Cass. com., 8 juin 1999, n° 97-12.233
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Tiffreau, Me Le Prado
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 7 janvier 1997), qu'au cours de l'année 1990, la société Alloin transports (société Alloin), agissant en qualité de commissionnaire de transport, a organisé un certain nombre de transports pour le compte de la société Esber ; que la société Alloin, créancière du prix de transports, a retenu des marchandises que lui avait confiées la société Esber ; que celle-ci ayant été mise en redressement judiciaire, la société Alloin a, le 26 octobre 1990, déclaré à titre chirographaire une créance de 868 422,78 francs, créance admise en totalité par décision du juge-commissaire du 28 janvier 1993 ; que, le 26 mars 1993, la société Esber, estimant que du fait de sa déclaration de créance la société Alloin n'était plus fondée à retenir ses marchandises, a assigné cette société en réparation de ses préjudices ; que cette dernière société a invoqué la fin de non-recevoir tirée de la prescription annale prévue par l'article 108 du Code de commerce ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Alloin fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable, comme non prescrite, l'action de la société Esber, alors, selon le pourvoi, que l'inexécution du contrat de transport de marchandises équivalant à la perte totale de ces dernières, le délai de prescription de l'action pour pertes contre le transporteur court du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée ; qu'en décidant que le point de départ du délai serait le jour où la marchandise a été remise ou offerte au destinataire, la cour d'appel a violé l'article 108 du Code de commerce ;
Mais attendu que les marchandises sur lesquelles le commissionnaire exerce son droit de rétention ne sont pas perdues pour ce seul fait ; que c'est donc à bon droit que l'arrêt, qui a constaté que les marchandises litigieuses n'avaient pas été remises ou offertes à leur destinataire pour être retenues par la société Alloin, a décidé que le délai de l'action en réparation de ses préjudices exercée par la société Esber à l'encontre de la société Alloin n'avait pas commencé à courir ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Alloin reproche encore à l'arrêt de l'avoir déclarée responsable du préjudice subi par la société Esber par suite de la rétention de ses marchandises, alors, selon le pourvoi, que le droit de rétention de l'article 95 du Code de commerce, sûreté réelle spéciale permettant au commissionnaire impayé de retenir les marchandises du débiteur destinataire, sans être atteint par la règle de la suspension des poursuites, ne s'éteint pas par l'absence de déclaration du privilège par ledit commissionnaire à la faillite du débiteur, dès lors que la créance a été admise, serait-ce à titre chirographaire, et que n'est pas établie l'existence d'un acte positif par lequel le commissionnaire de transport aurait manifesté de façon non équivoque sa volonté de renoncer à ses privilège et droit de rétention ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 95 du Code de commerce ;
Mais attendu que le droit de rétention dont bénéficie le commissionnaire de transport sur les marchandises qui lui ont été confiées pour expédition est la conséquence du privilège institué au profit de tout commissionnaire par l'article 95 du Code de commerce ; que la cour d'appel en a exactement déduit que le commissionnaire qui n'a demandé son admission au passif de la procédure collective du commettant débiteur qu'à titre chirographaire, perdant ainsi son privilège, ne peut, non plus, retenir les marchandises ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.