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Décisions

Cass. com., 22 mars 1994, n° 92-10.663

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Pasturel

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Blondel, Me Parmentier

Besançon, du 13 nov. 1991

13 novembre 1991

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant plusieurs marchés à forfait conclus le 30 juin 1988, la société civile immobilière de Valcombe (la SCI), qui avait entrepris une opération de rénovation et de transformation d'un immeuble, a confié à la société Scheneder l'exécution du lot de maçonnerie, du lot placoplâtre ainsi que du lot isolation, celui-ci pour 124 938,93 francs ; que, pendant la réalisation des travaux de maçonnerie, la SCI a résilié le contrat au motif que la société Scheneder n'aurait pas exécuté correctement ces ouvrages et aurait été responsable de retards dans l'exécution de son lot ; que la société Scheneder a, le 19 décembre 1988, assigné la SCI en paiement de factures d'un montant total de 185 532,60 francs et d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que la SCI a résisté à la demande en faisant valoir que les travaux avaient été mal ou non exécutés, que les devis correspondant à des travaux supplémentaires n'avaient pas fait l'objet d'une acceptation, que la société Scheneder n'avait pas respecté les délais d'exécution et que les travaux de gros-oeuvre avaient été repris et menés à leur terme par une autre entreprise ; que la société Scheneder ayant été mise en liquidation judiciaire, le liquidateur est intervenu à l'instance ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme de 185 532,60 francs, représentant le montant des factures de travaux, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en affirmant que la créance de la société Scheneder n'était contestée ni dans son principe ni dans son montant, la cour d'appel méconnaît l'objet du litige car la SCI faisait valoir dans ses écritures, non pas une exception de compensation, mais une exception d'inexécution tirée de toute une série de manquements de l'entreprise chargée des lots gros-oevre et isolation pour s'opposer à la demande en paiement de factures ; qu'ainsi a été violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que la cour d'appel se devait d'examiner le litige tel que soumis à sa sagacité par la SCI dans ses véritables dimensions, et ce spécialement eu égard à l'exception d'inexécution invoquée en substance ; qu'en ne procédant pas ainsi, la cour d'appel méconnaît son office au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, et partant, ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1184 du Code civil ; et alors, enfin, que, par motifs adoptés, la cour d'appel se borne à se référer aux pièces et éléments du dossier sans les analyser, si bien qu'elle ne met pas la Cour de Cassation à même d'exercer son contrôle, privant sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la SCI, qui avait mis fin, par une résiliation unilatérale, au contrat conclu avec la société Scheneder, invoquait non pas l'exception d'inexécution, qui permet à une partie à un contrat synallagmatique de refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas reçu la prestation à elle due en vertu de la convention, mais une exception fondée sur la compensation entre la créance dont elle se prétendait titulaire par suite de l'inexécution ou de l'exécution défectueuse du contrat et celle de la société Scheneder ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a méconnu ni son office ni l'objet du litige ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la créance de la société Scheneder n'était contestée ni dans son principe ni dans son montant par la SCI, la cour d'appel n'avait pas à procéder à l'analyse des pièces et éléments du dossier ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir constaté l'extinction de la créance de la SCI, alors, selon le pourvoi, qu'une déclaration de créance peut utilement découler d'une assignation en intervention du liquidateur faite dans le délai de production et tendant à voir déclarer responsable le débiteur frappé par une procédure collective ; qu'en décidant le contraire sur le fondement de motifs inopérants, la cour d'appel viole l'article 51 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 67 et 68 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'assignation en intervention forcée délivrée par la SCI au liquidateur judiciaire de la société Scheneder ne valait pas déclaration de sa créance et que, dès lors, celle-ci, à la supposer établie, se trouvait éteinte faute d'avoir été déclarée au passif ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel a fixé à 185 532,60 francs le montant de la condamnation prononcée contre la SCI ;

Attendu, cependant, qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI, qui soutenait qu'il devait lui être tenu compte d'un paiement de 25 204,28 francs effectué par elle le 4 novembre 1988, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt a condamné la SCI à payer 10 000 francs de dommages-intérêts à la société Scheneder en retenant, par confirmation de la décision des premiers juges, que la demande " est fondée " ;

Attendu, cependant, qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif concernant la faute qu'aurait commise la SCI au préjudice de la société Scheneder, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à 185 532,60 francs le montant de la condamnation prononcée contre la société civile immobilière de Valcombe et en ce qu'il a condamné cette dernière au paiement d'une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 13 novembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.