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Décisions

Cass. com., 14 novembre 2019, n° 18-15.871

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Rousseau et Tapie, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Montpellier, du 27 fév. 2018

27 février 2018

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 février 2018), que la SCI I... a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 6 juin et 18 juillet 2012, Mme L... étant désignée en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a formé une demande d'autorisation de vendre aux enchères publiques l'immeuble appartenant à la SCI ; qu'en cours d'instance, la gérante de la société Les Genêts a adressé au liquidateur une proposition d'achat ; que, par une ordonnance du 19 novembre 2014, le juge-commissaire a dit n'y avoir lieu d'ordonner la vente par voie de saisie immobilière et a autorisé la cession amiable au prix proposé au profit de la société Les Genêts ou de toute personne morale la substituant ; que, revenant sur sa proposition, la société Les Genêts a formé appel de l'ordonnance ;

Attendu que la société Les Genêts fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétractation de l'ordonnance et de confirmer cette dernière alors, selon le moyen :

1°/ que l'auteur d'une offre d'achat de gré à gré d'un immeuble appartenant au débiteur en liquidation judiciaire peut rétracter cette offre jusqu'à ce que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession de gré à gré soit passée en force de chose jugée ; qu'une telle ordonnance n'acquiert force de chose jugée qu'à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la plus tardive des notifications faites aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par cette décision, parmi lesquelles l'auteur de l'offre d'achat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'appel interjeté par la société Les Genêts était recevable, dès lors que l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 19 novembre 2014, autorisant la vente du bâtiment appartenant à la SCI I... à la société Les Genêts, n'avait été notifiée à cette dernière que par acte du 19 janvier 2016, l'appel ayant été interjeté le 27 janvier suivant ; que la cour d'appel a également constaté que la société Les Genêts avait renoncé à son offre d'acquisition le 11 août 2015, c'est-à-dire à une date à laquelle l'ordonnance du juge-commissaire n'avait pas acquis force de chose jugée, puisqu'elle demeurait susceptible d'un recours de la part de la société Les Genêts, à qui elle n'avait pas été notifiée ; qu'en décidant pourtant que l'ordonnance était passée en force de chose jugée, au motif impropre qu'aucun texte n'imposait la notification de l'ordonnance à l'acquéreur et qu'elle était dès lors passée en force de chose jugée dix jours après la notification au débiteur ainsi qu'aux créanciers inscrits et au liquidateur judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 642-18, L. 642-19-1, R. 642-37-1, R. 661-3, R. 642-23 et R. 642-36, ensemble les articles 500 et 539 du code de procédure civile ;

2°/ que, sauf dispositions contraires, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire ; que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du code de commerce est formé devant la cour d'appel ; que ce recours est ouvert aux parties et aux personnes, dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, dans les dix jours de leur communication ou notification ; que l'auteur de l'offre sur laquelle le juge-commissaire a statué peut ainsi former ce recours devant la cour d'appel tant que cette ordonnance ne lui a pas été notifiée, de sorte que cette décision ne peut acquérir force de chose jugée tant que ce recours demeure ouvert ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 19 novembre 2014 était passée en force de chose jugée à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de sa notification au débiteur, au créancier inscrit et au liquidateur judiciaire, dès lors qu'aucun texte n'imposait cette notification à l'acquéreur ; qu'en se prononçant ainsi, privant ainsi de tout effet utile le recours ouvert à l'acquéreur contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession de gré à gré de l'immeuble de la SCI I... à la suite de son offre, qu'il avait pourtant rétractée, la cour d'appel a violé les articles R. 642-37-1 et R. 661-3 du code de commerce, ensemble l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'ordonnance qui, dans le cadre de la réalisation des actifs d'une liquidation judiciaire, autorise la cession de gré à gré d'un bien conformément aux conditions et modalités d'une offre déterminée rend impossible la rétractation de son consentement par l'auteur de l'offre ; que par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée en son dispositif ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.