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Décisions

TUE, 1re ch., 21 avril 2021, n° T-525/19

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Intering Sh.p.k, Steinmüller Engineering GmbH, Deling d.o.o. za proizvodnju, ZM-Vikom d.o.o. za proizvodnju

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

H. Kanninen

Juges :

O. Porchia, M. Stancu (rapporteure)

Avocat :

R. Spielhofen

TUE n° T-525/19

21 avril 2021

TRIBUNAL (première chambre)

Antécédents du litige

1 L’Union européenne, représentée par la Commission européenne, a publié, le 19 mars 2019, un avis de marché relatif à une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché visant la réduction de la poussière et des oxydes d’azote des unités B1 et B2 de la centrale thermique Kosovo B, sous la référence EuropeAid/140043/DH/WKS/XK (ci-après l’« avis de marché »).

2 Le point 17.2 de l’avis de marché, tel que modifié par le corrigendum no 2 du 17 avril 2019, contient les critères de sélection et d’attribution relatifs à la capacité technique et professionnelle du candidat.

3 Le point 17.2, sous a), de l’avis de marché prévoit que le candidat doit avoir achevé au cours des huit dernières années au moins un projet de même nature et de même complexité couvrant certaines catégories bien précisées dans ledit avis, sur des centrales au lignite d’une puissance électrique nominale d’au moins 200 mégawatts (MW).

4 Conformément au point 17.2, sous c), de l’avis de marché, dans le cas d’une offre émanant d’une coentreprise ou d’un consortium, son membre principal doit avoir la capacité d’exécuter au moins 40 % des travaux du marché par ses propres moyens.

5 La procédure prévue par l’avis de marché pour la passation du marché en cause était une procédure restreinte. Le point 13 de l’avis de marché précise à cet égard que, sur la base des candidatures reçues, une présélection sera établie et que seuls les candidats satisfaisant aux critères de sélection seront présélectionnés et invités par le pouvoir adjudicateur à présenter une offre (ci-après la « liste restreinte »). En outre, l’avis de marché indiquait que, sur la base des candidatures reçues, quatre à six candidats seraient invités à présenter une offre détaillée dans le cadre du marché en objet.

6 Les requérantes, Intering Sh.p.k, Steinmüller Engineering GmbH, Deling d.o.o. za proizvodnju, promet i usluge et ZM-Vikom d.o.o. za proizvodnju, konstrukcije i montažu, ont formé un consortium et ont manifesté leur intérêt à participer à la procédure en soumettant, dans le délai prescrit, courant jusqu’au 6 mai 2019, un dossier de candidature contenant certains documents.

7 Après l’expiration du délai fixé pour la présentation des dossiers de candidature, le comité d’évaluation a invité les requérantes, à trois reprises, à lui fournir des éclaircissements sur les documents soumis.

8 Les requérantes ont répondu aux demandes de renseignements.

9 Par courrier du 7 juin 2019, sous la référence Ares(2019)3677456, adressé au chef de file du consortium, Intering, la Commission a informé les requérantes que leur candidature n’avait pas été présélectionnée, étant donné qu’elle ne remplissait pas les critères énoncés au point 17.2, sous a) et c), de l’avis de marché (ci-après la « décision du 7 juin 2019 »).

10 Par courrier du même jour, les requérantes ont contesté la décision du 7 juin 2019.

11 Par courrier du 13 juin 2019, complété par un courrier du 28 juin 2019, lequel comprenait plusieurs informations et documents qui n’avaient pas été soumis avec le dossier de candidature initial, les requérantes ont introduit une plainte relative à la décision du 7 juin 2019, demandant le sursis à l’exécution de ladite décision et leur inscription sur la liste restreinte.

12 À la suite de cette plainte, la procédure de passation du marché a été suspendue aux fins d’un réexamen, ce qui a été communiqué aux requérantes par courrier du 23 juillet 2019, sous la référence AresD(2019)NA/vk/4806398.

13 Par courrier du 30 juillet 2019, sous la référence Ares(2019)4979920 (ci-après la « décision du 30 juillet 2019 »), la Commission a informé les requérantes, d’une part, que la décision du 7 juin 2019 avait été annulée en raison du manque de clarté du critère de sélection visé au point 17.2, sous c), de l’avis de marché, lequel avait, en conséquence, été supprimé des critères de sélection, et, d’autre part, que leur candidature avait une nouvelle fois été rejetée. À cet égard, la décision du 30 juillet 2019 indiquait que, après réévaluation du dossier de candidature des requérantes, tel que soumis dans le délai prescrit allant jusqu’au 6 mai 2019, il avait été constaté que celui-ci ne contenait notamment aucune preuve du fait que le critère de capacité technique et professionnelle énoncé au point 17.2, sous a), de cet avis, aurait été respecté.

14 Le même jour, un autre courrier, sous la référence Ares(2019)4980092, au contenu quasi identique à celui de la décision du 30 juillet 2019, a été adressé au chef de file du consortium.

15 Par courrier du 1er août 2019, complété par courrier du 2 août suivant, les requérantes ont introduit une plainte contre la décision du 30 juillet 2019 et ont demandé la suspension du marché.

16 Par courrier du 7 août 2019, sous la référence Ares(2019)5134299, les requérantes ont été informées que la présélection était maintenue et que toute nouvelle suspension de la procédure de passation de marché était refusée.

17 Le 18 octobre 2019, le marché a définitivement été attribué au consortium Engineering Dobersek GmbH, Hamon Thermal Europe SA und RJM Corporation (EC) Limited (ci-après la « décision du 18 octobre 2019 »).

Procédure et conclusions des parties

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juillet 2019, les requérantes ont introduit le présent recours.

19 Dans la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision du 7 juin 2019 ;

– faire droit à la demande d’obtention de preuve par voie de témoignage.

20 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 2 août 2019, les requérantes ont demandé, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, à pouvoir adapter la requête afin que leur recours vise la décision du 30 juillet 2019 et non plus celle du 7 juin 2019.

21 La Commission n’a pas déposé d’observations dans le délai imparti en réponse au mémoire en adaptation des requérantes.

22 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 août 2019, les requérantes ont introduit une demande en référé au titre de l’article 278 TFUE et de l’article 156 du règlement de procédure, tendant, en substance, au sursis à l’exécution de la décision du 30 juillet 2019 ainsi qu’à la suspension de la procédure de passation de marché.

23 Par ordonnance du 13 septembre 2019, Intering e.a./Commission (T 525/19 R, non publiée, EU:T:2019:606), le président du Tribunal a rejeté ladite demande en référé et a réservé les dépens.

24 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 9 octobre 2019, les requérantes ont introduit une nouvelle demande en référé au titre de l’article 278 TFUE et de l’article 156 du règlement de procédure, tendant, en substance, au sursis à l’exécution de la décision du 30 juillet 2019 ainsi qu’à la suspension de la procédure de passation de marché.

25 Par ordonnance du 11 novembre 2019, Intering e.a./Commission (T 525/19 R II, non publiée, EU:T:2019:787), le Tribunal a rejeté ladite demande en référé des requérantes et a réservé les dépens.

26 Le 8 octobre 2019, la Commission a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

27 Dans le mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– rejeter la demande de témoignage des requérantes ;

– condamner les requérantes aux dépens.

28 Le 4 décembre 2019, les requérantes ont déposé au greffe du Tribunal la réplique.

29 Dans la réplique, les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– statuer conformément au mémoire en adaptation ;

– annuler la décision du 18 octobre 2019 ;

– faire droit à la demande d’obtention de preuve par voie de témoignage ;

– condamner la Commission aux dépens.

30 Le 27 mars 2020, la Commission a déposé au greffe du Tribunal la duplique.

31 Dans la duplique, la Commission invite, en substance, le Tribunal à statuer conformément aux conclusions présentées dans le mémoire en défense et à rejeter la demande tendant à l’annulation de la décision du 18 octobre 2019.

32 Le Tribunal (première chambre) a décidé en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

En droit

Sur la prétendue méconnaissance par la Commission des dispositions du règlement de procédure relatives au délai de dépôt du mémoire en défense

33 Dans la réplique, les requérantes allèguent que la Commission n’a pas déposé dans les délais impartis le mémoire en défense et n’a également pas déposé une demande de prorogation, de sorte qu’elles auraient pu demander que le Tribunal statue par défaut, ce qu’elles n’ont cependant pas fait.

34 À cet égard, il y a lieu de constater que cette allégation des requérantes découle d’une confusion entre la date du dépôt du mémoire en défense au greffe du Tribunal, d’une part, et celle de sa signification aux requérantes, d’autre part.

35 En effet, il ressort des éléments du dossier que la requête a, conformément à l’article 6 de la décision du Tribunal, du 11 juillet 2018, relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia, été signifiée à la Commission le 29 juillet 2019 et que le mémoire en défense a été déposé au Tribunal le 8 octobre 2019. Le mémoire en défense a donc été déposé au greffe du Tribunal dans le délai de deux mois prescrit par l’article 81, paragraphe 1, du règlement de procédure, augmenté du délai de distance prévu par l’article 60 de ce même règlement.

36 Le fait que ledit mémoire ait été signifié aux requérantes après ce délai n’a aucune incidence sur son dépôt au greffe du Tribunal conformément aux dispositions pertinentes du règlement de procédure. C’est donc à juste titre que la phase écrite de la procédure a été poursuivie.

37 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission a méconnu les prescriptions du règlement de procédure relatives au délai du dépôt du mémoire en défense.

Sur la demande d’annulation de la décision du 18 octobre 2019

38 Il y a lieu de constater que les conclusions figurant dans la requête, telles qu’adaptées à la suite du mémoire en adaptation, tendent uniquement à l’annulation de la décision du 30 juillet 2019. Ce n’est qu’au stade de la réplique que les requérantes ont demandé l’annulation de la décision du 18 octobre 2019.

39 Or, à supposer que les requérantes aient entendu introduire un nouveau recours tendant à l’annulation de la décision du 18 octobre 2019 dans le cadre de la réplique, il suffit de rappeler que, aux termes de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, la Cour de justice de l’Union européenne est saisie par une requête adressée au greffier et non, comme en l’espèce, par le dépôt d’un acte dans le cadre d’une procédure qui est déjà pendante.

40 En outre, dans l’hypothèse où les requérantes auraient simplement entendu modifier leurs conclusions afin qu’elles visent également la décision du 18 octobre 2019, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 76 du règlement de procédure, la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige et de présenter ses conclusions dans l’acte introductif d’instance. Si l’article 84, paragraphe 1, du même règlement permet la production de moyens nouveaux en cours d’instance à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, il ne peut pas être interprété comme autorisant la partie requérante à saisir le juge de l’Union de conclusions nouvelles et à modifier ainsi l’objet du litige ou la nature du recours (arrêt du 7 novembre 2019, Rose Vision/Commission, C 346/18 P, non publié, EU:C:2019:939, point 43). Ainsi, et sous réserve des circonstances prévues à l’article 86 du règlement de procédure, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération et le bien-fondé du recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance [arrêts du 21 octobre 2015, Petco Animal Supplies Stores/OHMI – Gutiérrez Ariza (PETCO), T 664/13, EU:T:2015:791, point 25, et du 8 novembre 2017, De Nicola/Cour de justice de l’Union européenne, T 99/16, non publié, EU:T:2017:790, point 28].

41 Il convient donc d’examiner si la demande d’annulation de la décision du 18 octobre 2019 relève des circonstances visées à l’article 86 du règlement de procédure. Le paragraphe 1 de cette disposition prévoit que, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau.

42 Or, il y a lieu de constater que, si la décision du 18 octobre 2019 est postérieure à l’introduction du présent recours, elle ne remplace ni ne modifie celle du 30 juillet 2019.

43 Il convient dès lors de conclure que les requérantes ne sauraient se prévaloir de l’article 86 du règlement de procédure pour adapter, au stade de la réplique, leurs conclusions afin que celles-ci visent également la décision du 18 octobre 2019.

44 Il s’ensuit que la demande d’annulation de la décision du 18 octobre 2019 est manifestement irrecevable.

Sur le recours introduit contre la décision du 30 juillet 2019

45 Il convient de rappeler que, ainsi que cela est précisé au point 13 ci-dessus, par la décision du 30 juillet 2019, la Commission a informé les requérantes que, d’une part, la décision du 7 juin 2019 avait été annulée en raison du manque de clarté du critère de sélection visé au point 17.2, sous c), de l’avis de marché et, d’autre part, que leur candidature avait une nouvelle fois été rejetée en raison du fait que celle-ci ne contenait aucune preuve concernant le respect du critère de capacité technique et professionnelle énoncé au point 17.2, sous a), de cet avis.

46 Au soutien de leur demande en annulation de la décision du 30 juillet 2019, les requérantes invoquent sept moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation des principes de transparence, de proportionnalité et d’égalité de traitement en ce que la Commission aurait omis de clarifier ses doutes concernant les documents produits par les requérantes. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des principes de transparence et de proportionnalité ainsi que des dispositions du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »), en ce que la Commission aurait omis de motiver l’exclusion des requérantes de la suite de la procédure d’appel d’offres et qu’elle ne leur a accordé aucun accès au rapport d’évaluation détaillé et aux informations concernant les avantages et les caractéristiques des candidats sélectionnés dans la liste restreinte. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe général selon lequel il ne doit être apporté aucune modification aux documents du marché au cours de la procédure d’appel d’offres. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 231/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014, instituant un instrument d’aide de préadhésion (IAP II) (JO 2014, L 77, p. 11) et de l’article 1er, paragraphes 3 et 6, du règlement (UE) no 236/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014, énonçant des règles et des modalités communes pour la mise en œuvre des instruments de l’Union pour le financement de l’action extérieure (JO 2014, L 77, p. 95), du fait d’un manquement aux principes généraux du droit des marchés publics. Le cinquième moyen est tiré d’une violation des dispositions du guide intitulé « Marchés publics et subventions dans le cadre des actions extérieures de l’Union européenne – un guide pratique » en ce qui concerne le point 17 de l’avis de marché. Le sixième moyen est tiré d’une violation des dispositions du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), en ce que la Commission aurait omis de motiver sa décision relative à l’exclusion des requérantes de la suite de la procédure d’appel d’offres et qu’elle ne leur aurait accordé aucun accès au rapport d’évaluation détaillé et aux informations concernant les avantages et les caractéristiques des candidats sélectionnés dans la liste restreinte. Enfin, le septième moyen est tiré d’une violation des critères de sélection visés au point 17.2, sous a), de l’avis de marché, lesquels n’auraient pas été correctement appliqués par la Commission.

47 Aux fins de la présente procédure, il convient d’analyser, en premier lieu, le troisième moyen, lequel se divise en deux branches.

48 Dans le cadre de la première branche, les requérantes font valoir, en se référant à l’article 166, paragraphe 2, première phrase, et à l’article 167, paragraphe 1, sous c), du règlement financier, que la Commission aurait enfreint le principe général selon lequel le dossier de l’appel à la concurrence doit être protégé contre toute modification en cours de procédure, étant donné que, à la suite de l’omission du critère visé au point 17.2, sous c), de l’avis de marché, leur candidature aurait été évaluée sur la base de sous-critères et d’interprétations pour lesquels il n’existerait aucune disposition dans les documents en cause.

49 Dans le cadre de la seconde branche, les requérantes remettent en cause le déroulement même de la procédure de sélection. Elles allèguent que, en apportant une modification aussi substantielle à la procédure de présélection que l’omission du critère de sélection relatif au point 17.2, sous c), de l’avis de marché, la Commission aurait commis une violation du principe d’égalité de traitement si grave qu’il convenait de recommencer la procédure d’appel d’offres.

50 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

51 Il convient de commencer par l’analyse de la seconde branche du troisième moyen.

52 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier prévoit que les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget de l’Union respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

53 Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose notamment que tous les soumissionnaires se trouvent sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées (voir arrêt du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., C 331/04, EU:C:2005:718, point 22 et jurisprudence citée).

54 Ce principe d’égalité de traitement implique également une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêt du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C 470/99, EU:C:2002:746, point 91).

55 Ainsi, la Cour a jugé que l’objet et les critères d’attribution des marchés publics devaient être clairement déterminés dès le début de la procédure de passation de ceux-ci (arrêt du 10 mai 2012, Commission/Pays-Bas, C 368/10, EU:C:2012:284, point 56).

56 En outre, les principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures d’adjudication impliquent que le pouvoir adjudicateur doit s’en tenir à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure (voir arrêt du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C 19/00, EU:C:2001:553, point 43 et jurisprudence citée) et, à plus forte raison, de ne pas modifier les critères d’attribution au cours de la procédure (arrêt du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, C 448/01, EU:C:2003:651, point 93).

57 Il s’ensuit que, en cas d’annulation, par le pouvoir adjudicateur, d’une décision relative à un critère d’attribution, il ne saurait, sans enfreindre les principes d’égalité de traitement et de transparence, valablement continuer la procédure de passation de marché public en faisant abstraction de ce critère, puisque cela reviendrait à modifier les critères applicables à la procédure en question (voir, par analogie, arrêt du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, C 448/01, EU:C:2003:651, point 94).

58 Cette jurisprudence est applicable mutatis mutandis aux critères de sélection.

59 En effet, quand bien même les critères de sélection, appliqués lors de la première étape d’une procédure restreinte, seraient de nature plus objective, dans la mesure où ils n’impliquent pas d’exercice de pondération, il n’en demeure pas moins que la suppression, au cours de la procédure d’appel d’offres, d’un desdits critères peut avoir des conséquences et se heurter au principe d’égalité de traitement. Ainsi, une telle suppression a une incidence sur tout candidat ayant participé à la procédure d’appel d’offres et ayant été écarté de la suite de la procédure, au motif qu’il ne remplissait pas le critère de sélection qui a ultérieurement été supprimé. De même, ladite suppression affecte la position de tout candidat potentiel qui n’aurait pas participé à l’appel d’offres, notamment en raison du fait qu’il s’estimait dans l’incapacité de satisfaire le critère qui, ultérieurement, à son insu, a été supprimé.

60 Dès lors, il y a lieu de constater que, en supprimant le critère visé au point 17.2, sous c), de l’avis de marché, tout en continuant la procédure de passation de marché, la Commission a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence qui en découle, tels qu’interprétés par la jurisprudence de la Cour mentionnée aux points 53 à 57 ci-dessus.

61 Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument de la Commission selon lequel la suppression du critère mentionné au point 17.2, sous c), de l’avis de marché n’a en rien modifié la situation concernant le point 17.2, sous a), de cet avis dont le non-respect par les requérantes avait déjà entraîné la non-sélection de celles-ci lors de la décision du 7 juin 2019.

62 En effet, il ne saurait être présumé, dans l’hypothèse où la Commission aurait mis un terme à la procédure de passation de marché en cours et émis un nouvel avis de marché relatif au même marché, que le critère du point 17.2, sous a), de l’avis de marché aurait été maintenu dans des termes identiques. Il ne saurait non plus être exclu que la Commission aurait repris le critère du point 17.2, sous c), de l’avis du marché, quoique dans des termes plus clairs.

63 En tout état de cause, force est de constater que, dans une telle hypothèse, les requérantes auraient pu soumettre à la Commission les informations et les documents de leur courrier du 28 juin 2019 qui n’avaient pas été pris en compte dans la procédure ayant mené à la décision du 30 juillet 2019 en ce qu’ils avaient été déposés après le délai initial de dépôt des candidatures. De surcroît, elles auraient également eu la possibilité de déposer d’autres informations et d’autres documents. Ainsi, il ne saurait être exclu que, dans le cadre d’une nouvelle procédure et sur la base de nouveaux éléments, la Commission aurait pu considérer que les requérantes respectaient bel et bien le critère du point 17.2, sous a), du nouvel avis de marché, si ce dernier avait été maintenu.

64 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’accueillir la seconde branche du troisième moyen.

65 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler la décision du 30 juillet 2019, sans qu’il soit nécessaire, ni d’examiner la première branche du troisième moyen ou les autres moyens soulevés par les requérantes, ni de se prononcer sur la demande de mesures d’instruction présentée par elles, relative à la convocation d’un employé du chef de file du consortium afin qu’il témoigne de son expérience dans la mesure requise par les conditions de l’appel d’offres.

 Sur les dépens

66 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents aux procédures de référé, conformément aux conclusions des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

Déclare et arrête :

1) La décision Ares(2019)4979920 de la Commission européenne, du 30 juillet 2019, de ne pas retenir la candidature d’Intering Sh.p.k, Steinmüller Engineering GmbH, Deling d.o.o. za proizvodnju, promet i usluge et ZM-Vikom d.o.o. za proizvodnju, konstrukcije i montažu pour participer à la procédure restreinte de passation du marché relatif à l’appel d’offres EuropeAid/140043/DH/WKS/XK, est annulée.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) La Commission est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents aux procédures de référé.