Cass. com., 28 juin 1994, n° 92-14.960
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pasturel
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Curti
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Peignot et Garreau
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 janvier 1992), que par acte sous seing privé en date du 30 janvier 1986, les époux Touze ont vendu aux époux X... un fonds de commerce pour le prix de 480 000 francs sur lequel 100 000 francs ont été réglés comptant, le solde étant stipulé payable dans un délai de 2 mois au moyen d'un prêt que les acquéreurs déclaraient avoir sollicité d'une banque et qui a été ultérieurement accordé ; que, par un second acte sous seing privé, également en date du 30 janvier 1986, les époux X... ont reconnu devoir aux époux Touze la somme de 150 000 francs, montant en principal du prêt que ceux-ci leur consentaient le jour même, " afin de leur permettre de régler en partie les frais d'acquisition de leur fonds de commerce " ; qu'après avoir notifié aux époux X..., les 17 et 18 mai 1988, un commandement d'avoir à payer une certaine somme au titre des échéances correspondant à la période du 1er juillet 1986 au 1er mai 1988, avec rappel de la clause d'exigibilité contenue dans l'acte, les époux Touze ont assigné les époux X... et les époux Hay, cautions de ceux-ci, en paiement du montant en principal du prêt, des intérêts au taux conventionnel et de dommages-intérêts ; qu'après la mise en liquidation judiciaire des époux Touze, M. Bach est intervenu à l'instance en qualité de liquidateur et qu'à la suite du décès de M. X..., il a assigné en reprise d'instance sa veuve, prise en sa qualité d'administratrice légale de ses deux enfants mineurs, Hervé et Stéphanie X... (les consorts X...) ; qu'Hervé X..., devenu majeur, est intervenu devant la cour d'appel pour reprendre l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel interjeté par les consorts X... et les époux Hay plus d'un mois après la signification de la décision des premiers juges, effectuée à la requête des époux Touze, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les actes accomplis par une personne en liquidation judiciaire, dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens, ne sont pas frappés de nullité mais simplement d'inopposabilité à la masse de ses créanciers ; que cette inopposabilité ne peut être invoquée que par le liquidateur qui en est le représentant, lorsque l'intérêt de la masse, en faveur de laquelle elle est édictée, le commande ; qu'en l'espèce, par conséquent, seul le liquidateur aurait pu se prévaloir de l'irrégularité de la signification du jugement effectué à la requête des seuls prêteurs en liquidation judiciaire ; qu'en permettant, au contraire, à des tiers de l'opposer au liquidateur qui entendait ratifier l'acte, la cour d'appel a violé l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que le dessaisissement de la personne en liquidation judiciaire n'emporte pas incapacité mais simplement inopposabilité de ses actes à la masse des créanciers ; qu'en conséquence, ce dessaisissement ne peut être assimilé à un défaut de capacité d'ester en justice au sens de l'article 117 du nouveau Code de procédure civile et, partant, l'acte de procédure effectué au mépris du dessaisissement, dont seul le liquidateur peut se prévaloir, ne saurait être considéré comme une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte ; qu'en déclarant, pour annuler l'acte de signification effectué à la seule requête des prêteurs, que leur dessaisissement s'analysait en une incapacité d'ester en justice et que ce vice constituait bien une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, bien que le liquidateur l'eût ratifié, la cour d'appel a violé l'article 117 du nouveau Code de procédure civile ainsi que l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que l'irrégularité d'un acte de procédure peut toujours être couverte tant que le juge n'a pas statué ; que le propre de la ratification est de couvrir la nullité dont l'acte était à l'origine entaché ; qu'en déclarant que la ratification ultérieure par le liquidateur de l'acte de signification du jugement n'avait pu avoir pour effet de faire courir le délai de recours, la cour d'appel a violé l'article 121 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la représentation du débiteur en liquidation judiciaire par le liquidateur, pour tous les droits et actions concernant son patrimoine, est une règle d'ordre public imposée par l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la signification d'un jugement faite par le débiteur dessaisi est nulle et ne peut avoir pour effet de faire courir le délai d'appel à l'encontre du destinataire de l'acte ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel, abstraction faite du motif, erroné mais surabondant, dont fait état la deuxième branche, a accueilli l'exception tirée par les époux X... de la nullité de la signification du jugement faite par les époux Touze le 2 octobre 1990 et en a déduit la recevabilité de leur appel, après avoir retenu qu'une ratification ultérieure de cet acte n'avait pas pour effet de faire courir un délai qui ne pouvait pas courir au moment de l'acte, du fait de sa nullité ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; Et sur le second moyen, pris en ses six branches : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.