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Décisions

Cass. 3e civ., 13 février 1980, n° 78-14.553

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cazals

Rapporteur :

M. Mangin

Avocat général :

M. Simon

Avocat :

Me Boré

Paris, Ch. 16 A, du 28 juin 1978

28 juin 1978

SUR LE PREMIER MOYEN :

ATTENDU QUE LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ESCOFFIER-RENESCO QUI AVAIT DONNE EN LOCATION A LA SOCIETE TOTAL UN TERRAIN A USAGE DE STATION-SERVICE, FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE (PARIS, 28 JUIN 1978), D'AVOIR ALLOUE UNE INDEMNITE D'EVICTION A LA SOCIETE LOCATAIRE ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QUE LE STATUT DES BAUX COMMERCIAUX NE S'APPLIQUE QU'AUX BAUX DES IMMEUBLES DANS LESQUELS UN FONDS DE COMMERCE EST EXPLOITE, CE QUI NECESSITE L'EXISTENCE D'UNE CLIENTELE PROPRE SANS LAQUELLE LE FONDS NE PEUT EXISTER ; QU'AINSI QUE LE FAISAIT VALOIR LE BAILLEUR DANS SES CONCLUSIONS, UNE STATION-SERVICE EXPLOITEE PAR UNE COMPAGNIE PETROLIERE N'EST QU'UN POINT DE VENTE DESTINE A SATISFAIRE UNE CLIENTELE ITINERANTE, ATTACHEE A LA MARQUE ET NON AUX LOCAUX LOUES, PREEXISTANTE A L'OUVERTURE DE LA STATION-SERVICE ET SUBSISTANT APRES SA FERMETURE ; QU'IL EN RESULTE QUE PAR NATURE, UNE STATION-SERVICE NE PEUT AVOIR DE CLIENTELE PROPRE ; QU'EN STATUANT AINSI QU'ELLE L'A FAIT, LA COUR D'APPEL A PRIVE SA DECISION DE BASE LEGALE ; ALORS, D'AUTRE PART, QU'A SUPPOSER ETABLI QUE LA STATION SERVICE AIT, POUR PARTIE, UNE CLIENTELE ATTACHEE AU FONDS, IL N'EN RESTE PAS MOINS QUE LE PREJUDICE SUBI PAR LA COMPAGNIE PETROLIERE LOCATAIRE EST LIMITE A LA VALEUR DE CETTE CLIENTELE PARTICULIERE ET NE SAURAIT S'ETENDRE A LA VALEUR TOTALE DU FONDS ; QU'IL EN VA SPECIALEMENT AINSI LORSQUE, COMME LE FAISAIT VALOIR LE BAILLEUR DANS SES CONCLUSIONS ET COMME L'AVAIENT CONSTATE LES PREMIERS JUGES, LA COMPAGNIE PETROLIERE LOCATAIRE EXPLOITE HUIT AUTRES STATIONS DANS UN RAYON DE VINGT-CINQ KILOMETRES ; QU'EN RETENANT POUR BASE DE CALCUL DE L'INDEMNITE D'EVICTION LA VALEUR TOTALE DU FONDS, SANS TENIR COMPTE DE LA CLIENTELE SUSCEPTIBLE DE SE REPORTER SUR LES AUTRES POINTS DE VENTE DU MEME DISTRIBUTEUR, LA COUR D'APPEL A PRIVE SA DECISION DE BASE LEGALE ;

MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE L'ARRET RELEVE QUE LA STATION-SERVICE TOTAL ETAIT UN FONDS DE COMMERCE INDEPENDANT QUI DISPOSAIT D'UN DROIT AU BAIL, DE BATIMENTS ET D'INSTALLATIONS APPROPRIEES, D'UNE CLIENTELE LOCALE ET D'UN ACHALANDAGE IMPORTANT ; QU'IL CONSTATE QUE CETTE STATION-SERVICE BENEFICIAIT D'UN EMPLACEMENT FAVORABLE DANS UNE AGGLOMERATION, SUR UNE ROUTE NATIONALE, A PROXIMITE DE L'AGENCE RENAULT AVEC DES FACILITES D'ACCES ET DE STATIONNEMENT ; QU'IL AJOUTE QUE L'EXPLOITATION DE CE FONDS EN GERANCE LIBRE NE LUI FAISAIT PAS PERDRE SON CARACTERE SPECIFIQUE ; QUE LA COUR D'APPEL A PU DEDUIRE DE CES CONSTATATIONS ET ENONCIATIONS QUE LA SOCIETE TOTAL EXPLOITAIT UN FONDS DE COMMERCE ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA SOCIETE ESCOFFIER-RENESCO N'A PAS SOUTENU DANS SES CONCLUSIONS D'APPEL QUE LE PREJUDICE SUBI PAR LA SOCIETE LOCATAIRE ETAIT LIMITEE A LA VALEUR DE LA CLIENTELE PARTICULIERE ATTACHEE AU FONDS DE COMMERCE ; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN, POUR PARTIE NOUVEAU, MELANGE DE FAIT ET DE DROIT ET COMME TEL IRRECEVABLE DEVANT LA COUR DE CASSATION, N'EST PAS FONDE POUR LE SURPLUS ; SUR LE TROISIEME MOYEN :

ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR FIXE A 18 000 FRANCS PAR AN LE MONTANT DE L'INDEMNITE D'OCCUPATION D'APRES LA VALEUR LOCATIVE DES TERRAINS DANS LA REGION ALORS, SELON LE MOYEN, QUE L'INDEMNITE D'OCCUPATION DOIT ETRE DETERMINEE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU TITRE V DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953, COMPTE TENU DE TOUS ELEMENTS D'APPRECIATION ; QUE CES DISPOSITIONS PREVOIENT NOTAMMENT QUE LE MONTANT DES LOYERS DOIT CORRESPONDRE A LA VALEUR LOCATIVE QUI EST DETERMINEE D'APRES LES CARACTERISTIQUES DU LOCAL ET LA DESTINATION DES LIEUX ; QU'IL RESULTE DES PROPRES CONSTATATIONS DE L'ARRET QUE LES LOCAUX LOUES CONSTITUENT UNE STATION-SERVICE DONT LE BAILLEUR EST DEVENU PROPRIETAIRE PAR ACCESSION ET NON UN TERRAIN NU ; QU'EN RETENANT COMME ELEMENT DE COMPARAISON LA VALEUR LOCATIVE DES TERRAINS DANS LA REGION, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES TEXTES SUSVISES ;

MAIS ATTENDU QUE LA SOCIETE ESCOFFIER-RENESCO N'A PAS SOUTENU DANS SES CONCLUSIONS D'APPEL QUE L'INDEMNITE D'OCCUPATION DEVAIT ETRE DETERMINEE D'APRES LA VALEUR LOCATIVE DES TERRAINS DE LA MEME REGION ; QUE LE MOYEN EST NOUVEAU, MELANGE DE FAIT ET DE DROIT ET PAR SUITE IRRECEVABLE ; MAIS SUR LE DEUXIEME MOYEN : VU L'ARTICLE 455 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;

ATTENDU QUE POUR FIXER LE MONTANT DE L'INDEMNITE D'ACCESSION, POUR DES CONSTRUCTIONS EDIFIEES PAR LA SOCIETE LOCATAIRE, L'ARRET ENONCE QUE, CONFORMEMENT A L'ARTICLE 555 DU CODE CIVIL, LA SOCIETE ESCOFFIER-RENESCO DEVAIT REMBOURSER LE COUT DES MATERIAUX ET LE PRIX DE LA MAIN-D'OEUVRE A LA DATE DE L'ACCESSION COMPTE TENU DE L'ETAT DES CONSTRUCTIONS ; QU'EN STATUANT AINSI SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS PAR LESQUELLES LA SOCIETE ESCOFFIER-RENESCO ALLEGUAIT AVOIR CONSENTI UNE REDUCTION DU LOYER DE MANIERE A PERMETTRE UN AMORTISSEMENT DES CONSTRUCTIONS SUR UNE DUREE DE VINGT ANS, LA COUR D'APPEL N'A PAS SATISFAIT AUX EXIGENCES DU TEXTE SUSVISE ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DANS LA LIMITE DU DEUXIEME MOYEN, L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES LE 28 JUIN 1978 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.