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Décisions

Cass. com., 29 mai 2019, n° 18-14.911

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Bénabent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 8 févr. 2018

8 février 2018

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 2 février 2017 et 8 février 2018), que la société Études et développement immobiliers (la société EDIM) a été mise en redressement judiciaire le 13 janvier 2009, M. K... étant désigné mandataire judiciaire ; que l'association Société protectrice des animaux (la SPA) a déclaré, par l'intermédiaire de son conseil, une première créance au titre d'un trop versé pour l'exécution de travaux de construction de refuges animaliers, puis, après la notification de la résiliation des marchés par l'administrateur, une seconde créance au titre de l'indemnité de résiliation ; que le mandataire judiciaire a adressé à l'avocat déclarant une lettre de contestation à laquelle la SPA n'a répondu que sept mois plus tard ; que le mandataire judiciaire et la SPA ont chacun formé appel de l'ordonnance du juge-commissaire qui a déclaré irrecevable la déclaration de créance ; que la société EDIM a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident, en faisant valoir que les appels étaient irrecevables ; que la cour d'appel, par le premier arrêt attaqué, rendu sur le déféré de l'ordonnance de ce magistrat, a déclaré les appels recevables, puis, par le second, a déclaré recevable la déclaration de créance, dit que l'avis de contestation adressé par le mandataire judiciaire n'avait pas fait courir le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce contre la SPA et a sursis à statuer sur l'admission de la créance déclarée par cette dernière ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu que la société EDIM fait grief à l'arrêt du 2 février 2017 de déclarer recevable l'appel du mandataire judiciaire alors, selon le moyen :

1°) que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles résultant d'un contrat de travail, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications ; que le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire ; que la proposition ultérieure du mandataire judiciaire devant le juge-commissaire, fondée sur l'argumentation hors délai du créancier, qui a pour objet et pour effet de permettre à ce créancier de contourner le délai impératif légal, dans l'intérêt exclusif de celui-ci et en contrariété avec l'intérêt collectif des créanciers que le mandataire judiciaire a pour seule mission de défendre, est irrecevable et en tout état de cause inopérante ; qu'en décidant néanmoins que M. K..., mandataire judiciaire, pouvait, au vu de nouveaux éléments communiqués par le créancier hors le délai légal impératif de trente jours, exprimer devant le juge-commissaire un avis autre que celui qui avait fait l'objet de la notification de la contestation de la créance déclarée, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce, ensemble l'article L. 622-20 du code de commerce ;

2°) que le mandataire judiciaire a pour seule mission de défendre l'intérêt commun des créanciers ; qu'en retenant que le mandataire judiciaire a qualité, en vertu de divers textes, pour interjeter appel de la décision du juge-commissaire, sans rechercher, comme la société EDIM le lui demandait expressément, si l'ordonnance en cause du juge-commissaire ne faisait pas grief à un unique créancier, la SPA, dont l'intérêt individuel s'oppose à l'intérêt collectif des créanciers de la société EDIM, et que le mandataire n'a pas pour mission de défendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-20 du code de commerce, ensemble des articles 31 et 546 du code de procédure civile et L. 624-3, alinéa 1, du code de commerce ;

3°) que le mandataire judiciaire n'a pas qualité pour veiller de façon abstraite au respect de la loi indépendamment de tout intérêt collectif des créanciers ; que le mandataire judiciaire, n'avait donc pas qualité pour interjeter appel de la décision du juge commissaire au prétexte d'une violation par celui-ci du périmètre de sa saisine, alors que cette prétendue violation ne nuisait en rien à l'intérêt collectif des créanciers ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-20 du code de commerce, ensemble des articles 31 et 546 du code de procédure civile et L. 624-3, alinéa 1, du code de commerce ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article R. 624-1 du code de commerce, si une créance est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27 du même code ; qu'il n'est pas interdit au mandataire judiciaire, organe de la procédure collective chargé de la vérification du passif, de soutenir devant le juge-commissaire une autre proposition et de relever appel de toute décision de celui-ci rendu en matière d'admission des créances ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen pris en ses première et troisième branches :

Attendu que la société EDIM fait grief à l'arrêt du 2 février 2017 de déclarer recevable l'appel de la SPA alors, selon le moyen :

1°) qu'il y a discussion de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce notamment lorsqu'il est soutenu que la créance en cause est éteinte en tout ou partie par suite d'une compensation avec une créance réciproque et connexe ; que par son courrier du 16 mai 2011, le mandataire informait la SPA de ce qu'il proposait le rejet total de la créance qu'elle avait déclarée et qui était liée pour partie à la prétendue inexécution des contrats de maîtrise d'oeuvre ayant lié la SPA et la société EDIM et pour partie à la résiliation de ces mêmes contrats par l'administrateur judiciaire de la société EDIM, en raison des dommages et intérêts dus à la société EDIM par la SPA du fait de sa propre inexécution desdits contrats, à l'origine de leur résiliation ; qu'il invoquait donc l'extinction totale de la créance déclarée par la SPA à la procédure collective de la société EDIM, par suite de sa compensation avec la créance connexe de la société EDIM sur la SPA ; qu'en refusant néanmoins de considérer que le courrier du 16 mai 2011 comportait une contestation de la créance déclarée, au motif qu'il se borne à invoquer l'existence d'une créance qui serait née d'une situation juridique différente, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

2°) qu'en retenant que, pour l'application de l'article L. 624-3 du code de commerce, il y a lieu de prendre en compte la proposition du mandataire judiciaire soutenue devant le juge commissaire saisi de la contestation, ce qui revenait, dans notre espèce, à prendre en compte une proposition ouvertement fondée sur des arguments invoqués hors délai par le créancier et contraire à la proposition initiale du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé ce texte ;

Mais attendu qu'il n'y a discussion de la créance, au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, que lorsque la créance déclarée est contestée dans son existence, son montant ou sa nature, appréciés au jour du jugement d'ouverture ; qu'ayant relevé que la société EDIM ne contestait la créance de la SPA qu'au motif qu'elle-même était créancière au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de règlement des situations de travaux contraignant l'administrateur à résilier les contrats, l'arrêt en déduit que la lettre du mandataire se bornait à invoquer l'existence d'une créance réciproque sur le débiteur qui serait née d'une situation juridique différente ; que par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la discussion ne portait pas sur la créance déclarée, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la lettre, ne valant pas contestation, n'avait pas fait courir le délai de réponse du créancier ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société EDIM fait grief à l'arrêt du 8 février 2018 de dire que l'avis de contestation adressé par M. K..., ès qualités, le 16 mai 2011 n'avait pas fait courir le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce contre la SPA alors, selon le moyen :

1°) que le mandataire de la SPA, chargé par celle-ci de procéder à ses déclarations de créances, était la société Ernst & Young et non pas les membres de celle-ci, à cet égard interchangeables comme le montre le fait que, selon l'arrêt attaqué lui-même, les deux déclarations successives ont été signées, pour la première, par Maîtres I... et L... C..., et pour la seconde par Maîtres L... C... et et W... ; que le mandataire pouvait donc adresser l'avis de discussion soit à la SPA en sa qualité de créancière, soit, comme il l'a fait, à la société Ernst & Young en sa qualité de mandataire de la SPA ; qu'ainsi, en refusant de retenir que la SPA. a reçu cet avis faute de mention du nom de l'un des avocats signataires des déclarations de créances, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

2°) qu'il y a discussion de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce notamment lorsqu'il est soutenu que la créance en cause est éteinte en tout ou partie par suite d'une compensation avec une créance réciproque et connexe ; que par son courrier du 16 mai 2011, le mandataire informait la SPA de ce qu'il proposait le rejet total de la créance qu'elle avait déclarée et qui était liée pour partie à la prétendue inexécution des contrats de maîtrise d'oeuvre ayant lié la SPA et la société EDIM et pour partie à la résiliation de ces mêmes contrats par l'administrateur judiciaire de la société EDIM, en raison des dommages et intérêts dus à la société EDIM par la SPA. Du fait de sa propre inexécution desdits contrats, à l'origine de leur résiliation ; qu'il invoquait donc l'extinction totale de la créance déclarée par la SPA à la procédure collective de la société EDIM, par suite de sa compensation avec la créance connexe de la société EDIM sur la SPA ; qu'en retenant néanmoins que le courrier du 16 mai 2011 ne comporte pas à proprement parler la contestation de la créance déclarée mais l'allégation d'une créance réciproque qui serait née de la résiliation du contrat par l'administrateur, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

3°) que la SPA n'ayant pas répondu à l'avis de discussion du 16 mai 2011 dans le délai légal de trente jours à compter de sa réception, elle ne pouvait plus faire valoir ses arguments contraires devant le juge commissaire ni directement, ni indirectement, en soumettant hors délai ses arguments au mandataire judiciaire et en obtenant en conséquence de celui-ci, qui de surcroît n'a pas qualité pour défendre l'intérêt individuel d'un créancier, qu'il soumette lesdits arguments au juge commissaire et revienne sur sa proposition de rejet ; que la seconde proposition du mandataire judiciaire était donc inopérante et irrecevable comme fondée sur l'argumentation hors délai de la SPA et, en outre, comme visant à défendre l'intérêt individuel et exclusif d'un créancier en méconnaissance des limites de la mission du mandataire judiciaire, tenant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers ; qu'ainsi, en retenant que le mandataire judiciaire n'avait pas maintenu sa proposition de rejet devant le juge commissaire mais avait au contraire sollicité l'admission de la créance, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une proposition inopérante et irrecevable, a violé l'article L. 622-27 du code de commerce et l'article L. 624-3 du même code ;

Mais attendu que le troisième moyen développant contre l'arrêt du 8 février 2018 la même argumentation que celle présentée par le deuxième contre l'arrêt du 2 février 2017, qui a été rejetée, n'est pas davantage fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.