsi qu’il a été jugé aux points 70 à 89 ci-dessus, sont néanmoins nécessaires et proportionnés pour remédier aux dommages causés à SAS par l’évènement extraordinaire qu’est la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences prévues par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
95 Par conséquent, la mesure en cause ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services.
96 Dans ces conditions, il convient d’écarter le troisième moyen de la requérante.
Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission a violé les droits procéduraux de la requérante en refusant d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de difficultés sérieuses
97 La requérante soutient que l’examen mené par la Commission était insuffisant, notamment concernant la proportionnalité de la mesure en cause ainsi que la compatibilité de cette dernière avec le principe de non-discrimination et ceux relatifs à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement. Or, le caractère insuffisant de cet examen témoignerait de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen et à permettre à la requérante de présenter ses observations et, ainsi, d’influer sur ledit examen.
98 La Commission, la République française, le Royaume de Suède et SAS contestent l’argumentation de la requérante.
99 Il convient de relever, ainsi que le fait, en substance, valoir la Commission, que le quatrième moyen de la requérante présente, en réalité, un caractère subsidiaire, pour le cas où le Tribunal n’aurait pas examiné le bien-fondé de l’appréciation de l’aide en tant que tel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un tel moyen vise à permettre à une partie intéressée d’être jugée recevable, en cette qualité, à introduire un recours au titre de l’article 263 TFUE, ce qui lui serait autrement refusé (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 48, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 44). Or, le Tribunal a examiné les trois premiers moyens du recours, se rapportant au bien-fondé de l’appréciation de l’aide en tant que tel, de sorte qu’un tel moyen se trouve privé de sa finalité affichée.
100 Au surplus, force est de constater que ce moyen est dépourvu de contenu autonome. En effet, dans le cadre d’un tel moyen, la partie requérante peut invoquer, aux fins de la préservation des droits procéduraux dont elle bénéficie dans le cadre de la procédure formelle d’examen, uniquement des moyens de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase d’examen préliminaire de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81 ; du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 35, et du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59), comme le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire ou l’existence de plaintes provenant de parties tierces. Or, il convient de relever que le quatrième moyen reprend de façon condensée les arguments soulevés dans le cadre des premier à troisième moyens sans mettre en évidence d’éléments spécifiques relatifs à d’éventuelles difficultés sérieuses.
101 Pour ces motifs, il convient de constater que, le Tribunal ayant examiné au fond lesdits moyens, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de ce moyen.
Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE
102 La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE dans la mesure où elle n’a pas apprécié l’avantage concurrentiel accordé à SAS, n’a pas expliqué la manière dont elle avait déterminé le montant de la mesure en cause, n’a pas évalué les dommages causés par la pandémie de COVID-19, n’a pas vérifié que cette mesure était conforme au principe de non-discrimination ainsi qu’à ceux relatifs à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement et n’a pas tenu compte du fait que cette mesure était subsidiaire au regard du régime d’aide suédois et n’a pas vérifié si ladite mesure était compatible avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Le raisonnement de la Commission serait ainsi soit inexistant, soit tautologique, soit contradictoire.
103 Lors de l’audience, la requérante a ajouté, en substance, que l’évènement extraordinaire, au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, en cause en l’espèce n’était pas clairement identifié dans la décision attaquée. Elle a fait valoir que le paragraphe 9 de la décision attaquée faisait référence aux restrictions en matière de déplacement, lesquelles auraient été levées au milieu du mois de juin 2020, alors que le paragraphe 29 de cette décision faisait référence à la pandémie de COVID-19, dans son ensemble, et qu’il envisageait un dommage qui se matérialiserait jusqu’au mois de mars 2021. Elle précise, enfin, que la Commission, outre qu’elle aurait violé son obligation de motivation, aurait méconnu une formalité substantielle.
104 La Commission, la République française, le Royaume de Suède et SAS contestent l’argumentation de la requérante.
105 À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37) et doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79).
106 En l’espèce, s’agissant de la nature de l’acte en cause, la décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 dudit article, qui, quant à elle, est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données relatives à cette aide.
107 Or, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 65).
108 À cet égard, premièrement, s’agissant de la valeur de l’avantage concurrentiel et du montant de l’aide, il convient de relever que la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, que le Royaume de Suède ne pouvait pas déterminer le montant de la mesure en cause dans la mesure où SAS n’avait pas encore négocié de ligne de crédit renouvelable en bénéficiant de cette mesure à la date de l’adoption de cette décision. Elle a toutefois estimé le taux qui lui aurait été imposé en l’absence de ladite mesure, ainsi qu’il a été mentionné au point 55 ci-dessus. Elle a en outre apprécié la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur en tenant compte de la valeur nominale de celle-ci.
109 Par ailleurs, pour autant que la requérante fasse référence à l’avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire de la mesure en cause, il suffit de constater, ainsi qu’il résulte du point 64 ci-dessus, que la Commission n’avait pas à prendre en considération un tel avantage aux fins d’apprécier la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, de sorte qu’elle n’avait pas non plus à le mentionner dans la décision attaquée.
110 Enfin, la Commission a, d’une part, évalué le dommage subi par SAS entre 5 et 15 milliards de SEK et, d’autre part, indiqué les éléments, rappelés au point 45 ci-dessus, qui devraient être pris en considération aux fins du calcul, par le Royaume de Suède, de ce dommage.
111 Deuxièmement, s’agissant du principe de non-discrimination et de ceux relatifs à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement, il convient, certes, de rappeler que, lorsque les bénéficiaires de l’acte, d’une part, et d’autres opérateurs exclus, d’autre part, se trouvent placés dans une situation comparable, l’institution de l’Union, auteur de l’acte, est tenue d’exposer, dans le cadre d’une motivation spécifique, en quoi la différence de traitement ainsi instaurée est objectivement justifiée (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 82). Toutefois, en l’espèce, il y a lieu de constater que la décision attaquée contient les éléments, rappelés au point 82 ci-dessus, permettant de comprendre la raison pour laquelle la Commission a estimé qu’il était justifié que SAS soit la seule à pouvoir bénéficier de la mesure en cause.
112 Troisièmement, s’agissant de la compatibilité de la mesure en cause avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, il suffit de constater que cette mesure a été déclarée compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Or, la décision attaquée ne serait insuffisamment motivée que si la Commission avait été tenue d’appliquer l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 45), ce qui, ainsi qu’il a été relevé au point 34 ci-dessus, n’était pas le cas en l’espèce.
113 Quatrièmement, s’agissant de l’évènement extraordinaire en cause en l’espèce, il convient de relever, ainsi qu’il a été mentionné au point 20 ci-dessus et qu’il résulte des paragraphes 53 à 58 de la décision attaquée, que la Commission a considéré que la pandémie de COVID-19 constituait un tel évènement.
114 Par ailleurs, si le paragraphe 3 de la décision attaquée indique, certes, que la recommandation des autorités suédoises d’éviter les déplacements non essentiels s’appliquera « au moins jusqu’au 15 juin 2020 », il y a lieu de relever que l’objectif de la mesure en cause, mentionné au paragraphe 9 de cette décision, est d’indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19, sans que ces restrictions soient précisément identifiées. Par conséquent, il ne ressort pas de la décision attaquée que le dommage subi par SAS ne pourrait pas également résulter de restrictions qui continueraient à s’appliquer, ou qui seraient adoptées, après la levée de la recommandation des autorités suédoises, dont il résulte d’ailleurs des termes exprès du paragraphe 3 de cette décision qu’elle était susceptible de continuer à s’appliquer après le 15 juin 2020. Par conséquent, il convient de relever qu’il n’y avait pas de contradictions à considérer à la fois que le dommage subi par SAS résultait de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et que ce dommage pouvait se matérialiser après le 15 juin 2020 et jusqu’en 2021.
115 Il s’ensuit que la décision attaquée est suffisamment motivée et qu’il convient, en conséquence, d’écarter le cinquième moyen de la requérante.
116 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.
Sur les dépens
117 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière, y compris les dépens exposés dans le cadre de la demande de traitement confidentiel.
118 La République française et le Royaume de Suède supporteront leurs propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.
119 SAS supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Ryanair DAC est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris les dépens exposés dans le cadre de la demande de traitement confidentiel.
3) La République française, le Royaume de Suède et SAS AB supporteront leurs propres dépens.