Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-23.685
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 17 février 2015, pourvoi n° 13-24.630), que par acte authentique du 5 décembre 1975, MM. Q... et F... N... et Mme M... N... (les consorts N...), alors mineurs et représentés par leur père, M. O... N... (M. N...), ont acquis un premier terrain aux Avirons (La Réunion) puis, par acte du 6 février 1976, un second situé à Mont-Vert Les Hauts ; que le 20 février 1991, M. N... a été mis en liquidation judiciaire, M. H... étant désigné liquidateur ; que le 1er janvier 1995, les consorts N..., devenus majeurs, ont accordé à M. N... la jouissance temporaire du terrain de Mont-Vert Les Hauts ; que sur leur demande, un jugement du 31 août 2001 a ordonné l'expulsion sous astreinte de M. N... des terrains qu'il occupait ; que ce jugement a été signifié à M. N... le 24 septembre suivant et confirmé par un arrêt du 29 novembre 2002 ; qu'après le dépôt d'un rapport d'expertise relatif à la valeur des constructions faites sur le terrain par l'occupant, un arrêt du 15 avril 2011 a condamné les consorts N... à rembourser à M. H..., ès qualités, la somme de 414 501 euros sur le fondement de l'article 555 du code civil ; que le 6 juillet 2011, les consorts N... ont fait citer M. N... et M. H..., ès qualités, devant le juge de l'exécution en liquidation de l'astreinte provisoire prononcée par le jugement du 31 août 2001 et en fixation d'une nouvelle astreinte, ainsi que d'une indemnité mensuelle d'occupation ; que le juge de l'exécution a rejeté les demandes des consorts N... ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que les consorts N... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de fixation d'une indemnité d'occupation alors, selon le moyen, que constitue une faute dont le juge de l'exécution assure la réparation le fait, pour celui à l'encontre duquel un jugement exécutoire a prononcé une mesure d'expulsion, de ne pas exécuter cette décision ; qu'en l'espèce, il était constant que la mesure d'expulsion ordonnée par le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Pierre du 31 août 2001 n'avait pas été exécutée ; qu'en déboutant les propriétaires du terrain occupé par M. O... N... de leur demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'inexécution par celui-ci de cette mesure d'expulsion, jugement qui lui avait été signifié, au prétexte qu'ils n'avaient jamais tenté de faire exécuter cette décision après sa signification, et que seul le préjudice résultant du fait que le demandeur n'avait pas pu exécuter la mesure d'exécution forcée dont il bénéficiait pouvait être réparé sur le fondement de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'alinéa 4 de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires ; qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'après la signification à M. N... du jugement ordonnant l'expulsion le 24 septembre 2001, les consorts N... n'ont jamais tenté de faire exécuter la mesure, l'arrêt a retenu à bon droit, en l'absence de mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée dont ils ne pouvaient dès lors invoquer l'inexécution dommageable, que les consorts N... ne pouvaient former une demande en réparation sur le fondement du texte précité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 152 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, et 34 et 36 de la loi du 9 juillet 1991, dans leur rédaction applicable en la cause ;
Attendu que pour confirmer le jugement et rejeter les demandes relatives à la liquidation de l'astreinte, l'arrêt retient que le droit accordé sur le terrain à M. N... par ses enfants, qui visait sa mise en valeur, excède un simple droit de jouissance personnel d'un local d'habitation et a un caractère essentiellement patrimonial, de sorte que la liquidation de l'astreinte provisoire n'échappe pas à la règle du dessaisissement et que, le jugement du 31 août 2001 n'ayant pas été signifié au liquidateur, l'astreinte n'a pas couru contre lui et n'a pas non plus couru contre M. N..., dessaisi de l'administration et de la disposition du terrain litigieux, par l'effet du jugement de liquidation judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le droit de jouissance du terrain, comportant l'usage d'un immeuble d'habitation, avait été conféré à M. N..., postérieurement au jugement d'ouverture de sa procédure collective, ce dont il résultait que l'instance en liquidation d'astreinte provisoire, qui tendait à obtenir l'expulsion du débiteur en liquidation judiciaire d'un immeuble d'habitation sur lequel il disposait d'un droit de jouissance attaché à sa personne, relevait d'une action à laquelle il pouvait se défendre seul et qui échappait à la règle du dessaisissement, peu important l'existence d'une créance importante sur les consorts N..., consacrée par l'arrêt du 15 avril 2011au profit du liquidateur, au titre des constructions édifiées sur les terrains par M. N..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de fixation d'une indemnité d'occupation présentée par MM. Q... et F... N... et Mme M... N..., l'arrêt rendu le 5 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.