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Décisions

Cass. com., 4 novembre 2014

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Me Le Mesle

Avocats :

SCP Bénabent et Jehannin, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Orléans, du 23 mai 2013

23 mai 2013

Sur les moyens uniques des pourvois, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 23 mai 2013), que la société Adg 7 Tours (la société débitrice) a été placée en redressement judiciaire par jugement du 3 février 2012 ; qu'à l'issue de la période d'observation, elle a présenté un plan de redressement tandis que la société DG résidences a offert de reprendre l'entreprise dans le cadre d'un plan de cession ;

Attendu que la société débitrice fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son plan de redressement et arrêté le plan de cession alors, selon le moyen :

1°/ que la continuation de l'entreprise peut être ordonnée lorsqu'il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif ; qu'en retenant, pour dire que le plan de redressement par continuation n'était pas sérieux, que les comptes prévisionnels de la société Adg 7 Tours étaient fondés sur des chiffres d'affaires qu'elle n'avait jamais obtenus dans le passé sans même rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel de la société Adg 7 Tours, si l'offre de la société DG résidences, dont elle avait pourtant admis le caractère sérieux, ne reprenait pas des prévisions d'exploitation et de trésorerie quasi identiques à celles du plan de redressement par voie de continuation proposé par la société Adg 7 Tours, la cour d'appel privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-1, L. 626-10 et L. 631-22 du code de commerce ;

2°/ que la continuation de l'entreprise peut être ordonnée lorsqu'il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif ; que la société Adg 7 Tours exposait qu'elle avait formulé des propositions d'apurement du passif suivant deux options, la première consistant dans le paiement dans les trente jours suivant l'adoption du plan d'un dividende unique égal à 30 % du montant des créances admises moyennant abandon par les créanciers concernés du solde de leurs créances, la seconde consistant en un règlement de l'intégralité des créances admises en dix échéances annuelles progressives et consécutives selon l'échéancier suivant : 1re et 2e échéances : 5 %, de la 3e à la 10e échéances : 11, 25 % ; qu'en ne tenant pas compte de ces possibilités sérieuses de règlement du passif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-1, L. 626-10 et L. 631-22 du code de commerce ;

3°/ que le choix du tribunal entre un plan de redressement par voie de continuation ou un plan de redressement par voie de cession doit s'opérer en se référant aux critères généraux donnés par la loi, c'est-à-dire en privilégiant la sauvegarde de l'entreprise, le maintien de l'activité et de l'emploi et enfin l'apurement du passif ; qu'en considérant que l'offre de la société DG résidences était la plus appropriée à remplir ces critères quand bien même elle avait constaté que cette offre n'avait pas pour effet d'apurer la totalité du passif contrairement à celle de la société Adg 7 Tours, la cour d'appel a violé les articles L. 626-1, L. 626-10 et L. 631-22 du code de commerce ;

4°/ que le juge ne doit pas dénaturer les écritures d'appel qui lui sont soumises ; qu'en énonçant que le recours massif à du personnel stagiaire en remplacement des salariés actuellement en poste, dans le but de diminuer les charges, apparaissait comme un contournement de la législation du travail et ne saurait donc satisfaire l'objectif de maintien de l'emploi prévu par l'article L. 620-1 du code de commerce ou à l'article L. 626-10, alinéa 2, cependant que la société Adg 7 Tours se bornait à expliquer qu'elle ferait usage dans les limites des cas de recours offerts par la loi à l'engagement de stagiaires ou à de salariés sous contrats aidés, sans nullement mentionner qu'elle procéderait au remplacement de salariés en place par des stagiaires, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des écritures d'appel de la société Adg 7 Tours et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond ne doivent pas se prononcer par des motifs contradictoires et que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'après avoir relevé, par motifs adoptés des premiers juges, que le dirigeant actuel s'était engagé à ne pas licencier le personnel pendant cinq ans, tout en relevant, par motifs propres, que le plan de redressement par voie de continuation de la société Adg 7 Tours proposait de licencier tout le personnel pour le remplacer par des stagiaires, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la seule constatation que certains des associés de sociétés de droit étranger restent anonymes ne saurait fonder une décision de refus d'arrêter le plan de redressement présenté par la société Adg 7 Tours régulièrement constituée en France ; qu'en se fondant sur une telle circonstance pour écarter le plan de redressement par voie de continuation proposé par la société Adg 7 Tours, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article L. 626-10 du code de commerce ;

7°/ que par une lettre du 22 janvier 2013 adressée à M. X..., es qualité, M. Y...indiquait : « je vous confirme que l'engagement de la société A One capital n'est subordonné à aucune autre condition que l'arrêté du plan de redressement par continuation de la société Adg 7 Tours mais que la caution fournie ne garantit que l'exécution de ce plan » ; qu'en affirmant que la société A One capital, n'avait pris aucun engagement ferme et définitif, la cour d'appel a dénaturé la lettre du 22 janvier 2013 et violé l'article 1134 du code civil ;

8°/ que par des écritures demeurées sans réponse, la société Adg 7 Tours faisait valoir que « la société DG résidences s'est engagée à financer les besoins en fonds de roulement de l'exploitation à hauteur de 500 000 euros, elle n'a fourni à cet égard aucune garantie d'exécution extérieure ni même interne, sa trésorerie étant nulle au 31 décembre 2012 » ; qu'en retenant que l'offre de la société DG résidences était sérieuse sans même répondre à ce moyen déterminant de nature à démontrer l'absence de caractère sérieux du plan de redressement par voie de cession, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

9°/ que la continuation de l'entreprise peut être ordonnée lorsqu'il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif ; qu'en se contentant de relever, pour écarter le plan de redressement aproposé par la société Adg 7 Tours, que l'offre de financement de la société A One capital et la garantie à première demande de la Banque Edmond de Rothschild n'étaient de nature à régler qu'une faible partie du passif, tout en constatant que les comptes prévisionnels de la société Adg 7 Tours étaient optimistes et fondés sur des chiffres d'affaires qu'elle n'avait jamais obtenus dans le passé, et sans tenir compte des prévisions d'exploitation et de trésorerie proposées dans le plan de redressement, similaires à celles exposées dans le plan de cession, ce qui démontraient que la proposition de la société Adg 7 Tours présentait des possibilités de redressement au moins aussi sérieuses que celles résultant de l'offre de la société DG résidences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 620-1, L. 631-22, L. 626-1 et L. 631-19 du code de commerce ;

10°/ que la cour d'appel ne pouvait considérer que l'offre de la société A One capital et la garantie à première demande de la Banque Edmond de Rothschild n'étaient de nature à régler qu'une faible partie du passif sans prendre en compte la proposition d'apurement intégral du passif, en dix échéances annuelles progressives définies selon un échéancier précis, qui démontrait des possibilités sérieuses de la société Adg 7 Tours de procéder au règlement de son passif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 620-1, L. 631-22, L. 626-1 et L. 631-19 du code de commerce ;

11°/ que la société Adg 7 Tours produisait un prévisionnel à l'appui du plan de redressement, qui établissait que la société employait en permanence quinze salariés à temps plein, nommément désignés, et précisait que le recours aux stagiaires était limité à une moyenne de huit emplois sur l'année, avec une augmentation liée à la fréquentation touristique saisonnière ; qu'en retenant néanmoins que la société Adg 7 Tours se proposait de recourir massivement à du personnel stagiaire en remplacement des salariés actuellement en poste, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

12°/ que si le maintien des emplois constitue un critère d'appréciation du sérieux du plan de continuation ou de redressement, le plan, qui doit exposer et justifier le niveau et les perspectives d'emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite d'activité, peut prévoir de recourir au licenciement pour motifs économiques ; qu'en affirmant de façon péremptoire qu'un recours massif à du personnel stagiaire, qui aurait été envisagé par la société Adg 7 Tours dans le plan de redressement, en remplacement de salariés et pour diminuer les charges salariales, constituait par principe un contournement de la législation du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 626-10 du code de commerce ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 631-22 du code de commerce, les juges du fond ne peuvent examiner les offres de reprise dans le cadre d'un plan de cession qu'après avoir rejeté le plan de redressement ; que c'est souverainement, par une décision motivée, que la cour d'appel a rejeté le plan de redressement et arrêté le plan de cession ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ; Condamne la société Adg 7 Tours aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.