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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 16 avril 2021, n° 20/10148

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Food & Co (SAS)

Défendeur :

GBM Invest (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseillers :

Mme Le Cotty, Mme Aldebert

Avocats :

Me Ohana, Me Vignes, Me Marques

T. com. Paris, du 18 juin 2020

18 juin 2020

La société de droit luxembourgeois GBM Invest a conclu avec la société Food & Co un contrat de franchise portant sur l'exploitation, sous l'enseigne Nabab, d'un établissement de restauration rapide situé à Rueil Malmaison (92), avec effet au 1er juillet 2018.

La société Food & Co et ses associés, MM. Y et Z, ont été mis en demeure à deux reprises, en mai puis en août 2019, de respecter les obligations s'imposant aux franchisés.

Par actes des 23 et 24 janvier 2020, la société GMB Invest a assigné M. Y, M. Z et la société Food & Co devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris en constatation de la résiliation de plein droit, au 1er août 2019, du contrat de franchise et condamnation au paiement de provisions au titre des redevances exigibles au jour de la résiliation et en réparation de son préjudice du fait de l'utilisation illicite de la franchise Nabab.

Par ordonnance du 18 juin 2020, le juge des référés a :

Constaté la résiliation de plein droit, depuis le 1er août 2019, du contrat de franchise ; constaté que depuis cette date, la société Food & Co exploite sans droit ni autorisation du franchiseur un restaurant à la franchise Nabab ;

- ordonné à la société Food & Co de cesser d'utiliser et de retirer tous les signes distinctifs et éléments spécifiques à la franchise Nabab et plus généralement de se conformer à l'article 15 du contrat régissant la fin du contrat, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- dit que MM. Y et Z sont solidairement responsables de l'exécution de ces obligations et du paiement de l'astreinte ;

- laissé la liquidation de l'astreinte au juge de l'exécution ; condamné la société Food & Co, solidairement avec MM. Y et Z à payer par provision à la société GBM Invest :

- la somme de 14 867,02 euros au titre des redevances provisionnelles exigibles au jour de la résiliation ; la somme de 1 000 euros par jour du 9 juin au 1er août 2019 par application de l'article 12-3 du contrat ;

- condamné la société Food & Co, solidairement avec MM. Y et Z, à payer à la société GBM Invest la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Food & Co aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidé à la somme de 79,83 euros TTC dont 13,09 euros de TVA.

Par déclaration du 21 juillet 2020, la société Food & Co et MM. Chanthasensack et Z ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs conclusions, signifiées le 28 octobre 2020, ils demandent à la cour de :

Infirmer l'ordonnance entreprise ; débouter la société GBM Invest de l'intégralité de ses demandes ; la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 4 février 2021, la société GBM Invest demande à la cour de :

Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Food & Co et MM. Chanthasensack et M. Z ;

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 février 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Les appelants font valoir à titre liminaire qu'ils n'ont pu présenter leur défense devant le tribunal de commerce de Paris, n'ayant pas reçu la lettre du greffe du 2 juin 2020 qui aurait invité les parties à se mettre en état dans les 15 jours, avant une décision sans audience du juge.

Ils ne tirent toutefois aucune conséquence de ce moyen pris d'une violation du principe de la contradiction et, en tout état de cause, à supposer que l'ordonnance entreprise soit entachée de nullité, la cour d'appel serait tenue, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les demandes des parties.

Sur la demande de constat de la résiliation du contrat de franchise

Selon l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, le contrat liant les parties comporte une clause de résiliation par le franchiseur sans mise en demeure préalable dans les termes suivants (article 12-1-1) :

« Afin de protéger le réseau image de la Marque, et donc d'assurer au Franchisé l'exploitation paisible du restaurant pendant l'exécution du contrat, le franchiseur notifiera au franchisé le jeu de la présente clause résolutoire, sans mise en demeure préalable, en cas de manquement grave de celui-ci à ses obligations contractuelles et telles que limitativement énumérées ci-après : (...) En cas de violation des clauses d'approvisionnement exclusif du contrat prévu aux articles 3-2-5 (ii), 4-3-2 (iii) et 6-2-1 du contrat ».

Le contrat comporte également une clause de résiliation avec mise en demeure préalable (article 12-1-2) dans les termes suivants :

« En dehors des cas prévus ci-dessus, en cas d'inexécution ou de manquement par le franchisé à l'une quelconque de ses obligations non listées à l'article 12-1-1 ci-dessus, à savoir :

(...)

- article 4-4-1 du contrat relatif à l'assistance informatique et les données ;

(...)

- article 5-2-8 du contrat relatif à la transmission des informations ;

(…)

- article 6 du contrat relatif aux produits et services ;

(…) ou de toutes autres obligations du contrat, ou en cas d'agissements du franchisé de nature à porter un préjudice au Franchiseur, ce dernier pourra, après notification faite au franchisé et non suivie d'effet dans un délai d'1 (un) mois, résilier de plein droit le contrat par une nouvelle notification, et ce, sans formalité judiciaire.

La résiliation prendra effet à compter de la présentation de cette seconde notification au franchisé. »

Le 24 mai 2019, la société GBM Invest a adressé à la société Food & Co une lettre recommandée de mise en demeure visant la clause résolutoire et lui notifiant les manquements suivants :

« 1. Vous n'avez pas mis en place, dans votre restaurant, les nouveaux menus établis pour l'ensemble des membres du réseau Nabab » (article 6-1 du contrat) ;

« 2. Vous n'adressez pas à votre franchiseur vos déclarations mensuelles de TVA » (article 5-2-8, alinéa 3) ;

« 3. Vous n'adressez pas à votre franchiseur vos comptes annuels certifiés, ni vos rapports de gestion » (article 5-2-8, alinéa 3) ;

« 4. En dépit de multiples relances, vous persistez à refuser de vous approvisionner auprès du fournisseur référencé par votre franchiseur, au mépris de vos obligations contractuelles » article 6-2-1) ;

« 5. Vous n'avez toujours pas intégré le système d'encaissement Zelty, seul référencé par le franchiseur » (article 4-4-1).

La société GBM Invest a mis en demeure la société Food & Co de se conformer à chacune de ces obligations et a précisé qu'à défaut pour celle-ci de s'y conformer dans un délai d'un mois, il serait « fait application de la clause résolutoire » du contrat.

Une seconde mise en demeure visant la clause résolutoire a été adressée à la société Food & Co par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er août 2019.

Celle-ci rappelait les termes de la précédente et y ajoutait une mise en demeure de payer les redevances de franchise à hauteur de la somme de 7.808,43 euros, visant la clause résolutoire précitée, prévue à l'article 12-1-2 du contrat et les obligations relatives à la redevance de marque (article 8-2-1), à la redevance de savoir-faire (article 8-2-2), à la redevance d'assistance (8-2-3) et aux modalités de paiement des redevances (article 27-2-5).

La société GBM Invest soutient que la société Food & Co n'a pas répondu aux mises en demeure ni respecté ses obligations contractuelles et qu'aucune des factures de redevances qu'elle a émises n'a été réglée à compter du mois de mars 2019.

L'appelante ne conteste pas la réception de ces mises en demeure ni l'inexécution de ses obligations contractuelles mais soutient qu'elle avait pour obligation de se fournir auprès de centrales pratiquant des prix supérieurs à tous les autres fournisseurs et dont les délais de livraison étaient extrêmement longs. Elle relève également qu'un grand nombre de franchisés Nabab ont rencontré les mêmes difficultés et ont changé d'enseigne ou déposé le bilan.

Elle invoque en outre une inexécution de ses obligations par la société GBM Invest, soutenant avoir été délaissée par le franchiseur, qui n'a pas procédé au suivi et n'a pas fourni l'aide prévue par le contrat de franchise.

Cependant, elle ne justifie pas du non-respect, par la société GBM Invest, de ses obligations contractuelles, les quelques lettres qu'elle lui a adressées étant insuffisantes pour attester de l'inexécution des obligations contractuelles du franchiseur et justifier une inexécution, alors que, de son côté, elle ne conteste pas avoir cessé le règlement des redevances notamment.

Elle ne peut contester l'obligation de s'approvisionner auprès de fournisseurs référencés, qui était expressément prévue à l'article 6-2-1 du contrat qu'elle a signé.

Elle soutient également s'être déplacée au siège social de la société GMB Invest, au Luxembourg, et n'y avoir trouvé qu'une boîte aux lettres, mais ne produit aucune pièce pour en justifier, à l'exception d'une lettre adressée à la société GBM Invest, dans laquelle elle fait état de ce déplacement et notifie l'arrêt du paiement des royalties en raison des insuffisances alléguées de celle-ci.

En l'état de ces éléments, la contestation de l'appelante n'apparaît pas sérieuse et la demande principale de constat de la résiliation du contrat est fondée.

Il résulte des stipulations contractuelles précitées que la résiliation de plein droit du contrat prend effet après notification faite au franchisé et non suivie d'effet dans un délai d'un mois, « par une nouvelle notification, et ce, sans formalité judiciaire » [...] « à compter de la présentation de cette seconde notification au franchisé. »

La première notification est intervenue le 24 mai 2019 et la seconde le 1er août 2019. Il résulte de l'avis de réception produit par l'intimée qu'elle a été réceptionnée par la société Food & Co le jour même. Le contrat est donc résilié depuis le 1er août 2019.

Depuis cette date, la société Food & Co ne dispose plus d'aucun droit pour exploiter un restaurant mentionnant les signes d'appartenance au réseau de franchise Nabab, l'article 15-1 du contrat stipulant qu'en cas de cessation de celui-ci, « le franchisé devra cesser immédiatement d'exploiter le restaurant sous l'enseigne, d'utiliser le savoir-faire et de faire référence à la marque comme aux droits de propriété intellectuelle appartenant au franchiseur ».

Il est également prévu l'obligation pour le franchisé de descendre, dans un délai de 15 jours, à ses frais, l'enseigne et de supprimer de sa vitrine tout élément relatif à la marque, dès la cessation des effets du contrat.

La société Food & Co expose, au soutien de son appel, qu'elle a immédiatement, après avoir reçu la mise en demeure de la Société GBM Invest, retiré les signes et éléments spécifiques distinctifs de Nabab, de sorte qu'il n'existerait aucun trouble manifestement illicite.

Cependant, il résulte du procès-verbal de constat établi le 11 octobre 2019, versé aux débats par l'intimée, qu'à cette date, si l'établissement exploité par la société Food & Co était fermé, l'enseigne Nabab demeurait en évidence (vitrines, panneaux aux murs etc...).

C'est donc à bon droit que le premier juge a ordonné à la société Food & Co de cesser d'utiliser et de retirer tous les signes distinctifs et éléments spécifiques à la franchise Nabab et, plus généralement, de se conformer à l'article 15 du contrat, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Sur la demande de provision

Selon l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application de l'articles 8-2 du contrat liant les parties, le franchisé est tenu au paiement de plusieurs redevances calculées à partir du chiffre d'affaires mensuel réalisé.

L'article 5-2-8 précise qu'en l'absence de communication par celui-ci de son chiffre d'affaires mensuel dans les 5 jours de la demande qui lui est faite, les « redevances seront calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par le restaurant le mois précédent, puis régularisées en fonction du chiffre d'affaires réel ».

En l'espèce, l'appelante n'ayant pas communiqué son chiffre d'affaires depuis le mois de mai 2019, elle est redevable d'un montant mensuel calculé sur la base du chiffre d'affaires d'avril 2019, soit la somme mensuelle de 2.602,81 euros selon les décomptes produits par l'intimée et non contestés dans leur principe ni leur quantum.

Elle a reçu une mise en demeure le 1er août 2019 pour la somme de 7 808,43 euros au titre des redevances de mai à juillet 2019.

Elle est également débitrice des factures impayées pour les redevances de février à avril 2019 (soit 2 132,90 + 2 322,88 + 2 602,81).

Son obligation non sérieusement contestable s'élève donc à la somme de 14 867,02 euros, au paiement de laquelle elle sera condamnée à titre provisionnel.

Sur la demande au titre de « l'astreinte » pour retard

L'article 12-3 du contrat de franchise intitulé « Astreinte » stipule que : « En cas d'inexécution par le franchisé de l'une quelconque des obligations mises à sa charge par le contrat, le franchisé sera redevable envers le franchiseur d'une somme de mille euros (1 000 €) par jour de retard et par manquement, sans préjudice des dommages et intérêts que le franchiseur pourrait par ailleurs demander pour réparer intégralement le préjudice subi en raison de l'Inexécution. Ce montant sera dû dans les 15 jours de la notification, adressé par le franchiseur franchisé et/ou l'associé, d'une mise en demeure de se conformer à ses obligations contractuelles. »

Cette somme forfaitaire est cependant susceptible de revêtir un caractère manifestement excessif, au sens de l'article 1231-5 du code civil, de sorte que la demande formulée à ce titre se heurte à une contestation sérieuse. Aussi convient-il de rejeter la demande de provision formulée de ce chef.

Sur les demandes dirigées contre les associés

L'article 22 du contrat de franchise désigne les associés de la société franchisée, à savoir MM. Y et Z, et précise que « l'associé et le franchisé s'engagent solidairement dans l'exécution des obligations pesant sur eux au titre du contrat ».

La demande de condamnation solidaire formée par la société GBM Invest est donc fondée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance entreprise doit être confirmée en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la provision de 1 000 euros par jour du 9 juin 2019 au 1er août 2019.

Sur les demandes accessoires

La société Food & Co, partie perdante, sera tenue aux dépens, solidairement avec MM. Y et Z.

Elle sera également condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en son chef de dispositif relatif à la condamnation de la société Food & Co au paiement d'une provision de 1 000 euros par jour du 9 juin 2019 au 1er août 2019 par application de l'article 12-3 du contrat ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Rejette la demande de provision de 1 000 euros par jour du 9 juin au 1er août 2019, par application de l'article 12-3 du contrat, formée par la société GBM Invest à l'encontre de la société Food & Co et de MM. Y et Z ;

Y ajoutant,

Condamne solidairement la société Food & Co et MM. Chanthasensack et M. Z aux dépens d'appel ;

Les condamne solidairement à payer à la société GBM Invest la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.