Cass. com., 5 septembre 2013, n° 13-40.034
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Texier
Avocat général :
M. Le Mesle
Attendu que la question transmise par le tribunal de commerce d'Avignon est ainsi rédigée :
"Les articles L. 622-26, L. 622-24 et L. 631-8 du code de commerce ne sont-ils pas contraires aux articles 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?" ;
Attendu toutefois que, dans leur mémoire distinct et motivé, MM. Gérard et Laurent X... et Mme Madeleine X... (les consorts X...) demandaient au tribunal de "prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles L. 622-26 et L. 622-24 du code de commerce pour rupture de l'égalité devant la loi, violation de la garantie des droits, violation du principe fondamental de légalité des peines, principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à savoir les articles 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789" ; qu'ainsi, ils n'invoquaient pas la non-conformité à la Constitution de l'article L. 631-8 du code de commerce ;
Attendu que si le juge peut reformuler la question à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, il ne lui appartient pas d'en modifier l'objet et la portée ; que, dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise ;
Attendu que l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, astreint certains créanciers du débiteur en procédure collective à déclarer leurs créances et fixe, par catégorie de créanciers, le point de départ du délai imparti pour remplir cette obligation ; que l'article L. 622-26 du code de commerce, dans la même rédaction, sanctionne le défaut de déclaration dans les délais par la non-participation aux répartitions et dividendes, autorise les créanciers défaillants à agir en relevé de forclusion dans un délai de six mois qui court, sauf exceptions, à compter de la publication du jugement d'ouverture et porte à un an ce délai pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant son expiration ;
Attendu que ces dispositions sont applicables au litige au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, dès lors que le juge-commissaire a rejeté la demande de relevé de forclusion des consorts X... en se fondant sur l'article L. 622-26 du code de commerce et que ce dernier texte est indissociable de l'article L. 622-24 du même code ;
Attendu qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Et attendu, d'autre part, que les dispositions critiquées, dont le but est de permettre une connaissance rapide du passif, n'établissent aucune distinction injustifiée en différenciant les points de départ des délais impartis selon la date de naissance de la créance, la publicité dont les droits du créancier ont fait l'objet ou la qualité de victime d'une infraction pénale du créancier, et n'excluent aucun créancier placé dans l'impossibilité de connaître l'existence de sa créance dans les six mois du bénéfice du délai supplémentaire accordé pour agir en relevé de forclusion ; qu'elles n'édictent aucune sanction ayant le caractère d'une punition ; qu'elles ne portent pas une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif en ce qu'elles ne font pas obstacle à la recevabilité d'une action en relevé de forclusion exercée après l'expiration du délai maximal d'un an prévu par l'article L. 622-26 du code de commerce par un créancier placé dans l'impossibilité d'agir pendant ce délai ; que la question posée ne présente donc pas de caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux principes de valeur constitutionnelle invoqués ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.