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Décisions

Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-11.868

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Lacan

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Célice et Blancpain, SCP Waquet, Farge et Hazan

Basse-Terre, du 23 nov. 1992

23 novembre 1992

Attendu, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué, que M. X... exploitait depuis 1968 une station service sous l'enseigne de la marque Esso ; qu'un différend étant survenu avec son fournisseur, la société Esso Antilles Guyane (Essant), sur les conditions de paiement des produits et cette société ayant cessé d'effectuer ses livraisons, M. X... l'a assignée aux fins de la voir déclarer responsable de la rupture des relations commerciales, tandis que, dans une procédure concomitante, elle-même assignait M. X... aux fins d'obtenir son expulsion de la station ; que la cour d'appel a joint les deux instances ; Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir décidé qu'il ne bénéficiait pas du statut des baux commerciaux et que le contrat de location-gérance, qu'il avait conclu le 15 février 1972 avec la société Essant, était seul applicable dans ses rapports avec celle-ci, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il incombe au propriétaire qui conteste au locataire le bénéfice du statut des baux commerciaux d'apporter la preuve que la clientèle existait réellement avant l'ouverture du fonds et a été transmise au preneur par le contrat l'autorisant à entrer dans les lieux ; qu'en considérant au contraire que M. X..., locataire, devait apporter la preuve qu'il avait personnellement apporté la clientèle, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'un contrat de location-gérance ne peut justifier la disqualification d'un bail commercial conclu antérieurement à la location-gérance et ayant déjà reçu exécution ; qu'en refusant à M. X... le bénéfice du statut des baux commerciaux, tout en constatant que le contrat de location-gérance applicable entre les parties était postérieur à l'entrée dans les lieux du preneur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et le décret du 30 septembre 1953 ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'entre la date d'ouverture de la station service, en 1965, et celle de la prise de fonctions de M. X..., en 1968, il existait une clientèle attachée à la marque Esso, la cour d'appel en a déduit à juste titre et sans inverser la charge de la preuve que, faute pour ce dernier d'établir avoir, sinon créé, du moins notablement développé une clientèle personnelle, il ne saurait être considéré comme propriétaire du fonds et ainsi prétendre au bénéfice des dispositions du décret du 30 septembre 1953 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche : Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour décider que la rupture des relations commerciales était exclusivement imputable à la société Essant, l'arrêt retient que celle-ci n'était pas fondée à exiger le paiement comptant des livraisons ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... avait déclaré, dans ses dernières écritures : " qu'Esso exige le paiement comptant, soit ; qu'elle exige un paiement d'avance avant la livraison, non ! " et " le paiement étant stipulé comptant, le vendeur Esso était soumis à l'obligation de délivrance, (qui) s'opère par la tradition réelle ", ce dont il résultait que l'exigence d'un paiement comptant n'était pas discutée par M. X..., qui se bornait à refuser le principe d'un paiement avant le dépotage de l'essence et la mise du produit dans les cuves de la station, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la rupture des relations commerciales était exclusivement imputable à la société Essant, en ce qu'il a rejeté la demande de celle-ci en réparation de son préjudice et en ce qu'il l'a condamnée à payer diverses sommes à M. X... tant à titre de dommages-intérêts que par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 novembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre.