Cass. 1re civ., 1 décembre 1993, n° 91-19.973
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Bouillane de Lacoste
Rapporteur :
M. Sargos
Avocat général :
Mme Le Foyer de Costil
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me. Henry
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond que par acte authentique du 14 avril 1978, les époux Y... se sont rendus cautions hypothécaires d'un prêt de 60 000 francs consenti par Mme X... aux époux Z... et remboursable le 14 avril 1981, étant précisé qu'une clause de l'acte stipulait que " le prêteur ne pourra accorder aucune prorogation de délai aux débiteurs sans le consentement exprès et par écrit de M. et Mme Y..., sous peine de perdre tous recours et actions contre ces derniers " ; qu'en février 1988, Mme X..., pour avoir paiement du montant du prêt, non remboursé à son échéance, a fait signifier aux époux Y... un commandement afin de saisie immobilière, dont ils ont demandé la nullité en faisant valoir que Mme X... avait consenti aux époux Z... une prorogation de délai jusqu'au mois de mars 1983, date de leur mise en liquidation des biens, et cela sans l'accord des cautions, de sorte qu'en application de la clause précitée, ils étaient déchargés de leur engagement ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 2 juillet 1991), retenant ce moyen a accueilli la demande des époux Y... ;
Attendu que Mme X... fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors que, d'une part, l'absence de poursuite à l'échéance ne peut être assimilée à une prorogation tacite de délais, alors que, d'autre part, en s'abstenant de rechercher si compte tenu de la procédure collective en cours à l'encontre du débiteur principal, qui fut ultérieurement clôturée pour insuffisance d'actif, l'absence de poursuite contre ce débiteur, pouvait être considérée comme l'octroi de délai susceptible, selon le contrat, de décharger la caution de son engagement la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale, et alors que, enfin, la caution pouvant agir contre le débiteur même avant d'avoir payé en vertu de l'article 2032 du Code civil, elle ne pourrait ensuite se prévaloir de l'absence de poursuite du créancier pour échapper à son engagement ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, statuant par motifs propres ou adoptés, a relevé que Mme X... ne justifiait pas avoir tenté un quelconque recouvrement de sa créance à l'échéance du prêt, ni être intervenue auprès des débiteurs principaux après le 14 avril 1981 pour obtenir le remboursement ni avoir procédé à des actes de poursuites ; que c'est par une appréciation souveraine de l'intention de la créancière que la cour d'appel a estimé qu'elle avait ainsi, par son inaction, accordé une prorogation tacite de délais aux débiteurs principaux sans l'accord des cautions ;
Attendu, ensuite, que les époux Y..., reprochant à Mme X... d'avoir consenti une prorogation de délais aux débiteurs entre le 14 avril 1981 et le mois de mars 1983, date du premier jugement intervenu dans la procédure collective, la cour d'appel n'avait pas à rechercher les incidences de cette procédure sur les délais consentis, déjà écoulés ;
Attendu, enfin, que les dispositions de l'article 2032 du Code civil, destinées à accroître les garanties de la caution, ne peuvent être invoquées à son encontre par le créancier ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.