Cass. com., 14 février 1995, n° 93-10.151
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Me Blondel, SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 octobre 1992), que le représentant des créanciers de la Société d'études et d'aménagements touristiques industriels (SATIS), mise en redressement judiciaire par jugement du 9 septembre 1987, ayant fait connaître au Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) que la déclaration de créance effectuée par celui-ci le 22 février 1988 était atteinte par la forclusion eu égard à la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective faite au BODACC du 29 octobre 1987, le créancier a saisi le juge-commissaire d'une demande en relevé de forclusion dont il a été débouté par ordonnance du 2 novembre 1988 ; que, saisi d'un recours formé par le CEPME à l'encontre de cette décision, le Tribunal, par jugement du 6 décembre 1989, a constaté que la demande présentée par le créancier en vue de faire prononcer la nullité de la publication était distincte de celle soumise au premier juge et s'est déclaré incompétent pour en connaître dans le cadre du recours ; que le CEPME a alors introduit une procédure devant le Tribunal en vue de faire constater que l'insertion au BODACC était nulle et que le délai de déclaration des créances n'avait, dès lors, pas commencé à courir ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le représentant des créanciers et l'administrateur du redressement judiciaire de la Satis font grief à l'arrêt d'avoir dit que la demande du CEPME ne se heurtait pas à l'autorité de chose jugée de l'ordonnance du 2 novembre 1988, alors, selon le pourvoi, d'une part, que contrairement à l'affirmation de la cour d'appel, l'ordonnance du 2 novembre 1988, revêtue de l'autorité de la chose jugée, a très nettement refusé de prononcer, comme elle y était invitée par le CEPME, créancier de la société en redressement, la nullité de l'insertion à raison d'irrégularités formelles au regard de l'article 21 du décret du 27 décembre 1985 ; que, méconnaissant le sens clair de l'ordonnance du 2 novembre 1988 et d'un jugement du 6 décembre 1989, la cour d'appel viole l'article 1134 du Code civil ensemble les règles et principes qui gouvernent la dénaturation ; alors, d'autre part que, méconnaissant l'autorité de chose jugée de l'ordonnance du 2 novembre 1988, la cour d'appel viole l'article 1351 du Code civil ; et alors, enfin, que si l'indication de la cour d'appel, statuant sur la validité de la publication, selon laquelle les décisions rendues à la suite du rejet de la créance sont sans objet et n'ont pas pu acquérir l'autorité de la chose jugée, était tenue pour un motif de l'arrêt sur l'autorité de chose jugée, ce motif devait être censuré, la cour d'appel ayant alors encore violé l'article 1351 du Code civil en méconnaissant les règles et principes qui gouvernent la chose jugée ;
Mais attendu que, devant le juge-commissaire, le CEPME n'avait fait état des irrégularités de l'insertion litigieuse que pour soutenir qu'elles l'avaient empêché d'identifier sa débitrice et, dès lors, de déclarer sa créance dans le délai légal de sorte qu'il devait être relevé de la forclusion encourue puisque sa défaillance n'était pas due à son fait ; que c'est donc sans dénaturer l'ordonnance du 2 novembre 1988 ni méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à cette ordonnance que, sans asseoir sa décision sur le motif dont fait état la troisième branche, la cour d'appel, qui était saisie d'une demande tendant à faire juger que l'insertion était nulle et que le délai de déclaration des créances n'avait, en conséquence, pas couru, s'est prononcée comme elle a fait, après avoir retenu la différence d'objet et de fondement existant entre cette demande et celle précédemment soumise au juge-commissaire ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la publication au BODACC du 29 octobre 1987 du jugement d'ouverture de redressement judiciaire et d'avoir, en conséquence, décidé que le délai de déclaration des créances n'avait pas commencé à courir et renvoyé le Cepme à déclarer sa créance devant le juge-commissaire afin qu'il soit statué sur celle-ci, alors, selon le pourvoi, d'une part, que des erreurs ou omissions concernant celles des mentions prévues par l'article 21 du décret du 27 décembre 1985, relatives à l'identification de l'entreprise, ne peuvent entraîner a priori et dans tous les cas la nullité de la publication, mais dans la mesure seulement où l'insertion ne permet pas à un créancier normalement diligent d'identifier son débiteur ; que la cour d'appel ne s'est pas demandé, comme elle le devait, si les erreurs ou omissions de la publication litigieuse étaient exclusives de la possibilité pour un créancier institutionnel normalement diligent d'identifier l'entreprise et dire que le délai de déclaration n'avait pas couru sans entacher sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 21 et 66 du décret du 27 décembre 1985, 20 et 53 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que les irrégularités relatées, à supposer qu'elles portent sur des éléments essentiels d'identification, devaient faire grief ou porter préjudice à un créancier institutionnel, professionnel averti ; qu'en gardant le silence quant à ce, la cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard des articles cités au précédent élément de moyen ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les erreurs portant sur le nom et le sigle ainsi que l'omission du numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peuvent être considérées comme des discordances sans conséquences mais portent sur des éléments essentiels d'identification de l'entreprise visés à l'article 21, alinéa 4, du décret du 27 décembre 1985 et que, s'agissant d'une formalité d'ordre public constitutive, l'obligation de déclaration des créances à laquelle elle donne naissance ne peut exister qu'autant que cette formalité a été régulièrement accomplie, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre la qualité des justiciables soumis à cette obligation ; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur le grief causé au CEPME par l'irrégularité de la publication dès lors qu'il lui était demandé non de relever un créancier de la forclusion encourue mais de dire que l'insertion litigieuse n'avait pu, en raison des vices dont elle était atteinte et dont l'existence devait s'apprécier objectivement, faire courir le délai de déclaration des créances applicable à tous les créanciers du débiteur soumis à la procédure collective, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.