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Décisions

Cass. com., 14 avril 2021, n° 19-13.998

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Harold Saint-Germain (SAS), Selafa MJA (ès qual.), Philippot (ès qual.)

Défendeur :

CK Stores Italy SRL (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Bellino

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Cass. com. n° 19-13.998

14 avril 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 octobre 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 juillet 2013, pourvoi no 12-17.434), la société Calvin Klein Jeanswear Europe, aux droits de laquelle vient la société CK Stores Italy (la société CK), a engagé en septembre 2005 des pourparlers avec la société Harold Saint-Germain (la société Harold), en vue de l'ouverture d'une boutique à l'enseigne Calvin Klein Jeans à Paris.

2. Le 16 novembre 2006, la société Harold a mis fin aux pourparlers puis le 27 novembre 2006, elle a assigné la société CK en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ce dernier pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

4. La société Harold fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société CK la somme totale de 386 052,66 euros, alors « que la faute de la victime vient limiter son droit à restitution ou indemnisation ; que la cour d'appel a constaté que la société CK avait commis une faute en modifiant ses propositions contractuelles ; qu'en ne prenant pourtant cette faute en considération pour diminuer les montants alloués à la société CK que pour certaines dépenses, et non pour les autres, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen  

5. La société CK conteste la recevabilité du moyen, soutenant qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant, n'est pas nouveau un moyen faisant grief à l'arrêt de n'avoir pas tiré les conséquences légales de ses constatations.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

8. Il résulte de ce texte que la faute de la victime est une cause d'exonération partielle de responsabilité lorsqu'elle a contribué à la réalisation du dommage.

9. Pour condamner la société Harold à payer à la société CK la somme de 386 052,66 euros, l'arrêt, après avoir retenu que les fautes de ces sociétés sont toutes deux à l'origine de la rupture des pourparlers puis alloué à la société CK la somme de 50 000 euros au titre des frais de personnel, d'avocat, de communications téléphoniques et de traduction occasionnés par la négociation du contrat, évalués à 100 000 euros, au motif que la responsabilité de la rupture des pourparlers doit être partagée par moitié, estime les frais engagés par la société CK à la somme de 224 052,66 euros pour l'aménagement du magasin et à la somme de 100 000 euros pour les frais de conception, de fabrication et de transport des meubles destinés à la boutique, et le préjudice subi par cette dernière du fait de l'opposition abusive de la société Harold à restituer les meubles à la somme de 12 000 euros, sommes qu'elle met en totalité à la charge de la société Harold.

10. En statuant ainsi, alors que la faute qu'elle avait relevée à l'encontre de la société CK devait exonérer partiellement la société Harold de sa responsabilité et donc réduire à due proportion le droit à indemnisation de la société CK, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cinquième branche du troisième moyen ne formulant de critique que contre les motifs de l'arrêt fondant la condamnation de la société Harold à payer à la société CK les sommes de 224 052,66 euros au titre des frais exposés pour les travaux de transformation de la boutique et de 100 000 euros au titre des frais de conception, de fabrication et de transport des meubles pour la boutique, la cassation n'est prononcée qu'en ce que l'arrêt a alloué ces sommes à la société CK.

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. La cour d'appel ayant retenu que la responsabilité de la rupture des pourparlers était partagée par moitié, il y a lieu de réduire dans cette proportion l'indemnisation due à la société CK au titre des frais exposés pour les travaux de transformation de la boutique et des frais de conception, de fabrication et de transport des meubles pour la boutique, et de condamner la société Harold à lui payer respectivement les sommes de 112 026,33 euros et de 50 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,  

la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions allouant à la société CK Stores Italy SRL, venant aux droits de la société Calvin Klein Jeanswear Europe, les sommes de 224 052,66 euros et de 100 000 euros au titre des frais de travaux de rénovation et de transformation de la boutique et des frais de conception, de fabrication et de transport des meubles pour la boutique, incluses dans la somme de 386 052,66 euros que la société Harold Saint-Germain a été condamnée à lui payer, l'arrêt rendu le 31 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Harold Saint-Germain à payer à la société CK Stores Italy SRL, venant aux droits de la société Calvin Klein Jeanswear Europe, la somme de 224 026,33 euros ;

Condamne la société CK Stores Italy SRL aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile,  

Rejette les demandes.