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Décisions

Cass. crim., 9 février 2005, n° 03-85.508

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Dulin

Avocat général :

Mme Commaret

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Bachellier et Potier de la Varde

Montpellier, du 5 août 2003

5 août 2003

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel X..., mandataire judiciaire, a été désigné en qualité de représentant des créanciers dans la procédure de redressement judiciaire ouverte, le 9 novembre 1993, à l'encontre de Georges Y... ; que le 25 octobre 1994, un plan de continuation a été homologué par la juridiction consulaire, Michel X... étant désigné commissaire à l'exécution du plan ; que le 6 mai 1997, la liquidation judiciaire de l'entreprise a été prononcée et ce dernier a été nommé liquidateur ; Qu'à la fin de l'année 1994, le prévenu a fait exécuter à son domicile personnel, par Georges Y..., des travaux, pour un montant de 59 694,77 francs, somme qu'il n'a jamais réglée, au motif qu'elle devrait se compenser avec les honoraires dus au titre de la procédure collective ; que cette somme n'a pas été comptabilisée par Georges Y... et n'a pas figuré à l'actif de la liquidation ; Que ce dernier a saisi les autorités judiciaires après que Michel X... eut fait taxer ses honoraires en ne défalquant pas de ceux-ci le coût des travaux effectués à son domicile ; Qu'après enquête, Michel X... a été cité directement devant le tribunal correctionnel pour malversation ; En cet état ; Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-12 1 du Code de commerce, 6, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt a rejeté l'acceptation de prescription soulevée par Michel X..., et l'a déclaré coupable du délit de détournement de fonds ou acceptation d'avantages par administrateur ou liquidateur dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires, en le condamnant de ce chef ; "aux motifs que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté par la victime ; qu'il n'est pas discuté que la somme de 59 674,77 francs due par Michel X... au titre des travaux effectués par Georges Y... devait se compenser avec celle correspondant aux honoraires dus à Michel X... dans le cadre de sa mission de mandataire judiciaire ; que ce n'est donc que le 10 juillet 2000, à la réception de l'état de frais de Michel X..., que Georges Y... a découvert que la compensation convenue n'avait pas été réalisée, et a été en mesure de dénoncer l'infraction ; que le point de départ du délai de prescription est donc le 10 juillet 2000, étant précisé que c'est par réquisitions du 22 février 2001 que le procureur de la République a ordonné une enquête sur les faits dénoncés ; "alors, d'une part, que la prescription de l'action publique du chef de détournement de fonds ou acceptation d'avantages par un liquidateur court à compter de l'acte de détournement ou acceptation d'avantages ; que, selon la cour d'appel, les avantages reçus sont constitués par les travaux d'un montant de 59 674,77 francs effectués par Georges Y... au domicile de Michel X..., selon factures des 20 décembre 1994 et 30 mars 1995, non payées par ce dernier ; qu'il s'ensuit que les faits remontant à 1994 et 1995 étaient prescrits à la date du réquisitoire du procureur de la République du 22 février 2001 ; "alors, d'autre part, que, même à supposer que, concernant le délit de malversation, le point de départ du délai de prescription puisse être reporté à la date où, après dissimulation, l'infraction est apparue et a pu être constatée dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique, la cour d'appel, en s'abstenant de préciser en quoi les deux factures des 20 décembre 1994 et 30 mars 1995 avaient pu être dissimulées à Georges Y... qui les avait lui-même émises, et en quoi ce dernier, qui avait dès le 25 octobre 1994 retrouvé sa pleine capacité en bénéficiant d'un plan de continuation, aurait été dans l'impossibilité de découvrir le défaut de règlement ou de compensation de sa créance, de solliciter le règlement ou de dénoncer ce défaut de paiement, a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de prescription soulevée par le prévenu, l'arrêt attaqué, qui relève que Michel X... s'est abstenu de porter, dans les comptes de la liquidation, le montant des factures des travaux réalisés à son domicile, retient que le délit de malversation n'a été révélé qu'au mois de juillet 2000, par les déclarations de Georges Y... et qu'ainsi les faits n'étaient pas prescrits lorsque le procureur de la République a saisi les services de police pour enquête le 22 février 2001 ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et dès lors que le point de départ de la prescription de l'action publique du délit de malversation doit être fixé au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-12 1 du Code de commerce, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble excès de pouvoir, violation des droits de la défense et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit de détournement de fonds ou acceptation d'avantages par un administrateur ou liquidateur dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires, tel que visé à la prévention, et l'a condamné de ce chef ; "aux motifs que Georges Y..., alors en redressement judiciaire, a effectué des travaux au domicile de Michel X... courant 1994 pour un montant total de 59 674,77 francs toutes taxes comprises, lesquels ont fait l'objet de deux factures des 20 décembre et 30 mars 1995 ; qu'il était convenu que la créance de travaux devait se compenser avec les sommes dues par Y... à X... au titre de ses honoraires dans le redressement judiciaire ; que X... ayant, selon ses dires, renoncé à taxer les honoraires relatifs à cette procédure, la compensation ne pouvait plus s'effectuer ; qu'au demeurant, si la compensation avait été opérée, il serait resté redevable d'un somme de 28 352,94 francs ; que rien ne dit que les parties ont entendu proroger la convention initiale dans le but de compenser la créance Y... avec celle qui aurait pu naître au profit de Michel X... dans le cadre d'une éventuelle liquidation judiciaire de Georges Y... ; que, devenu liquidateur le 6 mai 1997, Michel X... devait recouvrer les créances du débiteur et procéder à l'encaissement des factures litigieuses ; que, dans la perspective d'une compensation avec de futurs honoraires, il appartient à tout le moins à Me X... de porter cette créance à l'actif de la liquidation Y... ; qu'il a ainsi minoré l'actif de Georges Y... et bénéficié pendant plusieurs années d'un crédit injustifié ; "alors, d'une part, que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; que Michel Stebler était prévenu d'avoir, le 2 juin 2000 (date de sa demande de taxe de ses faits et honoraires ne comportant pas mention de la compensation), détourné des fonds ou accepté des avantages en ne payant pas les travaux facturés les 20 décembre 1994 et 30 mars 1995 ; qu'en reprochant à Michel X... le fait de ne pas avoir porté la créance de travaux à l'actif de la liquidation judiciaire ouverte le 6 mai 1997, et d'avoir ainsi bénéficié pendant plusieurs années d'un crédit injustifié, et le défaut d'inscription de la créance de Georges Y... à l'actif de sa liquidation prononcée le 6 mai 1997, c'est-à-dire en statuant sur des faits antérieurs au 2 juin 2000, et de surcroît non compris dans leur saisine, les juges d'appel ont violé les textes susvisés et excédé leurs pouvoirs ; "alors, d'autre part, que c'est en violation des droits de la défense et du principe de la contradiction que la cour d'appel a retenu à l'encontre de Michel X... une omission d'inscrire une créance à l'actif de la liquidation, et le bénéfice d'un crédit injustifié, dès lors que rien dans la procédure n'a permis à Michel X... de s'expliquer sur ces circonstances non comprises dans la saisine ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que le ministère public n'avait en rien explicité son argumentation ni étayé l'accusation, et qu'ainsi Michel X... n'a pas été à même de préparer sa défense ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-12 1 du Code de commerce, 1134 et 1289 du Code de procédure civile, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit de détournement de fonds ou acceptation d'avantages indus par un administrateur ou liquidateur dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, et l'a condamné de ce chef ; "aux motifs que Georges Y..., alors en redressement judiciaire, a effectué des travaux au domicile de Michel X... courant 1994 pour un montant total de 59 674,77 francs, lesquels ont fait l'objet de deux factures des 20 décembre 1994 et 30 mars 1995 ; qu'il était convenu que la créance de travaux devait se compenser avec les sommes dues par Georges Y... à Michel X... ayant, selon ses dires, renoncé à taxer les honoraires relatifs à cette procédure, la compensation ne pouvait plus s'effectuer ; qu'au demeurant, si la compensation avait été opérée, il serait resté redevable d'une somme de 28 352,94 francs que rien ne dit que les parties ont entendu proroger la convention initiale dans le but de compenser la créance Georges Y... avec celle qui aurait pu naître au profit de Michel X... dans le cadre d'une éventuelle liquidation judiciaire de Georges Y... ; que, devenu liquidateur, le 6 mai 1997, Michel X... devait recouvrer les créances du débiteur et procéder à l'encaissement des factures litigieuses ; que, dans la perspective d'une compensation avec de futurs honoraires, il appartenait à tout le moins à Me X... de porter cette créance à l'actif de la liquidation Y... ; qu'il a ainsi minoré l'actif de Georges Y... et bénéficié pendant plusieurs années d'un crédit injustifié, faisant ainsi usage, dans son intérêt, d'un pouvoir dont il disposait dans le cadre de ses prérogatives, pour soustraire un événement de l'actif de ladite liquidation, en préjudiciant gravement aux intérêts du débiteur et des créanciers ; "alors, d'une part, qu'il résulte des pièces de la procédure et de l'arrêt lui-même que le principe d'une compensation entre la créance de travaux et la créance de taxe du mandataire avait été convenu entre les deux parties ; que, à l'issue de la seconde phase de la procédure (liquidation judiciaire), lorsque le mandataire a fait fixer sa taxe, le débiteur a protesté au motif que la créance de travaux n'avait pas été prise en compte, réclamant ainsi le jeu de la compensation dont il reconnaissait ainsi l'existence, ce qu'ont confirmé les déclarations des parties civiles dans le courant de l'information ; qu'en refusant de relever que la réclamation du débiteur à propos du montant de la taxe, dont il se plaignait qu'elle n'eût pas été diminuée du montant des travaux, caractérisait la poursuite de l'accord de compensation, justifiant de sa créance de taxe, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal ; "alors, d'autre part et en toute hypothèse, que ne constitue pas un détournement de sommes perçues par le mandataire dans l'exercice de sa mission le simple fait, allégué par la prévention, de ne pas avoir payé des factures émises en 1994 et 1995, dès lors qu'aucune somme n'avait été perçue par le liquidateur, que les travaux n'avaient pas été effectués dans l'accomplissement de ses fonctions, qu'une compensation, reconnue par la cour d'appel, avait été admise par les parties pour la première partie de la procédure (jusqu'en 1997) et que, pour la deuxième phase de la procédure, le mandataire n'a pas cherché à se faire payer la totalité de sa taxe, sollicitant au contraire du juge taxateur la reconnaissance de ce qu'il entendait déduire de cette taxe le montant des travaux restant dus ; que la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le moindre acte matériel de détournement, a encore privé sa décision de base légale ; "alors, de surcroît, que ne constitue pas un "avantage indu", au sens de l'article L. 626-12 du Code de commerce, le fait de conclure avec un débiteur un accord consistant à compenser le prix de travaux effectués par ce dernier avec la taxe qui sera due au mandataire ; "alors, enfin, que le délit de l'article L. 626-12 du Code de commerce n'est caractérisé que dans la mesure où l'agissement du mandataire a porté atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur ; que, faute de s'exprimer sur la circonstance, expressément soulignée par le prévenu dans ses conclusions, que le retard apporté à la mise en oeuvre pratique de la compensation n'avait en rien nui aux intérêts des créanciers, dont les droits étaient en toute hypothèse primés par ceux du mandataire dont la taxe avait été substantiellement réduite au profit de l'actif, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale" ; Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Michel X... coupable de malversation, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci, intervenant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Georges Y..., s'est abstenu de porter la créance des travaux effectués par ce dernier, pour son compte, à l'actif de la liquidation et de la recouvrer ; qu'il a ainsi fait usage, dans son intérêt personnel, d'un pouvoir dont il disposait dans le cadre de ses prérogatives pour soustraire un élément de l'actif, portant ainsi préjudice aux intérêts des créanciers et du débiteur ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a statué dans le cadre de sa saisine et caractérisé en tous ses éléments l'infraction poursuivie, a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.