Livv
Décisions

Cass. com., 4 avril 2006, n° 04-15.833

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rennes, 1er ch. civile, sect. B, du 3 ju…

3 juillet 2003

Attendu, selon l'arrêt déféré et les productions, que la Caisse de Crédit agricole mutuel de Paris (la caisse) a consenti aux époux X..., mariés sous le régime de la séparation de biens, un prêt destiné à financer des travaux de réparation d'un immeuble indivis, au remboursement duquel ils se sont solidairement engagés, garanti par le cautionnement solidaire de M. Y... (la caution) ; qu'à ce titre, les époux X... ont été, le 12 octobre 1992, condamnés à payer une certaine somme à la caisse ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 27 avril 1993 ; que par arrêt du 11 mars 1994, la cour d'appel de Versailles a déclaré recevable la demande d'ouverture du redressement judiciaire civil présentée par Mme X...; que la caisse ayant demandé à la caution d'exécuter son engagement, celle-ci a été, par jugement du 20 décembre 1994, condamnée à lui payer la même somme, tandis que les époux X..., appelés en intervention forcée, hors la présence du liquidateur judiciaire de M. X..., étaient condamnés à la relever et garantir ; qu'après avoir partiellement désintéressé la caisse, la caution a, le 23 octobre 2001, signifié aux époux X... un commandement aux fins de saisie-vente fondé sur ce jugement ; qu'après la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de M. X..., prononcée pour insuffisance d'actif le 8 novembre 2001, les époux X..., ont, par acte des 21 et 23 novembre 2001, contesté la validité de ce commandement ; que le juge de l'exécution a, le 4 juin 2002, accueilli la demande, mais au profit de M. X... seulement ;

Sur le premier moyen pris en ses trois premières branches :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir validé le commandement de payer qui leur a été délivré le 23 octobre 2001, alors, selon le moyen :

1 / que le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement ; que dès lors que M. X... était en liquidation judiciaire lors du jugement du 20 décembre 1994 le condamnant avec son épouse à garantir M. Y... d'une condamnation prononcée au titre d'un prêt accordé aux époux X... avant l'ouverture de la procédure collective, ce jugement ne pouvait avoir valeur de titre exécutoire à son égard ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a méconnu le principe de l'arrêt des poursuites individuelles et violé l'article L. 621-40 du Code de commerce ;

2 / qu'il appartient au tribunal saisi d'une procédure collective de connaître de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaire ; qu'en application de ce principe, il n'appartenait, le cas échéant, qu'au tribunal de commerce de Versailles de délivrer par ordonnance, à M. Y... un titre exécutoire permettant d'opérer la saisie-vente ; qu'en considérant qu'elle était à même de se prononcer sur le recouvrement du droit de poursuite individuelle allégué par M. Y..., la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 ;

3 / que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat et s'il le fait, il méconnaît, en outre, le principe de la contradiction ; qu'en déduisant la fraude alléguée d'une dissimulation de meubles meublants que M. X... aurait reçu par voie de succession en 1985, faits qui n'étaient pas dans les débats dès lors qu'ils ne résultaient pas des conclusions des parties, la cour d'appel a violé l'article 7 et, du même coup, l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que les époux X... ont saisi le juge de l'exécution pour lui demander d'annuler le commandement de saisie-vente délivré à M. X..., par application des dispositions des articles 169 et 170 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'ils ne peuvent maintenant proposer un moyen, fût-il de pur droit ou d'ordre public, incompatible avec la position qu'ils ont adoptée devant les juges du fond ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte pas de leurs conclusions qu'ils aient soutenu que pour avoir été rendu en méconnaissance de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, le jugement du 20 décembre 1994 n'avait pas valeur de titre exécutoire à l'égard de M. X... ;

Attendu, enfin, que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel, n'a pas introduit dans le débat des éléments de fait ou de droit dont les parties n'auraient pas été à même de débattre contradictoirement ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses première et deuxième branches, n'encourt pas le grief invoqué à la troisième branche ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir validé le commandement de payer, alors, selon le moyen :

1 ) que dès lors que M. X... était en liquidation judiciaire lors du jugement du 20 décembre 1994 condamnant "les époux X..." à garantir M. Y... et que l'arrêt a relevé que ce dernier "s'était constitué caution des époux X... coemprunteurs solidaires à l'égard du Crédit agricole", la cassation de l'arrêt en ce qu'il a refusé de prononcer la nullité du commandement à l'égard de M. X..., entraînera par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a également refusé de prononcer la nullité du commandement à l'égard de Mme X..., ledit jugement ne pouvant avoir valeur de titre exécutoire à l'encontre des époux solidairement tenus et garantis ;

2 / qu'après avoir établi que la cour d'appel de Versailles avait ouvert une procédure de redressement judiciaire civil à l'égard de Mme X... et renvoyé celle-ci à saisir le juge de l'exécution pour qu'il détermine le montant des dettes dont elle devrait assumer le remboursement dans le cadre de son redressement judiciaire civil, à l'issue des opérations de liquidation judiciaire concernant M. X..., lesquelles avaient pris fin par jugement de clôture pour insuffisance d'actif, la cour d'appel devait rechercher s'il n'appartenait qu'au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles de procéder à la vérification de la créance alléguée par M. Y... à l'encontre de Mme X... ; qu'en approuvant la validation du commandement de saisie-vente qui lui avait été délivrée sans procéder à cette recherche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1351 du Code civil ;

3 / que dans ses conclusions d'appel, Mme X... avait fait valoir que si des biens indivis devaient faire l'objet d'une saisie, ils ne pouvaient en aucun cas faire l'objet d'une vente avant le partage de l'indivision ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt des poursuites individuelles à l'encontre de M. X..., seul en liquidation judiciaire, étant sans application à l'égard de son coobligé, maître de ses biens, à l'égard duquel le créancier a conservé son droit d'agir, l'annulation du commandement ne peut profiter qu'à M. X... ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que Mme X... avait été condamnée à garantir M. Y... de la condamnation prononcée à son encontre, en sa qualité de caution des époux X... co-emprunteurs solidaires, ce dont il se déduisait que M. Y... avait les deux coïndivisaires comme débiteurs solidaires de sorte qu'il n'était pas tenu de provoquer le partage des biens indivis sur lesquels s'exerçait la poursuite, la cour d'appel qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche évoquée à la deuxième branche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit qu'inopérant en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 622-9 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que pour rejeter la demande de nullité du commandement en tant que délivré à M. X..., l'arrêt retient que les documents versés aux débats établissent que M. X... a informé M. Y... de la nécessité de produire entre les mains de M. Z..., qu'il ne peut prétendre que M. X... lui aurait celé la procédure de liquidation judiciaire dont il faisait l'objet, étant observé que la date d'envoi de la pièce par fax est totalement erronée, cette pièce ayant été communiquée par fax entre les conseils des parties dans le cadre de l'actuelle procédure mais ne porte nullement atteinte à la valeur probante de ce document ; que l'absence du mandataire liquidateur à la procédure d'intervention forcée qui a donné lieu au jugement du 20 décembre 1994 ne suffit pas à caractériser l'existence d'une fraude ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que lorsque le commandement lui avait été délivré le 23 octobre 2001, M. X... était en liquidation judiciaire, ce dont il résultait que celui-ci se trouvait dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS,

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide le commandement aux fins de saisie-vente délivré à M. X... le 23 octobre 2001, l'arrêt rendu le 3 juillet 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;  ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.