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Décisions

Cass. 3e civ., 5 mars 2008, n° 05-20.200

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

M. Assié

Avocat général :

M. Cuinat

Avocats :

Me Blanc, SCP Tiffreau

Montpellier, du 04 oct. 2005

4 octobre 2005

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 octobre 2005) que, par acte du 13 janvier 1993, les époux X...- Y... ont donné à bail à leur fils, Jean-Paul Y..., pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 1993, divers locaux à usage commercial ; que Jean-Paul Y... est décédé le 20 janvier 1993, laissant pour lui succéder son fils Sébastien Y..., devenu nu-propriétaire du fonds de commerce de camping exploité dans les lieux loués, et son épouse dont il était séparé de biens, Mme Eliette Y..., devenue usufruitière de ce fonds par suite d'une donation qu'il lui avait consentie de son vivant ; que, par acte du 23 février 2001, les époux X...- Y... ont signifié à Mme Eliette Y... un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er janvier 2002, puis, par un nouvel acte du 12 juin 2002, notifié à Mme Eliette Y... et à M. Sébastien Y... (les consorts Y...), ils ont rétracté leur offre de renouvellement au motif que Sébastien Y... n'étant pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés, les consorts Y... ne pouvaient prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux ; que les consorts Y... ont assigné les époux X...- Y... pour voir constater la nullité de l'acte du 12 juin 2002 et, subsidiairement, obtenir paiement d'une indemnité d'éviction ; que, reconventionnellement, les époux X...- Y... ont demandé que les consorts Y... soient déclarés occupants sans droit ni titre à compter du 1er janvier 2002, que soit ordonnée leur expulsion et que soit fixé le montant de l'indemnité d'occupation ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'accueillir les demandes reconventionnelles des époux X...- Y..., alors, selon le moyen :

1°) que la seule inscription au registre du commerce et des sociétés de l'usufruitier, qui est un propriétaire commerçant d'un fonds de commerce, permet à celui-ci de bénéficier du droit au renouvellement d'un bail commercial ; que la propriété démembrée de l'usufruitier et du nu-propriétaire n'est pas assimilable à une co-titularité du bail qui imposerait que chacun soit immatriculé ; qu'en disant le congé sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction valide au seul motif pris du défaut d'immatriculation de M. Sébastien Y..., nu-propriétaire non exploitant, au registre du commerce et des sociétés à la date du congé, l'immatriculation de Mme Z... Y..., usufruitière exploitante du fonds de commerce étant acquise, la cour d'appel a violé les articles L. 145-1 et L. 145-8 du code de commerce, 1er du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) que lorsque la propriété du fonds de commerce est démembrée entre, d'une part, l'usufruit du conjoint survivant, immatriculé au registre du commerce et des sociétés en qualité de commerçant exploitant du fonds de commerce et, d'autre part, la nue-propriété du descendant direct, non commerçant exploitant, ni immatriculé en cette qualité audit registre, aucune disposition légale ou réglementaire ne les prive du droit au renouvellement du bail commercial ; que le défaut d'immatriculation du nu-propriétaire non commerçant non exploitant ne constitue le cas échéant un motif grave et légitime, privatif de l'indemnité d'éviction, que s'il se poursuit plus d'un mois après la mise en demeure délivrée par le bailleur ; que dès lors, en validant le congé sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction, au seul motif pris du défaut d'immatriculation de M. Sébastien Y..., nu-propriétaire non exploitant au registre du commerce et des sociétés à la date du congé, la cour d'appel a violé les articles L. 145-1 et L. 145-8, ensemble les articles L. 145-14 et L. 145-17 du code de commerce, 1er du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) que, le seul fait qu'un bail ait été à l'origine un bail commercial par nature n'exclut pas que les parties aient par la suite accepté de le soumettre volontairement au statut des baux commerciaux ; qu'en se contentant de retenir " que la jurisprudence invoquée par les appelants relative à la soumission volontaire, par la convention des parties, au statut des baux commerciaux, qui permet au preneur de bénéficier du droit au renouvellement malgré son absence d'immatriculation, est inopérante au cas d'espèce où le bail est depuis l'origine un bail commercial par nature ", sans rechercher s'il n'y avait pas eu, dès lors que le bénéfice du statut n'était plus de droit, renonciation à se prévaloir de ce défaut, ainsi que cela résultait du silence gardé par les époux X...- Y... à la suite du décès de Jean-Paul Y... et du démembrement conséquent de la propriété du bail commercial entre l'épouse de celui-ci et son fils, M. Sébastien Y..., en pleine connaissance de ce que seule Mme Z... veuve Y..., usufruitière, exploitait le fonds de commerce, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles L. 145-1 et L. 145-8 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

4°) que, par conclusions régulièrement signifiées le 19 août 2005, Mme Eliette Z... veuve Y... et son fils, Sébastien Y..., ont fait valoir l'irrégularité formelle du congé délivré le 12 juin 2002 compte tenu notamment, d'une part, de la confusion résultant de sa notification à deux destinataires tout en prétendant qu'un seul était concerné, et d'autre part, de la confusion portant sur la qualification même de l'acte qui, en raison de la nullité de la précédente offre de renouvellement, devait donner lieu à la délivrance d'un acte de résiliation avec respect d'un préavis ; qu'en se contentant de déclarer régulier en la forme le congé sans offre de renouvellement notifié le 12 juin 2002, sans aucune motivation, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau code de procédure civile ;

5°) que, par conclusions régulièrement signifiées le 19 août 2005, Mme Eliette Z... veuve Y... et son fils, Sébastien Y..., ont fait valoir que les époux X... Y..., bailleurs, étaient également vendeurs du fonds de commerce à M. Jean-Paul Y... auquel ont succédé en nue-propriété son fils Sébastien Y... et son épouse, Mme Z... veuve Y... ; que la garantie d'éviction des articles 1626 et suivants du code civil est donc due par les vendeurs du fonds à leur acheteur ; que les vendeurs ne peuvent par suite vider ce fonds d'un élément essentiel en ne procurant pas aux acheteurs un bail commercial, même volontairement ; qu'en ne répondant pas à ce motif dirimant, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu, par motifs propres et adoptés, que les époux X...- Y... avaient valablement retiré leur congé avec offre de renouvellement lorsqu'ils ont découvert que M. Sébastien Y... n'était pas immatriculé au registre du commerce, et que la seule délivrance d'un congé avec offre de renouvellement n'emportait pas volonté de la part des bailleurs de renoncer à se prévaloir de l'absence du droit à la propriété commerciale des preneurs, le bail étant commercial depuis l'origine ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant exactement retenu que le bénéfice du statut des baux commerciaux ne pouvait être invoqué que par celui qui est à la fois titulaire du bail et propriétaire du fonds de commerce, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que lorsque la propriété d'un fonds de commerce est démembrée entre un usufruitier qui a la qualité de commerçant et un nu-propriétaire qui n'a pas cette qualité, le nu-propriétaire devait être immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour permettre l'application du statut des baux commerciaux et que dès lors que M. Sébastien Y..., bien que majeur depuis le 29 janvier 1999, n'était pas inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de nu-propriétaire non exploitant au moment de la notification du congé, les consorts Y... ne pouvaient prétendre au renouvellement du bail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.